Peut-on imaginer voir perdurer et même développer les inspections relatives au bien-être animal ? Nous le souhaitons parce que l'ouverture et la transparence permettent d'avancer. En tant qu'inspecteurs, lorsqu'on nous parle de nouvelles inspections nous disons oui, mais nous nous demandons toujours qui va les faire, quand et comment… Je ne vois pas d'objection sur le principe, mais il faut régler les vraies questions qui sont pratiques et matérielles.
Je vous confirme que Martial Albar est bien un ancien technicien des services vétérinaires – nous portions ce nom, à l'époque. Je ne connais pas son cursus professionnel ; il vous a été présenté, je n'y reviens pas. Son interview est quasiment un procès-verbal. Lorsque nous sommes amenés à rencontrer le procureur, nous lui faisons part de nos constats sous cette forme : « Je me suis rendu à tel endroit à telle date – il ne le dit pas, mais c'est peut-être mieux –, j'ai vu ceci, j'ai vu cela. » Il est possible qu'il ait vu ce qu'il raconte, nous n'allons pas le contester, mais nous nous interrogeons : qu'a-t-il fait de ce qu'il a constaté à l'époque ? Nous sommes assermentés, et lorsque nous sommes témoins de scènes comme celles qu'a vues M. Albar, nous sommes tenus d'agir, même s'il nous appartient de faire preuve de discernement selon le contexte et les actes concernés. Reste que si nous constatons des infractions, notre première obligation est d'en référer à la justice, surtout lorsqu'il s'agit d'infractions du type de celles que décrit M. Albar. Il s'exprime douze ans après les faits ; mais sur le moment, qu'a-t-il fait ?
Bien sûr, il peut nous arriver de voir ce genre de choses. Mais il faut tout de même prendre cet article avec précaution : il part de faits extrêmes et exceptionnels et glisse ensuite vers la description de pratiques comme l'éviscération, qui sont peut-être « gores », comme on dit aujourd'hui, mais qui font partie de l'abattage. C'est comme cela, et c'est fait aussi proprement et aussi déontologiquement que possible, nous sommes là pour y veiller de notre mieux. Mais faire un lien direct entre des scènes extrêmes et le quotidien de l'abattoir ne nous paraît pas procéder d'un raisonnement très sain.
De la même façon, le rapport rédigé par Marcel Albar pour l'association L214, cherche à tirer des règles de faits constatés. Ce n'est pas ainsi que l'on raisonne : on peut casser une règle à partir d'un contre-exemple, mais on ne peut pas en construire une à partir d'un seul exemple. C'est en tout cas ce que j'ai appris à l'école…