La commission entend M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015 (n° 3781).
Monsieur le secrétaire d'État, notre commission a commencé ses travaux de ce matin par l'audition de M. Didier Migaud, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, puis en tant que Premier président de la Cour des comptes. Conformément à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le Haut Conseil des finances publiques nous a fait part de son avis relatif à l'évolution des soldes budgétaires. Il a constaté qu'ils étaient conformes à la trajectoire fixée dans la loi de programmation de finances publiques 2014-2019, et n'a pas demandé d'ajustement. Cependant, le Haut Conseil a considéré, c'est une innovation, qu'il fallait également se référer aux trajectoires définies par les programmes de stabilité.
En tant que Premier président de la Cour des comptes, M. Migaud a présenté le rapport de celle-ci sur la certification et les résultats de la gestion budgétaire. En ce qui concerne la certification des comptes – assez rare dans l'ensemble des pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) –, les choses vont dans le bon sens. La question se pose cependant de savoir quel usage faire de cette comptabilité générale chaque année plus performante. Peut-être nous en direz-vous un mot.
Nous avons eu un débat sur l'exécution budgétaire. Nous sommes d'accord sur les chiffres, mais, à la lecture de la réponse que vous-même et le ministre avez faite à la Cour, nous avons constaté des divergences d'interprétation quant aux normes et aux conclusions qui en sont tirées sur l'évolution effective des déficits publics.
Le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015 vient d'être adopté en Conseil des ministres. J'ai voulu vous en rendre compte immédiatement, car, dans l'esprit de la LOLF, les chiffres de l'exécution sont incontournables dans tout débat budgétaire. Je remercie le président Carrez et le bureau de la commission des finances de l'Assemblée nationale d'avoir accepté cette proposition d'audition.
Pour la dixième année consécutive, les comptes de l'État ont été certifiés par la Cour des comptes. Il faut le saluer : cela garantit la qualité comptable des finances de l'État, nécessaire à l'information du Parlement et, à travers lui, de l'ensemble des citoyens. Je veux en particulier saluer l'amélioration continue de la qualité de l'information comptable de l'État depuis 2006, grâce à l'implication des administrations et en particulier de la direction générale des finances publiques. Cette année, ce sont encore quarante-trois éléments de réserve qui ont été levés par la Cour : c'est un résultat satisfaisant.
La sincérité des comptes publics est en effet un objectif essentiel. La France est le seul État de la zone euro à présenter des comptes certifiés, gage de sérieux et de crédibilité. Comme vous le savez, les comptes de la sécurité sociale sont également certifiés, comme, désormais, ceux de la grande majorité des opérateurs de l'État, et, en application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), une expérimentation de certification pour les collectivités locales est en cours de lancement. C'est un atout pour les réformes que nous menons – par exemple, celle de la politique immobilière de l'État engagée en début d'année 2016, qui serait impossible sans l'évaluation préalable de nos actifs : 190 milliards d'euros au total, dont 50 milliards d'euros d'immeubles de bureaux.
J'en viens à la présentation de l'exécution budgétaire dont je rappellerai les principaux résultats, tout d'abord sur l'ensemble des administrations publiques.
Le premier constat, c'est la baisse ininterrompue du déficit public depuis le début de la législature : il s'établit en 2015 à 3,5 % du produit intérieur brut (PIB), ou 3,6 % si l'on en juge d'après les chiffres corrigés par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ces derniers jours, alors qu'il avait atteint 5,1 % en 2011.
Deuxième constat : pour la première fois depuis l'an 2000, le solde public s'améliore alors que les prélèvements obligatoires diminuent. Et si le déficit et les impôts baissent en même temps, c'est bien qu'il y a des économies : pour la deuxième année consécutive, la dépense publique ne progresse que de 0,9 % en valeur, hors crédits d'impôt ; c'est historiquement bas. Les économies réalisées, quelle que soit la façon dont on veut bien les mesurer, ont permis de réduire le déficit public tout en assurant le financement de nos priorités et les baisses d'impôts. En conséquence, après des années de hausse marquée, la dette est désormais quasiment stabilisée.
Troisième constat, enfin : cette amélioration repose sur des fondamentaux solides – structurels, diraient certains. Le déficit structurel s'est réduit de manière continue depuis 2012 : il représente 1,9 % du PIB en 2015, son niveau le plus bas depuis les années 1980.
Quels sont les résultats obtenus sur le budget de l'État ?
