Intervention de Bernard Accoyer

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 15h00
Indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Une proposition de loi, monsieur le rapporteur, vous le savez, donne des moyens indigents. Ainsi, aucune étude d'impact n'est effectuée. Or, comment aborder un domaine aussi vaste en s'exonérant d'une étude d'impact ? Il aurait été nécessaire d'évaluer les textes qui existent déjà ; car ils existent, comme vient de le démontrer Gérard Bapt, et les procédures finissent toujours par aboutir.

Il y a bien entendu, au sein même de notre institution, l'OPECST, qui n'a pas été consulté, monsieur le rapporteur. Cet office parlementaire est l'émanation de ce que la démocratie a imaginé pour évaluer les choix scientifiques et technologiques. Je pense aussi au Comité d'évaluation et de contrôle qui est, lui aussi, compétent en la matière.

La première partie du texte prévoit la création d'une commission nationale de la déontologie, totalement redondante. Une réforme est nécessaire pour alléger le poids des agences existantes, nombreuses et coûteuses – 2,5 milliards d'euros chaque année –, améliorer leur efficacité et renforcer la sécurité. Mme Touraine, ministre de la santé, a d'ailleurs annoncé cette réforme ; une fois n'est pas coutume, je la soutiens sur ce point.

La deuxième partie du texte crée un conflit frontal avec les comités d'hygiène et de sécurité. Les partenaires sociaux se sont d'ailleurs chargés d'en vider le contenu. Il restera quand même des seuils, des charges, des coûts supplémentaires, des contraintes et des risques juridiques pour nos entreprises, alors que ce n'est pas le moment de charger la barque, si j'en crois ce qui s'est dit ici même ce matin, lors de la réunion de la mission d'information sur la compétitivité de l'économie française.

La troisième partie, qui traite du statut des lanceurs d'alerte, est porteuse d'effets dangereux, pour ne pas dire pervers. L'alerte doit déclencher l'expertise, c'est ce qu'elle fait aujourd'hui. L'observatoire interacadémique de l'expertise, qui regroupe l'académie de médecine, l'académie des sciences morales, l'académie des technologies, l'académie des sciences, alerté – si j'ose dire – par votre texte, s'est exprimé : « les risques de futilité, d'encombrement, de manipulation idéologique, d'invocation abusive du principe de précaution et d'amplification médiatique soulèvent un problème d'intérêt public. »

En effet, vous prévoyez de créer un statut dérogatoire qui permettrait de dire n'importe quoi, sans aucune compétence, autorisé par la seule bonne foi. En face, l'entreprise, le chercheur, devraient prouver objectivement l'innocuité totale du process ou du produit.

Madame la présidente de la commission, vous avez souvent évoqué votre profession – ce qui n'est ni habituel ni souhaitable dans cet hémicycle (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) – et vous savez très bien que les produits inoffensifs à 100 % n'existent pas, qu'il est impossible scientifiquement de prouver l'absence totale de dangerosité. Ce déséquilibre crée une situation inextricable, extrêmement dangereuse pour l'avenir.

C'est d'autant plus le cas que l'alerte est devenue un exercice de médiatisation. Je pense notamment à l'opération Séralini, qui mériterait – je l'affirme publiquement à cette tribune – une enquête parlementaire pour en connaître les réseaux de financement et le mécanisme d'élaboration ; vous seriez bien surpris de constater que certains liens aboutissent directement au milieu sectaire ! (Protestations sur les bancs du groupe écologiste.) Il y a lieu de protéger la société de cette très dangereuse dérive.

Puisque notre collègue Gérard Bapt a cité quelques exemples, je voudrais vous parler de soi-disant alertes données sur des vaccins. En 1999, aux États-Unis, des publications erronées, sans fondements et formellement démenties par la suite, ont dénoncé les effets de la vaccination contre la rougeole. Une épidémie de rougeole est survenue l'année suivante en Irlande, faisant passer en un an le nombre de cas de 148 à 1 603 et causant la mort de trois personnes. En France, la campagne a été relayée et en 2011, six personnes sont mortes de la rougeole, une maladie qui était pratiquement éradiquée avant cette polémique.

Nous avons aussi assisté, ici même, dans cet hémicycle, à des interpellations du ministre de la santé de l'époque, mettant en cause le vaccin contre l'hépatite B. Quinze ans après cette soi-disant alerte, la France reste le pays occidental où l'on dénombre le plus de morts par hépatite grave, par cirrhose hépatique et par cancer post-hépatique. Telle est la réalité aujourd'hui. La polémique sur les adjuvants est de la même veine.

Ce texte étant dangereux, nous devons prendre de la hauteur et étudier tous ensemble les moyens d'améliorer l'expertise et l'évaluation, de façon à renforcer véritablement la sécurité alimentaire, sanitaire et environnementale des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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