Certains disent qu'on ne déradicalise que ceux qui ne sont pas encore radicalisés. Si le propos est un peu simpliste, il n'en demeure pas moins qu'il est plus facile d'agir sur un jeune qui n'en est qu'au stade de la fascination pour ce genre de mouvement. Face à des jeunes qui en sont à l'étape de la kalachnikov, qui se sacrifient, pour reprendre un terme employé par le docteur Fethi Benslama, c'est plus compliqué. Ces jeunes-là ont-ils été radicalisés par quelqu'un d'autre ? Je n'en suis pas sûre. Peut-être ont-ils fait des choix idéologiques et politiques clairs, comme d'autres avant eux à d'autres moments de l'histoire. Il n'y a rien à déradicaliser, d'une certaine manière.
Quand il s'agit de jeunes considérés comme victimes et en danger – compte tenu de leur âge et de ce qu'on leur met dans le crâne –, toute notre expérience des manipulations mentales montre qu'il faut mettre l'accent sur le lien avec l'univers familial. Quand la famille existe, il faut préserver et renforcer ce lien. Les parents – et parfois les grands-parents – jouent un rôle fondamental dans les thérapies. Or, d'après le peu d'informations dont je dispose sur les futurs centres de déradicalisation, je présume que ces structures fonctionneront avec des internats, ce qui revient à isoler les jeunes de leur famille. Cela me paraît assez préoccupant, même s'il faut s'adapter au profil des jeunes et à leur degré de radicalisation. Il faut d'ailleurs souligner que le maintien du jeune dans sa famille suppose d'éviter un autre type d'écueil : le laisser exposé aux rabatteurs, à ces gens auxquels il téléphone tous les jours pour savoir quoi dire et quoi faire. Quoi qu'il en soit, je reste dubitative concernant la déradicalisation.