La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus hier lors de la séance de questions au Gouvernement.
Vous avez qualifié d’« inacceptable » le fait de « bloquer le pays, empêcher les Français de se déplacer et de vivre normalement, abîmer l’image de la France, menacer la reprise économique ».
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
En d’autres termes, après avoir bloqué le débat démocratique en invoquant l’article 49, alinéa 3, vous remettez en cause le droit de grève.
Vous avez aussi dit que vous condamniez les propos de M. Gattaz, qui comparait la CGT à des « terroristes », alors que vous-même soufflez sur les braises depuis des mois.
Vous êtes, monsieur le Premier ministre, en rupture avec l’histoire et les valeurs de la gauche.
« C’est faux ! » sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Faut-il vous rappeler les propos tenus par François Mitterrand en 1972 pour défendre les grévistes ?
« La grève, un chantage ? L’a-t-on assez souvent entonné, cet odieux refrain, dans tous les partis conservateurs ! La grève n’est un plaisir pour personne. Elle atteint d’abord ceux qui n’ont plus que ce moyen-là pour défendre leur droit de vivre ».
Monsieur le Premier ministre, quand s’arrêtera votre acharnement déraisonnable alors que les syndicats, notamment la CGT, appellent à négocier, sans préalable, et se montrent prêts à rediscuter du fond de votre réforme ?
Les grands conflits sociaux, comme ceux de 1936 et de 1968, se sont toujours terminés par des négociations avec les organisations syndicales, sans exclusion.
Monsieur le Premier ministre, il faut s’appuyer sur ces leçons de l’histoire pour sortir par le haut de l’impasse dans laquelle s’est engagé le Gouvernement. Il est encore temps d’accepter le dialogue avec toutes les organisations syndicales. Êtes-vous prêt à le faire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président André Chassaigne, notre pays connaît un conflit social important. Je ne mésestime pas la mobilisation de certains, et nous entendons les inquiétudes et les contestations, mais il faut garder le sens de la mesure, au nom même des événements majeurs de notre histoire que vous avez cités.
Nous ne sommes pas en juin 1936 ; nous ne sommes pas en mai 1968 ;…
…nous ne sommes pas même en 2010, lors du conflit sur les retraites.
J’aime les références historiques. Vous rappeliez les propos tenus par François Mitterrand en 1972. Or peu de temps – cinq ans – après, l’organisation politique au sein de laquelle vous deviez être alors jeune militant a rompu le programme commun, toujours au motif que le parti socialiste était le traître.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je ne sais pas si l’histoire nous a donné raison à nous, mais en tout cas, monsieur Chassaigne, puisque vous l’évoquez pour me questionner, ce n’est pas à vous qu’elle a donné raison.
Revenons à aujourd’hui. Comme je l’ai dit hier, ce conflit, je le répète, peut peser sur notre économie, au moment où l’action du Gouvernement permet la reprise, la croissance et la baisse du chômage. Oui, j’ai parfois un sentiment de gâchis face à cette situation : alors que le moral des ménages connaît un bond sans précédent, certains risquent de le faire chuter.
Monsieur Chassaigne, quand on veut défendre les salariés, on n’oublie pas ceux qui, aujourd’hui, grâce à la politique du Gouvernement, retrouvent un emploi.
Non, certaines actions ne sont pas acceptables : il faut savoir le dire.
Je condamne les blocages, comme les violences. Or je ne vous ai pas entendu le faire, notamment lorsque des parlementaires ont été visés.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Aussi, monsieur Chassaigne, j’aurais aimé entendre dans votre question une condamnation des violences à l’égard des policiers et des gendarmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Lorsque l’on pose une question, il faut être complet.
Et puis, monsieur Chassaigne, je n’accepte pas votre amalgame. Considérer que ce gouvernement met en cause le droit de grève d’une quelconque manière, c’est – je vous le dis franchement – travestir la vérité.
Alors que notre pays connaît une menace terroriste très élevée,…
…alors que nous sommes sous le régime de l’état d’urgence, toutes les libertés syndicales et de rassemblement ont été respectées, au nom même du combat pour la démocratie, que chacun mène ici.
Qui peut croire un seul instant que le droit de s’exprimer a été limité d’une quelconque manière, depuis six mois ? Plus encore, alors même que les organisations conduisent des opérations de blocage, qui pèsent sur la vie quotidienne de tous nos concitoyens, nous avons mis en place des mesure résolues mais, à chaque fois, proportionnées.
Monsieur le président Chassaigne, vous m’appelez au dialogue,…
La ministre du travail l’a encore rappelé hier matin, avec une très grande précision. J’ai toujours dit que ma porte était ouverte, pour les syndicats comme pour les parlementaires.
J’ai attendu – et j’attends encore – des propositions de certains. Comme vous le savez parfaitement, ce texte a été largement modifié depuis sa présentation initiale, dans le dialogue, notamment grâce à l’engagement de la ministre et à celui de Christophe Sirugue. Le Gouvernement a accepté plus de 800 amendements sur ce projet de loi.
Alors, monsieur Chassaigne, au-delà de ces questions, tout à fait légitimes, nous devons la vérité aux Français. Vous devez prendre vos responsabilités envers les salariés.
Vouloir l’échec de ce projet, c’est refuser la sécurité sociale professionnelle, avec le compte personnel d’activité ; c’est refuser le renforcement et la protection du dialogue social, avec l’augmentation de 20 % des heures de délégation aux délégués syndicaux ; c’est refuser le renforcement de la lutte contre la fraude au détachement des travailleurs ;…
…c’est refuser l’adaptation de notre droit aux nouvelles réalités, par exemple avec le droit à la déconnexion ou l’accompagnement des jeunes vers l’emploi, avec la garantie jeunes. Monsieur Chassaigne, que faites-vous de tous ces droits ?
La réponse du Gouvernement est donc claire : ce texte est nécessaire, pour les entrepreneurs comme pour les salariés. Son examen se continuera au Sénat. Nous pourrons ainsi voir les différences entre ce que proposent les uns et les autres.
Ce texte ne sera pas retiré. L’article 2, relatif au dialogue social dans l’entreprise, qui instaure un changement majeur, tout en permettant une clarification du débat, sera maintenu. Il doit l’être : cela est important pour le pays.
Alors, monsieur Chassaigne, je vous le dis nettement : nous tiendrons, je tiendrai – non pour moi, mais pour la gauche et pour le pays.
Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, l’État avait décidé, en 1797 – il s’agit tout de même d’une question d’actualité et, quoi qu’il en soit, vous n’y êtes pour rien –, de permettre aux propriétés foncières de notre île de rester en indivision, parce qu’une tradition de successions orales avait créé un désordre considérable dans le foncier insulaire. Cette dérogation s’est prolongée jusqu’à nos jours, et le désordre aussi.
La loi de 2002 relative à la Corse a posé le principe d’un mécanisme de règlement des situations d’indivision et prévu, en contrepartie, la normalisation des droits de succession sur les propriétés foncières à partir de 2018. Mais le mécanisme prévu, qui devait prendre la forme d’un groupement d’intérêt public, n’a été mis en place qu’en 2009 et n’a jamais bénéficié des dispositions indispensables au titre du droit civil. Aussi, malgré l’excellence du travail accompli, il faudra encore de longues années pour titrer l’essentiel du foncier insulaire.
Par deux fois, le Conseil constitutionnel a censuré les articles de la loi de finances qui repoussaient l’échéance prévue en 2002. Le principe d’égalité exige pourtant de traiter de manière adaptée des situations différentes. Aujourd’hui, le recouvrement des droits de successions sur les biens indivis et non titrés serait insupportable et injuste pour les propriétaires et pratiquement impossible à mettre en oeuvre pour l’administration fiscale.
Au-delà de l’enjeu financier, bien plus limité qu’il n’y paraît, cette affaire a, dans notre île, une portée symbolique, qui, habilement – pour ne pas dire perversement – exploitée, peut provoquer un ressentiment profond.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles solutions comptez-vous apporter afin de permettre l’application du principe d’égalité, en tenant compte des réalités objectives ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le député, à l’issue de sa rencontre avec les nouveaux représentants de l’exécutif et de l’assemblée corses, le 18 janvier dernier, le Premier ministre a décidé la création de trois groupes de travail. L’un d’entre eux, que j’ai l’honneur d’animer avec ma collègue Emmanuelle Cosse, porte sur les enjeux fonciers et la lutte contre la spéculation foncière.
Lors de la réunion de lancement du groupe de travail, j’ai entendu nos interlocuteurs – élus locaux et parlementaires – exprimer leurs plus vives inquiétudes quant à l’application du droit commun pour les successions ouvertes en Corse à compter du 1er janvier 2018 et, plus précisément, leurs craintes de voir les indivisions familiales contraintes de vendre leurs biens. Certes, tout cela remonte au fameux « arrêté Miot » du 21 prairial an IX, mais le sujet n’est pas étranger aux enjeux fonciers.
Vous l’avez indiqué, plusieurs mesures sont d’ores et déjà appliquées : les successions sont déclarées dans un délai non de six mois, mais de vingt-quatre mois ; les dépenses engagées pour reconstituer les titres sont déductibles de l’actif successoral ; le Groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse – GIRTEC – a été institué et fonctionne bien.
Ces actions s’inscrivent toutefois dans le long terme, et si elle n’est pas immédiate, l’échéance du 1er janvier 2018 se rapproche. Lors de nos premiers échanges, les élus corses ont proposé de transmettre leurs propositions à nos services afin que nous puissions les étudier. Elles nous ont été transmises il y a quelques jours seulement et font actuellement l’objet d’une analyse au regard des questions constitutionnelles que vous avez soulevées. Avant la fin du mois de juin, je me rendrai en Corse pour rencontrer les élus locaux ; je suis prêt à vous rencontrer aussi, monsieur le député. Même si le chemin est étroit, en travaillant ensemble, nous devrions trouver une voie.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Laurence Arribagé, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre des finances, les Français doivent savoir que, depuis quatre ans, vous organisez méthodiquement la plus grande faillite de France : celle de nos 35 800 communes, que vous soumettez à une baisse historique des dotations.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Dans les grandes villes, la dotation globale de fonctionnement peut représenter plus de 15 % du budget ; elle peut atteindre 45 % dans une commune de 500 habitants.
Entre 2013 et 2017, l’effort demandé s’élèvera à 28 milliards d’euros et entraînera un effondrement de l’investissement public local, que l’association des maires de France, présidée par François Baroin, évalue à 30 %.
Cette situation met directement en danger l’offre et la qualité du service public municipal, à savoir la construction et l’entretien de nos écoles, de nos équipements, de nos transports en commun, mais également le logement, le social, l’accompagnement de nos aînés ou le soutien à notre tissu économique et associatif.
Dans ce contexte, les maires et les élus s’efforcent au quotidien de préserver leur action, tout en faisant face à un océan de difficultés budgétaires, car, à la baisse drastique des dotations de l’État, s’ajoute la prise en charge de vos politiques onéreuses, par exemple le financement des rythmes scolaires.
La pression budgétaire est critique. Les municipalités n’ont d’autre choix que de réduire leurs programmes de fonctionnement ou d’augmenter la fiscalité locale, pénalisant injustement leurs administrés.
Cette situation n’est plus supportable. Allant d’entêtements en aveuglements, vous abandonnez les élus de nos villes et de nos villages, et, en définitive, ce sont nos concitoyens qui en payent le prix fort.
En conséquence, je vous demande d’abandonner sans réserve la dernière tranche de la baisse brutale des dotations programmée en 2017 et de revoir sans tarder votre politique budgétaire, afin de redonner aux maires et aux élus le temps et la possibilité de préparer à nouveau l’avenir sereinement.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.
