Intervention de Gérard Charasse

Séance en hémicycle du 1er juin 2016 à 15h00
Économie bleue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à peine plus de six mois après son examen en commission, la proposition de loi de notre collègue Arnaud Leroy, au joli titre poétique « pour une économie bleue », qui rappelle Éluard, poursuit sa navigation parlementaire. Elle nous réunit en séance publique cet après-midi pour une ultime étape après l’accord en CMP. Les mesures contenues étant attendues depuis longtemps et, dans l’ensemble, plutôt consensuelles, il serait étonnant qu’elles ne rencontrent pas un large assentiment sur tous les bancs.

Monsieur le rapporteur, nous savons que ce consensus ne s’est pas créé ex nihilo ; on ne l’a pas vu « surgir du fond des eaux » comme le « regret souriant » provenant des « balcons du ciel, en robes surannées » du Recueillement de Charles Baudelaire. En matière d’affaires maritimes, comme dans beaucoup d’autres, un consensus est d’abord le fruit d’un travail de fond ; il est la résultante de longues heures d’écoute et de rassemblements autour d’une table, en amont de la procédure. Nous devons une part importante de cet ouvrage à l’effort remarquable de notre rapporteur, Arnaud Leroy.

Cette proposition de loi concerne l’activité maritime dans une acception étendue ; elle traite des transports, mais aussi des autres secteurs d’activité relatifs à la mer, qui sont étroitement liés. De fait, de nombreux acteurs socioprofessionnels sont touchés par les dispositions du texte, notamment les armateurs, les syndicats, les pêcheurs, ostréiculteurs, conchyliculteurs et exploitants en aquaculture, les professionnels de la plaisance, les spécialistes des énergies marines renouvelables, ou encore les exploitants de plages privées. Le pari consistait en la maïeutique d’un équilibre entre, d’une part, les besoins de l’activité économique, la compétitivité et, d’autre part, les impératifs écologiques, les exigences du développement durable, afin de tenter de mieux réguler les inéluctables conflits d’usage. L’enjeu est de taille : en France, l’économie maritime représente plus de 300 000 emplois directs et 60 à 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et, pour certaines régions, des pans entiers et essentiels de leur activité, en termes d’emplois, de croissance, d’aménagement et de vitalité du territoire, mais aussi d’histoire, de tradition, de savoir-faire et d’identité.

Les députés du groupe RRDP étaient plutôt satisfaits des évolutions du texte après son examen à l’Assemblée. L’examen au Sénat et l’accord obtenu en commission mixte paritaire vont aussi, globalement, dans le bon sens.

Concernant la gouvernance des ports, qui se caractérisera par un poids plus important accordé aux collectivités et, notamment, aux régions, ou sur le report de l’entrée en vigueur de la responsabilité élargie du producteur, nous pensons que l’équilibre obtenu est convenable.

S’agissant du recours à des entreprises privées de protection des navires pour lutter contre le terrorisme, la version du Sénat la facilitant s’est imposée en CMP, avec la suppression de la notion de zonage. De fait, si cette notion peut apparaître pertinente en matière de piraterie maritime, il n’en va pas de même concernant la menace terroriste qui, par définition, ne s’inscrit pas dans une zone précise.

La CMP est aussi revenue sur quelques sujets tels que l’extension brute du service minimum au transport maritime ou l’immatriculation au registre international français de tous les navires de pêche outre-mer. Ces dispositions, qui poursuivaient de louables objectifs, nécessitaient objectivement un travail juridique, une actualité moins brûlante et une concertation plus approfondie en amont pour bénéficier d’une réelle portée opérationnelle. Nous comprenons donc les raisons pour lesquelles elles ont été retirées du texte.

Sur l’article 12, qui autorise les jeux de casinos sur les ferries et les navires de croisière, nous devons écouter les craintes qui s’expriment. C’est un débat houleux, monsieur le ministre, et nous serions heureux de vous entendre répondre aux inquiétudes en garantissant qu’il y aura des contrôles efficaces et une régulation forte.

Dans l’ensemble, si certaines dispositions suscitent le débat, ce texte comporte de nombreuses bonnes mesures et nous le voterons en espérant qu’il donne un nouvel élan à notre puissance maritime.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer !

« La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

« Dans le déroulement infini de sa lame,

« Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer. »

Avec la force de la musicalité des vers de Charles Baudelaire, ou à l’appui du symbole de Paul Valéry, « La mer, la mer toujours recommencée », confirmons ces derniers termes en renouvelant par ce texte notre régulation de l’économie bleue.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion