Intervention de Nicole Ameline

Réunion du 11 mai 2016 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Ameline, rapporteure :

Madame la Présidente, mes chers collègues, Il me revient de vous présenter un accord sous forme d'échange de lettres entre la France et le Royaume-Uni transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la liaison transmanche de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d'un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche

Cet accord vise à transposer dans les droits nationaux français et britannique la directive n° 201234UE établissant un espace ferroviaire unique européen, pour ce qui concerne la liaison fixe transmanche.

La directive 201234UE, adoptée le 21 novembre 2012, constitue une refonte du premier paquet ferroviaire de 2001. Elle abroge trois directives sur l'accès aux infrastructures et la gouvernance ferroviaires.

Cette directive devait être transposée dans les droits nationaux avant le 6 juin 2015. En France, l'essentiel du travail de transposition a été réalisé par trois textes : la loi n° 2014-872 du 4 août 2014, L'ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015 et le décret n° 2015-1040 du 20 août 2015 relatif à l'accès aux réseaux ferroviaires. La directive est donc transposée pour l'ensemble du réseau ferroviaire français, à l'exception de la liaison transmanche qui fait l'objet d'une gouvernance particulière.

La liaison fixe transmanche est régie par trois textes :

- le traité de Cantorbéry signé le 12 février 1986 par la France et le Royaume-Uni, qui autorise la construction et l'exploitation par des sociétés privées de cette liaison ;

- le contrat de concession quadripartite signé le 14 mars 1986 par les deux gouvernements français les concessionnaires, France Manche S.A. et le Channel Tunnel Group Limited, instituant le groupe Eurotunnel.

- la convention d'utilisation signée le 29 juillet 1987 par les concessionnaires d'une part, les usagers d'autre part, c'est-à-dire le British Railways Board et la SNCF.

Le traité de Cantorbéry confie à une commission intergouvernementale (CIG) la mission de « suivre au nom des deux Gouvernements et par délégation de ceux-ci l'ensemble des questions liées à la construction et à l'exploitation de la liaison fixe ».

À ce titre, la CIG participe à l'élaboration de la réglementation applicable à la concession et peut aussi contribuer à l'adoption de règlements binationaux, qui s'apparentent formellement à des accords bilatéraux entre les deux États. Le règlement binational actuellement en vigueur, et qui doit être abrogé par le présent texte, est celui de 2009.

Afin d'achever la transposition de la directive 201234UE, la France et le Royaume-Uni ont entamé des négociations en mai 2014 en vue d'adopter un nouveau règlement binational. Le texte résultant de ces négociations a été validé par la CIG le 23 juillet 2014, puis transmis pour consultations aux concessionnaires le 28 juillet 2014, conformément à l'article 27.4 de l'accord de concession entre les deux États et les deux concessionnaires.

Afin d'achever la transposition de la directive 201234UE, le nouveau règlement binational vise principalement à la mise en place d'un régulateur ferroviaire unique sur le territoire de chaque état et à l'élaboration d'un cadre de tarification applicable au gestionnaire d'infrastructure.

L'accord comprend huit articles et une annexe.

Les cinq premiers articles concernent le transfert de la compétence de régulateur économique de la commission intergouvernementale aux régulateurs nationaux.

Le premier point correspond à l'article 1er de l'accord. Ce dernier, transposant l'article 55 de la directive 201234UE, qui exige un régulateur ferroviaire unique et totalement indépendant des États, transfère expressément les fonctions de régulation de la Commission intergouvernementale (CIG) aux organismes de contrôle nationaux. Ces derniers sont l'Autorité de Régulation des Activités ferroviaires et routières (Arafer) du côté français et l'Office of Rail and Road (ORR) du côté britannique.

L'article 2 impose à la CIG de communiquer aux deux régulateurs nationaux l'ensemble des informations et documents qu'elle a pu détenir dans l'exercice de son mandat de régulateur économique.

L'article 3 vise à renforcer la sécurité juridique en réduisant la probabilité de divergences entre les deux régulateurs en cas de recours déposé devant l'un d'entre eux concernant la liaison fixe transmanche. Chaque recours doit ainsi être déposé devant les deux régulateurs, lesquels doivent coordonner leurs processus de décision, se consulter mutuellement et tenir la CIG informée. En cas de probabilité de décisions divergentes, toutes les parties intéressées, dont la CIG, doivent être consultées avant leur adoption.

