Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte.
Je reconnais que le sujet est pleinement d'actualité, mais permettez-moi néanmoins de rappeler que le législateur ne doit légiférer sous le coup ni de l'émotion ni de l'actualité, et encore moins dans la précipitation. Or c'est exactement ce que nous faisons : cette proposition de loi me semble totalement précipitée, insatisfaisante et peu adaptée à l'objectif qu'elle s'est fixé.
En effet, dans ses motifs, il est clairement inscrit qu'elle complète, sans toutefois les remplacer, « les mécanismes institutionnels existants par des procédures permettant à des alertes de voir le jour et d'être instruites, à des conditions et selon des modalités précisément définies ». Pour y parvenir sera donc créée la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement.
Permettez-moi tout d'abord d'émettre une première réserve, et non des moindres, concernant le caractère « précis » des modalités attachées à cette nouvelle commission. En effet, nous examinons une proposition de loi, donc un texte qui, par nature, vous le savez tous, n'est pas assorti d'une étude d'impact. Sur un sujet comme celui-ci, cela mérite d'être souligné, vous en conviendrez. Qu'en est-il donc du volume des dossiers que cette nouvelle structure aura à traiter ? Combien de personnes y seront affectées ? Quel sera le montant de son budget de fonctionnement ? Autant d'interrogations auxquelles aucune réponse n'a été fournie en commission ni ne pourra être avancée au moment où nous examinons le texte.
Le flou artistique qui entoure les modalités de fonctionnement de la commission et sa composition est aggravé par le fait qu'un décret en Conseil d'État devra réglementer ces différents aspects ; un élément qui nous rassure cependant, car nous disposons d'un peu de temps avant qu'un tel décret soit publié. Je doute donc très fortement de la capacité de cette nouvelle instance à traiter efficacement l'ensemble des alertes dont elle sera saisie, et ce d'autant plus qu'elle ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte.
Ce doute est renforcé – c'est la deuxième réserve que je souhaiterais émettre et dont nous avons déjà longuement débattu en commission – en raison du risque de complexité accrue que ce nouveau dispositif pourrait entraîner au regard des procédures déjà existantes en matière d'expertise et d'alerte.
En effet, la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, que nous avons portée, a déjà permis des progrès notables quant à l'indépendance de l'expertise publique et à la protection des lanceurs d'alerte dans le domaine de la pharmacovigilance.
Ce texte, tout comme la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, visait à réduire le délai entre l'apparition d'un risque et la prise de conscience de ses effets et à apporter à celui-ci une réponse efficace et rapide.
Récemment, la loi du 27 décembre 2012 relative à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la charte de l'environnement, à laquelle l'opposition a pris une part active – ceux qui étaient au Sénat ont pu constater à quel point le rôle de l'opposition a été décisif en commission mixte paritaire –, a largement renforcé l'information et l'association des citoyens aux débats sur l'ensemble des projets ayant une incidence sur l'environnement, à la demande notamment du Conseil constitutionnel.
De plus, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement qui serait créée par cette proposition de loi viendrait se superposer – mes chers collègues, j'espère que vous êtes bien assis – aux 1 244 agences nationales existantes dans notre beau pays.