La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Nous avons le plaisir de recevoir Matthias Fekl qui nous informera de l'état d'avancement des négociations commerciales internationales.
Nous espérons pouvoir conclure les accords projetés. Encore faut-il qu'ils soient équilibrés. Des accords entre, d'une part, l'Union européenne et, d'autre part, les États-Unis, le Canada ou d'autres grands ensembles économiques et commerciaux forment des blocs dont les règles sont finalement susceptibles de s'imposer sur le plan international – notamment à la Chine. Il ne saurait cependant être question d'imposer aux États et aux peuples de l'Union européenne de revenir sur des dispositions de droit public et des politiques publiques auxquelles nous sommes attachés. Tout accord étant le fruit de compromis, les intérêts respectifs des uns et des autres doivent être pris en compte. Or, autant le projet d'accord avec le Canada paraît équilibré, autant le projet de partenariat transatlantique avec les États-Unis nous paraît déséquilibré à ce stade de négociations par ailleurs au point mort. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez été, dès l'automne dernier, dans cette même salle Lamartine de l'Assemblée nationale, le premier responsable gouvernemental à émettre des doutes sur l'aboutissement des négociations. Nous les partagions déjà ; j'avais moi-même indiqué au négociateur américain Dan Mullaney, qui vient assez souvent à Paris et avait souhaité que nous nous entretenions, qu'il n'était pas question d'accepter en l'état ce qui, selon les informations dont je disposais, nous était présenté.
Le 26 avril dernier, reçu par la commission des affaires étrangères, le ministre des affaires étrangères nous a dit très clairement que les conditions n'étaient pas réunies. Tout aussi clairement, le Président de la République a indiqué, le 3 mai, que la France ne transigerait pas sur certains principes.
Tout d'abord, le manque de transparence est absolument choquant. Ce fut d'ailleurs le principal sujet de nos premiers échanges, monsieur le secrétaire d'État, et vous avez installé un groupe de travail pour que les députés aient accès à toutes les informations. Cette opacité est ridicule. Elle nourrit évidemment les craintes de l'opinion publique, sans permettre aux négociations d'avancer plus vite – la preuve en est qu'elles sont au point mort. Elle ne présente aucun avantage et autorise toutes les postures. Les États-Unis s'affichent officiellement comme les plus allants, mais nous savons que les négociateurs américains n'ont jusqu'à présent fait aucune offre sérieuse sur les sujets essentiels : l'ouverture des marchés subfédéraux, les services, les indications géographiques. L'offre américaine qui, en théorie, devait être la plus intéressante, celle qui concerne le démantèlement des droits de douane, est, selon nos informations, très en retrait par rapport à l'offre européenne. Cela ne peut plus durer ! Comment concevez-vous, monsieur le secrétaire d'État, les futures négociations commerciales et économiques de l'Union européenne ? L'intérêt de négociations équilibrées n'est évidemment pas à démontrer.
Sur le fond, faut-il un accord unanime des États membres de l'Union européenne pour conclure un accord complet et approfondi ? La question se pose pour le partenariat transatlantique, mais aussi pour beaucoup d'autres accords. Deuxième question, le partenariat transatlantique est-il un accord mixte ? Un accord mixte doit être ratifié par chaque parlement national. Cela vaut non seulement pour le partenariat transatlantique, mais aussi pour les accords avec le Canada, avec Singapour et avec d'autres. La Cour de justice de l'Union européenne est d'ailleurs saisie de la question.
Autre question, la Chine revendique, au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le statut d'économie de marché. S'il lui était octroyé, il serait beaucoup plus difficile de prendre des mesures antidumping à son encontre ou de lutter contre la contrefaçon, alors même que celle-ci prend des proportions industrielles.
Ces sujets sont aussi techniques que politiquement compliqués.
Je suis également heureuse de vous accueillir, monsieur le secrétaire d'État, comme nous le faisons régulièrement. Cette audition se tient juste avant le Conseil des affaires étrangères qui se réunira, au format commerce, le vendredi 13 mai. Je parlerai moins du traité de libre-échange transatlantique (TAFTA, pour Transatlantic Free Trade Area) – d'autant que la commission des affaires européennes a reçu ce matin le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Au Secrétariat général des affaires européennes, nous n'avons pu consulter que des synthèses en anglais, mais cela ne nous a pas empêchés de voir que, sur certains points, les négociations sont au point mort et que les États-Unis ont surtout à l'esprit le résultat auquel ils sont parvenus avec le traité transpacifique. Cependant, vous vous étiez engagé sur l'open data, monsieur le secrétaire d'État, et nous avons bien noté que nous pouvions à présent disposer des textes consolidés, si possible avec une traduction française, comme nous l'a indiqué récemment le SGAE.
Les suites de l'accord intervenu à Nairobi en décembre dernier sont le premier point inscrit à l'ordre du jour, très chargé, du Conseil de vendredi. Les membres de l'OMC se sont accordés sur un « paquet » de décisions portant sur l'agriculture, le coton et certaines questions relatives aux pays les moins avancés. Aussi partiel soit-il, cet accord marque une avancée. Ces négociations, qui durent depuis 2001, sont-elles sur la bonne voie ?
Le second point à l'ordre du jour est le TAFTA ou partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI, ou TTIP, pour Transatlantic Trade and Investment Partnership). Quid de la transparence ? Elle nous permettrait déjà des discussions nettement plus précises. En tout cas, de nombreuses questions restent pendantes et nous préoccupent : la question agricole, les indications géographiques, le modèle social européen… Tout à l'heure, le rapporteur du CESE, M. Christophe Quarez, en présence du député européen Franck Proust ; M. Quarez a proposé notamment un tableau de bord récapitulant, chapitre par chapitre, les conséquences que pourraient avoir des accords sur tel ou tel pays membre de l'Union européenne et même sur les pays tiers – du sud, notamment.
En outre, il n'y a toujours rien sur l'articulation avec la COP21, et les États-Unis ne reconnaissent que très partiellement les conventions de l'Organisation internationale du travail. La transparence nous aidera-t-elle à les interpeller sur ces sujets ? Vous-mêmes avez tenu des propos très fermes la semaine dernière, et le Président de la République a aussi déclaré : « Jamais nous n'accepterons la mise en cause de principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité, pour l'accès aux marchés publics. » Entre réticences américaines, prises de position des candidats à l'élection présidentielle aux États-Unis, opposition de la société civile et interrogations des pays membres de l'Union européenne – même aux Pays-Bas, où se profile un référendum –, le TTIP est-il encore vraiment d'actualité ?
Le troisième point à l'ordre du jour est la crise du secteur de l'acier. La Commission doit faire des propositions en vue de la modernisation des instruments de défense commerciale. Cette crise est notamment la conséquence de la concurrence chinoise, ce qui pose la question du statut de la Chine. Si le statut d'économie de marché était accordé à celle-ci, quelles représailles l'Union pourrait-elle envisager face à des pratiques déloyales ?
Le quatrième point est l'accord économique et commercial global (AECG, ou CETA, pour Comprehensive Economic and Trade Agreement) avec le Canada. Vous avez été très rassurant, monsieur le Ministre, et le ralliement du Canada à la proposition européenne d'un tribunal pour le règlement des différends est un premier pas positif. De même 42 appellations d'origine protégée (AOP) françaises sont reconnues. Le hic est que la seule liste des fromages français compte bien plus de 42 AOP ! Cet accord est-il donc à ce point extraordinaire ? Sans doute illustre-t-il au moins le fait que les choses puissent bouger. En l'occurrence, le Premier ministre Trudeau a permis de transformer l'ISDS (Investor-state dispute settlement). Monsieur le Ministre, cet accord sera-t-il traité comme mixte ? Sur quoi les parlementaires devront-ils se prononcer ? Et qu'en est-il des choix faits dans le cadre de la COP21 si nous importons plus de gaz de schiste ? Je songe au drame que connaît aujourd'hui l'Alberta à cause de l'exploitation des sables bitumineux.
Le dernier sujet inscrit à l'ordre du jour de ce Conseil des affaires étrangères me tient particulièrement à coeur. Il s'agit des « minerais de conflit ». Le Parlement européen a considérablement renforcé la proposition de règlement en rendant obligatoire la certification des importateurs d'or, de tantale, de tungstène et d'étain et en l'étendant à l'ensemble de la chaîne de production, c'est-à-dire aux fabricants de produits contenant ces minerais. Le trilogue est engagé depuis plusieurs mois. Quelles perspectives offre-t-il ?
Mesdames les présidentes, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation. Je suis très heureux de m'exprimer une nouvelle fois devant vos commissions réunies. Je salue d'ailleurs le travail du Parlement sur les négociations commerciales transatlantiques et, plus généralement, les questions de commerce extérieur, qui appellent un contrôle démocratique renforcé ; c'est une attente très forte de nos concitoyens.
