Tout d'abord, une remarque générale. Un certain nombre de questions concernent le produit de l'impôt sur les sociétés (IS) ou les recettes de TVA. À la fin du mois de mai, il n'est pas possible d'y répondre. Nous ne connaissons pas encore les chiffres. Je ne pourrai donc pas vous renseigner sur le produit de l'impôt sur les sociétés, d'autant que le mécanisme est complexe, notamment avec le cinquième acompte versé par les grandes entreprises.
Ensuite, il faut toujours être prudent dans ses prévisions, même à l'échelle d'évolutions infra-annuelles. L'INSEE nous a montré ces derniers jours qu'un taux de croissance annuelle du PIB peut être révisé du simple au triple un an et demi plus tard. Cela nous interpelle. Il ne s'agit là que d'une donnée passée, soyons donc particulièrement humbles lorsqu'il s'agit de l'avenir. Mon cabinet sait que j'ai l'habitude de poser des questions sur l'état des recettes, et on me répond bien souvent qu'il est trop tôt. Ce n'est ainsi qu'à la fin du mois de juin que nous pourrons avoir des indications précises sur les rentrées de l'impôt sur le revenu. Dès lors, je ne sais que vous répondre, madame la rapporteure générale, sur l'impôt sur les sociétés.
Le CICE représente un montant d'un peu plus de 16 milliards d'euros, mais la Cour des comptes avance un montant d'un peu plus de 12 milliards d'euros. En 2015, le CICE a été payé au titre des salaires de 2014, sous la forme d'une réduction de l'impôt sur les sociétés acquitté – en cas d'imputation du CICE sur le montant dû – ou d'un remboursement. Le produit net de l'impôt sur les sociétés est donc en baisse en 2015. La créance de CICE est inscrite dans les comptes dans les entreprises. Son montant est d'environ 16 milliards d'euros. C'est aussi son coût en comptabilité nationale, mais le montant imputé sur l'impôt sur les sociétés ou restitué aux entreprises, le coût budgétaire donc, est, lui, de l'ordre de 12 milliards d'euros. Cet écart est une dette de l'État, inscrite dans les comptes, et qui est prise en compte, bien sûr, pour prévoir les remboursements ultérieurs. Voilà l'explication.
La perquisition effectuée hier chez Google intervient bien à la suite d'une plainte de l'État pour fraude fiscale – il nous est pourtant souvent reproché de ne pas engager de poursuites. J'ai indiqué clairement, ce même jour, sur une chaîne d'information, qu'il n'était pas question de faire des transactions ; il n'y en a pas eu, et il n'y en aura pas, que ce soit avec Google ou avec d'autres. Il n'en va pas de même dans d'autres pays... Je ne peux en dire plus, mais je répéterai que cinq contrôles seulement, l'année dernière, portant sur cinq entreprises, ont produit 3,3 milliards d'euros de redressement et de pénalités. Je vous laisse faire la division, vous devinez quels sont les montants en jeu… Je ne peux pas citer les entreprises en question, mais cela tient souvent à l'existence d'un établissement stable – d'ailleurs, la question a été clairement évoquée par le parquet national financier dans son communiqué d'hier. Parfois, les contrôles portent sur la validité de prix de transfert, ou d'autres phénomènes qui peuvent être liés à la TVA. Les grandes entreprises multinationales ne bénéficient ni de complaisance ni de bienveillance, qu'elles soient étrangères ou françaises.
Les montants recouvrés au terme des contrôles représentent un peu plus de 12 milliards d'euros. Cela peut paraître peu par rapport à la bonne vingtaine de milliards d'euros notifiés, mais c'est parce que le contentieux dure et qu'il y a des procédures contradictoires, parfois devant des juridictions complexes, notamment quand plusieurs États sont concernés.
Le Comité national de lutte contre la fraude (CNLF) se réunit au mois de juin. Nous aurons alors l'occasion, monsieur Galut, de faire le point sur la fraude à la TVA, mais je partage votre impatience – mon administration le sait –, notamment en ce qui concerne l'utilisation d'outils comme le data mining.
La communication qui a suivi l'audition de la procureure du parquet national financier par le Sénat ne m'a pas échappé. Le ministère de la justice a fait l'objet d'un dégel de crédit d'un peu plus de 100 millions d'euros ; c'est au garde des sceaux qu'il appartient de répartir ces moyens. Pour notre part, nous sommes entièrement disponibles, et un certain nombre de fonctionnaires de mon administration travaillent en lien avec ce parquet. Il ne vous a pas échappé que l'opération Google a mobilisé 25 agents, l'ensemble de la police fiscale : ce sont des moyens considérables.