L'accord conclu le 16 mars 2015 par l'Arafer et l'ORR a ainsi mis en place des mécanismes de coopération dans le cadre des procédures de règlement des différends.

L'article 4 maintient explicitement la compétence de la CIG dans les domaines qui n'ont pas été transférés aux régulateurs nationaux, c'est-à-dire son rôle général de supervision « au nom et pour le compte des deux gouvernements, de toutes les questions relatives à la construction et à l'exploitation du tunnel ».

Les dispositions transitoires de l'article 5 prévoient que les autorités juridictionnelles saisies d'un recours contre une décision prise par la CIG avant le transfert de sa compétence en matière de régulation aux régulateurs nationaux demeurent compétentes pour en connaître.

L'article 6 renvoie à l'annexe, qui établit le nouveau cadre de tarification, en application de l'article 29 de la directive 201234UE.

Avant l'entrée en vigueur du présent accord, la tarification est exclusivement régie par la convention d'utilisation de 1987 passée entre les concessionnaires d'une part, c'est-à-dire France Manche S.A. et le Channel Tunnel Group, les usagers sd'autre part, c'est-à-dire le British Railways Board et la SNCF, et qui comprend, entre autres, un cadre tarifaire qui figure dans le document de référence du réseau produit annuellement par Eurotunnel dans le cadre de ses obligations de gestionnaire d'infrastructure.

L'article 29 de la directive 201234UE oblige les États à mettre en place un cadre pour la tarification, tout en respectant l'indépendance de gestion prévue à l'article 4 de la même directive. Les politiques tarifaires, qui demeurent définies par la convention de 1987, répondent désormais aux règles générales figurant dans le cadre de tarification figurant en annexe du présent accord.

L'annexe, qui se compose de six articles, reprend les dispositions de la directives applicables à la tarification de la liaison transmanche.

L'article 1er, en application de l'article 2, paragraphe 9, de la directive, exclut les activités de navette du cadre de tarification.

L'article 2 de l'annexe applique l'article 8 de la directive qui permet aux États membres de demander aux gestionnaires d'infrastructures d'équilibrer leurs comptes sans financement de l'État.

L'article 3 réitère les principes d'équité, de non-discrimination et de transparence du cadre de tarification.

L'article 4 reprend dans son premier paragraphe l'article 31, paragraphe 3 de la directive sur le tarif minimum correspondant au coût encouru. Son deuxième paragraphe reprend l'article 32, paragraphe 2 de la directive sur le recouvrement des coûts à long terme. Le paragraphe 4 met en oeuvre l'article 32, paragraphe 1, de la directive relatif aux majorations. Le paragraphe 5 autorise l'inclusion dans les redevances d'utilisation d'une redevance au titre de la rareté des capacités, en application de l'article 31, paragraphe 4 de la directive. Les paragraphes 6 à 8, qui portent sur les réductions, mettent enfin en application les articles 33, paragraphes 2 à 5, et 26 de la directive.

L'article 5 traite du mode de calcul des redevances. L'article 6 exige en application de l'article 30, paragraphe 8, de la directive, que le gestionnaire d'infrastructure mette en place une méthode d'imputation des coûts.

L'article 7 de l'accord proprement dit abroge le règlement binational de 2009. L'article 8 prévoit enfin les modalités d'entrée en vigueur du règlement dès la notification par chaque gouvernement des procédures internes requises.

En transposant la directive 201234UE, le présent texte aboutit à l'unification du régime juridique applicable en matière de régulation économique des transports ferroviaires sur l'ensemble du réseau ferroviaire tout en tenant compte des particularités propres à la liaison fixe transmanche.

Le Royaume-Uni ayant notifié l'achèvement des procédures internes de ratifications le 25 septembre 2015, et le Sénat ayant déjà adopté la loi de ratification, il nous revient de procéder à la dernière étape de l'entrée en vigueur de ce texte et de le faire rapidement. En effet, la Commission intergouvernementale demeurant compétente pour la régulation économique du tunnel jusqu'à l'abrogation du règlement binational de 2009, les décisions qu'elle prend en la matière sont juridiquement fragiles.

Votre rapporteure vous recommande par conséquent l'adoption du texte qui nous est soumis.

Je vous remercie.

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