En 2015, le déficit budgétaire s'est réduit de 15 milliards d'euros par rapport à 2014 et, fait notable, il est moindre, de près de 4 milliards d'euros, que nous l'anticipions en loi de finances initiale. À la fin de l'année 2015, le déficit de l'État s'élevait à 70,5 milliards d'euros : bien entendu, c'est encore trop et il reste du chemin avant le retour à l'équilibre budgétaire, mais c'est en tout cas son plus bas niveau depuis 2008.
La norme de dépenses votée par le Parlement a été respectée, alors même que cet objectif a été durci en cours d'année de 700 millions d'euros. Et les dépenses de l'État sous norme, hors charges d'intérêt et pensions, sont en baisse de 1,4 milliard d'euros – d'exécution à exécution – par rapport à 2014.
Au sein de cette enveloppe, nous avons financé les dépenses nouvelles apparues en cours d'année, notamment pour assurer la sécurité des Français et faire face à la crise migratoire. Tout au long de l'année 2015, nous avons redéployé des moyens au sein du budget de l'État : les gains en pouvoir d'achat liés à la faible inflation ont été utilisés pour financer les dépenses nouvelles.
L'exercice 2015 prouve que notre manière de faire des économies est entièrement compatible avec une gestion publique de qualité : nous avons réduit de 1,4 milliard d'euros la dépense de l'État et, dans le même temps, je veux y insister, nous avons apuré la dette de l'État envers la sécurité sociale ; la dépense publique progresse, en 2015, à son plus bas historique et, cette même année, le montant des dettes de fonctionnement de l'État diminue, passant de 8,7 milliards à 7,5 milliards d'euros, de même que celui des dettes à l'égard des fournisseurs d'immobilisations, qui passe de 2,1 milliards à 1,7 milliard d'euros. Tous ces chiffres prouvent la qualité de la gestion : ils sont issus de la comptabilité générale de l'État et ont été certifiés par la Cour des comptes.
Le budget 2015 s'est également appuyé sur des prévisions prudentes de recettes. Alors que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a connu, en 2015, une montée en charge plus rapide que prévu et que l'inflation a été moindre que prévu, ce qui a évidemment pesé sur le rendement des recettes fiscales, notamment de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les recettes perçues par le budget général de l'État ont été supérieures de 1 milliard d'euros à la prévision de la loi de finances initiale – au mois de juin, on nous disait qu'il manquerait 10 milliards d'euros de recettes, et nous avons perçu 1 milliard de plus que prévu ! Cela non plus n'est pas dû au hasard. Le produit des recettes fiscales a été notamment soutenu par le rendement du contrôle fiscal, qui a connu, au cours de l'exercice 2015, une hausse de 1,8 milliard d'euros, pour atteindre 12,2 milliards d'euros recouvrés. La lutte contre la fraude fiscale constitue une priorité du Gouvernement et les moyens déployés en la matière se traduisent dans les encaissements de recettes au titre du contrôle fiscal.
Avant de conclure, je voudrais réagir à la manière dont la Cour des comptes envisage l'évolution du déficit de l'État – M. Migaud vous en a peut-être parlé.
Un peu à la manière du rapporteur général du Sénat, la Cour retraite cette évolution de différents éléments qualifiés d'exceptionnels et en tire la conclusion qu'après retraitement le déficit augmente. Il y avait bien un élément exceptionnel en 2014 : le deuxième programme d'investissements d'avenir (PIA), d'un montant de 12 milliards d'euros – je l'ai toujours dit, et nous en avons toujours tenu compte. Aller au-delà est plus périlleux ! Je pourrais même vous dire que, si nous mettions de côté les dépenses qui augmentent, alors le déficit se réduirait d'encore plus que les 15 milliards d'euros que nous avons constatés. Je pense, par exemple, aux dépenses pour la sécurité des Français ou à la compensation de l'effet du pacte de responsabilité et de solidarité sur le financement de la sécurité sociale. Vous souvenez-vous comment ont été compensés ces 4 à 5 milliards d'euros que représentait cette phase de baisse des cotisations sociales ? Nous avons repris à la sécurité sociale des dépenses au titre des allocations logement, ce qui veut dire que nous avons accru d'autant les dépenses de l'État. Ce nonobstant, nous avons réduit le déficit public ! Cela me paraît essentiel. C'est bien le budget de l'État qui absorbe toutes les étapes du pacte de responsabilité et de solidarité.
Ce débat peut être sans fin, mais il existe un juge de paix : le déficit que nous vous proposons de voter à l'article 1er de ce projet de loi, inférieur de 15 milliards d'euros au montant voté en loi de finances de règlement pour 2014. C'est là un point incontestable, issu de la comptabilité de l'État.