Je souscris totalement au postulat de Mme la présidente Élisabeth Guigou : en principe, des négociations sont utiles, et il est important que l'Union européenne et, à travers elle, la France participent à l'élaboration de règles, de normes, de standards de sécurité les plus élevés possible. Hélas, la réalité des négociations transatlantiques n'est pas à la hauteur de l'ambition qui était affichée lorsqu'elles se sont ouvertes. Cela explique, au-delà de questions de principe très importantes, la position de la France.
Les négociations multilatérales s'essoufflent. Ainsi, au mois de décembre dernier, il ne s'est pas passé grand-chose à Nairobi – je vous l'avais dit. Cela conduit progressivement à la multiplication de négociations bilatérales : de pays à pays, d'ensemble régional à ensemble régional ou d'ensemble régional à pays, puisque l'Union européenne négocie tant avec le Mercosur ou le Japon qu'avec les États-Unis et beaucoup d'autres parties du monde. L'espace commercial international se trouve ainsi exposé au risque, dénoncé même par le Fonds monétaire international, d'une fragmentation et menacé par le moins-disant normatif. Lorsque des négociations concurrentes se tiennent, c'est effectivement un nivellement par le bas qui menace.
Où en sommes-nous au lendemain du treizième round de négociations transatlantiques ? À peu près au même point qu'au lendemain du douzième. Aucun progrès significatif ! N'ont été enregistrées que quelques avancées très techniques, en matière de convergence réglementaire, si modestes qu'elles méritent à peine d'être mentionnées. En ce qui concerne les différentes demandes formulées par la France tout au long de l'année 2015, les choses n'ont pas bougé.
Nous avons cependant obtenu une meilleure transparence, avec l'accès des parlementaires aux documents de négociation. Je veux être extrêmement clair : à la suite d'une demande de la France, mais aussi d'autres pays, vous avez accès, depuis le début de cette année, dans des salles de l'administration française, à l'ensemble des documents de négociation, dans les mêmes conditions que les autres parlementaires européens, y compris les députés du Bundestag, souvent cités en référence. Je m'y suis engagé, et c'est la moindre des choses : tout document auquel j'ai accès en tant que membre du gouvernement vous est aussi accessible. Je suis au courant d'un certain nombre de difficultés, rencontrées notamment par vous-même, madame la présidente Auroi, et j'ai rappelé les règles, de manière on ne peut plus claire, au secrétariat général des affaires européennes. Nulle éminence ne saurait, à l'abri de son bureau, faire obstacle à l'accès des parlementaires à l'ensemble des documents. Si vous rencontrez le moindre problème, signalez-le-moi, directement ou via mon cabinet.
Cela n'épuise pas la question de la transparence. L'open data n'est pas une réalité, c'est un combat. Et je souscris complètement à l'idée énoncée par Mme la présidente Guigou : les négociations doivent se faire en public. En matière commerciale, tout ce qui est négocié doit pouvoir être assumé, et ne peut être négocié que ce qui peut être assumé. Je ne dirais pas la même chose de négociations diplomatiques plus traditionnelles, ayant éventuellement des implications pour la défense nationale, comme celles sur le nucléaire iranien ; les négociations commerciales ont des conséquences sur la vie de nos concitoyens. N'hésitez pas à faire usage de votre droit d'accès.
Nous nous mobilisons aussi auprès de la Commission européenne pour que les documents soient disponibles en français, d'autant que le français est une langue officielle et une langue de travail de l'Union européenne, mais de réels progrès sont encore nécessaires. Nous souhaitons plus généralement que les documents soient accessibles dans toutes les langues des parlements européens ; c'est un enjeu démocratique. Nous ne souhaitons pas faire nos propres traductions, car la traduction engage ; pour éviter de nombreux problèmes, il faut donc une traduction validée au niveau européen. J'en fais régulièrement la demande, et cette requête est légitime au-delà même du seul champ des négociations commerciales.
Quels progrès attendons-nous ?
J'ai posé de manière extrêmement claire la question du remplacement de l'arbitrage par une cour de justice internationale, proposition que j'ai élaborée au nom de la France et défendue avec l'Allemagne, représentée par le vice-chancelier Sigmar Gabriel et mon homologue Matthias Machnig. D'autres États européens y ont souscrit et, alors que nous étions relativement seuls au début, cette proposition est devenue la proposition européenne. Les Canadiens ont été les premiers à la reprendre, acceptant, après les élections et la formation du gouvernement Trudeau, de modifier le chapitre concerné du CETA. Ce progrès très important marque un moment fort de l'histoire des relations commerciales. Fixer des règles, permettre à la puissance publique d'en arrêter au niveau international et de les faire respecter par des personnalités insoupçonnables de conflits d'intérêts, inscrire noir sur blanc, dans des traités internationaux, le droit à réguler des États est une étape décisive. À ce stade, les États-Unis n'ont pas souhaité reprendre la proposition. En l'absence de prise de position officielle, gardons-nous de tout procès d'intention, mais ce point, que nous estimons crucial, ne figure toujours pas au menu de nos discussions.
Quant aux marchés publics américains, ils sont ouverts à 47 %, alors que les marchés publics européens le sont à 90 %. Les choses ne bougent pas et rien, dans les négociations, ne permet de croire qu'elles évolueront…
Nous souhaitons des règles communes en matière de services. C'est un principe extrêmement important. Nous sommes notamment très attachés à l'idée de règles communes pour la finance. En outre, les intérêts offensifs de la France sont considérables : l'excédent de notre pays, exportateur net de services, est de près de 15 milliards d'euros. La question des règles dans la finance, l'expertise, le conseil, les transports, etc., est un enjeu fort, et les choses n'ont pas bougé à ce propos, non plus qu'en matière agricole.
Vous connaissez mon attachement à la diplomatie des terroirs. Les choses, sur ce point aussi, doivent bouger de manière significative. Nous souhaitons que nos indications géographiques et nos appellations contrôlées soient reconnues. Le Canada l'a fait avec pas moins de 128 appellations européennes reconnues, dont 42 en France, qui s'ajoutent à toutes les appellations déjà reconnues par le Canada en 2004 en matière de vins et spiritueux. Nos terroirs, nos agriculteurs seront d'autant mieux défendus que nous réussissons, pas à pas, à faire reconnaître toujours plus d'indications géographiques et d'appellations contrôlées ; ce combat doit être mené à l'échelle internationale et, lorsque nous franchissons des étapes aussi importantes, il faut les saluer.
Avec une très large ouverture des marchés publics, au niveau national comme au niveau des provinces et des communes canadiennes, ce ralliement inédit à l'idée d'une cour de justice commerciale internationale et la reconnaissance des indications géographiques, le CETA est une sorte d'anti-TAFTA, qui va très clairement dans le sens que nous souhaitons. Quand mes exigences et mes critères sont repris, j'en tire les conséquences. L'analyse du Gouvernement est donc claire : il s'agit, en l'état, d'un bon accord – certes encore perfectible, mais les progrès sont considérables.
Les États membres de l'Union européenne sont unanimes pour considérer que les deux accords sont des accords mixtes, ce qui implique une ratification au niveau européen et au niveau national, avec un vote des parlements. Quant à la possibilité d'une entrée en vigueur provisoire, prévue par le droit communautaire, la position du Gouvernement est extrêmement claire : ne peuvent être concernés que les aspects communautaires. Tant que le parlement national n'a pas voté, les stipulations relevant de la compétence nationale n'entrent pas en vigueur. Par ailleurs, l'entrée en vigueur provisoire ne peut intervenir qu'après un vote favorable du Parlement européen.
La Commission européenne n'a jamais clairement indiqué quelle était, selon elle, la nature juridique de ces accords. Il est possible qu'elle considère qu'il s'agit d'accords non mixtes. Cependant, la France tiendra bon : il s'agit bien d'accords mixtes qui requièrent une ratification nationale – et tout le monde, en Europe, est d'accord. Comme il appartient au Conseil de déterminer la nature juridique de l'accord, je n'ai aucun doute sur la décision qui sera prise, quelle que soit la proposition de la Commission européenne.
L'articulation de ces négociations avec la COP21 est une question extrêmement importante. Le Président de la République a très clairement indiqué il y a quelques jours, lors de la Conférence environnementale, que la France ne signerait pas d'accords commerciaux n'intégrant pas la priorité à l'environnement et à la lutte contre le réchauffement climatique. Cela n'aurait aucun sens après la signature au mois de décembre du très grand Accord de Paris, le premier qui énonce des règles universelles et contraignantes pour lutter contre le réchauffement climatique. J'ai oeuvré tout au long de l'année dernière, et la France défend maintenant au niveau international l'idée que, dans les accords commerciaux, les règles de droit environnemental et de droit social doivent être contraignantes au même titre que les règles de droit commercial. Nous ne voulons pas de textes de droit commercial précis et contraignants accompagnés d'annexes déclaratoires, floues, peu précises.
