Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre débat sur l’encadrement des rémunérations dans les entreprises est-il nécessaire ? Oui, parce que le marché libre et sans régulation produit des écarts de rémunérations économiquement et socialement injustifiables.
Nous allons donc ouvrir les discussions sur les modalités d’encadrement des rémunérations des dirigeants d’entreprise. Il existe certes un code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées élaboré par l’association française des entreprises privées, l’AFEP, et le mouvement des entreprises de France, le MEDEF. Ce code recommande pour les dirigeants la mesure en matière salariale, fondée sur un équilibre à déterminer entre l’intérêt général de l’entreprise, les pratiques du marché et les performances des dirigeants. Un tel dispositif d’autorégulation n’ayant jamais empêché les excès, il doit être complété.
Plusieurs auteurs et organismes ont montré le caractère improductif des inégalités. Citons le rapport du Fonds monétaire international publié en 2014 qui, constatant l’accentuation des inégalités, prône une politique budgétaire redistributive qui ne nuirait pas à la croissance, ou le rapport de l’OCDE publié en décembre 2014 montrant quant à lui les effets néfastes des inégalités sur l’activité économique. Les travaux de Camille Landais, tout récent lauréat du prix du meilleur jeune économiste, montrent qu’en France les inégalités ont recommencé à augmenter rapidement à la fin des années 1990. Parmi les causes de ce phénomène, il faut citer la forte hausse des rémunérations des PDG, des stars du sport et des arts et celle, moins visible, des rémunérations des salariés de l’industrie financière.
En revanche, aucune étude n’a réussi à prouver que la hausse des rémunérations a amélioré le rendement et la productivité des dirigeants. En effet, comment justifier une rémunération extravagante au nom de la compétence ou des performances personnelles alors qu’il est impossible de distinguer ce qui relève du patron en poste, de son prédécesseur, de son équipe dirigeante et de l’ensemble des salariés ? Surtout quand le patron divise par deux la valeur de l’action de son entreprise, comme ce fut le cas d’ un ex-patron de la grande distribution !
Comment justifier une rémunération extravagante au nom des risques pris et de la précarité de la fonction – Ernest-Antoine Seillière vantait déjà ces « risquophiles » – quand les patrons sont à même de fixer leur propre salaire par le jeu de participations croisées dans les conseils d’administration où siègent d’autres patrons ayant profité du système et quand les contre-pouvoirs au sein des entreprises sont toujours aussi limités ? D’ailleurs, depuis quelques années, les actionnaires n’hésitent plus à se manifester, en Amérique et en Europe, afin de réduire les prétentions des dirigeants de leur entreprise. Enfin, comment justifier une rémunération extravagante pour garder nos talents quand aucun transfert n’a jamais eu lieu entre entreprises du CAC 40 ni aucun débauchage par des entreprises étrangères pour des raisons strictement financières ?