Madame la députée, je profite de votre question pour saluer, au nom de tous, je crois, l’implication, en ce moment même, dans les départements qui ont subi de fortes intempéries, des maires, de leurs équipes municipales et des services municipaux, aux côtés des pompiers et de tous les acteurs de la sécurité civile.
Vous m’interrogez sur la diminution des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, au moment, vous l’avez évoqué, où se réunissent les maires, dans le cadre de leur 99e congrès. Je voudrais vous dire plusieurs choses.
D’abord, contrairement à ce que vous indiquez, les budgets des collectivités ne sont pas en baisse.
La progression de leurs recettes fiscales par un effet base et, dans certaines communes, par un effet taux comble en effet la diminution des dotations de l’État.
Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ensuite, la baisse des dotations de l’État s’est accompagnée d’un renforcement des dispositifs de péréquation : de la dotation de solidarité rurale, la DSR ; de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la DSU ; de la dotation nationale de péréquation, la DNP ; du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je sais bien que le congrès de l’Association des maires de France se tient actuellement, mais tout de même ! Écoutez la fin de la réponse de la secrétaire d’État !
Par ailleurs, le Gouvernement est sensible à la question de l’investissement des collectivités territoriales et a mis en place des dispositifs de soutien.
Dans le cadre du fonds de soutien à l’investissement local, le FSIL, que vous connaissez, 3 000 projets ont déjà été retenus : 60 % de l’enveloppe de ce fonds a été engagé.
Sur ces sujets, madame la députée, je crois que nous devrions nous accorder sur une analyse apaisée et faire oeuvre de cohérence. Il me semble permis d’interroger votre cohérence quand vous posez une telle question, alors que votre formation politique plaide en faveur d’un plan de 100 milliards d’économies, qui mettra les collectivités territoriales en grande difficulté.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question porte sur la politique du logement, qui est l’une des premières préoccupations des Français. Dans un pays où la population augmente, la pression est très forte, notamment dans les grandes villes et leur périphérie, comme je puis le constater à Nantes.
Le logement est aussi l’un des moteurs de l’économie. Or, depuis la crise de 2008, la construction neuve avait beaucoup baissé. Au moment ou les entreprises du bâtiment souffraient, les Français souffraient eux aussi face aux difficultés d’accès à des logements aux prix abordables dans de nombreuses villes de France.
Le logement est aussi, malheureusement, un sujet de polémique politicienne : c’est pénible pour les Français, qui veulent des réponses concrètes, et c’est aussi en décalage avec la réalité. Les chiffres de 2015 et du premier trimestre de 2016 montrent en effet une nette reprise de la construction et des ventes de logements neufs.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Après une année 2015 largement portée par les investisseurs, on voit que ce sont ceux qui achètent leur logement pour l’occuper qui dynamisent désormais le marché.
Loin des polémiques, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – ALUR –, dite « loi Duflot », n’a donc pas été la catastrophe annoncée par certains.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
De même, les correctifs apportés depuis deux ans, notamment le « dispositif Pinel », démontrent aujourd’hui leur efficacité.
Le rebond du secteur du logement, ce sont des emplois en plus dans les entreprises du bâtiment, et des logements en plus à acheter ou à louer pour les Français.
Vous êtes, madame la ministre du logement, une pragmatique. Quelles mesures le Gouvernement met-il en oeuvre pour soutenir cette nouvelle dynamique et pour conforter un bon équilibre entre les logements locatifs sociaux et privés et l’accession à la propriété ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Vous m’avez interrogée, monsieur de Rugy, sur les derniers chiffres de la construction, publiés hier. Ces chiffres, il faut le dire très simplement, sont bons et même très bons.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Nous pouvons effectivement dire que ça va mieux, beaucoup mieux, même, dans la construction comme dans tous les domaines d’activité du logement : en témoigne l’augmentation du nombre de logements autorisés – plus 10 % par rapport au dernier trimestre –, des logements construits,
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
des permis de construire et surtout de la commercialisation des logements – autrement dit la diminution du stock des logements à vendre –, et ce sur l’ensemble du territoire.
Cette relance de l’activité se traduit aussi dans l’emploi, puisque l’on a constaté un rebond dans le domaine du bâtiment ;…
…elle concerne enfin, il faut le dire, le logement comme les locaux d’activité, y compris au sein des exploitations agricoles.
Ce rebond de l’ensemble du domaine de la construction et du logement constitue un signe très positif pour l’activité économique de notre pays, d’autant plus qu’il s’accompagne d’une maîtrise des prix : sur ce point, nous resterons très vigilants. Nous avons en effet développé un grand nombre de dispositifs à cet égard, tels le prêt à taux zéro – PTZ – pour l’accession à la propriété, le Fonds national des aides à la pierre pour le financement du logement social ou les aides à la rénovation, notamment pour les ménages modestes.
Nous continuerons en ce sens, car il est clair que le besoin de logements à des prix abordables se fait ressentir dans tous les territoires, pour tous les ménages. Nous devons également aider les ménages à rénover leur logement ; c’est pour cette raison que j’ai pris, avec Ségolène Royal, l’engagement d’augmenter les rénovations de logement dans le cadre de l’Agence nationale de l’habitat – ANAH – et de prolonger l’éco-PTZ et le crédit d’impôt pour la transition énergétique – CITE.
Alors oui, ça va mieux, et j’espère que cela continuera.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Éric Elkouby, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international. Mais permettez-moi, tout d’abord, de saluer et de rendre hommage à mon prédécesseur et ami Armand Jung, dont la santé s’améliore jour après jour.
Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, se lèvent et applaudissent.
Alors que les partis populistes attaquent l’Europe de toutes parts, comme si l’Union européenne était la cause de tous les maux, nous devons rappeler qu’elle représente avant tout un espace commun et humain de développement et de protection.
C’est au Parlement européen que le plan de relance par l’investissement, dit « plan Juncker », a été définitivement adopté. J’en profite pour vous remercier d’avoir rappelé, à Strasbourg, le 9 mai dernier, le soutien inconditionnel du Gouvernement à la vocation européenne de Strasbourg et de l’Eurométropole.
Ma question concerne plus précisément les retombées économiques de ce plan, qui prévoit des investissements de plusieurs milliards d’euros pour la relance de nos entreprises, de nos universités, de la recherche et de l’emploi. Plus concrètement, ce sont 16,4 milliards d’euros qui seront débloqués en France pour seize projets stratégiques. C’est là un moteur ambitieux pour le développement de grands programmes innovants dans les domaines du numérique, de l’éducation, du développement durable ou encore des transports. Je me réjouis que la région Grand Est en soit bénéficiaire, notamment à travers le programme d’énergies renouvelables et l’installation du très haut débit en Alsace. Voilà l’Europe que nous aimons.
Monsieur le ministre, ce plan fait partie d’un arsenal d’outils que l’Union européenne et le Gouvernement mettent en place pour la nécessaire relance économique et pour l’emploi. Pouvez-vous nous dire quels sont aujourd’hui ses retombées et son devenir dans notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Permettez-moi d’abord, monsieur le député, de vous adresser toutes mes félicitations et celles du Gouvernement pour votre brillante élection.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je veux aussi vous redire notre attachement le plus fort à Strasbourg, capitale européenne de la démocratie.
Vous l’avez rappelé, le plan Juncker est un succès – pour la France et pour l’Europe. La France en est en effet le premier pays bénéficiaire s’agissant du montant global des projets financés. Ainsi, les 2,3 milliards d’euros de financements accordés par la Banque européenne d’investissement permettent de mobiliser 14,5 milliards d’investissements sur notre territoire, grâce aux trente-trois décisions déjà prises par le Fonds européen pour les investissements stratégiques.
Au-delà de ces chiffres, les projets bénéficient à toutes nos régions ; l’important, vous l’avez dit en évoquant l’Alsace,…
…est qu’ils concernent des secteurs stratégiques : la transition énergétique, le numérique ou encore les PME innovantes. J’en citerai quelques exemples. En ce qui concerne le logement, le plan Juncker appuiera financièrement le renforcement de l’efficacité énergétique de 40 000 foyers résidentiels ; dans le domaine de l’énergie, il soutiendra un fonds dédié à la production d’énergie renouvelable ; dans l’industrie agroalimentaire, il contribuera au financement d’une usine de production de lait dans le Cotentin.
Ce plan ne se résume pas, toutefois, au financement de grands projets ou de grandes entreprises, puisque des prêts sont distribués, par l’intermédiaire de Bpifrance et des réseaux bancaires, à plus de 23 000 PME et start-ups, avec à la clé la création de dizaines, de centaines voire de milliers d’emplois.
Ces quelques exemples illustrent la réussite du plan Juncker dans notre pays ; mais c’est aussi le cas à l’échelle européenne, puisque les 12,8 milliards d’investissements décidés par la Banque européenne d’investissement ont permis de mobiliser 100 milliards d’investissements au total, soit un tiers de l’objectif de 315 milliards.
Nous voulons donc poursuivre et amplifier le plan Juncker, car il reflète l’Europe que nous aimons : l’Europe qui soutient la croissance, l’investissement et l’emploi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Le Président de la République se trouve en ce moment même en Suisse, afin d’assister à l’inauguration du plus long tunnel ferroviaire du monde, celui du Saint-Gothard, qui a été achevé en avance sur les délais prévus.
La Suisse, pays de 8 millions d’habitants, aura entièrement financé cet investissement de 12 milliards d’euros. Pendant que François Hollande admire cet ouvrage titanesque, réalisé grâce au soutien de la Confédération helvétique aux Chemins de fer fédéraux, le gouvernement français lâche la SNCF, en pleine réorganisation.
Vous désavouez son dirigeant et ne soutenez pas les cheminots, majoritairement favorables aux négociations en cours sur leurs conditions de travail. Vous cédez au syndicalisme pur et dur de quelques-uns à propos de la flexibilité horaire afin de faire accepter la loi travail.
Résultats de cette concession : une direction désavouée et affaiblie, un groupe fragilisé, des économies non réalisées, des contribuables appelés à financer les compensations financières par leurs impôts et des usagers victimes de la grève illimitée, sans parler de l’image désastreuse donnée à l’étranger, à la veille de l’ouverture de l’Euro de football, dont la SNCF est le transporteur officiel.
Dans ce contexte, comment la France peut-elle affronter les défis de la concurrence et garantir un service public ferroviaire de qualité ? L’écart de compétitivité entre la SNCF et ses concurrents européens est de plus en plus grand, alors que le marché ferroviaire se libéralise. Qu’attendez-vous, monsieur le Premier ministre, pour mettre la France sur les rails ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Madame la députée, la situation du monde ferroviaire est très différente de celle que vous avez décrite dans votre question.
D’abord, la SNCF compte à la fois des salariés appartenant à un groupe public et d’autres appartenant à des groupes privés.
Sur les 165 000 salariés, la plupart – 158 000 – travaillent dans le groupe public.
Il convient en outre de distinguer deux activités, qui obéissent à des règles très différentes. Le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence depuis dix ans maintenant, sans réel succès, vous le savez, et pas seulement pour le groupe public, puisque ce secteur a perdu 10 points d’activité, c’est-à-dire près de la moitié de son chiffre d’affaires. Quant à la partie voyageurs, elle n’est pas ouverte à la concurrence.
La réforme ferroviaire comporte trois volets.
Un décret-socle répond à un premier objectif : la sécurité sur les parcours ferroviaires, pour les salariés comme pour les utilisateurs. Ce texte, qui relève de la responsabilité du Gouvernement, est prêt et a été soumis au Conseil d’État.