La recherche de cette cohérence globale est un nouvel axe de travail de notre diplomatie économique, et nous sommes le premier gouvernement à défendre des propositions concrètes dans ce combat extrêmement important. De même, notre gouvernement est le premier à avoir exprimé aussi clairement ses exigences dans les négociations transatlantiques. Je l'ai moi-même fait dès l'année dernière, et le Président de la République est le premier chef d'État à poser des critères très précis et à indiquer que la France saurait tirer toutes les conséquences d'une absence de progrès. Aucun autre gouvernement en Europe n'a eu cette approche, aucun chef d'État européen ne s'est exprimé aussi clairement sur le sujet.
J'en viens à nos relations avec la Chine, acteur majeur du commerce international. Tout d'abord, le statut d'économie de marché est l'objet d'un débat juridique. La Chine a adhéré en 2001 à l'OMC et l'accord d'adhésion comporte un certain nombre de dispositions, mais l'octroi du statut d'économie de marché au bout de quinze ans est-il automatique ? Une échéance est fixée au mois de décembre prochain. Nous suivons de très près la question, au niveau de l'Union européenne comme du G7 et dans les différentes instances où le sujet est abordé.
Qu'en est-il des instruments de défense commerciale ? Là réside le véritable enjeu du débat. Comment l'Union européenne pourra-t-elle, demain, quelle que soit la décision prise sur le statut d'économie de marché, continuer à mettre en oeuvre des instruments de défense commerciale et des mesures antidumping, à l'encontre de la Chine, ou de tout autre pays pour lequel la question se pose ? Je préconise en effet, sur de tels sujets, des approches de principe, non des approches pays par pays – ne suscitons pas d'inutiles tensions, ce sont des principes qui sont en cause. La France est l'un des rares États membres à avoir opté pour une approche très offensive de la problématique des instruments de défense commerciale, qui sera aussi à l'ordre du jour du Conseil ce vendredi, à Bruxelles. Nous devons pouvoir continuer de défendre nos industries, notamment celle de l'acier. Le ministre de l'économie Emmanuel Macron est de son côté mobilisé au sein du Conseil « compétitivité », et nous coordonnons étroitement nos actions. Nous espérons que d'autres États membres nous rejoindront autour d'une proposition très offensive sur la question des instruments de défense commerciale en général, notamment le Royaume-Uni, extrêmement combatif sur l'acier, mais plus réservé sur la question des instruments de défense commerciale en général. Avec l'Allemagne et d'autres États concernés, nous espérons pouvoir avancer au niveau européen.
Doivent s'appliquer à la négociation du TiSA les mêmes exigences de transparence qu'à celle du TAFTA – cela permettra notamment d'éviter que prospèrent de fausses idées. J'ai déjà évoqué les intérêts offensifs considérables de notre pays, avec 15 milliards d'euros d'excédent, et notre ambition de fixer des règles communes.
Nous sommes mobilisés pour qu'aucune de ces négociations ne puisse compromettre nos choix démocratiques, notamment notre volonté de préserver la diversité culturelle et l'exception culturelle. Le numérique ne doit pas ouvrir la voie à leur remise en cause. La France continuera de mener ce combat dans toutes les instances internationales, par-delà les alternances politiques.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour la clarté de vos propos qui sont de nature à apaiser des inquiétudes s'exprimant dans nos territoires.
Nous avons eu l'idée de réunir plusieurs PME qui entretiennent déjà des relations suivies avec les États-Unis ou le Canada, deux pays bien différents du point de vue de l'ouverture des marchés : au Canada, les choses se font avec simplicité, sans qu'il soit obligatoire d'ouvrir un bureau à Montréal ; dans l'histoire récente des États-Unis, cela n'a jamais été le cas.
L'Union européenne est bâtie sur l'idée de coopération. L'inquiétude naît de ce qu'elle achoppe sur un problème de concurrence loyale et non faussée – mais parfois déloyale et faussée. Face aux États-Unis, ce sont des craintes du même ordre qui s'expriment, mais, si les opinions ne nous semblent guère réclamer un traité commercial avec les États-Unis, qu'en est-il des entreprises, monsieur le secrétaire d'État ? Ne devrions-nous pas réfléchir avec la commission des affaires économiques, au cours des prochains mois, aux conditions d'un accord qui servirait leurs intérêts ?
Je précise que, pour des raisons d'agenda, il n'a pas été possible de procéder à une audition conjointe avec la commission des affaires économiques.
La commission des affaires européennes vient d'auditionner M. Christophe Quarez, rapporteur du CESE pour l'avis sur les enjeux de la négociation sur le projet de TTIP. C'est maintenant que les négociations sur le TTIP vont entrer dans le vif du sujet et que les points sensibles vont être abordés. Du côté européen, la négociation est menée par la Commission, diligentée par le Conseil. Dans quelle mesure la France peut-elle se retirer ? Et dans quelle mesure une concertation avec les parlements nationaux est-elle nécessaire ? Faudra-t-il qu'ils soient unanimes ou qu'une majorité d'entre eux se prononce en faveur du traité ?
Vous vous dites prêt à quitter la table des négociations, mais la menace est-elle sérieuse, ou n'est-ce que qu'une posture politicienne ? Dans le contexte actuel, les rumeurs sont nombreuses et, loin d'améliorer l'image de l'Europe, elles peuvent affoler. Un peu plus de sérieux serait nécessaire.
Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État : l'Union européenne développe, depuis plusieurs années, des partenariats bilatéraux avec un certain nombre d'États, notamment en raison de l'enlisement des négociations multilatérales. Ces accords dits « de nouvelle génération », qui affectent profondément la vie de nos concitoyens, suscitent de vives inquiétudes. Le pouvoir des parlements nationaux, contrairement à celui du Parlement européen, accru depuis le traité de Lisbonne, est extrêmement limité. Certes, vous l'avez réaffirmé clairement, il s'agit d'accords mixtes, mais alors les parlements nationaux devront se prononcer sur les seules questions qui relèvent de l'échelon national, d'une portée bien réduite au regard de l'ensemble, non sur celles qui relèvent de l'échelon européen. Je pense par exemple à la question du règlement des différends. Et que se passe-t-il si un parlement national rejette l'accord ? Est-ce l'accord tout entier qui est compromis ou seulement la partie qui relève du niveau national ?
Par ailleurs, compte tenu des inquiétudes suscitées, notre pays serait-il prêt à prendre une initiative pour que les parlements nationaux soient mieux informés de l'avancée des négociations et que l'entrée en vigueur des accords soit soumise à leur vote ?
Regardons les choses en face : le commerce international croît chaque année, en temps normal, de 7 %. N'exagérons donc pas l'utilité de ce genre d'accord.
En droit international classique, un accord est un tout. L'application provisoire est donc, à mes yeux, une aberration. Un accord est la combinaison de tous les éléments qui le composent, vous ne pouvez pas le « balkaniser » ! Sinon, vous serez sans doute parti pour la gloire, mais le Parlement devra dire non à tout l'accord.
À quel niveau l'accord sera-t-il approuvé aux États-Unis ? Si c'est un accord en forme simplifiée, les États fédérés vous feront un bras d'honneur, d'autant que le commerce international ne représente que 10 % du PIB des États-Unis – contre 23 % à 25 % de celui de l'Union européenne, comme de la France. Si les États fédérés ne sont pas liés, les clauses concernant l'ouverture des marchés publics n'auront aucune valeur. Faudra-t-il plaider devant les tribunaux pour protéger nos appellations d'origine ? Ce sont des procès qui durent des décennies. Arrêtons donc de rêver et soucions-nous du caractère opérationnel de l'accord.
Quant à la cour que vous avez portée sur les fonts baptismaux, ses sentences s'appliqueront-elles directement ou faudra-t-il en passer par des procédures d'exequatur dans tous les États, les uns après les autres ?
Reconnaissons-le : si nous ne parvenons pas à un accord, cela ne bouleversera pas le monde ni le commerce international.
Je suis également heureux, monsieur le secrétaire d'État, de votre fermeté à propos du TAFTA.
Aujourd'hui, dans les négociations entre l'Union européenne et la Chine, c'est la question de l'octroi du statut d'économie de marché qui fait l'actualité. Il aurait des conséquences fâcheuses, dans ma circonscription et bien au-delà. Selon un certain nombre d'études, près de 3 millions d'emplois pourraient être détruits dans l'Union européenne. Cela nous impose la plus grande vigilance. La France pourrait-elle faire preuve à ce propos de la même fermeté qu'à propos du TAFTA ? Pouvez-vous détailler la position française ? Vous avez évoqué une approche offensive des moyens de défense commerciale, mais auxquels songez-vous ? Si le statut d'économie de marché est octroyé à la Chine, ces moyens de défense commerciale ne seront-ils pas surtout source de futurs contentieux ?
