Le parti al-Nour, ce sont les ennemis jurés des Frères musulmans puisqu'ils représentent la mouvance salafiste quiétiste, c'est-à-dire non djihadiste, concurrente des Frères musulmans, qui a soutenu la prise de pouvoir de Sissi et depuis soutient le régime. Ce parti a énormément perdu dans sa propre base. Ses responsables ont accepté un compromis politique qui leur a coûté leur assise populaire. Ils sont aujourd'hui très impopulaires. Une partie des militants d'al-Nour était probablement présente dans les manifestations pro-Morsi. Le calcul politique des dirigeants s'est traduit par une vraie défaite sur le plan électoral, un camouflet énorme. Ils pensaient devenir les nouveaux Frères musulmans, convaincus que le pouvoir allait s'appuyer sur eux pour montrer qu'il avait intégré dans le jeu politique une force islamiste. Mais ce calcul se heurte à deux problèmes : le premier, le pouvoir n'est pas prêt à leur donner une vraie place ; le second, ils ne représentent plus personne. Ce calcul ne fonctionne donc pas.
Aujourd'hui, la répression dépasse les Frères musulmans pour atteindre la société civile. Un groupe de chanteurs des rues dont les textes étaient assez licencieux vis-à-vis de la religion, est aujourd'hui en procès pour insulte à l'islam. Cela montre que le pouvoir Sissi, quand il a besoin d'utiliser la religion, sait faire de l'islamisme. Des journalistes et des écrivains sont aussi visés. Ce choix est très dangereux car ce que nous ont montré les printemps arabes, c'est qu'il existe une troisième force, une jeunesse qui n'est pas idéologique qui n'est ni pro-Frères musulmans, ni pro-Sissi, qui essaie de construire sa place entre ces deux pôles du champ politique, qui s'exprime par différents moyens, notamment la culture, et qui correspond à quelque chose de générationnel et de profond. L'absence de société civile ou la destruction de la société civile en Égypte ne permet pas à ce mouvement d'éclore. Or, c'est dans ce mouvement que se trouve l'alternative à cette équation terrible entre les régimes autoritaires ou « super autoritaires » comme celui de Sissi, et Daech. Détruire la société civile, c'est se priver de l'alternative qui va mettre un peu de temps à émerger mais qui est, à mon avis, la seule possible.