Par ailleurs, et c’est nouveau, une convention collective concernant le temps de travail et d’autres règles s’appliquera aux salariés du public comme à ceux du privé. La négociation, qui, compte tenu des objectifs, s’annonçait des plus difficiles, a abouti…
En revanche, sur la convention d’entreprise propre au groupe public, la négociation n’a pas abouti ; c’est l’objet de la grève d’aujourd’hui.
Il faut faire très attention : des gains de compétitivité sont nécessaires, le Gouvernement en convient, mais pas simplement sur le temps de travail ; ils passent également, par exemple, par la polyvalence. C’est tout l’objet de la négociation, et le Gouvernement y est toujours ouvert car il souhaite que la réforme aboutisse.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, le congrès des maires a ouvert ses portes hier et, vous le savez, un sujet agite toutes les discussions : celui de la baisse des dotations de l’État.
Les maires sont une espèce en voie de disparition programmée dans cet hémicycle. Raison de plus pour écouter ces praticiens quotidiens des finances locales, ces « fantassins de la République », comme dirait mon collègue Yannick Favennec, qui ne cessent de dénoncer les coupes sombres de l’État dans leurs budgets locaux, alors même qu’ils subissent continuellement des transferts de charges nouvelles, non compensées, bien entendu. La réforme des rythmes scolaires en est, bien sûr, l’exemple le plus emblématique.
Très bien !
Après vous avoir alerté sans succès par des courriers, des pétitions et des tribunes dans la presse, les associations représentant les communes et les intercommunalités vous ont à nouveau appelé, à l’unanimité, à stopper toute nouvelle ponction en 2017.
Entre 2014 et 2017, la baisse cumulée des concours financiers de l’État aux collectivités s’est élevée à 28 milliards d’euros, ce qui a d’ores et déjà complètement paralysé l’investissement local.
Les élus locaux gèrent leurs collectivités en bons pères de famille et ne souhaitent pas emprunter à tout-va, comme l’ont fait tous nos gouvernants nationaux depuis quarante ans.
Il était normal, monsieur le Premier ministre – c’est un maire qui vous le dit –, que nous soyons tous solidaires de l’effort demandé au pays pour redresser les finances publiques. Mais là, ce n’est plus tenable : on est dans le dur ; c’est la survie même des services quotidiens rendus à la population qui est menacée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Il a été annoncé que le Président de la République consentirait demain un petit geste vis-à-vis des élus. Monsieur le Premier ministre, nous ne faisons pas l’aumône : il faut simplement interrompre la baisse des dotations de l’État et annuler celle de 3 milliards d’euros prévue en 2017.
Entendrez-vous les maires qui vous le demandent ou continuerez-vous à imposer aux territoires locaux cette cure d’amaigrissement, mortifère pour les communes, l’investissement et donc l’emploi local ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.
Monsieur le député, vous relayez là une des demandes des associations du bloc local, que nous avons entendue.
Le Gouvernement, je tiens à vous le dire, ne sous-estime pas les efforts qui ont été demandés aux élus locaux, notamment municipaux et communautaires. Vous le savez comme moi, sur le terrain, les élus et leurs équipes se sont réorganisés, ont mis en commun les services comme les investissements et ont mis en perspective les politiques publiques pour s’adapter à la nouvelle donne découlant de la baisse des dotations.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je rappelle que cette baisse, en moyenne, en 2015, s’est élevée à 1,84 % des recettes réelles de fonctionnement.
S’agissant du renforcement de la péréquation, je veux être à nouveau extrêmement précise. Vous savez qu’elle permet aux collectivités les plus fragiles d’être préservées de la baisse et que, sur les territoires, elle fonctionne.
La dotation de solidarité rurale et la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – DSR et DSU – dites « cibles », notamment, bénéficient à des communes fragiles, qui, ainsi, ne voient pas leurs dotations baisser. Les crédits alloués à la DSU, à la DSR et à la DNP – la dotation nationale de péréquation –, ont été renforcés de 297 millions d’euros. Quant au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, avec 200 millions d’euros supplémentaires, ses crédits ont été porté à 1 milliard d’euros.
Et le père Noël, que distribue-t-il ?
Le Gouvernement a conscience des difficultés rencontrées par les élus s’agissant de l’investissement, que vous avez évoquées. C’est pourquoi nous avons mis en place le fonds de soutien à l’investissement local, qui, je l’ai dit tout à l’heure, a obtenu un grand succès auprès des élus locaux, avec 200 millions d’euros supplémentaires pour la dotation d’équipement des territoires ruraux – la DETR –, 300 millions d’euros en faveur de la revitalisation des bourg-centres et 500 millions alloués aux grandes priorités stratégiques.
Voilà ce que je tenais à rappeler. Sur ce sujet, monsieur le député, je considère que l’État et les collectivités territoriales doivent faire « cause commune », comme nous y invite l’Association des maires de France à travers le slogan de son 99e congrès.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, vous avez récemment présidé, à Privas, en Ardèche, un énième comité interministériel aux ruralités. Cela pourrait être enfin le signe d’une véritable prise en considération de la situation des territoires ruraux, d’autant qu’un tel comité n’a été réuni ni en 2012, ni en 2013, ni en 2014.
Hier, interrogé à ce sujet, votre ministre de l’aménagement du territoire a répondu de manière politicienne en se retranchant derrière la RGPP et, aujourd’hui, le refus par Estelle Grelier d’un abandon de la baisse des dotations a constitué une injure à l’ensemble des maires de France.
Vous êtes aux responsabilités depuis quatre ans. Vous avez remplacé la révision générale des politiques publiques – la RGPP – par la modernisation de l’administration publique – la MAP –, qui désorganise la présence de l’État dans les territoires, supprime des aides financières et conduit à un nombre toujours plus important de fermetures d’écoles, de perceptions, de gendarmeries, voire de gares, sans oublier les suppressions de lignes de train.
Les annonces faites ne sont en réalité qu’un catalogue à la Prévert, qui reprend des mesures bien connues, désuètes, en matière tant de démographie médicale que de numérique, de services publics et d’éducation.
Le contrat de ruralité, qui semble être la mesure phare, constitue un nouveau carcan que vous allez imposer aux acteurs ruraux.
La ruralité souffre et vous ne l’entendez pas. Le sentiment d’exaspération exprimé par les maires ruraux, les acteurs socio-économiques et toute la population est parvenu à son paroxysme, avec les baisses de dotations que vous imposez depuis quatre ans, l’augmentation des charges, l’affaiblissement des zones de revitalisation rurale – les ZRR – et le poids croissant de normes après l’abandon du choc de simplification.
Monsieur le Premier ministre, les difficultés de la ruralité sont un vrai problème de société ; elles exigent non pas une politique d’égalité entre les territoires – c’est le credo de votre gouvernement –, mais, bien au contraire, la reconnaissance d’un droit à la différence…
Merci, monsieur Morel-A-L’Huissier.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je vous répondrai, monsieur le député, sur la baisse des dotations, mais essayons, les uns et les autres, d’analyser la situation avec sérénité, en évitant la démagogie. Vous demandez une annulation de la baisse prévue pour 2017. Dans le parti politique auquel vous appartenez, les plans s’échelonnent entre 100 et 130 milliards d’économies.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Il faudra donc expliquer qui, de la Sécurité sociale, de l’État ou des collectivités, sera touché par ces économies.
Vous nous interrogez sur les mesures prises par le comité interministériel aux ruralités. Oui, vous le savez, ce gouvernement s’engage aux côtés du monde rural
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
pour favoriser un aménagement harmonieux du territoire en permettant le retour des services publics de proximité.
Je ne trouve pas désuet de s’intéresser à l’accès aux soins, qui est une préoccupation importante de nos concitoyens, notamment dans les zones déficitaires. Une action résolue est conduite pour lutter contre les déserts médicaux, avec l’ouverture de maisons de santé et la signature de 800 contrats d’engagement de service public supplémentaires.
Je ne trouve pas non plus désuet de favoriser un meilleur accès aux technologies, indispensables dans le monde rural – je ne rappellerai pas les dispositions qui ont été prises pour permettre le déploiement du très haut débit et de la téléphonie mobile.
Les contrats de ruralité permettront de mettre en perspective tous ces moyens, pour un développement cohérent des territoires ruraux. Enfin, 104 mesures ont été décidées lors des trois comités interministériels aux ruralités qui se sont tenus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, ce que l’on appelle pudiquement le conflit israélo-palestinien perdure, s’éternise et, par conséquent, s’aggrave. Les décennies se succèdent et les générations, ici et au Proche-Orient, se désespèrent face à une impossible perspective de paix.
Le blocage, l’impasse actuelle ne doivent cependant pas inciter à la résignation, car la situation demeure profondément inquiétante. C’est la raison pour laquelle il faut saluer l’initiative prise par la France d’organiser vendredi prochain à Paris une conférence internationale sur le sujet.
Depuis plus de quarante ans, depuis le discours de François Mitterrand à la Knesset, c’est l’honneur de notre pays, de tous ses gouvernements, de n’avoir jamais renoncé à favoriser la solution juste et durable de deux États viables vivant en sécurité.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, qu’attendez-vous de la conférence de Paris,…
…alors que les États-Unis se montrent jusqu’à présent velléitaires, l’Europe absente, l’ONU impuissante, la Russie ambivalente ?
Comment envisagez-vous les étapes suivantes ? Comment pensez-vous ramener Israéliens et Palestiniens à la table des négociations ? Comment comptez-vous engager une nouvelle dynamique de paix ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Vous avez raison, monsieur le député, la région connaît des développements dramatiques et l’absence de perspectives politiques ouvre un champ aux extrémistes, nous le constatons malheureusement chaque jour. Elle ne connaîtra pas la paix tant que ce conflit ne sera pas réglé. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’agir, dans le respect de l’engagement historique de la France – vous venez de le rappeler – en faveur du processus de paix au Proche-Orient.
Avant de lancer cette initiative, j’ai pris le temps de consulter tous nos partenaires. Tous partagent notre analyse, tous savent gré à la France de prendre ses responsabilités et tous ont répondu favorablement à notre invitation.
Vendredi, près de trente ministres seront présents à Paris pour réaffirmer ensemble deux convictions. La première, c’est que la solution de deux États est la seule possible et qu’elle est aujourd’hui en danger. La seconde, c’est que la communauté internationale est prête à se mobiliser pour la préserver et offrir aux Israéliens et aux Palestiniens un soutien et des garanties indispensables à sa mise en oeuvre.
Il faut bien s’entendre : il ne s’agit pas de se substituer aux parties, de négocier à leur place. C’est à elles seules qu’il appartiendra en définitive de faire le choix courageux de la paix, mais nous pouvons les aider.
Il s’agit de réunir les conditions permettant de retrouver un climat favorable afin que les Palestiniens et les Israéliens se reparlent et négocient à nouveau. C’est ce à quoi nous allons commencer à travailler demain. J’ai dit la même chose au Président Abbas et au Premier ministre Netanyahou.
Notre démarche est sincère, désintéressée, mais nécessaire – tout le monde en convient. Je vous appelle donc tous à vous mobiliser pour atteindre cet objectif : une paix juste, avec deux États vivant ensemble, côte à côte, et en sécurité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, il y a quelques jours, nous apprenions avec une grande stupéfaction que le directeur général du Trésor démissionnait de ses fonctions pour pantoufler dans un fonds d’investissement, Cathay Capital, dirigé par un citoyen de la République populaire de Chine. Ce fonds a pour vocation d’investir dans des PME non cotées.
