Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 25 mai 2016 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Comme le disait Karine Berger, nous devrions nous lire les uns les autres, et nous poursuivons tous le même objectif. Dans le dispositif que nous proposons, le juge est prévenu et la sanction est publique. L'amende est assurée, et elle est lourde puisqu'elle peut atteindre 30 % du chiffre d'affaires. En outre, ce dispositif nous permet d'afficher une arme de dissuasion face à ceux qui se sont déjà dotés d'un tel système mais empochent l'argent à la place du Trésor public français.

Il n'est pas question de dénier son rôle au juge français, madame Mazetier : celui-ci intervient tout au long de la procédure. Si la procédure de compensation s'arrête ou si elle est mise en oeuvre de mauvaise foi, les poursuites pénales commencent : cette épée de Damoclès n'est pas supprimée. Simplement, un aiguillage s'opère au moment où les faits sont constatés. L'entreprise peut admettre les faits de corruption et payer un prix élevé, et tout cela est rendu public, mais elle échappe au poids d'une sanction pénale qui lui nuirait sur la totalité des marchés internationaux.

Nous parlons de grands groupes français qui sont en compétition au niveau international avec des gens qui se livrent à ce genre de manoeuvres à longueur de journée ! Cela inclut nos amis américains, sans doute plus malins que nous. Nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours. Sur nombre de marchés de haute technologie, marchés publics et marchés d'armement, il est rare que des intermédiaires ou des gens bien placés ne fassent pas en sorte qu'un pays donné emporte le contrat. La voilà, la réalité des affaires internationales !

Madame Batho, on ne peut pas parler d'une compromission particulière de tel ou tel gouvernement français. J'ai été ministre du commerce extérieur ; je sais la violence de la compétition internationale, et je sais ce que font les gouvernements étrangers pour aider leurs entreprises. De grâce, pas d'autoflagellation ! Nous prenons part à une compétition féroce ; nous devons être au même niveau que les autres en matière de lutte contre la corruption, et nous mettre à l'abri de tout reproche.

Pour cela, quelle méthode adopter ? L'enjeu est de ne pas pénaliser nos entreprises. Si celles-ci subissent une sanction pénale, la loi leur interdira l'accès aux marchés publics à l'international : l'absence de condamnation antérieure est l'une des premières conditions requises pour soumissionner. Je vous laisse y réfléchir.

Quant à l'argument de Mme Mazetier concernant les victimes, prenons l'exemple d'un cas réel. Il s'agit d'un marché concernant une petite centrale électrique en Indonésie, pour 40 millions de dollars, à propos duquel Alstom était en compétition avec une entreprise américaine. Par malheur, celle-ci n'a pas obtenu le contrat. Différentes écoutes américaines ont alors révélé qu'un intermédiaire indonésien était intervenu en faveur d'Alstom, ce que l'entreprise a reconnu dans sa confession publique, disponible sur internet. Dans cette affaire, qui sont les victimes ? Elles ne sont pas françaises – encore que l'entreprise ait été vendue aux Américains à vil prix, et je poursuivrais volontiers ceux qui ont fait cela. Les victimes indonésiennes ont eu leur centrale, au prix fixé. Quelles sont ici les victimes que vous voudriez associer à la plainte au pénal en France, madame Mazetier ?

Quand un contrat est négocié à l'autre bout du monde, que la partie adverse utilise un intermédiaire, que nous nous interdisons de le faire, que la transparence est totale s'agissant des irrégularités commises par nos entreprises, je demande la même transparence aux entreprises étrangères travaillant en France. C'est un système efficace que nous voulons. Il n'est pas question de protection des victimes au sens où on l'entend habituellement dans des affaires modestes : il s'agit de contrats à l'international à propos desquels nos entreprises ne doivent pas être pénalisées. Ne leur apposons donc pas le sceau d'une condamnation au pénal en France.

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