Je suis bien entendu à votre disposition, monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, pour répondre à vos questions.
Nous avons évoqué cette question des normes, de leur interprétation et de leur application ce matin. J'ai moi-même indiqué que ce débat ressemblait furieusement à celui que suscite régulièrement, au sein de notre commission, la question du déficit structurel. Les normes sont déterminées, définies. Nous pouvons débattre de leur définition et de leur interprétation, mais la manipulation n'est pas forcément une bonne chose pour la clarté du débat public, et cette remarque vaut pour tout le monde – le Gouvernement, les institutions indépendantes, notre commission elle-même…
Effectivement, à la fin, il y a des juges de paix. Sans doute le président Carrez estimerait-il que le juge de paix est le montant nominal du déficit, qui baisse. Et le déficit public, au sens de la comptabilité nationale, baisse. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, de dire qu'il faut considérer l'ensemble des mouvements, à la hausse et à la baisse. À l'arrivée, le déficit baisse.
Je veux saluer des résultats conformes à ce qui a été voté, ce qui est relativement nouveau, et aussi une baisse en euros « sonnants et trébuchants », comme aime à dire le président Carrez, d'une exécution sur l'autre. Auparavant, nous ne faisions pas forcément de tels constats.
Pour parvenir à ce résultat, l'an dernier, vous aviez mis en réserve 8 milliards d'euros, dont la moitié avait été annulée au cours de l'année. Hier, nous nous sommes prononcés sur un décret d'avance, et il apparaît que nous avons 11,8 milliards d'euros en réserve. Pourriez-vous nous indiquer, à la lumière de l'exécution 2015, quel pourrait être le sort de ces 11,8 milliards d'euros ?
Ma deuxième question porte sur le rendement de l'impôt sur les sociétés, passé, depuis 2012, d'une quarantaine de milliards à 30 ou 31 milliards d'euros. C'est essentiellement dû au CICE. Dans l'équilibre général du budget de l'État, l'impôt sur les sociétés pèse de moins en moins… Je sais que certains trouvent toujours délicat de faire le partage entre les recettes fiscales qui viennent des ménages et celle qui viennent des entreprises, mais j'aimerais connaître votre analyse.
Les comptes spéciaux présentent un solde amélioré de 1,8 milliard d'euros. Quelle est votre analyse aussi sur ce point ? Le Premier président de la Cour des comptes ne nous a pas répondu à ce propos.
Enfin, le Premier président a préconisé une évolution des normes, avec l'adoption d'une norme de gestion et d'une norme globale. Souhaitez-vous retenir cette idée ?
Je souhaite tout d'abord vous faire part, monsieur le secrétaire d'État, d'une réflexion de la Cour des comptes. Bien que tous les crédits ouverts en loi de finances initiales ne soient pas consommés – heureusement, car nous ne sommes qu'au mois de mai ! – et que les plafonds d'emploi ne soient pas non plus tous atteints, vous procédez à de nouvelles ouvertures de crédits dans le cadre d'un premier décret d'avance. Il peut y avoir là un paradoxe et nous ne sommes peut-être pas suffisamment attentifs à la programmation au fil de l'eau des plafonds d'emploi ouverts. La Cour des comptes fait là une remarque intéressante dont il faudra tenir compte, notamment quand vous nous présentez des comptes ou un décret d'avance.
Selon la plaquette relative aux comptes de l'État que vous avez mise à notre disposition, le CICE représente 16,3 milliards d'euros en 2015, mais le Premier président de la Cour des comptes avance pour sa part le montant de 12,5 milliards d'euros. Il peut y avoir des décalages, mais tout de même…
Quant à l'amélioration du solde budgétaire, la Cour des comptes l'estime faible. Effectivement, une fois le PIA et le Mécanisme européen de stabilité (MES) pris en compte, l'amélioration se réduit à 300 millions d'euros. Le Premier président de la Cour des comptes estime donc que la maîtrise des dépenses est à la fois partielle et fragile, et ce sont en premier lieu les collectivités territoriales, les opérateurs de l'État et l'Union européenne qui en sont affectés. Pouvez-vous nous prouver qu'il y a une réelle maîtrise des dépenses de l'État proprement dit ?
Enfin, je veux alerter le Gouvernement sur le niveau d'endettement. Bien sûr, nous avons réduit la progression de la dette financière de l'État, mais c'est essentiellement le fait des primes à l'émission encaissées en 2015, d'un montant de 22 milliards d'euros. Cela aura inévitablement un impact à l'avenir. L'avez-vous déjà mesuré, notamment sur les budgets des années 2017 à 2020 ?