Le directeur général du Trésor n’est pas un fonctionnaire ordinaire,…
…sans pouvoir ni connaissance dans l’empire de Bercy. Homme le plus informé de France en matière de stratégie économique et financière, il détient des secrets d’État. Comment ce haut fonctionnaire peut-il ainsi franchir le Rubicon du mélange des genres…
…pour passer du côté d’un fonds dirigé par un étranger dont l’objectif est d’investir en France, mais surtout d’investir en toute connaissance de cause, c’est-à-dire de faire des bons coups ?…
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants
Soulignons au passage que ce fonds aurait des activités dans certains paradis fiscaux.
Monsieur le ministre, l’intéressé est-il physiquement passé devant la commission de déontologie de la fonction publique ?
Si oui, quelles en sont les motivations ?
Je vous précise que j’ai reçu de nombreux témoignages de fonctionnaires, effarés par ce pantouflage : ils dénoncent l’attitude de Bercy, qui foule au pied toutes les règles d’éthique de la haute fonction publique.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre, ce gouvernement a-t-il encore l’éthique du service public ?
Mêmes mouvements.
Monsieur le député, je vais faire fi de votre ton inutilement polémique, dont vous auriez pu vous passer.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je vous remercie de votre question car elle va me permettre de saluer un haut fonctionnaire qui a consacré trente ans de sa vie…
…au service de l’État, sous l’autorité de l’ensemble des gouvernements successifs, de l’ensemble des ministres de l’économie et des finances, et qui a fait preuve d’un dévouement et d’une compétence reconnus par toutes et tous ceux qui ont été ses chefs.
Ce haut fonctionnaire a décidé de quitter la fonction publique pour travailler dans une entreprise.
Êtes-vous pour ou contre les entreprises ?
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Cette entreprise facilitera des financements, en particulier d’entreprises françaises, en Chine, et par conséquent de gagner des marchés et des emplois.
Monsieur le ministre…
Exclamations et rires sur divers bancs.
Pardon, monsieur le député – peut-être un jour serez-vous ministre et aurez-vous à répondre à des questions aussi inutilement polémiques –, ce haut fonctionnaire a évidemment saisi la commission de déontologie, que vous aviez affaiblie et que nous avons renforcée.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Elle a évidemment donné un avis évidemment positif, sans lequel il n’aurait pu changer d’orientation. Nous, nous respectons l’ensemble des règles.
Nous, nous faisons en sorte que les hauts fonctionnaires, lorsqu’ils rejoignent le privé, le fassent en respectant les règles, ce qui n’a pas toujours été le cas de votre côté.
Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, la conférence nationale du handicap s’est tenue le 19 mai dernier. Présidée par le Président de la République, en présence des associations, des représentants des personnes handicapées et de leurs familles, elle a fait un point d’étape et ouvert de nouvelles perspectives. François Hollande nous a dit que la politique du handicap vise à émanciper, à développer l’autonomie et à reconnaître les capacités des personnes handicapées et leurs talents.
Madame la secrétaire d’État, l’école inclusive, le « zéro sans solution » ou la « réponse accompagnée pour tous selon sa situation » vont dans le sens de cet engagement partagé. L’évaluation du troisième plan autisme prépare le quatrième plan annoncé, qui visera à renforcer encore l’égalité d’accès des enfants à des diagnostics précoces et de qualité, et à mieux garantir les bonnes pratiques de prise en charge définies par la Haute autorité de santé, pour les enfants comme pour les adultes.
L’emploi des personnes handicapées est un autre défi à relever. La loi travail propose des avancées sur ce sujet : elle introduit le concept de l’emploi accompagné, qui s’adresse à la fois aux salariés et aux employeurs en milieu ordinaire ; elle renforce la négociation collective dans l’entreprise sur les questions du handicap, afin de mieux accueillir ou de maintenir dans l’emploi des personnes affectées, par exemple, par des problèmes psychiques ou des troubles autistiques.
Les efforts d’activité des personnes en situation de handicap sont mieux reconnus. Le Président a ainsi annoncé le versement de la prime d’activité aux personnes percevant l’allocation pour adulte handicapé – AAH –, mais aussi à celles percevant une rente d’accident du travail ou d’invalidité. Pouvez-vous nous préciser le calendrier d’application de cette mesure ?
Vivre le plus possible comme tout le monde passe aussi par le logement. Comment pensez-vous lever les obstacles au développement du logement accompagné et de l’habitat partagé ?
Les personnes handicapées sont aussi confrontées au quotidien, pour faire valoir leurs droits, à des lourdeurs administratives. Que proposez-vous pour alléger et simplifier ces procédures ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Madame la députée, je veux commencer, bien sûr, par vous remercier, non seulement pour votre question, mais également pour votre engagement au service des personnes handicapées, en particulier au sein du comité de suivi du plan autisme et avec votre rapport relatif au travail accompagné.
Le fil conducteur de notre politique du handicap a été fixé par le Président de la République : c’est clairement l’émancipation et la liberté de choix pour les personnes en situation de handicap, comme d’ailleurs pour l’ensemble de nos concitoyens.
Avoir la liberté de choix et être émancipé, cela signifie avoir accès à un emploi et, pour les enfants, être scolarisés, ou encore avoir accès à un logement autonome.
Oui, les travailleurs en situation de handicap ont droit à la prime d’activité. Les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé peuvent la demander dès aujourd’hui et le versement sera assuré à partir du 1er juillet 2016. Pour les bénéficiaires de la pension d’invalidité ou de la rente accident du travail et maladie professionnelle – rente AT-MP –, cela sera effectif à partir du 1er octobre ; un simulateur en ligne est d’ores et déjà disponible sur le site des caisses d’allocations familiales.
S’agissant du logement, Emmanuelle Cosse, la ministre du logement et de l’habitat durable, travaille actuellement avec l’Union sociale pour l’habitat à une convention pour développer les logements accompagnés dans le parc social. Sont aussi prévues 1 500 nouvelles places par an en maisons relais – les anciennes pensions de famille – pour les personnes en situation de handicap.
Enfin, vous avec évoqué les lourdeurs administratives. S’émanciper, c’est aussi ne pas voir ses droits entravés par de tels obstacles. Pour vous citer un exemple, les allocataires de l’AAH 1 devaient jusqu’à présent renouveler leur demande d’allocation tous les dix ans, alors même qu’ils souffraient d’un handicap constitué ; nous allons allonger cette durée, car il n’y a pas de raison d’imposer à des personnes en situation de handicap de refaire des dossiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et j’y associe l’ensemble des députés du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’Île-de-France.
Monsieur le Premier ministre, depuis le 1er septembre 2015, l’abonnement transport en Île-de-France, le passe Navigo à tarif unique, permet de se rendre partout dans la région pour 70 euros par mois. Avant cette date, il fallait débourser entre 70 et 116 euros en fonction des départements. Cette mesure a opportunément été mise en place quelques semaines seulement avant les élections régionales de 2015. Or elle n’était pas financée.
Valérie Pécresse et les associations d’usagers n’ont cessé de le dénoncer pendant la campagne et vous l’avez vous-même reconnu. La vérité est bien là : Valérie Pécresse, nouvelle présidente de la région Île-de-France, a trouvé en guise de cadeau de bienvenue, laissé par vos amis politiques, un trou dans le budget de 300 millions d’euros par an.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Je le dis aux Français : je crains que cette affaire du passe Navigo soit prémonitoire de ce qui va arriver en 2017. Voilà l’héritage que laisse la gauche quand elle est au pouvoir : des chèques en blanc et des cadeaux électoraux avant les élections, puis des factures impayées laissées aux successeurs et aux Français.
Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Monsieur le Premier ministre, pour 2016, une solution d’appoint a été trouvée en urgence, en complément d’un vaste plan d’économies mené par la région Île-de-France avec le soutien de l’État. Vous avez vous-même rencontré Valérie Pécresse à ce sujet.
Vous vous étiez personnellement engagé à trouver une solution pérenne pour 2017 et les années suivantes. Alors que le budget de l’État est en cours d’arbitrage, quel financement comptez-vous proposer pour régler définitivement la facture de 300 millions d’euros par an du passe Navigo ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, la question que vous posez était au coeur de la campagne électorale. Cette mesure est très importante puisqu’elle permet d’assurer l’égalité des Franciliens en matière de transport, du point de vue financier. Vous protestez aujourd’hui, mais lorsqu’il y a eu changement de majorité à la tête de la région, la nouvelle équipe n’a fort heureusement pas remis cette mesure en cause, constatant qu’elle allait dans le bon sens. Le Premier ministre s’en est d’ailleurs réjoui. Il faut donc choisir : la politique était soit mauvaise soit bonne. Certes, on peut parler du financement, mais vous auriez pu souligner qu’il s’agit d’une bonne mesure pour l’ensemble des Franciliens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Vous l’avez rappelé, la question du financement pour 2016 a été réglée par une décision du Premier ministre, grâce à la hausse du versement transport. En ce qui concerne la pérennisation du financement, nous en avons accepté le principe. Il n’y a donc pas lieu d’engager une polémique ; le travail est en cours.
Vous connaissez, du reste, les pistes envisagées. Du côté des évolutions législatives, nous comptons sur l’efficacité de la loi de M. Savary relative à la lutte contre la fraude, que nous avons fait voter. Le contrat conclu entre le Syndicat des transports d’Île-de-France – le STIF – et la RATP assure quant à lui un gain de 100 millions d’euros. En outre, cet été, nous déposerons au Parlement un rapport sur l’utilisation par les régions de la cotisation sur la valeur ajoutée – CVAE –, qui permettra de prendre des décisions pour pérenniser le financement.
Il faut aussi utiliser la possibilité d’intégrer l’inflation dans les prix, compte tenu de l’amélioration des services.
Vous le voyez, nous sommes dans la concertation et les choses avancent. Le Gouvernement est à chaque fois au rendez-vous pour répondre à cette question.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la ministre de la fonction publique, les ouvriers d’État sont gérés par plusieurs ministères ; par exemple, ceux des parcs et ateliers ou ceux des bases aériennes civiles sont rattachés au ministère de l’environnement. Ces ouvriers se sont fortement mobilisés le 26 mai – hasard du calendrier –, non pour la loi travail, mais pour défendre leur statut, leurs missions et surtout relancer les recrutements qui sont bloqués par un moratoire pénalisant qui n’a que trop duré. Ce moratoire nuit fortement à l’efficacité des services de l’État, dans lesquels quasiment aucun recrutement n’est possible depuis plusieurs années, ce qui engendre, au fur et à mesure des départs en retraite, des difficultés de fonctionnement et dégrade les conditions de travail et de gestion du personnel.
Les discussions sont bloquées entre les organisations syndicales qui représentent ces ouvriers et l’administration, qui renvoie vers une décision politique. Le constat est simple : toutes les tractations sont systématiquement suspendues, dans l’attente d’un quasi-statut low cost et précaire, en gestation actuellement, mais unanimement rejeté par les organisations représentatives des ouvriers de l’État. M. le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a, pour ce qui concerne son personnel d’ouvriers d’État, déjà pris une position ferme contre ce statut en préparation et a soutenu le maintien des recrutements sous statut d’ouvriers d’État.
Madame la ministre, allez-vous prendre une décision permettant à l’ensemble des ouvriers d’État d’avoir à nouveau un statut porteur d’espoir et d’avenir ? Face aux difficultés de fonctionnement rencontrées par les établissements publics, dans quel délai allez-vous demander la levée du moratoire et ouvrir enfin les discussions qui permettront d’éclaircir l’avenir des ouvriers d’État et leurs missions ?
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je tiens d’abord à vous rassurer : il n’est pas question de supprimer le statut d’ouvrier d’État. Le Gouvernement est très attaché au principe de l’occupation des emplois publics par des fonctionnaires. Toutefois, par définition, certaines missions très techniques ne peuvent être assurées par des fonctionnaires et sont dévolues aux ouvriers d’État. Le Gouvernement défend les missions de plus de 20 000 agents, qui requièrent une technicité de haut niveau, par exemple aux ministères de la défense, de l’environnement ou des transports, notamment dans l’aviation civile. La technicité pointue de leurs missions conduit ces agents à consentir des efforts importants en matière de formation.
Depuis 2009, les recrutements étaient gelés par un moratoire. Ce gouvernement y met fin et mène actuellement un travail interministériel pour repréciser les fonctions qui doivent être assurées par les ouvriers d’État. Dans un souci de dialogue social, mon cabinet a déjà organisé plusieurs réunions avec les organisations syndicales qui représentent ce personnel. Je voudrais vous rassurer : les décisions vont être prises dans les jours qui viennent et je pourrai très rapidement vous apporter des réponses beaucoup plus précises. S’agissant de la rémunération de ces agents – question également importante –, elle n’a pas connu de revalorisation depuis six ans. Nous sommes aux côtés des ouvriers d’État comme aux côtés de tous les fonctionnaires.
Ma question était destinée à M. le ministre de l’intérieur ; comme il est déjà parti, je m’adresserai à M. le Premier ministre.
Il y a quelques jours, le propriétaire d’un bâtiment situé dans la zone industrielle de Lesquin, dans le Nord, découvrait ses locaux dévastés après le départ d’un groupe de gens du voyage. Ceux-ci, malgré les procédures engagées contre eux, avaient stationné illégalement pendant trois mois et demi sur le parking du bâtiment. Plus qu’un désastre, c’est un véritable ouragan qui a déferlé sur le bâtiment, n’y laissant qu’une friche et près de 600 000 euros de dégâts.
Aujourd’hui, c’est une entreprise saccagée. Hier, c’était un maire agressé pour s’être opposé à une invasion ou encore le chantier d’une maison arrêté, plongeant une famille dans le désarroi. Depuis de trop nombreuses années, un grand nombre de nos concitoyens, de nos élus locaux et de nos chefs d’entreprise sont concernés par de tels méfaits. L’exaspération à son paroxysme. On peut le comprendre car l’impunité perdure, malgré le saccage d’espaces publics et privés, sans qu’aucune condamnation ne soit prononcée, sans même, parfois, qu’aucune enquête ne soit diligentée.
Nos concitoyens se sentent abandonnés par les pouvoirs publics, incapables d’assurer leur tranquillité ni même de garantir l’intégrité de leurs propriétés. Ils s’interrogent légitimement sur la force et l’autorité de la loi. L’impunité avec laquelle ces personnes agissent a de multiples conséquences. Elle impacte les entreprises et donc les emplois au niveau local, elle nuit à l’attractivité de nos communes, elle menace la paix sociale, elle jette l’opprobre sur l’ensemble de la communauté des gens du voyage.
Monsieur le Premier ministre, quand agirez-vous ? Quand donnerez-vous des instructions pour que l’article L. 322-4-1 du code pénal, qui permet la saisie de véhicules, soit enfin appliqué ? Quand ferez-vous cesser l’impunité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
De grâce ne nous ressortez pas votre sempiternelle excuse, la prétendue baisse des effectifs des forces de l’ordre sous l’ancienne majorité. Entre 2002 et 2012, ils ont en effet augmenté de près de 2 000 postes, tandis que la délinquance baissait de 18,56 %.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous avez posé une question très importante, qui porte que le passage des gens du voyage sur certaines communes et les mesures prises à cet effet.
Au nom du ministre de l’intérieur, je vous assure qu’il n’y a aucune légèreté dans l’action de l’État à ce sujet. L’État agit à côté des maires, pour faire évacuer les campements illégaux…
…comme pour construire les aires d’accueil, obligation qui incombe aux communes.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Comme vous le savez, l’État a dû, un moment, arrêter de financer ces aires d’accueil car les communes ne respectaient pas les obligations fixées par la loi. Vous connaissez très bien ce débat car il a déjà eu lieu dans cette assemblée, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dont M. Raimbourg était le rapporteur. Cette proposition de loi vise précisément à supprimer le dispositif du livret de circulation, discriminant envers les gens du voyage.
Elle vise par ailleurs à renforcer les moyens dont dispose l’État pour faire évacuer ces campements illégaux et imposer la création d’aires d’accueil.
Cette proposition de loi, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat. C’est pour cette raison que nous devrons reprendre ses dispositions dans un prochain texte législatif, afin de renforcer plus rapidement les moyens d’action des forces de police.
Il s’agit notamment de porter à sept jours le délai d’action des préfets, pour qu’ils puissent procéder comme il convient à l’évacuation des terrains et, le cas échéant, à la saisie des véhicules.
Enfin, monsieur le député, beaucoup d’élus m’ont interrogée sur l’absence d’aires d’accueil, notamment d’aires de grand passage, dans des communes qui doivent en aménager. Il me semble que l’existence de ces aires constitue aussi une solution pour éviter ces occupations illégales.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme Françoise Dubois, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, nous connaissons tous des personnes qui ont été dérangées – et, parfois, abusées – par des appels téléphoniques intempestifs, en vue de leur faire souscrire à une offre ou de les faire acheter un produit dont elles n’avaient aucun besoin.
Aujourd’hui entre en vigueur le blocage du démarchage téléphonique. Nous avions adopté ce dispositif dans le cadre de l’examen de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Un certain nombre de mesures ont déjà été mises en place, grâce à cette loi, pour mieux encadrer les démarchages abusifs. Le dispositif que j’ai évoqué permet dorénavant à toute personne de bloquer, de façon très simple, les appels commerciaux indésirables.
Ces appels ne sont pas seulement dérangeants, ils ne sont pas seulement intrusifs : ils peuvent aussi se révéler dangereux pour les personnes les plus faibles. Je salue donc la mise en place de cette mesure, excellent moyen pour mettre fin à ces pratiques parfois déloyales et souvent abusives. La démarche à suivre est simple : il suffit de renseigner son numéro de téléphone sur le site internet du nouveau dispositif gouvernemental, dénommé Bloctel.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous détailler les modalités concrètes d’application de ce nouveau service ? Quels sont les contrôles prévus pour s’assurer du respect du blocage ? Quelles sont les sanctions prévues en cas de non-respect ?
Je rappelle qu’une tentative de blocage de ces appels de démarchage avait été lancée par la majorité précédente, en 2011, sous le nom de Pacitel. Ce dispositif a dû être abandonné car il s’est montré inefficace pour résoudre ce problème. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous garantir que le nouveau mécanisme de blocage agira efficacement contre les démarchages téléphoniques abusifs ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Je vous remercie d’avoir posé cette question. La date du 1er juin 2016 est en effet importante pour de nombreux consommateurs, notamment les personnes âgées et les personnes les plus fragiles, très fréquemment embêtées par des coups de téléphone abusifs. Le Gouvernement avait pris cet engagement dans le cadre de la loi relative à la consommation ; il a été tenu.
À compter d’aujourd’hui, le service Bloctel est donc ouvert sur internet. Chacun peut s’inscrire sur une liste anti-démarchage abusif. Les organisations professionnelles sont obligées de la consulter chaque mois. Je peux vous d’ores et déjà vous annoncer qu’aujourd’hui à quinze heures, 550 000 personnes s’étaient inscrites sur cette liste ; cela témoigne des fortes attentes des consommateurs en la matière.
Des sanctions financières allant jusqu’à 75 000 euros d’amende sont prévues pour les sociétés de démarchage téléphonique ne respectant pas l’obligation qui leur est faite de consulter la liste chaque mois. Si les consommateurs sont démarchés en dépit de leur inscription au service Bloctel, ils pourront relever le numéro de téléphone appelant, s’ils le peuvent, ou le nom de la société, puis signaler l’appel sur le site du service Bloctel.
L’engagement du Gouvernement a donc été tenu.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché (no 3749).
La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la Présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, mes chers collègues, en parvenant au terme des discussions que nous avons engagées à l’Assemblée nationale en mars dernier sur la réforme de nos procédures répressives en matière d’abus de marché, votre rapporteur ne peut qu’afficher une satisfaction certaine.
Tout d’abord, il est satisfait de vous présenter une CMP à l’issue positive puisqu’elle s’est conclue par un accord entre l’Assemblée et le Sénat, tant sur la forme que sur le contenu du texte, et d’autant plus satisfait qu’outre le fait que cette conclusion positive prend acte de la coproduction entre nos deux assemblées, notamment entre nos deux commissions des finances, d’un texte législatif, elle valide la démarche et les principes fondamentaux de la proposition de loi que j’avais déposée avec Dominique Lefebvre.
De surcroît, il est également satisfait que les délais aient été tenus. En effet, il fallait que le droit français de la répression des abus de marché soit rénové avant le 1erseptembre prochain, je m’y étais engagé, et il est dorénavant plus que vraisemblable que ce sera chose faite dans quelques minutes après le vote de notre Assemblée !
Engagement donc tenu, nous pouvons nous en réjouir car ce qui était en jeu, c’était la capacité de continuer à pouvoir, administrativement et pénalement, réprimer et punir ceux qui fautent, et faussent ainsi par leur comportement et pour leur profit, le bon fonctionnement des marchés boursiers, où seuls l’efficacité et l’intérêt économiques devraient pourtant guider les placements.
L’adoption de cette proposition de loi va tirer toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, qui a censuré notre système actuel permettant un cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives en matière de délit boursier. Nous évitons ainsi un risque de vide juridique et nous procédons également à la transposition de la directive du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché ainsi qu’à une partie du règlement associé qui devait intervenir avant le 3 juillet 2016. Il y avait donc double urgence à moderniser notre droit en la matière.
Son adoption à une large majorité, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, témoigne du consensus au sein des deux assemblées autour de la nécessité de légiférer d’une part, et, d’autre part, quant à l’architecture générale de la réforme proposée.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie le l7 mai dernier à l’Assemblée nationale, s’est donc soldée sur un compromis consensuel qui va donner au texte toute sa force et faire avancer rapidement la réorganisation de notre système répressif.
Un consensus, disais-je, mais après bien sûr un compromis pour le finaliser : c’est la logique d’une CMP. Il faut des efforts partagés pour faire converger les textes de l’Assemblée et du Sénat. Nous l’avons fait dans un très bon climat avec Albéric de Montgolfier, qui avait été rapporteur du texte au nom de la commission des finances au Sénat, et François Pillet, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois de cette même assemblée. Je remercie ces derniers de leur écoute, de leur compréhension ainsi que de leur volonté d’aboutir à un résultat commun.
Je puis donc aujourd’hui vous présenter un texte équilibré, qui reprend les dispositions auxquelles chaque assemblée était la plus attachée. Tout en saluant d’entrée le travail accompli par le Sénat, tant en termes de cohérence que de rédaction – j’ai d’ailleurs validé douze amendements votés par le Sénat –, j’ai précisé avec mon collègue Dominique Lefebvre que nous ne partagions pas l’analyse du Sénat sur trois de ses ajouts.
Il s’agit d’abord de l’article 1er bis A, visant à sécuriser le droit de communication de l’Autorité des marchés financiers vis-à-vis des opérateurs de télécommunication, suite à une décision du Conseil constitutionnel d’août dernier ayant censuré la même procédure pour l’Autorité de la concurrence. Si la volonté de remédier à cette fragilité juridique est louable, l’adoption d’une procédure applicable uniquement à l’AMF et faisant intervenir le juge des libertés était à notre sens prématurée. En effet, le Conseil d’État réfléchit actuellement à une solution valable pour toutes les autorités concernées, et qui soit la moins lourde possible. Il convient donc d’attendre ses conclusions.
