Cet amendement est intéressant, car il est au carrefour des cultures, notre philosophie du droit étant très différente de celle qui prévaut de l'autre côté de l'Atlantique. Or nous vivons dans un univers mondialisé du point de vue de la compétition économique. Faute d'un système suffisamment efficient – au cours des vingt ou vingt-cinq dernières années, quels que soient les gouvernements, nous n'avons pas été très bons en matière de lutte contre la corruption –, nous laissons d'autres États appliquer leur droit directement à nos entreprises et, ce faisant, s'approvisionner en intelligence économique à leurs frais.
L'intérêt de ce texte est de nous permettre de réintroduire l'État et la France dans le dispositif. En général, le parquet financier, avec les moyens dont il dispose, ne peut pas aller au bout des enquêtes sur des infractions commises à l'autre bout du monde, qu'il s'agisse de corruption ou de versement de pots-de-vin. Le problème est donc, non seulement la compromission des pouvoirs publics, mais aussi l'insuffisance de notre appareil. Par comparaison, les Américains alignent des centaines d'enquêteurs. Les moyens de l'appareil répressif américain, notamment du FBI (Federal Bureau of Investigation), en matière de lutte contre la corruption viennent en deuxième après ceux qui sont consacrés à la lutte contre le terrorisme, l'intention étant de gagner des points contre la concurrence internationale, de tirer un maximum d'informations des cibles choisies et de faire rentrer de l'argent dans les caisses de l'État.
Je suis conscient des réticences que peuvent susciter ce mécanisme ainsi que les dispositions prévues à l'article 12, mais c'est une question d'efficience. Il faut choisir : soit nous voulons être efficaces, soit nous restons dans la tradition juridique française, avec le juge d'instruction, le parquet et le droit pénal. Or ce n'est pas de cette manière que nous lutterons sérieusement contre la corruption transnationale, et nous laisserons les Américains continuer à faire leur marché dans les entreprises françaises. Je dis les choses crûment, mais telle est la réalité. Ensuite, c'est à chacun de prendre ses responsabilités. Je suis venu devant votre commission uniquement pour vous dire ce qui se passe, et souhaiter que nous adoptions un texte efficace, même s'il est en effet à cheval entre deux cultures juridiques. Cela étant, dans le fonctionnement de notre République, il y a beaucoup d'autres exemples de changements culturels imposés par la mondialisation.