Ce sont là des questions simples et concrètes.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour cette présentation très claire.
Je veux saluer l'action de votre administration en matière de contrôle fiscal. Les chiffres montrent des progrès importants au cours de l'année 2015, et il faut continuer à y être extrêmement attentif. Différentes affaires ont démontré l'efficacité de vos services, et la réalité de la volonté politique du Gouvernement, notamment cette perquisition, hier, dans les locaux de Google, à la suite d'une plainte de l'administration fiscale – l'enjeu serait de plusieurs milliards d'euros. M. Sapin propose la création d'une agence nationale anticorruption ; c'est essentiel, mais nous avons déjà créé un parquet national financier, qui travaille, notamment sur les plaintes de l'administration fiscale. Hélas, il manque aujourd'hui de moyens ; il m'a été indiqué que le ministère de la justice devait se pencher sur la question. La semaine dernière, avec M. Sapin, nous nous sommes rendus à Londres. À la suite des Panama Papers, le ministère des finances britannique a décidé d'attribuer au parquet national financier anglais l'équivalent de 10 millions d'euros supplémentaires pour faire face à la multiplication des affaires fiscales internationales. Je sollicite donc, avec d'autres collègues, le doublement des moyens de notre parquet national financier.
Par ailleurs, si le produit de la TVA est conforme, d'après ce que j'ai lu, aux prévisions, la lutte contre la fraude à la TVA, notamment contre les « carrousels », ne progresse pas assez, de mon point de vue, nonobstant votre réelle volonté d'agir en ce sens. Nous en avons encore discuté hier en commission des finances. Il faut des avancées beaucoup plus concrètes pour la prochaine loi de finances.
Merci, monsieur le secrétaire d'État, de venir nous présenter ce projet de loi sitôt qu'il a été adopté en Conseil des ministres.
Vous avez souligné qu'il n'y avait pas beaucoup de changement en ce qui concerne l'endettement de l'État. Il progresse toutefois de 100 milliards d'euros, sans parler des engagements hors bilan, que vous avez évoqués comme stables, d'un montant de 3 300 milliards d'euros, notamment des engagements en matière de retraites et des engagements relatifs à des dispositifs d'intervention de l'État. Ceux au titre des aides au logement progressent ainsi de 24 milliards d'euros, et ceux au titre de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 2 milliards d'euros. Ces engagements sont-ils susceptibles d'évoluer encore au cours de l'année 2016 ?
Je reviens aussi sur la mission Défense. Le président Migaud a fait état d'une augmentation des reports des crédits, qui atteint 1 890 millions d'euros – quasiment 2 milliards d'euros ! Et n'oublions pas les réserves formulées par la Cour des comptes. Certes, vous avez dit vous satisfaire de la certification des comptes de l'État, avec la levée de quarante-trois réserves, mais il en reste cinq substantielles, et la mission Défense est concernée avec une incertitude sur les stocks, sur les recensements, sur les évaluations. Tous ces éléments ne sont-ils pas de nature à la mettre en difficulté, avec ses moyens humains et matériels, et, au bout du compte, à compromettre la sécurité du pays ?
Ayant été, dans une autre vie, contre-rapporteur de l'acte de certification, je ne suis pas certain que les problèmes de comptabilisation des stocks du ministère de la défense aient quelque chose à voir avec sa capacité à faire face à ses missions. Le problème est ancien, c'est une réserve qui existe depuis 2006. Moins forte aujourd'hui, elle tient à des problèmes plus comptables que de gestion.
Les pensions versées représentant 70 % des salaires et retraites versés, et cela risque de monter encore ; c'est un peu inquiétant.
Par ailleurs, je ne comprends pas tout à fait le lien établi entre la baisse de 6,4 milliards d'euros du produit de l'impôt sur les sociétés et la hausse du CICE. Celle-ci n'explique qu'une partie de celle-là, qui doit malheureusement tenir, aussi, à une baisse des résultats des entreprises, également inquiétante.
Si vous notez, monsieur le secrétaire d'État, des évolutions nominales tout à fait positives, rappelons quand même que le contexte a été, en 2015, extrêmement favorable, avec des taux d'intérêt très faibles et des cours du pétrole bas. Pouvez-vous évaluer l'impact de ces paramètres sur le budget de l'État ?