Pour ma part, je souhaite une extrême fermeté. Notre industrie passe déjà pour vulnérable, évitons-lui de subir, très vite, des dégâts. La voix de la France doit être entendue, et notre souveraineté industrielle est aussi en jeu.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez adopté, depuis votre nomination, des positions extrêmement claires, déterminées et constantes. Nous vous approuvons. Cependant, vous avez affaire, dans les négociations transatlantiques, à la fois à de puissants lobbys et à nos partenaires européens, notamment l'Allemagne. Quels sont les lobbys les plus puissants et les plus déterminés parmi ceux qui tentent de vous pousser à la faute, à accepter l'inacceptable ? Et comment comptez-vous convaincre nos partenaires allemands de faire preuve d'un peu plus de fermeté dans la négociation ?
Les mégadonnées, le traitement massif des données personnelles comptent parmi les richesses économiques de demain. Or l'Union européenne est le principal marché de données, tandis que les États-Unis sont leur quasi unique collecteur, stockeur, traiteur et utilisateur. Lors du dernier débat sur les projets d'accords de libre-échange, j'ai interrogé le Gouvernement sur la place de ces données dans les négociations en cours. André Vallini m'a répondu que « le partenariat transatlantique comporte un volet numérique, mais [que] les données personnelles et fiscales ne font pas partie des négociations ». Il a poursuivi : « Actuellement, la question des flux de données freine les discussions sur les télécoms. À la demande de la France, la Commission refuse de s'engager sur ce sujet tant qu'elle n'aura pas reçu d'assurances suffisantes sur le niveau de protection des données personnelles aux États-Unis. »
Le fait majeur de l'économie numérique, c'est le traitement des données. Cette activité connaît une expansion qui dépasse tout ce que nous avons connu dans d'autres secteurs. Par ailleurs, elle est marquée par un déséquilibre entre l'Union européenne et les États-Unis. Pourquoi ce volet n'est-il pas inclus dans les négociations transatlantiques ? Comment la France compte-t-elle agir, s'il ne peut être introduit dans la suite des négociations, pour que les intérêts et valeurs de l'Union européenne dans ce secteur économique en pleine expansion soient cependant respectés ?
Nous sommes assez mal informés, monsieur le secrétaire d'État, sur la position du Gouvernement quant à la reprise des négociations de l'Union européenne avec le Mercosur. Or les enjeux sont considérables, notamment pour nos agriculteurs. Pourriez-vous nous donner quelques précisions ?
Monsieur le secrétaire d'État, je salue vos efforts en matière de communication, mais il est inadmissible que les documents ne soient pas disponibles en langue française.
Je fais miennes les questions de ma collègue Seybah Dagoma sur l'association des parlements, mais j'évoquerai aussi la position des municipalités. Plus de 1 500 d'entre elles ont adopté des résolutions exprimant les inquiétudes que leur inspirent TAFTA et CETA, et une pétition citoyenne a recueilli plus de 3 millions de signatures. Ce que craignent les municipalités, c'est de ne plus pouvoir se fournir localement, de rencontrer des problèmes pour la remunicipalisation de l'eau et en matière d'énergie, c'est que l'influence du pouvoir national sur les pratiques locales soit considérable. Qu'en est-il ? Le CETA est-il, comme on le prétend, le cheval de Troie du TAFTA ?
Je vous entends dire depuis des mois que les choses n'avancent pas, que l'intérêt de la France n'est pas pris en compte et qu'il n'y a aucune raison de faire semblant. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas mettre un terme aux négociations ?
Pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, cette opacité ? Elle est parfois présentée comme une nécessité méthodologique par des personnes, qui veulent peut-être défendre ainsi une approche technocratique, mais il y va quand même de la légitimité de la gouvernance européenne. À qui profite-t-elle ? Sur quoi porte-t-elle essentiellement ?
À propos de Nairobi, on voit bien quand même que, entre multilatéralisme, bilatéralisme et plurilatéralisme, il y a encore de fortes différences, des divergences même. Comment ne pas s'interroger ?
S'agissant des négociations avec les États-Unis, Jacques Myard a évoqué à juste titre une asymétrie fondamentale entre un État fédéral qui ne s'engage que très partiellement et une Union européenne qui pourrait s'engager totalement ? Espérez-vous encore une réponse américaine à la question de l'arbitrage, qui est fondamentale ? D'autre part, pourriez-vous dresser un état des lieux des divergences, y compris intra-européennes, au sujet du dumping, notamment en ce qui concerne l'acier, et de la règle du droit moindre ? Ceux qui font du négoce n'ont pas exactement les mêmes intérêts que ceux qui font de la production, et, manifestement, de ce point de vue, l'Europe semble loin d'être unie.
Enfin, compte tenu des échéances électorales, la partie américaine est-elle si unie que cela dans les discussions ?
Les conséquences, avantages et inconvénients du partenariat transatlantique mériteraient probablement d'être mieux mis en évidence. Pourquoi ne pas consacrer une étude d'impact aux conséquences du traité sur l'économie et l'emploi en France ? Peut-être l'exercice est-il difficile tant que tout n'est pas finalisé, mais différentes hypothèses pourraient être envisagées. Et pourquoi pas, aussi, une étude d'impact sur le CETA ?
Vous dites que les négociations sur le partenariat transatlantique avancent très peu. Pourriez-vous préciser un calendrier ? Une application provisoire est-elle prévue également pour cet accord, avec tous les risques que cela comporte pour la suite ? Ne devons-nous pas craindre que les Américains ne veuillent imposer, dans le cadre du partenariat transatlantique, les règles du partenariat transpacifique ?
Dans le cadre du CETA, seules 42 appellations d'origine sont reconnues pour la France, qui en compte pourtant plus de 600. Comment éviter les contrefaçons ? Il ne s'agirait pas de trouver partout en Europe des noix de Grenoble arrivées tout droit de Californie !
On ne parle guère du TiSA. Comment faire cesser cette opacité ? Quel serait le statut de ce traité sur les services par rapport au PTCI ? Toute avancée sur les services dans le TiSA serait-elle intégrée dans le PTCI ? Comment préserver nos services publics et le pouvoir de régulation des États ? Se pose aussi le problème des listes négatives.
Nous pouvons philosopher pendant des heures, mais comment la France accroîtra-t-elle, avec ou sans accord, ses exportations ? C'est quand même le coeur du débat.
Une réalité s'impose aujourd'hui à nos entreprises : le rôle du dollar. Au-delà du TAFTA, tant que le problème ne sera pas réglé, c'est un écueil considérable pour celles de nos entreprises qui sont aujourd'hui en capacité d'exporter.
Je souhaite également vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur le rôle que peut jouer l'État. Dans des secteurs en difficulté, l'État garantit un certain nombre d'exportations potentielles. Nous sommes en train de perdre des marchés substantiels dans un certain nombre de secteurs qui viennent de s'ouvrir en raison de la frilosité de nos banques qui se sont fait imposer une décision, acceptée de part et d'autre.
Vous l'avez annoncé il y a quelques jours, la France, qui plaidait pour qu'une juridiction commerciale internationale publique statue sur les différends opposant investisseurs et États et remplace des mécanismes reposant sur des tribunaux d'arbitrage privés, a été entendue, par l'Allemagne, par l'Union européenne. Cette cour indépendante a-t-elle donc quelque chance de voir le jour ?
Ma circonscription comptant beaucoup d'agriculteurs, je suis souvent interpellé à propos des appellations d'origine protégée et des indications géographiques. De ce point de vue, l'accord avec le Canada vous paraît-il suffisant ? Offre-t-il suffisamment de garanties pour que les produits de nos cultivateurs exerçant leur savoir-faire reconnu dans des régions spécifiques ne se retrouvent pas en concurrence directe avec d'autres qui ne répondraient pas aux mêmes exigences ?
Par ailleurs, vous avez indiqué, à propos du CETA, que les politiques publiques ne pourraient être attaquées par les investisseurs. Pouvez-vous préciser ? Nous avons quelque difficulté à répondre lorsque nous sommes interrogés à ce propos.
Comment interprétez-vous, monsieur le secrétaire d'État, cette floraison de traités à laquelle nous assistons depuis quelques années ? Est-ce le signe d'une accélération de la mondialisation ou d'une tentative d'organisation de celle-ci ? Ou cela pourrait-il être le signe du début de son épuisement ?