Autre ajout du Sénat que nous contestions : le nouvel article 2 ter. Celui-ci instaurait un mécanisme de coopération renforcée entre l’Autorité des marchés financiers et le parquet national financier au stade des enquêtes et des contrôles, et contraignait les deux acteurs à un échange réciproque d’informations et de documents même très en amont de la procédure de répression des abus de marché que porte notre proposition de loi. Une telle disposition se serait révélée préjudiciable à l’AMF car, en pratique, elle est à l’origine de la très grande majorité des enquêtes et souhaite garder à ce stade des procédures l’entière maîtrise et la confidentialité de ses expertises. Cette disposition a été perçue comme une remise en cause de l’équilibre général assuré par la réforme entre l’autorité judiciaire et l’AMF, au détriment de cette dernière. Du point de vue de l’Assemblée, la suppression de cet article était une condition sine qua non à la réussite de la commission mixte paritaire.
Enfin, troisième ajout du Sénat que nous contestions : le nouvel article 4 bis A, introduit sur l’initiative de sa commission des lois. En effet, il procédait à l’unification devant le juge judiciaire de l’examen des recours formés contre les sanctions prononcées par l’Autorité des marchés financiers, que ces sanctions concernent un professionnel régulé par celle-ci ou une personne agissant à titre personnel. Notre critique était de forme et de fond : sur le plan formel, car une modification touchant aux blocs de compétences au profit de l’un ou de l’autre ordre de juridiction ne peut s’exempter d’une consultation préalable, ce qui d’évidence n’a pas été fait en l’espèce auprès du Conseil d’État, ni d’une étude d’impact approfondie ; sur le fond, il aurait été curieux de vouloir dessaisir la juridiction administrative d’un contentieux lui revenant de droit puisqu’en lien avec les décisions d’une autorité administrative. Si unification il devait y avoir, nous aurions pensé spontanément au Conseil d’État. S’agissant d’un tel débat, il nous paraissait très prématuré et aventureux de le régler ainsi par voie d’amendement, et que mieux valait y surseoir !
Je sais gré à nos collègues d’avoir, après une discussion riche et franche, renoncé à ces trois points saillants qui cristallisaient notre désaccord. Dès lors, notre commission mixte paritaire, outre le retour au texte voté par l’Assemblée nationale le 7 avril dernier, a pu valider certaines évolutions significatives apportées par nos collègues.
Le Sénat a en effet procédé à une réécriture intégrale de l’article 1er de la proposition de loi, le coeur même du texte, qui détaille la procédure d’aiguillage des dossiers entre la voie administrative et la voie pénale. Cette nouvelle rédaction ne modifie pas sur le fond le mécanisme de la concertation obligatoire préalable entre le parquet national financier et l’AMF, ni le principe de l’arbitrage par le procureur général près la Cour d’appel de Paris. En revanche, le Sénat a transféré l’ensemble du dispositif au sein d’un seul et même article du code monétaire et financier, l’assortissant de délais extrêmement précis, tout en prévoyant que le silence gardé par une autorité autorise l’autre à engager des poursuites. Je me dois de dire qu’à titre personnel, ce principe du silence vaut accord ne me convainc pas, notamment s’agissant de son application à des procédures judiciaires ; si je le comprends plus aisément en mode administratif, je redoute qu’il puisse en l’occurrence être source de contentieux. Pour autant, alchimie des commissions paritaires, le choix a été fait de conserver cette rédaction, en ayant à l’esprit qu’il s’agissait de notre part d’un pas important en direction des sénateurs.
Nous avons également conservé le nouvel article 2 bis, qui constitue une avancée majeure et attendue : il s’agit de l’ouverture du champ de la composition administrative aux abus de marché. Avec l’ouverture de cette procédure aux infrastructures de marché au sein du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique actuellement en discussion, l’extension du champ de la composition administrative est cohérente et permettra à l’AMF d’accélérer le traitement des affaires lorsque celles-ci donnent lieu à une jurisprudence bien établie de la part de la commission des sanctions.
En outre, alors que le Sénat avait prévu l’obligation de présence de l’AMF au procès pénal – lorsque celle-ci choisit de ne pas exercer les droits de la partie civile –, nous nous sommes mis d’accord pour que cette présence soit possible mais non obligatoire, une telle obligation étant difficilement justifiable tant sur le plan technique que juridique.
En dernière analyse, le texte issu des débats de nos assemblées est cohérent, équilibré et efficace ; il répond à la fois aux exigences constitutionnelles et aux exigences européennes qui s’imposaient au système répressif français en matière d’abus de marché. Mais pour que son écriture soit parfaitement épurée de ses dernières scories, je vais vous proposer un amendement rédactionnel visant à insérer, au sein de l’article 5, les mesures de coordinations nécessaires avec les modifications actées par la commission mixte paritaire.
En travaillant rapidement – j’en remercie nos collègues, sur tous les bancs et dans les deux assemblées – et en votant ce texte selon un calendrier serré, parce qu’exigeant juridiquement, le Parlement aura évité que la France n’affaiblisse sa garde devant la délinquance financière. Et puisque ce texte, ne l’oublions pas, alourdit considérablement les sanctions pécuniaires pour ceux qui fautent, le Parlement aura voté une loi utile pour combattre les comportements frauduleux, délictueux et criminels. Ce texte, mes chers collègues, est à n’en pas douter un texte de justice, d’efficacité et d’équité.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée examine aujourd’hui, une seconde fois, la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché qui a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire le 23 mai dernier.
Cette proposition de loi participe pleinement à l’objectif de modernisation de la vie économique poursuivi par le Gouvernement, notamment à travers le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, texte qui sera discuté par votre assemblée la semaine prochaine.
Adapter la répression des abus de marché aux développements des marchés financiers est absolument indispensable pour mettre la France en conformité avec le paquet européen sur les abus de marché et éviter que de nouvelles pratiques frauduleuses n’échappent au pouvoir de sanction de l’AMF ou du juge pénal.
Cependant, la proposition de loi ne se contente pas de procéder à une telle adaptation : elle apporte également une réponse pragmatique à la décision du Conseil constitutionnel de mars 2015 qui a invalidé la double poursuite et la double sanction, administrative et pénale, des abus de marché.
Comme vous le savez, cette réponse repose sur la concertation entre l’AMF et le parquet national financier avant tout engagement de poursuites. Cette concertation permettra de déterminer, au cas par cas, quelle voie de poursuite et de sanction est la meilleure. En cas de désaccord entre les deux institutions, il reviendra au procureur général près la Cour d’appel de Paris d’envoyer l’affaire soit devant l’AMF, soit devant le juge.
Je me réjouis que ce mécanisme, qui constitue le coeur de la proposition de loi, ait fait l’objet d’un consensus entre les deux assemblées, entériné par l’accord en commission mixte paritaire du 23 mai dernier.
Ce mécanisme présente deux avantages importants.
D’une part, il préserve le bon fonctionnement de la phase de détection des abus de marché et d’enquête. Dans la situation actuelle, c’est l’AMF qui, dans la très grande majorité des cas, détecte les opérations d’initiés ou les manipulations de cours grâce à la surveillance continue des marchés qu’elle effectue, en s’appuyant notamment sur des systèmes très sophistiqués de suivi des variations de cours et de volume du marché. Dans certains cas, moins fréquents, le parquet national financier peut également découvrir lui-même certains faits susceptibles de constituer des abus de marché. Chaque institution mène ensuite sa propre enquête – et doit pouvoir continuer à le faire. Ce point est très important car tant l’AMF que le parquet disposent de logiques et de moyens d’enquête distincts.
D’autre part, la proposition de loi permettra de continuer à réprimer de manière efficace et adaptée les abus de marché en laissant à l’AMF et au parquet national financier le soin de décider au cas par cas quelle est la meilleure voie de poursuite. La plupart des affaires devraient être traitées dans la voie administrative qui permet d’infliger, dans des délais brefs, des sanctions pécuniaires importantes.
Ce mode de répression est particulièrement adapté aux marchés financiers, lesquels sont soumis en permanence à des innovations technologiques qu’il convient, lorsqu’elles sont de nature à porter atteinte à l’intégrité du marché, de sanctionner rapidement afin de bloquer leur essor et d’envoyer un message clair aux investisseurs et aux épargnants. En France, les marchés financiers ont un fonctionnement sûr et robuste, et toute manipulation est rapidement et sévèrement sanctionnée. Dans les cas les plus graves, une peine privative de liberté, que seul le juge pénal est à même d’infliger, peut se justifier : la voie pénale devrait alors être choisie.
La proposition de loi soumise aujourd’hui à l’examen de votre assemblée, fruit d’un travail parlementaire approfondi, me semble atteindre pleinement l’objectif qu’elle s’était fixé et que le Gouvernement partage sans réserve, à savoir réformer de manière ambitieuse et pragmatique notre système de répression des abus de marché qui risquait de devenir obsolescent et juridiquement fragilisé. J’espère que vous saurez, une nouvelle fois, lui apporter un franc soutien et je vous en remercie.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole accordé à chaque orateur est de cinq minutes.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le système français d’abus de marché est fondé, depuis plusieurs décennies, sur le principe d’une coexistence des poursuites et des sanctions administratives et de celles à caractère pénal. Notre double ordre de juridiction, administratif, d’une part, et judiciaire, d’autre part, explique la complexité du système juridique français.
Ainsi, l’Autorité des marchés financiers a le pouvoir d’imposer des sanctions administratives, qui peuvent être de nature pécuniaire etou disciplinaire.
Quant aux condamnations pénales, elles peuvent aller, pour une personne physique, jusqu’à sept ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros ou le décuple du profit. Pour une personne morale, l’amende peut être égale au quintuple de la peine d’amende prévue pour les personnes physiques.
Toutefois, depuis la création de l’Autorité des marchés financiers en 2003, le cumul des sanctions administratives et pénales a, en pratique, été très rare.
En effet, en dix ans, 182 procédures ont fait l’objet d’une transmission par l’Autorité des marchés financiers au parquet : ce sont donc en moyenne dix-huit procédures qui, chaque année, étaient susceptibles de faire l’objet d’une double poursuite, pénale et administrative.
Dans 90 % des cas, les magistrats ont toutefois estimé que les faits ne méritaient pas une réponse pénale, eu égard notamment à l’existence d’une sanction administrative déjà prononcée etou d’un trouble peu grave à l’ordre public. Ainsi, seulement dix-sept procédures en dix ans, soit 10 % des cas, ont donné lieu à la fois à une condamnation pénale et à des sanctions administratives.
La prédominance et l’efficacité des sanctions administratives est donc réelle, notamment du fait de sanctions pécuniaires plus nombreuses et plus sévères que par la voie pénale : le montant des sanctions imposées par l’Autorité des marchés financiers sur les 182 dossiers transmis au parquet en dix ans a ainsi dépassé 117 millions d’euros, alors que, dans la même période, le montant des sanctions pénales n’a été que de 2,9 millions d’euros.
En parallèle, les peines d’emprisonnement prononcées par le juge pénal demeurent peu répressives puisque l’ensemble des peines prononcées ont été assorties – tenez-vous bien, mes chers collègues – du sursis total, avec une durée moyenne d’emprisonnement de 9,3 mois. La peine maximale n’est donc jamais appliquée.
Enfin, les délais de jugement sont plus courts dans la voie administrative : le délai moyen de traitement est de deux ans et demi, contre près de dix ans pour les affaires les plus complexes dans la voie pénale.