Deuxièmement, qu'en est-il du contrôle fiscal ? Le Premier président de la Cour des comptes, à qui j'ai également posé la question, ne semble pas noter d'évolution sensible des résultats du contrôle fiscal.
Troisièmement, les 22 milliards d'euros de prime à l'émission, phénomène que nous découvrons pour ainsi dire aujourd'hui, ont pour effet de repasser le « mistigri » de la charge de la dette aux suivants. Le budget 2015 s'en trouve favorisé, mais c'est tout à fait inquiétant pour l'avenir.
Quatrièmement, le Premier président de la Cour des comptes nous a dit que, pour la première fois depuis quinze ans, depuis 2002, il y avait une création nette d'emplois de l'État. Le confirmez-vous ?
Cinquièmement, il nous a expliqué aussi, ce matin, que les évolutions positives étaient largement dues aux efforts demandés à d'autres que l'État. Ce n'est pas anormal en soi, mais ce n'est pas sans conséquences pour les collectivités locales – je vous renvoie notamment à la page 83 du rapport de la Cour des comptes. Les conséquences sont même visiblement plus importantes que sur le budget de l'État.
Sixièmement, Mme Vallaud-Belkacem nous a expliqué hier que les annulations de crédits dans le cadre du décret d'avance n'étaient qu'apparences comptables qui n'auraient aucune traduction concrète pour la recherche. Ces propos ont surpris. Partagez-vous ce sentiment ?
Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour cette présentation nécessaire après l'audition de M. Migaud et qui nous apporte des précisions complémentaires.
Ma première question concerne les contentieux. Pourriez-vous nous préciser le montant des dépenses qu'ils ont réellement occasionné en 2015 ? Les dépenses réelles sont souvent très inférieures au montant provisionné, parfois un peu monté en épingle.
Vous signalez une augmentation de 600 millions d'euros du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Pouvez-vous nous préciser, aujourd'hui ou plus tard, les parts qu'y ont respectivement prises l'effet volume et la composante carbone ? Cela nous permettrait de mieux cerner l'évolution des volumes consommés.
Enfin, les points de vue de la Cour des comptes et du Gouvernement divergent nettement sur le montant du déficit retraité : la Cour des comptes fait état d'une baisse de 300 millions d'euros, et vous-même d'une baisse de 3 milliards d'euros. À quoi cette différence tient-elle ?
Un mot avant de vous laisser répondre, monsieur le secrétaire d'État. S'il ne me paraît pas indispensable que le rapport de la Cour des comptes soit publié le jour de la présentation du projet de loi de règlement en Conseil des ministres, il n'en est pas moins de bonne politique que le projet de loi nous soit présenté le jour même de son adoption en Conseil des ministres – et ce n'est pas la première fois qu'il est ainsi procédé. En l'occurrence, la publication concomitante du rapport de la Cour des comptes nous permet un débat d'ensemble.
Tout d'abord, une remarque générale. Un certain nombre de questions concernent le produit de l'impôt sur les sociétés (IS) ou les recettes de TVA. À la fin du mois de mai, il n'est pas possible d'y répondre. Nous ne connaissons pas encore les chiffres. Je ne pourrai donc pas vous renseigner sur le produit de l'impôt sur les sociétés, d'autant que le mécanisme est complexe, notamment avec le cinquième acompte versé par les grandes entreprises.
Ensuite, il faut toujours être prudent dans ses prévisions, même à l'échelle d'évolutions infra-annuelles. L'INSEE nous a montré ces derniers jours qu'un taux de croissance annuelle du PIB peut être révisé du simple au triple un an et demi plus tard. Cela nous interpelle. Il ne s'agit là que d'une donnée passée, soyons donc particulièrement humbles lorsqu'il s'agit de l'avenir. Mon cabinet sait que j'ai l'habitude de poser des questions sur l'état des recettes, et on me répond bien souvent qu'il est trop tôt. Ce n'est ainsi qu'à la fin du mois de juin que nous pourrons avoir des indications précises sur les rentrées de l'impôt sur le revenu. Dès lors, je ne sais que vous répondre, madame la rapporteure générale, sur l'impôt sur les sociétés.
