Mise en avant dans le code AFEP-MEDEF, la procédure du Say on Pay, qui vise à soumettre la rémunération des dirigeants au vote consultatif des actionnaires, a pu constituer une première réponse bienvenue. Malheureusement, force est de constater que l’autorégulation n’a pas résolu toutes les difficultés. Les exemples récents ont montré que la présence dans les grandes entreprises de comités de rémunération supposés apporter de l’objectivité à la fixation de la rémunération des dirigeants n’est pas suffisante.
Si nous sommes bien conscients des limites de l’autorégulation, la proposition de loi initiale de nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine nous semblait aller trop loin en limitant les écarts de rémunération dans l’entreprise de un à vingt. Les travaux en commission ont en outre permis de souligner les risques qu’aurait entraînés l’adoption d’une telle disposition, au premier rang desquels le risque d’externalisation des plus bas salaires au sein d’une entreprise.
Par ailleurs, les expériences étrangères nous apprennent qu’il n’est pas pertinent de réglementer les entreprises à l’excès et qu’il faut plutôt agir sur plusieurs niveaux, à la fois en imposant des règles générales et en développant de bonnes pratiques. Suivant cette démarche, nous estimons qu’il faut davantage encourager toutes les initiatives favorisant une plus grande transparence et la publicité des rémunérations.
Parce qu’il vise à rendre le vote des actionnaires non plus seulement consultatif mais décisionnel, le nouvel article 3 présente l’avantage de renforcer le rôle de l’assemblée générale et d’éviter à l’avenir la situation déplorable qu’a connu le groupe Renault voilà quelques semaines. Il n’est en effet plus supportable que les conseils d’administration puissent prendre des décisions contraires aux avis des assemblées générales d’actionnaires, lesquels sont les propriétaires de l’entreprise. Chacun ici a bien conscience que leur avis doit être respecté.
La limitation du cumul des mandats va dans le même sens que ce rééquilibrage des pouvoirs puisqu’il s’agit de mettre en place des outils qui permettront aux administrateurs de jouer pleinement leur rôle et de limiter la pratique des mandats croisés et l’entre-soi.
Avant de conclure, j’aimerais rappeler que le débat que nous avons ce matin n’est pas propre à la France : la question des très hautes rémunérations se pose dans tous les pays occidentaux. Le Royaume-Uni a ainsi instauré dès 2003 le vote consultatif des actionnaires sur les salaires des dirigeants. Faute de progrès substantiels, le gouvernement britannique a mis en place en 2012 un vote contraignant sur la politique de rémunération des entreprises. Le contrôle des actionnaires est d’ailleurs encore plus étendu puisqu’ils doivent approuver tous les trois ans les principes régissant les salaires, les modalités d’attribution des bonus, la définition des critères et la forme de leur versement.
Aux États-Unis, en août 2015, la Securities and Exchange Commission a voté un texte qui va également dans le même sens. Il s’agit, non pas de limiter les rémunérations, mais de les comparer, afin de tenter de dissuader les conseils d’administration d’avaliser n’importe quel montant en-dehors de tout référent. Ainsi, à partir de 2017, les sommes accordées aux patrons des plus grosses entreprises américaines cotées devront être publiées et appréciées au regard du salaire médian dans l’entreprise.
Les sources d’inspiration ne manquent pas et il est important que la France s’inscrive dans ce mouvement global qui vise à faire de l’éthique une priorité de l’entreprise. Ce sera tout le sens des amendements défendus par mon collègue Charles de Courson. S’ils n’étaient pas adoptés ce matin dans le cadre de la discussion de ce texte, j’espère que de nouvelles dispositions allant dans ce sens pourront être rapidement intégrées au projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
En conclusion, vous aurez compris que si nous sommes opposés à une loi qui plafonnerait les rémunérations, nous estimons en revanche que les actionnaires doivent rester libres de fixer le niveau de rémunération des dirigeants et souhaitons voir leur pouvoir de décision renforcé dans le cadre d’une démocratie économique.
Aussi, sous réserve du respect des travaux de la commission, la proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine recueillera un vote favorable de notre part.