Vous avez raison, madame la rapporteure générale, de poser la question de l'avenir de la réserve de précaution. Cette année, elle est plus importante que l'année dernière. Tout d'abord, nous avons gelé tous les reports de 2014, ce qui a augmenté son montant. La réserve de précaution est un atout, car elle permet de couvrir un certain nombre de dépenses nouvelles en cours d'année, mais elle peut aussi faire l'objet d'annulations de crédits. C'est en partie le cas avec ce décret d'avance sur lequel vous avez rendu un avis hier. Quelle sera la proportion de dégels ou d'annulations au sein de la réserve de précaution ? Il est un peu tôt pour le dire, mais vous savez quels postes doivent traditionnellement être alimentés : les opérations extérieures (OPEX), ceux d'un certain nombre de prestations sociales, certains crédits du ministère du travail. D'ailleurs, nous avons utilisé une partie de cette réserve pour financer le plan emploi.
Effectivement, le solde des comptes spéciaux est supérieur de 1,8 milliard d'euros au montant prévu en loi de finances initiale. Le solde des comptes d'avance aux collectivités a été augmenté de 300 millions d'euros, celui du compte Participation de la France au désendettement de la Grèce de 400 millions d'euros, parce que nous n'avons pas reversé en 2015 les profits réalisés par la Banque de France sur les titres grecs – j'avais évoqué ici même ce décalage d'un an. Quelques prêts à des États étrangers ont été reportés, pour un montant global de 700 millions d'euros. D'autres facteurs assez disparates expliquent 400 autres millions d'euros. Si vous souhaitez plus de détails, mes services se tiendront à votre disposition.
En matière de dette, M. Le Fur a parlé de « passer le mistigri » aux suivants. Pardonnez-moi de vous le dire comme cela, monsieur Le Fur, mais c'est une parole d'expert, n'est-ce pas ?! Vous vous y connaissez, pour passer le mistigri !
L'encaissement des primes à l'émission, ce n'est pas nouveau. C'était d'ailleurs indiqué clairement dans le texte du projet de loi de finances rectificative pour l'année 2015, à la fin de l'année dernière. Le montant y figurait : 22 milliards d'euros de primes à l'émission. On retrouve le phénomène en Espagne pour 1,2 % du PIB, au Royaume-Uni pour 0,9 % du PIB. L'encaissement de ces ressources de trésorerie a permis de réduire effectivement l'encours de dette à court terme de l'État – pas les dettes à long terme. Cela permet aussi de réduire l'exposition de la dette au risque de remontée des taux.
Le taux de la dette à dix ans de la France est de 0,50 %, et nous étions partis de l'hypothèse d'un taux largement supérieur pour la fin de l'année 2016. Nous pouvons donc espérer trouver là quelques ressources supplémentaires en fin d'année. Le spread entre les taux allemands et les taux français reste quasiment toujours le même : trente à trente-trois points de base. La situation est stable depuis quasiment deux ans. C'est le résultat de la politique de la Banque centrale européenne (BCE), mais aussi la conséquence de la crédibilité de la France. L'Italie, l'Espagne, le Portugal, sans parler de la Grèce, ne bénéficient pas de taux aussi faibles. Chaque fois, on nous dit que nous bénéficions d'une conjoncture favorable, d'un « alignement des planètes », toutes choses qui tiendraient d'un don du ciel, mais, lorsque cela va mal, tout serait de notre faute ! Ayons une vue plus équilibrée de la réalité.
J'ai dit tout à l'heure que les reports de charges avaient baissé globalement. Il ne faut pas confondre les reports qui augmentent de façon modérée – de 200 millions d'euros – et qui ont été gelés – cela n'a d'impact que si on peut les dépenser –, et les charges à payer, qui, elles, sont stables, hors éléments exceptionnels, à savoir des apurements communautaires et l'indemnisation d'Écomouv'. Hors retraitement, elles baissent de 1,2 milliard d'euros. Les charges à payer, c'est ce que l'on doit réellement à un fournisseur, et leur montant a été parfaitement stabilisé.
Mme Sas a eu raison de poser la question, assez récurrente au sein de cette commission, des contentieux. Vous avez raison, madame la députée, de dire qu'ils coûtent souvent un peu moins en décaissements que ce que l'on avait provisionné. C'est parfois lié à des demandes plus étalées dans le temps que prévu. Parfois aussi, des juridictions se prononcent de façon plus tardive que prévu. Par exemple, pour le contentieux sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), nous avons dépensé 800 millions d'euros, alors que notre provision était de 1,75 milliard d'euros. Oui, nous sommes souvent prudents en établissant nos provisions. Faut-il s'en plaindre ? Nous suivons de très près ces contentieux. Votre commission y consacre parfois une séance, elle me reçoit ou, éventuellement, reçoit le directeur général des finances publiques ; nous sommes à votre disposition.