Le CICE représente un montant d'un peu plus de 16 milliards d'euros, mais la Cour des comptes avance un montant d'un peu plus de 12 milliards d'euros. En 2015, le CICE a été payé au titre des salaires de 2014, sous la forme d'une réduction de l'impôt sur les sociétés acquitté – en cas d'imputation du CICE sur le montant dû – ou d'un remboursement. Le produit net de l'impôt sur les sociétés est donc en baisse en 2015. La créance de CICE est inscrite dans les comptes dans les entreprises. Son montant est d'environ 16 milliards d'euros. C'est aussi son coût en comptabilité nationale, mais le montant imputé sur l'impôt sur les sociétés ou restitué aux entreprises, le coût budgétaire donc, est, lui, de l'ordre de 12 milliards d'euros. Cet écart est une dette de l'État, inscrite dans les comptes, et qui est prise en compte, bien sûr, pour prévoir les remboursements ultérieurs. Voilà l'explication.
La perquisition effectuée hier chez Google intervient bien à la suite d'une plainte de l'État pour fraude fiscale – il nous est pourtant souvent reproché de ne pas engager de poursuites. J'ai indiqué clairement, ce même jour, sur une chaîne d'information, qu'il n'était pas question de faire des transactions ; il n'y en a pas eu, et il n'y en aura pas, que ce soit avec Google ou avec d'autres. Il n'en va pas de même dans d'autres pays... Je ne peux en dire plus, mais je répéterai que cinq contrôles seulement, l'année dernière, portant sur cinq entreprises, ont produit 3,3 milliards d'euros de redressement et de pénalités. Je vous laisse faire la division, vous devinez quels sont les montants en jeu… Je ne peux pas citer les entreprises en question, mais cela tient souvent à l'existence d'un établissement stable – d'ailleurs, la question a été clairement évoquée par le parquet national financier dans son communiqué d'hier. Parfois, les contrôles portent sur la validité de prix de transfert, ou d'autres phénomènes qui peuvent être liés à la TVA. Les grandes entreprises multinationales ne bénéficient ni de complaisance ni de bienveillance, qu'elles soient étrangères ou françaises.
Les montants recouvrés au terme des contrôles représentent un peu plus de 12 milliards d'euros. Cela peut paraître peu par rapport à la bonne vingtaine de milliards d'euros notifiés, mais c'est parce que le contentieux dure et qu'il y a des procédures contradictoires, parfois devant des juridictions complexes, notamment quand plusieurs États sont concernés.
Le Comité national de lutte contre la fraude (CNLF) se réunit au mois de juin. Nous aurons alors l'occasion, monsieur Galut, de faire le point sur la fraude à la TVA, mais je partage votre impatience – mon administration le sait –, notamment en ce qui concerne l'utilisation d'outils comme le data mining.
La communication qui a suivi l'audition de la procureure du parquet national financier par le Sénat ne m'a pas échappé. Le ministère de la justice a fait l'objet d'un dégel de crédit d'un peu plus de 100 millions d'euros ; c'est au garde des sceaux qu'il appartient de répartir ces moyens. Pour notre part, nous sommes entièrement disponibles, et un certain nombre de fonctionnaires de mon administration travaillent en lien avec ce parquet. Il ne vous a pas échappé que l'opération Google a mobilisé 25 agents, l'ensemble de la police fiscale : ce sont des moyens considérables.
Vous avez raison, madame la rapporteure générale, de poser la question de l'avenir de la réserve de précaution. Cette année, elle est plus importante que l'année dernière. Tout d'abord, nous avons gelé tous les reports de 2014, ce qui a augmenté son montant. La réserve de précaution est un atout, car elle permet de couvrir un certain nombre de dépenses nouvelles en cours d'année, mais elle peut aussi faire l'objet d'annulations de crédits. C'est en partie le cas avec ce décret d'avance sur lequel vous avez rendu un avis hier. Quelle sera la proportion de dégels ou d'annulations au sein de la réserve de précaution ? Il est un peu tôt pour le dire, mais vous savez quels postes doivent traditionnellement être alimentés : les opérations extérieures (OPEX), ceux d'un certain nombre de prestations sociales, certains crédits du ministère du travail. D'ailleurs, nous avons utilisé une partie de cette réserve pour financer le plan emploi.
Effectivement, le solde des comptes spéciaux est supérieur de 1,8 milliard d'euros au montant prévu en loi de finances initiale. Le solde des comptes d'avance aux collectivités a été augmenté de 300 millions d'euros, celui du compte Participation de la France au désendettement de la Grèce de 400 millions d'euros, parce que nous n'avons pas reversé en 2015 les profits réalisés par la Banque de France sur les titres grecs – j'avais évoqué ici même ce décalage d'un an. Quelques prêts à des États étrangers ont été reportés, pour un montant global de 700 millions d'euros. D'autres facteurs assez disparates expliquent 400 autres millions d'euros. Si vous souhaitez plus de détails, mes services se tiendront à votre disposition.
