Intervention de Blisko

Réunion du 17 mai 2016 à 16h15
Mission d'information sur les moyens de daech

Blisko :

Pour les plus jeunes et les plus friables, ceux qui ne sont pas passés par la case délinquance, nous constatons en effet un phénomène qui ressemble beaucoup à l'emprise sectaire. Toutefois, il faut nuancer le propos en signalant des différences sur trois points : le recours à la violence, la place réservée aux mineurs, l'influence de gourous.

En matière de radicalisation, comme Mme Soulas l'a signalé, il est important de détecter le moment où le jeune peut basculer dans la violence. Or vous le savez mieux que moi, monsieur Myard, les gens qui sont embrigadés dans des sectes utilisent la violence contre eux-mêmes et leur famille – ils quittent leurs parents, leur travail, etc. – mais, sauf exception, ils ne présentent pas de sociopathie. Parmi les exceptions, on peut citer la secte japonaise Aum, principalement connue pour avoir commis un attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, qui avait fait douze morts et des milliers de blessés. On se souvient aussi du pasteur Jim Jones qui est à l'origine de la mort de 923 de ses adeptes au Guyana. Cependant, dans l'un et l'autre cas, il n'y a pas cette volonté de détruire le monde dans lequel nous vivons. On se méfie du monde, on dit que tout y est mauvais, on se met à l'écart. Certains groupes sectaires, parareligieux et spiritualistes expliquent que c'est Satan qui parle par la bouche de tel instituteur, professeur ou homme politique. Mais si l'on prédit la fin de la civilisation, on n'est pas un acteur de cette destruction. Dans le cas présent, il y a une dimension qui nous inquiète : comment amène-t-on des jeunes gens sympathiques, normaux, qui aiment les animaux, à devenir des tueurs et des coupeurs de tête ? Nous devons creuser cette question.

Deuxième différence : il est rare que les mouvements sectaires s'attaquent à des mineurs, ne serait-ce que par crainte de poursuites judiciaires. Les mineurs concernés par le phénomène sectaire sont ceux dont les parents sont des adeptes qui les élèvent dans ce cadre. Dans l'islamisme radical, les mineurs participent activement à leur propre tragédie, si j'ose dire. La jeune fille qui se met à échanger avec un homme de dix ans plus âgé qu'elle – il peut aussi avoir vingt ou trente ans car sur internet tous les chats sont gris – participe volontairement. C'est un autre sujet d'inquiétude.

Enfin, comme Mme Soulas l'a fait remarquer, il n'y a pas vraiment de gourous dans les réseaux islamistes. Il y a des auxiliaires, des rabatteurs qui hameçonnent. Le vrai gourou est l'État islamique. Dans le mouvement sectaire classique, la dimension géopolitique est à peine ébauchée quand elle existe. La conjonction d'une fragilité individuelle et d'une réponse géopolitique nous inquiète, et c'est bien pour cela qu'il y a 12 000 personnes signalées.

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