Je tiens d'abord à saluer, en cette période où les acquis démocratiques, fragiles, sont parfois menacés, les efforts personnels du secrétaire d'État pour qu'une plus grande transparence permette aux parlementaires de connaître la réalité des négociations et aux citoyens d'être éclairés.
Vous envisagez assez sereinement, monsieur le secrétaire d'État, la possibilité qu'un terme soit mis aux négociations. Si le TAFTA ne voyait pas le jour, pensez-vous que la croissance française ou européenne pourrait en pâtir ?
En matière de marchés publics, le déséquilibre est inacceptable : les marchés publics sont ouverts à 90 % en Europe, et seulement à 47 % aux États-Unis. Nous devons bien évidemment obtenir des contreparties, mais des textes comme le Buy American Act et la répartition des compétences entre État fédéral et États fédérés protègent les intérêts américains. Les États fédérés sont très réticents à l'ouverture des marchés publics aux entreprises européennes, notamment dans la construction, les infrastructures et l'énergie. Or la question relève de leur compétence. L'Union européenne négocie pour obtenir la réciprocité dans l'accès aux marchés publics américains – il s'agit d'un enjeu offensif majeur. On sait que l'Union a fait bien plus de propositions dans ce domaine que les États-Unis. Qu'en est-il exactement aujourd'hui ? Vous nous avez dit qu'aucune avancée n'était attendue. Pourquoi donc ? Et quelle sera la position de la France ?
Dans la négociation, l'Union a pour ligne de préserver la capacité de créer et de maintenir les services publics au niveau national, mais aussi au niveau local. Les services publics européens sont de grande qualité, et les engagements internationaux déjà pris par l'Union européenne, notamment dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services de l'OMC, doivent rester la référence. Sont-ils menacés aujourd'hui ?
L'application provisoire du CETA me choque un peu. Quelques parlements nationaux s'en sont émus, et l'Assemblée nationale ferait bien de suivre leur exemple. Selon les dires de la ministre canadienne chargée de la négociation du traité, ce ne sont pas moins de 90 % de ses dispositions qui sont concernées. Qu'en est-il au juste ? Qu'en pense l'Allemagne ? Depuis l'Accord multilatéral sur l'investissement, il faut se battre pour obtenir un minimum de transparence et d'informations. Dans de telles conditions, l'application quasiment directe d'un texte aux conséquences majeures serait un comble ! Les parlements nationaux ont leur mot à dire.
Personnellement, je n'ai pas encore compris l'intérêt du traité. Ma question sera peut-être simpliste, mais, au moins, mes électeurs du Puy de Dôme la comprendraient, car je ne suis pas sûr qu'ils comprendraient ce que vous avez dit. Ce traité a-t-il un intérêt pour la France ? Qu'aurait-il changé, en bien ou en mal, pour les entreprises françaises qui connaissent une très belle réussite aux États-Unis ? Ouvrirait-il les portes des marchés américains aux nombreuses autres qui n'y ont pas accès ? En inciterait-il même à s'y risquer ?
Le 4 novembre dernier, le Premier ministre a exprimé le souhait d'un vrai débat public, sur le partenariat transatlantique de commerce et d'investissement. Cette proposition reste-t-elle d'actualité ?
En septembre 2015, vous aviez vous-même déclaré au journal Sud Ouest que, en l'absence de progrès, la France pourrait quitter la table des négociations. Le 29 août précédent, la commissaire Cecilia Malmström déclarait dans les colonnes de Libération : « Il n'y a pas de débat entre nous sur le point de savoir si ce traité doit ou non être conclu. » Elle ajoutait : « Mon prédécesseur a d'ailleurs voulu rendre public le mandat de négociation afin de rassurer les citoyens, mais les États ont majoritairement refusé. » La Commission européenne négocie donc sur le fondement d'un mandat unanime des États membres, qui jugent que ce traité serait bénéfique pour les économies et pour l'emploi. Quelle est la cohérence de tout cela ?
Mes électeurs de Seine-Saint-Denis comprendraient très bien les propos qu'a tenus le secrétaire d'État. J'ajouterai cependant deux questions techniques, peut-être un peu plus obscures, mais néanmoins importantes.
Seybah Dagoma a déjà demandé de quoi les parlements nationaux seraient saisis, mais qui décide que l'accord est un accord mixte ? Le Conseil des chefs d'État et de gouvernement ou le Conseil des ministres ? Et la décision est-elle prise à la majorité qualifiée ou à l'unanimité ?
De même, qui décide de l'octroi du statut d'économie de marché à la Chine : la Commission européenne ou le Conseil ? À la majorité ou à l'unanimité ? Le dumping social, les contrefaçons sont des problèmes très graves. Avant-hier, un éditeur de meubles français, qui édite de grands designers, me disait sa conviction : aucun instrument ne permettra la protection de ces biens si le statut d'économie de marché est octroyé à la Chine. Qu'en est-il ?
J'ajoute une petite remarque : le Canada aussi est un État fédéral. Par ailleurs, on sait bien que les États-Unis font passer énormément de choses par le Canada. Le CETA n'est-il donc pas une sorte de porte ouverte ?
Et pouvez-vous vous engager sur l'accès aux documents de négociation du TiSA comme vous l'avez fait pour le TTIP ? Il serait périlleux de ne faire la transparence que sur des négociations bloquées, en laissant de côté celles qui avancent dans un sens susceptible de nous nuire !
Monsieur Bacquet, j'ai tenu les mêmes propos au cours d'un débat en Lot-et-Garonne et je n'ai pas eu le moins du monde le sentiment qu'on ne m'entendait pas. Les citoyens, extrêmement attentifs à la question, ont au contraire très bien compris la position de la France : en l'état, ce traité n'a pas d'intérêt pour notre pays – ni pour notre économie ni en termes de respect de certains principes et valeurs que je n'ai cessé de rappeler depuis ma nomination. En l'état, nous y sommes donc hostiles. Je l'ai moi-même répété tout au long de l'année dernière. Cela a également été dit avec beaucoup de force par le chef de l'État au début de mois de mai. Je ne crois pas qu'il y ait là la moindre ambiguïté, et je suis prêt à venir parler du sujet devant tous ceux qui le souhaiteront.
Madame Lebranchu, vous savez l'importance que j'accorde aux exportations des PME, qui font l'objet d'une feuille de route spécifique. Nos dispositifs ne parviennent pas forcément à bien cibler les PME. Les enjeux sont pourtant très importants, d'autant que les PME sont les premières victimes de ce qui ressort des doubles contrôles, notamment en matière agricole. Des formalités douanières extrêmement complexes peuvent être rédhibitoires et dissuader une PME d'exporter. Sur ce point, nous ne notons pas d'évolution favorable des négociations. Nous sommes évidemment preneurs de tous les travaux parlementaires sur la question, pas seulement en ce qui concerne les États-Unis. J'organise moi-même le 14 juin prochain, au Quai d'Orsay, le deuxième forum des PME à l'international. Le premier, au mois de mars 2015, avait surtout traité de la réforme des dispositifs d'accompagnement à l'export. Cette fois, nous examinerons les opportunités des PME, y compris en matière d'e-commerce, de simplification, etc. Vous y êtes évidemment tous invités, mesdames et messieurs les députés.
Madame Fort, vous avez bien fait d'auditionner le rapporteur du CESE. J'ai moi-même été auditionné par le CESE, qui effectue un travail important. J'ai également rencontré le député européen Franck Proust, lors de mon dernier déplacement à Bruxelles, mais j'ai aussi rencontré le député Poisson. Je rencontre aussi bien les députés de l'opposition que ceux de la majorité.
Pour déterminer qu'un accord est mixte, le Conseil doit se prononcer de manière unanime. Sur les positions de la France dans la négociation, il n'y a aucune posture. Vous pouvez relire les déclarations que j'ai faites tout au long de l'année dernière : rien n'a varié, dans la construction de la stratégie, dans les critères posés, dans les exigences, formulées, avec force et précision par le Président de la République. Et si j'ai été le seul membre d'un gouvernement à envisager la fin des négociations, je l'ai fait en plein accord avec les plus hautes autorités de l'exécutif, et la position française ne connaît aucune inflexion.
Madame Dagoma, je n'ai pas de réponse toute faite à propos de l'implication des parlements nationaux. Je suis cependant convaincu que c'est un sujet d'avenir. L'enjeu démocratique est fondamental, mais il y va aussi de la capacité de l'Union à être une puissance économique mondiale et à négocier. Soyons très clairs : si le but de tel ou tel est purement et simplement de priver l'Union de sa capacité à conclure des accords nationaux, elle s'en trouvera évidemment affaiblie dans l'économie mondiale. Il est donc indispensable de réussir à conjuguer contrôle démocratique et crédibilité de l'Union sur la scène internationale.