En matière de dette, M. Le Fur a parlé de « passer le mistigri » aux suivants. Pardonnez-moi de vous le dire comme cela, monsieur Le Fur, mais c'est une parole d'expert, n'est-ce pas ?! Vous vous y connaissez, pour passer le mistigri !
L'encaissement des primes à l'émission, ce n'est pas nouveau. C'était d'ailleurs indiqué clairement dans le texte du projet de loi de finances rectificative pour l'année 2015, à la fin de l'année dernière. Le montant y figurait : 22 milliards d'euros de primes à l'émission. On retrouve le phénomène en Espagne pour 1,2 % du PIB, au Royaume-Uni pour 0,9 % du PIB. L'encaissement de ces ressources de trésorerie a permis de réduire effectivement l'encours de dette à court terme de l'État – pas les dettes à long terme. Cela permet aussi de réduire l'exposition de la dette au risque de remontée des taux.
Le taux de la dette à dix ans de la France est de 0,50 %, et nous étions partis de l'hypothèse d'un taux largement supérieur pour la fin de l'année 2016. Nous pouvons donc espérer trouver là quelques ressources supplémentaires en fin d'année. Le spread entre les taux allemands et les taux français reste quasiment toujours le même : trente à trente-trois points de base. La situation est stable depuis quasiment deux ans. C'est le résultat de la politique de la Banque centrale européenne (BCE), mais aussi la conséquence de la crédibilité de la France. L'Italie, l'Espagne, le Portugal, sans parler de la Grèce, ne bénéficient pas de taux aussi faibles. Chaque fois, on nous dit que nous bénéficions d'une conjoncture favorable, d'un « alignement des planètes », toutes choses qui tiendraient d'un don du ciel, mais, lorsque cela va mal, tout serait de notre faute ! Ayons une vue plus équilibrée de la réalité.
J'ai dit tout à l'heure que les reports de charges avaient baissé globalement. Il ne faut pas confondre les reports qui augmentent de façon modérée – de 200 millions d'euros – et qui ont été gelés – cela n'a d'impact que si on peut les dépenser –, et les charges à payer, qui, elles, sont stables, hors éléments exceptionnels, à savoir des apurements communautaires et l'indemnisation d'Écomouv'. Hors retraitement, elles baissent de 1,2 milliard d'euros. Les charges à payer, c'est ce que l'on doit réellement à un fournisseur, et leur montant a été parfaitement stabilisé.
Mme Sas a eu raison de poser la question, assez récurrente au sein de cette commission, des contentieux. Vous avez raison, madame la députée, de dire qu'ils coûtent souvent un peu moins en décaissements que ce que l'on avait provisionné. C'est parfois lié à des demandes plus étalées dans le temps que prévu. Parfois aussi, des juridictions se prononcent de façon plus tardive que prévu. Par exemple, pour le contentieux sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), nous avons dépensé 800 millions d'euros, alors que notre provision était de 1,75 milliard d'euros. Oui, nous sommes souvent prudents en établissant nos provisions. Faut-il s'en plaindre ? Nous suivons de très près ces contentieux. Votre commission y consacre parfois une séance, elle me reçoit ou, éventuellement, reçoit le directeur général des finances publiques ; nous sommes à votre disposition.
Comment chiffrer l'impact du cours du pétrole sur le budget ? C'est quasiment impossible, mais j'étudie la question avec chacun de mes collègues lorsque nous préparons un décret d'avance ou une conférence budgétaire. Et je ne manque jamais de rappeler que le plus gros consommateur français de pétrole ou de carburant est probablement le ministère de la défense – je ne fais là qu'un constat. Ce n'est pas l'État qui, de manière presque abstraite, bénéficie de cours favorables : ce sont tous les ministères, qui ont tous des bâtiments à chauffer, des véhicules, lesquels roulent avec du carburant. Certains ministères réalisent une économie à la suite de la baisse du cours du pétrole, que nous nous efforçons de reprendre lorsque cela nous paraît justifié.
La Cour des comptes dit toujours que l'on pourrait faire mieux en matière de contrôle fiscal. Nous avons mis en oeuvre un certain nombre de dispositions, nous en avons parlé tout à l'heure. Les choses progressent pour plusieurs raisons. Premièrement, le Parlement a donné des possibilités supplémentaires à l'administration – cela n'a pas toujours été assez souligné. Ensuite, la coopération internationale progresse très rapidement – et cela continuera au cours des prochains mois. L'ensemble a rapporté environ 2 milliards d'euros supplémentaires, le montant des notifications passant de 19 milliards à 21 milliards d'euros. Les montants recouvrés ont aussi augmenté, mais les recouvrements concernent aussi des notifications d'années antérieures, et il est toujours assez difficile de faire la part des choses.