Mes chers collègues, il nous faut d’ailleurs méditer sur ces chiffres au moment où nous nous apprêtons à examiner le projet de loi Sapin II. Telle qu’est organisée la juridiction pénale, les délais de jugement peuvent être très longs face aux avocats de puissants groupes financiers qui ont les moyens de faire durer le contentieux dix ans, voire vingt ans. C’est d’ailleurs pour cette raison que la loi Sapin I n’a jamais entraîné la condamnation définitive d’une quelconque entreprise coupable d’avoir utilisé la corruption pour obtenir des contreparties, en général des marchés.
Comme cela a été rappelé, le système établi depuis 1989 a été récemment remis en cause, suite à la double évolution des jurisprudences européenne et française. Il est donc nécessaire de réformer notre système de répression des abus de marchés pour que le nouveau régime se trouve en vigueur au 1er septembre 2016, date à laquelle le système censuré par le Conseil constitutionnel ne s’appliquera plus. C’est l’objectif que poursuit la présente proposition de loi en prévoyant la mise en place d’un aiguillage entre la procédure pénale et la procédure administrative.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants soutient cette réforme nécessaire afin d’éviter l’apparition d’un vide juridique très préjudiciable aux intérêts de l’État et au bon fonctionnement des marchés financiers, réforme qui a d’ailleurs recueilli un large consensus sur les bancs de notre hémicycle – qui, c’est suffisamment rare pour devoir être signalé, voteront tous en faveur de ce texte, y compris ceux du groupe « ex-communiste », si je puis dire.
Nous appelons toutefois le Gouvernement à la vigilance afin que le nouveau régime de répression des abus de marchés ne conduise pas à un engorgement supplémentaire de notre système pénal et donc à un nouvel allongement des procédures. Alors que le garde des sceaux déclarait récemment que la justice française était « sinistrée » et « en état d’urgence absolue », une telle évolution serait dramatique pour notre justice et sa crédibilité, mais également pour la lutte contre la délinquance financière dans notre pays.
Malgré ces quelques points qui justifient notre vigilance, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants soutiennent les évolutions proposées en matière de répression des abus de marché et voteront donc en faveur de cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi est une mise en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Par deux décisions en date du 18 mars 2015, les sages ont demandé au Gouvernement de mettre fin à la double poursuite de l’Autorité des marché financiers et de la justice pénale en matière d’abus de marché. Le principe juridictionnel « Non bis in idem » prévoit en effet que l’on ne puisse pas être poursuivi, jugé et puni deux fois pour les mêmes faits.
Il s’agit donc de réformer le système français de répression des abus de marché en continuant à conjuguer, d’une part, une voie répressive administrative, confiée à l’Autorité des marchés financiers et à sa commission des sanctions, et d’autre part une voie répressive pénale, confiée à l’autorité judiciaire.
Ceci doit permettre de bénéficier des avantages des deux systèmes en cumulant des sanctions administratives rapides et importantes assurant la discipline des marchés et des professionnels, et des sanctions pénales, particulièrement adaptées aux cas les plus graves.
S’agissant de l’article 1er, à l’alinéa 7, le Sénat a prévu une concertation de l’AMF avec le procureur de la République avant toute notification des faits. L’AMF est également en mesure de présenter ses observations si le procureur financier n’est pas autorisé, dans le délai imparti, à mettre en mouvement l’action publique. Cette rédaction nous semble satisfaisante.
À l’article 2, s’agissant de l’impossibilité pour l’AMF de notifier les mêmes faits lorsqu’une action a été mise en mouvement par le procureur de la République, la rédaction semble plus simple avec le renvoi à l’article L. 465-3-6 du code monétaire et financier.
Je regrette néanmoins que l’article 2 ter prévoyant une coopération entre le parquet national financier et l’AMF ait été supprimé. Nous avons, sur ce point, entendu les explications du rapporteur. Le Gouvernement, quant à lui, considère qu’il existe un risque de déséquilibre. Il me semble que ce risque est surestimé puisque le dispositif du Sénat prévoyait un renforcement de la coopération entre le parquet national financier et l’AMF au stade de l’enquête, en instaurant notamment des obligations réciproques d’information. Il ne s’agissait pas de transférer des moyens d’action ou des capacités d’investigation de l’un vers l’autre mais d’un plus grand partage de l’information.
En ce qui concerne l’article 4, la version du Sénat prévoyait une obligation pour l’AMF d’assister à l’audience pénale lorsqu’elle a choisi de ne pas se porter partie civile. L’Assemblée avait préféré une rédaction simplifiée en abrogeant la seconde phrase de l’article L. 621-16-1 du code monétaire et financier. La version finale supprime la présence obligatoire de l’AMF pour la remplacer par une simple faculté.
Quant à l’article 4 bis A, qui prévoyait l’unification, au profit de la cour d’appel de Paris, des ordres de juridiction en cas de recours, sa suppression est regrettable. Il aurait permis d’unifier, devant le juge judiciaire, l’examen des recours formés contre les sanctions prononcées par l’AMF, que ces sanctions concernent un professionnel des marchés financiers ou une personne agissant à titre personnel.
Au total, ce texte permet de transposer la directive de 2014 conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Rappelons que la précédente directive relative aux abus de marché datait de 2003. En outre, ce texte participe à l’harmonisation nécessaire en vue de marchés européens intégrés, tant en matière administrative que pénale, tout en permettant à la législation de s’adapter à des pratiques qui ont évolué, notamment avec le développement du trading algorithmique et des produits dérivés, y compris pour les matières premières.
Ce texte est donc un symbole législatif fort, et c’est la raison pour laquelle nous le voterons. Nous saluons en outre, monsieur le rapporteur, la sérénité dans laquelle se sont déroulés nos travaux et l’investissement de chacun des députés et sénateurs qui y ont participé.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le texte issu de la commission mixte paritaire du 17 mai intègre une série de modifications susceptibles de garantir une meilleure sécurité juridique, en prenant en compte les caractéristiques du fonctionnement de l’Autorité des marchés financiers et des conditions d’intervention du parquet national financier.
Le faible nombre d’articles de la proposition de loi ainsi modifiée n’en fait pas pour autant un texte mineur ou secondaire, bien au contraire : la loi confortera, dans la rigueur et dans la transparence, l’État de droit dans un secteur très sensible de notre vie financière.
Le débat en commission mixte paritaire a permis d’apporter plusieurs améliorations de forme proposées par les sénateurs. Il a également permis d’ouvrir une discussion approfondie sur la pertinence et l’utilité des articles 1 bis A, 2 ter et 4 bis A, introduits par nos collègues qui siègent de l’autre côté du boulevard Raspail.
Les députés ont souhaité la disparition du premier article additionnel, au motif que la saisine systématique du juge des libertés et de la détention pouvait bloquer totalement la procédure engagée par l’Autorité des marchés financiers. Nos collègues sénateurs se sont rangés à notre avis.
Nous avons également obtenu la suppression de l’article 2 ter, lui aussi voulu par nos collègues du Palais du Luxembourg. Cet article avait fortement inquiété le président de l’Autorité des marchés financiers, M. Gérard Rameix, qui a tenu à le signaler dans le rapport qu’il a remis au Président de la République. Il nous l’a rappelé hier lors de son audition devant la commission des finances.
De la même manière, l’article 4 bis A, issu des travaux du Sénat, a été retiré. Il concernait notamment l’unification des ordres de juridiction en cas de recours contre des sanctions prises par l’Autorité des marchés financiers. Les membres de la commission mixte paritaire sont convenus que, si l’article traduisait un effort louable de cohérence, il pouvait aussi être interprété comme une initiative juridique contournant la vocation naturelle du Conseil d’État.
En définitive, nous nous trouvons aujourd’hui en présence d’un texte clair, équilibré, qui va donner satisfaction à l’Autorité des marchés financiers, ainsi qu’au parquet national financier et, bien sûr, au Conseil constitutionnel. C’est dans ces conditions que le groupe socialiste, écologiste et républicain apporte son soutien à ce texte fort utile pour lutter contre la délinquance financière.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous apprêtons à adopter le texte issu de la commission mixte paritaire du 17 mai dernier, sur la proposition de loi de notre collègue Dominique Baert relative à la réforme du système de répression des abus de marché.
Ce texte répond à la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, qui aurait paralysé à compter du 1er septembre l’ensemble de notre système répressif en matière d’abus de marché.
Il s’agit donc pour nous de combler un très prochain vide juridique concernant les poursuites administratives et pénales, et de nous conformer aux dispositions de la directive et du règlement européens du 16 avril 2014 relatifs aux abus de marché – les Market Abuse Directive, ou MAD, et Market Abuse Régulation, ou MAR –, dont la transposition doit intervenir au plus tard le 3 juillet.
Ce texte concerne les délits boursiers : le délit d’initié, d’abord, mais aussi le délit de manipulation de cours et le délit de fausse information. Ce dernier est constitué lorsqu’une personne diffuse volontairement des nouvelles inexactes afin d’influer sur le cours d’un titre – que le résultat ait ou non été atteint.
L’article 1er A, issu de la rédaction du Sénat, met en conformité des incriminations d’abus de marché avec les dispositions européennes.
L’article 1er, fruit du consensus trouvé en CMP, crée un nouvel article dans le code monétaire et financier afin d’encadrer les possibilités de mise en mouvement de l’action publique pour les délits boursiers. Il tend à restreindre la possibilité pour le procureur de la République financier de mettre en mouvement l’action publique, afin de rendre non plus cumulatives mais alternatives les poursuites pénales et administratives.
L’article 1er bis, issu d’un amendement du rapporteur de l’Assemblée, complété par le Sénat, met en pleine conformité notre droit avec la réglementation européenne dans le champ des manquements d’initié, de divulgation illicite d’information privilégiée ou de manipulation de marché.
L’article 2 crée un nouvel article dans le code monétaire et financier, visant à encadrer la possibilité pour l’AMF de procéder à une notification des griefs.
L’article 2 bis, introduit par le Sénat, étend le champ de la composition administrative de l’Autorité des marchés financiers aux abus de marché et rejoint ainsi certaines dispositions de la loi Sapin II. La composition administrative avait été introduite en 2010 par la loi de régulation bancaire et financière de Christine Lagarde, et s’applique aux manquements professionnels commis par certaines catégories d’entités soumises à la supervision de l’AMF.
L’article 4 supprime l’interdiction pour l’AMF de se constituer partie civile en cas de double poursuite et se met en conformité avec l’interdiction de la possibilité d’un cumul, pour les mêmes faits et à l’égard des mêmes personnes, des poursuites administratives et des poursuites pénales.
L’article 4 bis introduit par le Gouvernement transpose le règlement européen no 5962014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché, destiné à harmoniser les législations en la matière et qui entrera en application le 3 juillet prochain. Ce règlement prévoit également l’établissement de listes d’initiés ou la déclaration d’opérations suspectes. Il définit les différents abus de marché et prévoit un dispositif de sanctions administratives. Le Sénat a précisé que lorsque l’AMF décide de ne pas se constituer partie civile, elle conserve une possibilité d’être présente à l’audience.
Enfin, l’article 5 prévoit l’application de ces dispositions dans les territoires de la République à législation spéciale.
Le texte de la CMP est issu d’un large consensus…
…de l’ensemble des acteurs concernés : les parlementaires, le Gouvernement et les services du ministère des finances bien sûr, mais aussi le parquet national financier et l’Autorité des marchés financiers.
Évidemment, le groupe RRDP rejoint le nécessaire consensus législatif conforme aux exigences européennes actuelles.
Toutefois, comme nous l’avons dit en première lecture, il est dommage que les instances européennes n’avancent pas sur le dossier du trading haute fréquence, qui correspond en bien des points, à une technique de manipulation algorithmique de cours.