Comment chiffrer l'impact du cours du pétrole sur le budget ? C'est quasiment impossible, mais j'étudie la question avec chacun de mes collègues lorsque nous préparons un décret d'avance ou une conférence budgétaire. Et je ne manque jamais de rappeler que le plus gros consommateur français de pétrole ou de carburant est probablement le ministère de la défense – je ne fais là qu'un constat. Ce n'est pas l'État qui, de manière presque abstraite, bénéficie de cours favorables : ce sont tous les ministères, qui ont tous des bâtiments à chauffer, des véhicules, lesquels roulent avec du carburant. Certains ministères réalisent une économie à la suite de la baisse du cours du pétrole, que nous nous efforçons de reprendre lorsque cela nous paraît justifié.
La Cour des comptes dit toujours que l'on pourrait faire mieux en matière de contrôle fiscal. Nous avons mis en oeuvre un certain nombre de dispositions, nous en avons parlé tout à l'heure. Les choses progressent pour plusieurs raisons. Premièrement, le Parlement a donné des possibilités supplémentaires à l'administration – cela n'a pas toujours été assez souligné. Ensuite, la coopération internationale progresse très rapidement – et cela continuera au cours des prochains mois. L'ensemble a rapporté environ 2 milliards d'euros supplémentaires, le montant des notifications passant de 19 milliards à 21 milliards d'euros. Les montants recouvrés ont aussi augmenté, mais les recouvrements concernent aussi des notifications d'années antérieures, et il est toujours assez difficile de faire la part des choses.
Quant aux crédits de la défense, rappelons que c'est l'une des premières fois qu'une loi de programmation militaire (LPM) est respectée. Cette loi a été débattue, elle a été adoptée, nous l'avons révisée l'an dernier, et elle est respectée. Ce n'est quasiment jamais arrivé. Et si les recettes dites « exceptionnelles » nourrissaient quelques inquiétudes, elles ont été remplacées par des crédits budgétaires. Les réserves sur les stocks peuvent être liées – je n'en suis pas sûr – au secret de la défense nationale ; soyons donc très prudents.
La recherche fait beaucoup parler depuis quelques jours. Je l'ai dit ici la semaine dernière, et je ne change pas une virgule à mon propos : il n'y a pas de coupes budgétaires, il y a des prélèvements sur les trésoreries d'un certain nombre d'organismes. Cela s'est déjà fait, sous d'autres majorités, et il y en a déjà eu au cours de la législature. Lorsque des organismes ont des fonds de roulement qui nous paraissent, sinon surabondants, du moins très confortables, il y a lieu d'y regarder. Mon ministère a retenu les propositions du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; parfois même, il est allé moins loin. Le prélèvement sur la trésorerie du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) nous paraît supportable, dans la mesure où des raccordements seront faits en 2017. Pour le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), nous devrons être plus attentifs. La ministre vous a répondu hier dans l'hémicycle, alors qu'un retard de train m'empêchait d'être présent pour les questions d'actualité, et elle et moi nous sommes entretenus ce matin encore de la question. Si des besoins se faisaient jour, si la réalisation d'un certain nombre de projets du CEA était empêchée, bien entendu, nous agirions – nous avons évoqué tout à l'heure ces 11,8 milliards d'euros de la réserve de précaution. La somme prélevée sur la trésorerie du CEA est largement inférieure à 100 millions d'euros – je crois qu'elle est de l'ordre de 60 millions d'euros. Il faut rassurer, il faut être vigilant, il faut être attentif – nous le sommes.
Monsieur Goua, nous en saurons plus dans quelques semaines sur le produit de l'impôt sur les sociétés et l'impact du CICE. Nous ferons alors nos commentaires.
Effectivement, madame Sas, l'augmentation des recettes de la TICPE pourrait être due à deux choses : un effet volume et un effet lié à l'instauration de cette composante carbone, à la contribution climat-énergie sur les carburants. Peut-être pourrons-nous faire un point sur la question.
Je terminerai par les divergences entre les uns et les autres – la Cour des comptes, le Gouvernement, vous-mêmes – sur les normes. À titre personnel, je ne souhaite pas, madame la rapporteure générale, un changement des normes utilisées. Un jour, c'est du structurel ; un autre jour, c'est du nominal. Un jour, on inclut ceci, ou cela ; un autre jour, on l'exclut. Arrêtons de changer les normes. Et, franchement, je ne suis pas sûr qu'au marché de Montauban, de Longwy ou d'Argenton-sur-Creuse nos concitoyens nous interpellent précisément sur la norme de dépense… Nous nous sommes mis d'accord sur l'utilisation de certaines normes d'analyse, certaines normes budgétaires – c'était un gros travail, fait par nos prédécesseurs. Je souhaite, de ce point de vue, une certaine stabilisation, et nous verrons, au fil du temps, si des améliorations sont nécessaires.