Quant aux crédits de la défense, rappelons que c'est l'une des premières fois qu'une loi de programmation militaire (LPM) est respectée. Cette loi a été débattue, elle a été adoptée, nous l'avons révisée l'an dernier, et elle est respectée. Ce n'est quasiment jamais arrivé. Et si les recettes dites « exceptionnelles » nourrissaient quelques inquiétudes, elles ont été remplacées par des crédits budgétaires. Les réserves sur les stocks peuvent être liées – je n'en suis pas sûr – au secret de la défense nationale ; soyons donc très prudents.
La recherche fait beaucoup parler depuis quelques jours. Je l'ai dit ici la semaine dernière, et je ne change pas une virgule à mon propos : il n'y a pas de coupes budgétaires, il y a des prélèvements sur les trésoreries d'un certain nombre d'organismes. Cela s'est déjà fait, sous d'autres majorités, et il y en a déjà eu au cours de la législature. Lorsque des organismes ont des fonds de roulement qui nous paraissent, sinon surabondants, du moins très confortables, il y a lieu d'y regarder. Mon ministère a retenu les propositions du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; parfois même, il est allé moins loin. Le prélèvement sur la trésorerie du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) nous paraît supportable, dans la mesure où des raccordements seront faits en 2017. Pour le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), nous devrons être plus attentifs. La ministre vous a répondu hier dans l'hémicycle, alors qu'un retard de train m'empêchait d'être présent pour les questions d'actualité, et elle et moi nous sommes entretenus ce matin encore de la question. Si des besoins se faisaient jour, si la réalisation d'un certain nombre de projets du CEA était empêchée, bien entendu, nous agirions – nous avons évoqué tout à l'heure ces 11,8 milliards d'euros de la réserve de précaution. La somme prélevée sur la trésorerie du CEA est largement inférieure à 100 millions d'euros – je crois qu'elle est de l'ordre de 60 millions d'euros. Il faut rassurer, il faut être vigilant, il faut être attentif – nous le sommes.
Monsieur Goua, nous en saurons plus dans quelques semaines sur le produit de l'impôt sur les sociétés et l'impact du CICE. Nous ferons alors nos commentaires.
Effectivement, madame Sas, l'augmentation des recettes de la TICPE pourrait être due à deux choses : un effet volume et un effet lié à l'instauration de cette composante carbone, à la contribution climat-énergie sur les carburants. Peut-être pourrons-nous faire un point sur la question.
Je terminerai par les divergences entre les uns et les autres – la Cour des comptes, le Gouvernement, vous-mêmes – sur les normes. À titre personnel, je ne souhaite pas, madame la rapporteure générale, un changement des normes utilisées. Un jour, c'est du structurel ; un autre jour, c'est du nominal. Un jour, on inclut ceci, ou cela ; un autre jour, on l'exclut. Arrêtons de changer les normes. Et, franchement, je ne suis pas sûr qu'au marché de Montauban, de Longwy ou d'Argenton-sur-Creuse nos concitoyens nous interpellent précisément sur la norme de dépense… Nous nous sommes mis d'accord sur l'utilisation de certaines normes d'analyse, certaines normes budgétaires – c'était un gros travail, fait par nos prédécesseurs. Je souhaite, de ce point de vue, une certaine stabilisation, et nous verrons, au fil du temps, si des améliorations sont nécessaires.
Merci, monsieur le secrétaire d'État. Vos interventions de qualité sont toujours appréciées, par-delà les divergences d'opinion, et manifestent le respect que vous témoignez à une maison que vous connaissez bien.
Nous aurons l'occasion de nous revoir assez rapidement, notamment pour le débat d'orientation des finances publiques au début du mois de juillet.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 25 mai 2016 à 12 heures
Présents. - M. Jean-Marie Beffara, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Christophe Castaner, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Fauré, Mme Aurélie Filippetti, M. Yann Galut, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Régis Juanico, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-François Mancel, M. Michel Pajon, Mme Valérie Rabault, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, Mme Claudine Schmid, M. Michel Vergnier
Excusés. - M. Dominique Baert, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Alain Chrétien, M. Alain Claeys, M. Henri Emmanuelli, M. Jean-Claude Fruteau, M. David Habib, M. Victorin Lurel, M. Camille de Rocca Serra, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. - M. Lionel Tardy