Il ne faut donc pas porter atteinte à la liberté d’entreprendre, pas plus qu’à la liberté contractuelle. C’est pourquoi nous ne ferons pas le choix pour les entreprises privées d’un mécanisme de plafonnement pur et simple, comme celui que nous avons retenu pour les entreprises publiques.
En revanche, donner au vote des actionnaires un caractère réellement contraignant en matière de politique de rémunération des dirigeants me paraît être la bonne voie. Le code de bonne conduite de l’AFEP et du MEDEF ne les autorise en effet qu’à s’exprimer à travers un vote purement consultatif. Le Gouvernement, en tant qu’actionnaire, est bien conscient des limites de ces dispositions. Un vote réellement contraignant des actionnaires permettra d’éviter que ne se reproduise ce qui s’est passé dans le cas de Renault, à savoir qu’un conseil d’administration passe outre l’avis de ses actionnaires.
Renforcer le poids des actionnaires dans la fixation des rémunérations est d’ailleurs la philosophie retenue au niveau européen, où une directive relative aux droits des actionnaires est en discussion. Le débat n’est donc pas propre à notre pays : il est largement partagé. Vous connaissez mon attachement à une concertation étroite avec nos voisins. Celle-ci est particulièrement appropriée sur ce sujet, puisque les entreprises que nous visons sont souvent des sociétés multinationales, qui raisonnent à l’échelle européenne, sinon mondiale.
Par ailleurs, la transparence en matière de rémunération des dirigeants, tant vis-à-vis des actionnaires que de nos concitoyens, doit être accrue. Les entreprises doivent publier les écarts de rémunération entre leurs employés, d’une part parce que les salariés sont en droit de les connaître, d’autre part parce que la modération salariale doit d’abord concerner les salaires les plus élevés. C’est un point auquel je suis très attaché.
Tel est le sens des amendements que le Gouvernement présentera en séance le 6 juin prochain, lors de l’examen du projet de loi sur la transparence, en s’appuyant sur l’amendement du rapporteur Sébastien Denaja, qui a été adopté par la commission des lois.
Nous nous appuierons également, monsieur le rapporteur Gaby Charroux, sur le travail effectué en commission sur votre proposition de loi, qui procède de la même logique.
Le Gouvernement continue donc de travailler, son objectif étant d’aboutir à l’adoption d’un dispositif clair, pleinement opérationnel et véritablement efficace, en bonne articulation avec les autres dispositifs existant déjà pour certains éléments de rémunération, comme les indemnités exceptionnelles.
Un deuxième volet de la proposition de loi porte sur le nombre maximal des mandats d’administrateurs qu’une personne physique peut exercer. Le texte propose de les limiter à deux plutôt qu’à cinq pour toutes les sociétés anonymes dont le siège social est situé en France.
Cette question, vous le savez, a été abordée dans le cadre des débats parlementaires de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Le Gouvernement partage l’objectif de limitation du nombre des mandats. Cette loi abaisse d’ailleurs la limite de cinq à trois mandats, mesure qui ne sera pas applicable avant l’été 2016. Il serait de bonne méthode d’attendre que cette disposition soit entrée en application afin que nous puissions analyser ses conséquences avant d’aller plus loin.
J’ajoute à cet argument de bon sens une considération plus concrète pour vous inviter à aller moins loin que ne le propose M. Charroux. Dans notre pays, les entreprises de taille intermédiaire, ou ETI, qui nous manquent tant, se constituent souvent par rapprochement progressif de PME. Dans de tels cas, il est courant qu’un dirigeant exerce plus de trois mandats. Ne pas toucher à ces situations, tel est le sens de la limitation introduite dans la loi activité car ce que nous visons – je pense que nous nous retrouvons sur ce point –, c’est la consanguinité dans les conseils des grandes entreprises.
Le Gouvernement ne souhaitant pas remettre en question l’équilibre actuel, alors que les effets des modifications récentes que je viens de décrire ne peuvent pas encore être mesurés, je soutiendrai une proposition de suppression de l’article 2 de la proposition de loi.
Voilà, mesdames et messieurs les parlementaires, la position du Gouvernement sur ces sujets, sur lesquels nous partageons, je crois, la conviction qu’il faut avancer.