De manière générale, je suis personnellement favorable à ce que le Parlement donne des mandats de négociation aux membres du Gouvernement à la veille des Conseils européens. Aujourd'hui, la Constitution ne prévoit pas cette possibilité, mais je suis heureux d'être devant vous avant le prochain Conseil, où je pourrai relayer vos propos. De même, une association du Parlement européen et des parlements nationaux dans le suivi de tout le déroulement des négociations me paraît indispensable ; ce n'est pas non plus possible aujourd'hui, travaillons-y donc. L'idée que le Parlement ne se prononce qu'au terme des négociations me semble complètement surannée et, au bout du compte, préjudiciable. On peut toujours se faire plaisir en disant « non » à la fin, mais ce n'est pas la meilleure manière de défendre les intérêts à long terme de notre pays. Pour que le Parlement joue un rôle pilote, il doit être associé tout au long des négociations et pouvoir écarter au fur et à mesure ce qui doit l'être pour parvenir finalement à un bon accord. Je travaillerai très volontiers avec vous, madame Dagoma, sur cette question.
Monsieur Myard, je suis d'accord avec vous, et cela fait partie de nos critères : un accord passé avec les États-Unis au niveau national, qui serait contesté au niveau des États fédérés et devant la Cour suprême des États-Unis, n'aurait aucun intérêt. Or, en l'état, ce serait le cas. Le Canada, lui, a permis l'ouverture des marchés, y compris au niveau des provinces et des collectivités locales, qui ont d'ailleurs participé aux négociations et sont liées par l'accord. Cette méthode me paraît vraiment la bonne.
En ce qui concerne la cour commerciale, nous avons veillé à ce que l'ensemble des propositions soient conformes à la Convention de New York. L'exequatur ne serait pas nécessaire et les décisions de la cour s'appliqueraient automatiquement. De même, il est très important d'interdire les conflits d'intérêts, d'éviter la remise en cause des politiques publiques, du droit des États à réguler et de la transparence des procédures. J'ignore quelles seront les intentions des États-Unis, même si leur tradition juridique peut donner à penser que de telles cours supranationales ne suscitent pas leur enthousiasme.
Monsieur Prat, mon cabinet vous a reçu avec des acteurs économiques de votre circonscription pour faire le point sur la question chinoise. Je vous confirme la position française, précise et ferme : nous devons pouvoir lutter contre le dumping et disposer d'instruments de défense commerciale, face à la Chine, grand partenaire économique, comme face aux autres pays.
Merci, monsieur Loncle, pour votre approbation ; j'y suis très sensible. La question des nombreux lobbys est centrale. Cependant, les responsables des diverses branches de notre économie sont aujourd'hui largement d'accord pour considérer que l'accord ne va pas dans le sens de nos intérêts. Poursuivant l'action de Mme Bricq, j'ai reçu les différentes fédérations professionnelles au quai d'Orsay, de manière on ne peut plus officielle, pour que chacun s'exprime. Seule la transparence permet de défendre les intérêts économiques de notre pays sans être à la solde des lobbys. Grâce à l'open data, à l'accès des parlementaires à l'information, le pouvoir revient à la représentation nationale et aux citoyens.
J'ai pris soin de travailler en permanence avec nos partenaires allemands. J'ai ainsi fait de nombreuses déclarations communes avec le vice-chancelier Sigmar Gabriel ou avec mon homologue, Matthias Machnig, placé auprès de Sigmar Gabriel, notamment il y a quelques jours, à la veille de la venue du président Obama à Hanovre. Notre position en sera d'autant plus forte. Incontestablement, des débats traversent la grande coalition et les positions respectives de la chancelière et du vice-chancelier ne sont pas identiques, mais je travaille avec le gouvernement allemand. Jusqu'à présent, aucun désaccord ne s'est fait jour sur des sujets fondamentaux. Puissions-nous continuer à oeuvrer dans cet état d'esprit !
Monsieur Martin-Lalande, le numérique fait évidemment partie des négociations. Nous sommes attentifs tant aux enjeux défensifs qu'aux enjeux offensifs. Certes, la question des données personnelles n'est pas traitée en tant que telle, mais… tant mieux ! Ce genre de sujet ne doit pas être abordé directement dans un accord commercial. Nous sommes très attachés à la défense des données personnelles, au Privacy Shield et aux différentes protections qui peuvent exister, mais c'est dans le cadre d'accords impliquant des autorités judiciaires, notamment la Chancellerie, que ces questions doivent être négociées. Des négociations commerciales ne doivent pas remettre en question des intérêts majeurs en cette matière. Je suis disponible, si vous le souhaitez, pour des échanges plus précis avec vous.
Monsieur Vauzelle, le Président de la République s'est rendu dans plusieurs pays du Mercosur au mois de mars. Lors de chaque entretien, il a rappelé à la fois l'attachement de principe de notre pays à des négociations avec cette région – c'est très important, y compris pour nos PME et nos services – et notre sensibilité agricole, qu'il faut respecter. Nous considérons que la Commission a commis des erreurs tactiques en sortant trop tôt des offres tarifaires trop élevées sur toute une série de sujets agricoles ; je l'ai dit en public comme en privé, et Stéphane Le Foll et moi-même avons écrit à ce propos à la commissaire au commerce et au commissaire responsable de l'agriculture. Nous avons bon espoir que la Commission tienne compte des demandes françaises concernant un certain nombre de secteurs, dans l'échange d'offres qui intervient aujourd'hui. Je vous en dirai plus lorsque la demande sera officiellement envoyée, mais nous sommes très vigilants. J'insiste par ailleurs sur un problème de fond : nous négocions sur la base de mandats très anciens, qui datent de 1999. La situation des pays du Mercosur, les habitudes de consommation, là-bas comme ici, étaient différentes. Il conviendrait que nous nous interrogions sur la prorogation automatique de ces mandats.
Madame Guittet, les municipalités, les collectivités sont nombreuses à avoir adopté des voeux « Stop TAFTA ». Cette mobilisation est importante. Je me suis déjà rendu dans des conseils municipaux « zone de débat TAFTA » ou « hors TAFTA ». Les services publics sont clairement exclus du mandat de négociation. C'est écrit noir sur blanc, et je ne suis pas inquiet. De même, l'achat local demeurera possible.
Je ne partage absolument pas l'idée selon laquelle le CETA serait le cheval de Troie du TAFTA. Sur bien des sujets, le CETA est un anti-TAFTA ! Par ailleurs, l'accord comporte des clauses précises selon lesquelles une entreprise américaine ne peut bénéficier des stipulations du traité que si elle a une vraie activité au Canada. Une simple boîte aux lettres canadienne ne lui permettra pas de s'attaquer à l'Europe.
La fin des négociations est envisagée par la France comme de plus en plus probable. Nous verrons comment évoluent les négociations au cours des prochains mois, et nous en tirerons les conséquences si les critères réaffirmés par le Président de la République ne sont pas respectés.
Pourquoi l'opacité, monsieur Piron ? Il y a un côté « vieille méthode »… L'opacité des négociations douanières n'était encore pas très grave : le lien se faisait avec les secteurs concernés, l'information circulait, et tout le monde s'y retrouvait à peu près. Dans la négociation d'accords de nouvelle génération, qui comporteront des règles, des normes, ce n'est plus possible. L'opacité s'explique aussi par des intérêts bureaucratiques : ceux qui ont l'information ont le pouvoir. Nombreux sont donc ceux qui n'ont pas envie que l'information circule, y compris auprès des parlementaires français. Il est d'autant plus important que vous ayez accès à tout, que les citoyens aient accès à tout !
Il est également très important de revivifier les négociations à l'OMC et d'y traiter des nouveaux sujets – le numérique, l'environnement, le lien entre droit commercial, droit de l'environnement et droit du travail. Nous y travaillons, et le directeur général de l'OMC a aussi envie d'avancer, mais c'est d'autant plus compliqué que certains pays émergents ont des positions très dures ; cela explique l'essoufflement de Nairobi. La diplomatie française doit sans relâche appeler à la revitalisation du multilatéralisme.
Je ne sais quelle sera la position des États-Unis sur l'arbitrage.
Quant aux positions des différents pays sur la lutte contre le dumping, je vous ferai un rapport précis à l'issue du Conseil de vendredi, où ce sujet sera abordé. Nous essayons d'avancer avec beaucoup de partenaires européens, dont l'Allemagne. Il faut convaincre, et être très fermes. Je pourrai vous en dire plus lorsque chacun se sera exprimé.
Quant à la campagne américaine, les candidats sont extrêmement réservés sur les sujets commerciaux, notamment parce qu'une part importante des classes populaires et des classes moyennes voit que toute une série de promesses n'ont pas été tenues et que la désindustrialisation a fait beaucoup de ravages aux États-Unis comme en Europe. Les responsables politiques doivent donc donner à l'économie mondiale des règles validées par les citoyens.
