Intervention de Sébastien Denaja

Réunion du 25 mai 2016 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja, rapporteur :

Je vous ai entendu, monsieur Lellouche : le juge intervient, mais il ne procède pas à une homologation stricto sensu. Se pose ensuite le problème du degré de publicité de la mesure et des garanties offertes par le système judiciaire.

Pour m'en tenir au champ couvert par le dispositif, abstraction faite du détail de la procédure, il me semble qu'il doit être aussi étendu que possible si l'on veut s'attaquer à ces phénomènes. Je suis donc défavorable aux amendements CL464 et CL251.

J'ai le même avis, pour les mêmes raisons, concernant l'amendement CL25, le plus proche de l'avant-projet : il se limite à la corruption transnationale, ce qui est trop restrictif.

Reste l'amendement de Mme Mazetier. Je ne veux pas être catégorique, mais si un amendement portant sur ce sujet devait être adopté, ce serait celui-là. Tout en incorporant des mécanismes juridiques en oeuvre outre-Atlantique, il reste fidèle à la tradition française en proposant une convention judiciaire. Il couvre tous les délits d'atteinte à la probité, c'est-à-dire un champ bien plus vaste que les autres amendements. Il ne vise que les personnes morales, comme les amendements CL464 et CL251. Il n'a pas les conséquences néfastes de l'amendement CL463 sur l'accès aux marchés internationaux. Il prévoit expressément l'homologation de la convention par le juge. Il étend même cette possibilité au juge d'instruction, ce qui suscite une petite divergence entre nous : on nous a fait observer au cours des auditions que de tels mécanismes relevaient plus de la culture du parquet que de celle des juges d'instruction. Quoi qu'il en soit, l'exigence d'un contrôle judiciaire de la procédure n'en est pas amoindrie. Enfin, l'amendement prévoit expressément que les représentants légaux de la personne morale demeurent responsables en tant que personnes physiques, comme complices de l'infraction ; c'est important du point de vue pédagogique.

Bref, tout en poursuivant le même objectif que les autres, cet amendement présente une rédaction préférable à celle qu'a écartée le Conseil d'État. Si, après que je m'en suis remis à votre sagesse, vous deviez adopter un amendement, je vous conseillerais vivement d'adopter celui-là.

Mais, s'il était adopté, il devrait être revu d'ici à la séance. En particulier, il n'y a pas de raison de subordonner la publication de l'ordonnance à la désignation d'un commissaire à l'exécution du programme de conformité. Vous pourriez également, madame Mazetier, renvoyer le cumul des responsabilités de la personne morale et des personnes physiques aux conditions posées à l'article 121-6 du code pénal, relatif à la punition des complices d'infraction.

Enfin, les objections traditionnelles ne me semblent pas dépendre des personnes qui occupent les fonctions concernées, mais bien des institutions qu'elles incarnent. De telles dispositions sont vues différemment de Bercy ou de la Chancellerie, et selon les fonctions que chacun occupe : tel député pense une chose qu'il ne pensera plus devenu ministre, et inversement.

Ce débat devra se poursuivre avec le Gouvernement. Je me suis contenté de vous faire part des éléments qui m'ont le plus donné à penser, en particulier les deux auditions dont je vous ai parlé : si les deux plus grandes spécialistes de la lutte contre la corruption en France depuis trente ans estiment qu'il faudrait peut-être tenter de se doter d'un outil supplémentaire, cela mérite réflexion.

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