Nous sommes d'accord, madame Bonneton, sur les études d'impact. Nous demandons d'ailleurs régulièrement des études complémentaires. Nous jugeons aussi nécessaires un débat économique contradictoire et une évaluation ex post des accords déjà entrés en vigueur – afin que l'on sache quelles promesses ont été tenues.
Je pense avoir été clair en ce qui concerne l'application provisoire. Prévue par les textes européens, elle pose de nombreuses questions. La France considère qu'elle ne saurait concerner que les stipulations du niveau communautaire, à la suite d'un vote favorable du Parlement européen. L'association des parlements et le contrôle démocratique sont, à long terme, la seule voie envisageable.
Quant à la noix de Grenoble, la France a demandé la reconnaissance de cette indication géographique aux États-Unis. Je ne doute pas que la nouvelle pourra rencontrer un écho important dans votre circonscription.
Monsieur Cochet, je suis parfaitement d'accord avec ce que vous avez dit sur le dollar. L'euro doit donc devenir une monnaie de référence internationale, plus encore qu'il ne l'est aujourd'hui. La question concerne de nombreux pays, notamment l'Iran. J'en avais parlé en réponse à une question posée par M. Myard à la suite d'un déplacement dans ce pays où les banques françaises ne sont pas présentes par crainte de représailles. Se pose aussi la question de l'application extraterritoriale du droit américain. Il faut bâtir des règles communes sur ces sujets et les appliquer ensemble. C'est un enjeu majeur du droit international. Il y va de la souveraineté nationale et européenne. Nous y sommes très attentifs. La COFACE est active dans de nombreux pays, pour apporter des garanties, mais la question des financements est absolument cruciale, notamment compte tenu de la concurrence chinoise, d'une efficacité redoutable. Nous y travaillons, et nous sommes aussi en lien avec l'Office of foreign assets control, les autorités américaines, pour déterminer quelles règles s'appliquent et les sanctions éventuellement encourues – cela concerne de nombreux pays. Devoir demander à des autorités étrangères ce que nos établissements financiers peuvent faire ou non n'est pas idéal, mais nous voulons les protéger ; il faut donc des lignes directrices extrêmement précises. À terme, la seule solution réside dans l'adoption de règles internationales. Le combat sera long, mais il est extrêmement important. Et il ne suffit pas de dire non pour que cela marche.
Monsieur Pueyo, la cour commerciale publique internationale est une proposition française, défendue avec l'Allemagne. Mme la commissaire Malmström, totalement impliquée, n'a pas repris l'intégralité de la position française, mais a formulé une proposition européenne. C'est donc l'Union qui mène ce combat. Ne critiquons pas toujours la Commission européenne ; quand cela se passe bien, sachons le reconnaître. Saluons de même les engagements pris par la commissaire en matière de transparence.
Depuis l'élection de M. Trudeau, le Canada a repris notre proposition. Il est le premier pays à le faire. Nous considérons aussi que le CETA est un bon accord pour notre agriculture. Le degré élevé de reconnaissance de nos indications géographiques est une victoire diplomatique très importante.
Plusieurs faits expliquent la floraison des traités, monsieur Guibal : tout d'abord, la mondialisation ; ensuite, l'essoufflement du multilatéralisme et son remplacement par des négociations bilatérales ; parfois, un manque de priorisation stratégique des négociations à mener. J'ai demandé à la Commission européenne, qui travaille d'ailleurs sur la question, une approche plus stratégique des différentes négociations, tant sur le plan géographique que sur le plan sectoriel. Aucun secteur ne doit, à force de négociations, se trouver soumis à une juxtaposition de quotas. Tel était aussi le sens du rapport sur la stratégie du commerce extérieur que je vous ai présenté. Le politique doit reprendre la main, les priorités doivent être clairement établies. Il me semble que Mme Malmström partage cet état d'esprit.
Merci, monsieur Hamon, pour vos mots aimables. En l'état du TAFTA, si l'accord n'était pas conclu, cela ne créerait pas de problèmes pour l'économie européenne. Il est regrettable que nous ne puissions pas avancer ensemble avec nos partenaires et amis américains sur beaucoup de sujets, mais, sans réciprocité, un arrêt des négociations n'aurait pas d'impact significatif et ne porterait préjudice ni à l'économie française ni à l'économie européenne. Il ne suffit pas de négocier ni de conclure une négociation ; c'est le contenu des accords qui compte. C'est simple : n'en signons pas de mauvais ! Disons-le clairement : l'intérêt de la France et de l'Europe n'est pas, en l'état, de signer ce traité.
Mme Chabanne, sur les marchés publics, il n'y a pas d'avancée côté américain. Or l'accès aux marchés de niveau subfédéral est un enjeu clé. Quant aux services publics, ils ne seront pas remis en cause.
Madame Karamanli, le grand débat public est indispensable. La mise en place d'un comité de suivi stratégique au Quai d'Orsay procède du même souci de transparence. Nous avons obtenu la publicité du mandat pour le TTIP en 2014 et pour le TiSA au mois de mars 2015. Des précédents sont donc créés, qui doivent s'appliquer à tous les sujets. Et, sans m'inviter partout, je serai moi-même heureux de venir sur le terrain, dès que mon agenda le permettra.
Madame la présidente Élisabeth Guigou, c'est le Conseil qui décide du caractère d'un accord, mixte ou non, aux différents niveaux : représentants permanents, membres de gouvernement, chefs d'État ou de gouvernement. La décision est prise à l'unanimité. Nous attendons, en l'occurrence, la proposition de la Commission européenne.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour ces réponses extrêmement précises et ce dialogue.
Nous allons maintenant examiner, sur le rapport de Mme Nicole Ameline, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (ensemble un règlement transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d'un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche, et une annexe) (n° 3577)
Madame la Présidente, mes chers collègues, Il me revient de vous présenter un accord sous forme d'échange de lettres entre la France et le Royaume-Uni transférant la compétence de régulation économique ferroviaire de la liaison transmanche de la Commission intergouvernementale aux organismes de contrôle nationaux, établissant les principes de la coopération entre ceux-ci et portant établissement d'un cadre de tarification pour la liaison fixe transmanche
Cet accord vise à transposer dans les droits nationaux français et britannique la directive n° 201234UE établissant un espace ferroviaire unique européen, pour ce qui concerne la liaison fixe transmanche.
La directive 201234UE, adoptée le 21 novembre 2012, constitue une refonte du premier paquet ferroviaire de 2001. Elle abroge trois directives sur l'accès aux infrastructures et la gouvernance ferroviaires.
Cette directive devait être transposée dans les droits nationaux avant le 6 juin 2015. En France, l'essentiel du travail de transposition a été réalisé par trois textes : la loi n° 2014-872 du 4 août 2014, L'ordonnance n° 2015-855 du 15 juillet 2015 et le décret n° 2015-1040 du 20 août 2015 relatif à l'accès aux réseaux ferroviaires. La directive est donc transposée pour l'ensemble du réseau ferroviaire français, à l'exception de la liaison transmanche qui fait l'objet d'une gouvernance particulière.
La liaison fixe transmanche est régie par trois textes :
- le traité de Cantorbéry signé le 12 février 1986 par la France et le Royaume-Uni, qui autorise la construction et l'exploitation par des sociétés privées de cette liaison ;
- le contrat de concession quadripartite signé le 14 mars 1986 par les deux gouvernements français les concessionnaires, France Manche S.A. et le Channel Tunnel Group Limited, instituant le groupe Eurotunnel.
- la convention d'utilisation signée le 29 juillet 1987 par les concessionnaires d'une part, les usagers d'autre part, c'est-à-dire le British Railways Board et la SNCF.
Le traité de Cantorbéry confie à une commission intergouvernementale (CIG) la mission de « suivre au nom des deux Gouvernements et par délégation de ceux-ci l'ensemble des questions liées à la construction et à l'exploitation de la liaison fixe ».
À ce titre, la CIG participe à l'élaboration de la réglementation applicable à la concession et peut aussi contribuer à l'adoption de règlements binationaux, qui s'apparentent formellement à des accords bilatéraux entre les deux États. Le règlement binational actuellement en vigueur, et qui doit être abrogé par le présent texte, est celui de 2009.
Afin d'achever la transposition de la directive 201234UE, la France et le Royaume-Uni ont entamé des négociations en mai 2014 en vue d'adopter un nouveau règlement binational. Le texte résultant de ces négociations a été validé par la CIG le 23 juillet 2014, puis transmis pour consultations aux concessionnaires le 28 juillet 2014, conformément à l'article 27.4 de l'accord de concession entre les deux États et les deux concessionnaires.
Afin d'achever la transposition de la directive 201234UE, le nouveau règlement binational vise principalement à la mise en place d'un régulateur ferroviaire unique sur le territoire de chaque état et à l'élaboration d'un cadre de tarification applicable au gestionnaire d'infrastructure.
L'accord comprend huit articles et une annexe.
Les cinq premiers articles concernent le transfert de la compétence de régulateur économique de la commission intergouvernementale aux régulateurs nationaux.
Le premier point correspond à l'article 1er de l'accord. Ce dernier, transposant l'article 55 de la directive 201234UE, qui exige un régulateur ferroviaire unique et totalement indépendant des États, transfère expressément les fonctions de régulation de la Commission intergouvernementale (CIG) aux organismes de contrôle nationaux. Ces derniers sont l'Autorité de Régulation des Activités ferroviaires et routières (Arafer) du côté français et l'Office of Rail and Road (ORR) du côté britannique.
L'article 2 impose à la CIG de communiquer aux deux régulateurs nationaux l'ensemble des informations et documents qu'elle a pu détenir dans l'exercice de son mandat de régulateur économique.
L'article 3 vise à renforcer la sécurité juridique en réduisant la probabilité de divergences entre les deux régulateurs en cas de recours déposé devant l'un d'entre eux concernant la liaison fixe transmanche. Chaque recours doit ainsi être déposé devant les deux régulateurs, lesquels doivent coordonner leurs processus de décision, se consulter mutuellement et tenir la CIG informée. En cas de probabilité de décisions divergentes, toutes les parties intéressées, dont la CIG, doivent être consultées avant leur adoption.
L'accord conclu le 16 mars 2015 par l'Arafer et l'ORR a ainsi mis en place des mécanismes de coopération dans le cadre des procédures de règlement des différends.
L'article 4 maintient explicitement la compétence de la CIG dans les domaines qui n'ont pas été transférés aux régulateurs nationaux, c'est-à-dire son rôle général de supervision « au nom et pour le compte des deux gouvernements, de toutes les questions relatives à la construction et à l'exploitation du tunnel ».
Les dispositions transitoires de l'article 5 prévoient que les autorités juridictionnelles saisies d'un recours contre une décision prise par la CIG avant le transfert de sa compétence en matière de régulation aux régulateurs nationaux demeurent compétentes pour en connaître.
L'article 6 renvoie à l'annexe, qui établit le nouveau cadre de tarification, en application de l'article 29 de la directive 201234UE.
Avant l'entrée en vigueur du présent accord, la tarification est exclusivement régie par la convention d'utilisation de 1987 passée entre les concessionnaires d'une part, c'est-à-dire France Manche S.A. et le Channel Tunnel Group, les usagers sd'autre part, c'est-à-dire le British Railways Board et la SNCF, et qui comprend, entre autres, un cadre tarifaire qui figure dans le document de référence du réseau produit annuellement par Eurotunnel dans le cadre de ses obligations de gestionnaire d'infrastructure.
L'article 29 de la directive 201234UE oblige les États à mettre en place un cadre pour la tarification, tout en respectant l'indépendance de gestion prévue à l'article 4 de la même directive. Les politiques tarifaires, qui demeurent définies par la convention de 1987, répondent désormais aux règles générales figurant dans le cadre de tarification figurant en annexe du présent accord.
L'annexe, qui se compose de six articles, reprend les dispositions de la directives applicables à la tarification de la liaison transmanche.
L'article 1er, en application de l'article 2, paragraphe 9, de la directive, exclut les activités de navette du cadre de tarification.
L'article 2 de l'annexe applique l'article 8 de la directive qui permet aux États membres de demander aux gestionnaires d'infrastructures d'équilibrer leurs comptes sans financement de l'État.
L'article 3 réitère les principes d'équité, de non-discrimination et de transparence du cadre de tarification.
L'article 4 reprend dans son premier paragraphe l'article 31, paragraphe 3 de la directive sur le tarif minimum correspondant au coût encouru. Son deuxième paragraphe reprend l'article 32, paragraphe 2 de la directive sur le recouvrement des coûts à long terme. Le paragraphe 4 met en oeuvre l'article 32, paragraphe 1, de la directive relatif aux majorations. Le paragraphe 5 autorise l'inclusion dans les redevances d'utilisation d'une redevance au titre de la rareté des capacités, en application de l'article 31, paragraphe 4 de la directive. Les paragraphes 6 à 8, qui portent sur les réductions, mettent enfin en application les articles 33, paragraphes 2 à 5, et 26 de la directive.
L'article 5 traite du mode de calcul des redevances. L'article 6 exige en application de l'article 30, paragraphe 8, de la directive, que le gestionnaire d'infrastructure mette en place une méthode d'imputation des coûts.
L'article 7 de l'accord proprement dit abroge le règlement binational de 2009. L'article 8 prévoit enfin les modalités d'entrée en vigueur du règlement dès la notification par chaque gouvernement des procédures internes requises.
En transposant la directive 201234UE, le présent texte aboutit à l'unification du régime juridique applicable en matière de régulation économique des transports ferroviaires sur l'ensemble du réseau ferroviaire tout en tenant compte des particularités propres à la liaison fixe transmanche.
Le Royaume-Uni ayant notifié l'achèvement des procédures internes de ratifications le 25 septembre 2015, et le Sénat ayant déjà adopté la loi de ratification, il nous revient de procéder à la dernière étape de l'entrée en vigueur de ce texte et de le faire rapidement. En effet, la Commission intergouvernementale demeurant compétente pour la régulation économique du tunnel jusqu'à l'abrogation du règlement binational de 2009, les décisions qu'elle prend en la matière sont juridiquement fragiles.
Votre rapporteure vous recommande par conséquent l'adoption du texte qui nous est soumis.
Je vous remercie.
Je suis assez frappé par le juridisme de cet accord. Un ancien accord international avait prévu que les États s'accordent entre eux sur les problèmes de tarifs. La directive, désormais, prévoit une compétence des régulateurs nationaux indépendants. Qu'est-ce qui empêchait que le système ancien puisse se maintenir ? Rien ! On aurait pu poursuivre sur la base d'un dialogue entre les deux autorités de régulation. Je suis convaincu qu'en conservant le système ancien, il y aurait eu un dialogue entre les autorités régulatrices nationales et l'entité internationale qui avait été créée : on aurait avancé dans les mêmes conditions. Donc pour moi, c'est du pur juridisme formalisme, un peu absurde de la part de la commission, une fois de plus.
Pour rebondir sur ce que dit Jacques Myard, je dirais : “Qui peut le plus peut le moins”. Tout ce qui peut rapprocher la France du Royaume-Uni à l'heure actuelle me semble intéressant.
Je remercie Jacques Myard. La proposition de garder un système bilatéral dans le cadre d'une coopération européenne, plus simple, aurait pu être choisie. Cela n'a effectivement pas été l'esprit de la directive. Nous gardons quand même le système global, puisque la commission intergouvernementale va rester en place, et que les organismes nationaux vont, d'une certaine façon, travailler avec elle. Aujourd'hui nous devons toutefois appliquer cette directive car nous sommes tenus par le respect des textes, même si, on peut le reconnaître, il y a peut-être un excès de formalisme.
Merci Madame la rapporteure. Je rebondis sur la complexité de ces régulations. On peut mettre en lien ce problème avec celui, certes différent, de Calais. Il était dû, justement, à des multiplications de sociétés. On oublie souvent en effet que la crise de Calais était aussi partie d'une grève de la filiale danoise. Une telle complexité conduit à renvoyer ensuite la responsabilité aux États. Pour cette raison, je ne sais pas si ce genre d'accord peut simplifier la situation. J'ai alerté plusieurs fois le ministre sur la nécessité de trouver un accord beaucoup plus global que celui portant simplement sur la régulation, englobant notamment les réfugiés, les questions de sécurité, etc. Sans pouvoir faire de l'anticipation, comment faire, avec la perspective du Brexit, pour éviter que ces filiales ne se multiplient et que l'on n'aboutisse à une quasi-absence de régulation ?
Je vous remercie beaucoup. Pardonnez-moi pour ma présentation qui a peut-être été un peu rapide et juridique. L'organigramme est tout de même assez clair et les compétences clairement définies. La commission intergouvernementale reste compétente pour tout ce qui n'est pas strictement économique. Le dialogue reste ouvert et des améliorations peuvent encore être envisagées pour d'autres sujets, telle la crise migratoire. L'ensemble du dispositif sera maintenu, ce qui à la fois nous rassure et est source de complexité. L'accord prévoit quand même des compétences déterminées pour les autorités de régulation nationale, et des axes de coopération entre elles. Nous espérons que la pratique va optimiser ce dispositif qui, à juste titre, vous a sans doute paru un peu compliqué.
Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n° 3577) sans modification.
La séance est levée à onze heures quarante-cinq