En effet, ces stratégies ont pour objectif d’exercer une influence sur les cours des actions visées. Lors de la formation des prix, elles génèrent un marché spéculatif à court terme ou prennent de court les anticipations des autres acteurs. Elles s’éloignent donc des vertus prêtées à la haute fréquence, qui serait un pourvoyeur de liquidités sur les marchés.
Le nombre de condamnations prononcées est très faible au regard des manipulations systématiques des cours de bourse réalisées dans la pratique par le trading haute fréquence, du fait des révisions a minina des directives européennes MIF – Markets in Financial Instruments Directive – et MAD. Le groupe RRDP le regrette profondément.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à réformer en urgence le système français de répression des abus de marché, un système remis en cause par une décision du Conseil constitutionnel de mars 2015, qui est venue tout bousculer et nous impose de mettre sur pied un nouveau dispositif avant le 1er septembre.
Nous comprenons donc fort bien l’initiative de notre collègue Dominique Baert, prise dans un délai très contraint. Celle-ci permet d’apporter d’un point de vue pratique des solutions aux différents points soulevés par le Conseil constitutionnel.
Rappelons ce qui est en jeu : il s’agit de notre système de répression des abus de marché, soit, pour le dire simplement, de la façon dont notre société réprime le comportement de certains acteurs économiques, avec pour conséquence de désavantager, directement ou indirectement, certains investisseurs.
L’abus de marché le plus classique est le fameux délit d’initié, constitué quand un investisseur bénéficie d’une information sensible, de nature confidentielle, dont ne disposent pas les autres investisseurs – ce qui lui permet de réaliser des gains, en raison de l’évolution future du cours de bourse.
Jusqu’à présent, les mêmes faits de délits d’initié pouvaient être poursuivis et sanctionnés devant une autorité administrative, en l’occurrence l’Autorité des marchés financiers, et devant une juridiction pénale. La décision du Conseil constitutionnel est venue bousculer la donne. Le Conseil a fait sienne la règle dite du « non bis in idem » – pas deux fois pour la même chose – et exige la mise en conformité du système de répression des abus de marché.
Derrière cette décision, on voit en filigrane la distinction entre l’exercice du pouvoir pénal, expression de la volonté générale, par le parquet financier, et l’exercice du pouvoir administratif, confié à une autorité administrative indépendante définie par la loi.
Pourquoi, mes chers collègues, la surveillance des marchés financiers est-elle assurée par une autorité dite indépendante, et non pas directement par une direction spécifique au sein d’un ministère ? C’est une question essentielle, qui mérite d’être posée.
En tout état de cause, la proposition de loi reprend à son compte les remarques formulées par le Conseil constitutionnel et propose la mise en place d’un mécanisme de concertation et d’aiguillage vers l’AMF ou le parquet national financier.
Il s’agit de définir les affaires qui iront devant l’Autorité des marchés financiers et celles qui seront jugées par le parquet national financier.
Le mécanisme de concertation prévoit que l’action publique ne pourra être mise en mouvement par le procureur de la République financier qu’après concertation avec le collège de l’AMF, et sur avis conforme de celui-ci.
Il est proposé ensuite de laisser au parquet financier le soin de traiter les affaires les plus significatives en termes de montants et d’enjeux, et à la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers, celui de prendre en charge les affaires, disons, plus classiques.
Derrière cette procédure d’aiguillage, on peut se demander, d’un point de vue pratique, quels seront les critères objectifs qui feront que tel dossier sera traité par l’AMF et tel autre transmis au parquet financier.
Passées ces réserves, la proposition permet d’apporter en urgence une solution réelle à l’avertissement soulevé par le Conseil constitutionnel.
Pour conclure mes propos, madame la présidente, j’aimerais aborder deux points qui doivent tous nous alerter.
Derrière la question de la répression des abus de marché, c’est celle de la répression de la délinquance économique dans son ensemble qui est posée : quid de la répression pénale de la délinquance économique, notamment pour les faits de fraude et d’évasion fiscales ? Pourquoi est-elle si peu fréquente dans notre pays ? Pourquoi une telle tolérance ? Un gros chèque permet-il d’effacer l’ardoise et les dommages causés à la société ? Cette relative impunité ne nous paraît pas acceptable.
En filigrane, une autre question est posée : celle des moyens humains et financiers alloués à la justice pénale pour traiter les dossiers de délinquance économique et financière. À cet égard, la constitution d’un parquet financier est une avancée notable, que nous saluons. Mais sa taille reste bien trop modeste. Il conviendrait de renforcer les moyens pour aller vers une répression beaucoup plus efficace et plus juste de la délinquance économique et financière.
J’ai déjà présenté l’amendement lors dans mon intervention liminaire. Je rappelle que la commission mixte paritaire a acté la suppression de l’article 1er bis A concernant le juge des libertés et le droit de communication de l’AMF aux opérateurs téléphoniques, et celle de l’article 2 ter, traitant de la coopération renforcée entre le parquet national financier et l’AMF.
À la suite de l’adoption de ces deux articles, le Sénat avait introduit en séance publique à l’article 5 un ensemble de dispositions de coordination aux articles L. 746-5 et L. 756-5 du code monétaire et financier. Il convient de supprimer ces coordinations devenues sans objet.
Par ailleurs, l’amendement vise à anticiper sur les modifications opérées par l’ordonnance no 2013-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse, qui entreront en vigueur le 1er octobre prochain.
Avis favorable.
L’amendement no 1 est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement adopté par l’Assemblée.
L’ensemble de la proposition de loi est adopté.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi pour l’économie bleue (no 3672).
La parole est à M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le texte de la proposition de loi pour l’économie bleue issu des travaux de la commission mixte paritaire, qui est le fruit d’un large consensus. Je tenais à vous féliciter, monsieur le secrétaire d’État, pour le bon travail qui a été accompli sur ce texte d’origine parlementaire, ainsi qu’à remercier nos collègues du Sénat. Nous avons pu aboutir à une CMP dite conclusive, qui nous aura permis d’adopter ce texte d’une importance majeure pour nombre de secteurs de notre économie sinon en un temps record, en tout cas en moins d’une année. Je me contenterai de rappeler deux chiffres clefs : ces secteurs représentent plus de 350 000 emplois sur l’ensemble du territoire, et le chiffre d’affaires cumulé des entreprises concernées dépasse les 70 milliards d’euros ; il pèse donc lourd dans notre PIB.
Ce texte est une première pierre. Il vise à renforcer le lien de la France avec la mer, combat qui reste d’actualité. Il ouvre aussi certains chantiers – car bien qu’il marque une avancée majeure dans de nombreux secteurs et fasse oeuvre de simplification, beaucoup reste à faire.
Il faudra donc assurer une constance et une cohérence, notamment sur le plan budgétaire. Vous savez que les temps sont durs, monsieur le secrétaire d’État : nous devrons nous battre – et nous serons au rendez-vous à l’Assemblée nationale – pour être sûrs que ce que nous sommes parvenus à obtenir ne soit pas fragilisé par de futures économies, fussent-elles nécessaires.
Nous devrons également nous interroger sur le portage politique de la politique publique de la mer dans notre pays. Vous savez que je suis personnellement favorable à un Secrétariat général de la mer renforcé. Nous aurons je l’espère à en discuter dans les prochains mois.
Il faut aussi faire plus de pédagogie sur le fait maritime, notamment à l’école, afin de rattraper des décennies – voire des siècles – de rendez-vous manqués entre la population française et un espace vital appelé à le devenir davantage encore dans les décennies à venir et pour le prochain siècle. Il faut bien sûr y travailler à l’école, mais aussi à travers le service public. Permettez-moi ici une petite référence télévisuelle, pour appeler votre attention sur le devenir de l’émission Thalassa, qui a bercé nombre d’entre nous et dont nous voyons la programmation se réduire d’année en année. Il importe de l’éviter, car cette émission est un outil important pour faire découvrir les métiers de la mer et susciter des vocations. J’en suis le vivant témoin : c’est grâce aux longues heures passées devant ce programme et aux fiches Cousteau que s’est affirmée ma volonté de travailler sur la mer. Veillons donc, dans les prochaines programmations, au devenir de cette émission à mes yeux essentielle.
Nous devrons par ailleurs nous poser quelques questions d’ordre économique. L’avenir du chantier naval STX tout d’abord. Vous le savez, la société-mère est en grande difficulté, et il faudra que la France soit au rendez-vous pour assurer, au-delà du carnet de commandes, un avenir à ce chantier naval essentiel à l’équilibre des chantiers navals français. Le canal Seine-Nord ensuite, dont nous avons eu l’occasion de discuter dernièrement.
Cette question est selon moi indissociable d’une vraie réflexion sur notre stratégie portuaire nationale. Les prochaines années, les prochains mois doivent nous encourager à oser certains débats sur la politique portuaire dans notre pays.
Il faudra aussi, à terme, trouver les moyens de faire cohabiter de manière plus pacifique, si vous me permettez ce terme, la petite pêche et la pêche dite industrielle, afin d’assurer à l’ensemble de la profession un accès équitable à la ressource.
Enfin, et cela figure dans le texte, nous devrons nous mettre au travail autour du code de la mer, dont on donnait pourtant peu cher au début de nos débats. C’est me semble-t-il un élément important pour l’affirmation de la politique publique de la mer dans notre pays.
Au-delà de l’économie bleue, nous sommes confrontés à un défi majeur : la fragilité du domaine dans lequel s’effectuent toutes ces activités, à savoir les mers et les océans. Nous devons – je m’y suis efforcé durant tous nos travaux, et la démarche a été reprise au Sénat – non pas vitrifier certaines zones, mais promouvoir, de manière pragmatique, une utilisation soutenable des espaces maritimes, les renforcer, nous doter de sanctions lorsque les choses dérapent, mais aussi établir ce que j’ai appelé un principe de confiance, notamment dans l’activité de l’administration maritime. Il s’agit d’aider les opérateurs qui souhaitent se développer et de ne pas entretenir le sentiment que nous donnons dans la sur-transposition et la sur-réglementation pour empêcher certaines activités sur nos littoraux.
Je ne serai pas plus long. Je vous remercie encore, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que votre équipe, pour le travail de coopération et de co-construction que nous avons accompli sur ce texte. Nous voici arrivés au terme du processus. Pour l’avenir, pour la France et pour l’Europe, osons la mer !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ce texte, qui est attendu, est l’aboutissement du travail important réalisé par le rapporteur Arnaud Leroy depuis plusieurs mois. Je tiens à redire ici l’entier soutien du Gouvernement à la promotion de la croissance bleue, de l’économie bleue, pour une politique maritime ambitieuse au service de notre pays.
L’adoption de cette proposition de loi vient renforcer les textes consacrés aux activités maritimes depuis 2012 : la loi du 1er juillet 2014 relative aux activités privées de protection de navires ; la loi du 8 décembre 2015 tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes. Je pense aussi au projet porté par Frédéric Cuvillier en 2013, la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de transports. Je pense enfin au projet de loi biodiversité, qui comporte un certain nombre de dispositions importantes pour la mer.
Cette réponse législative était attendue par les acteurs et vient s’insérer dans une démarche globale couvrant des dispositions variées – budgétaires, fiscales, contractuelles – au service de l’économie maritime de notre pays. Rappelons que ce texte est le résultat de nombreux échanges, particulièrement riches et fructueux, conduits plusieurs mois durant avec l’État et les acteurs du monde maritime.
J’ai mesuré dans mes différents déplacements, dans mes rencontres avec les acteurs du maritime, les fortes attentes placées dans ce texte.
Ce travail mené sous votre impulsion, monsieur le rapporteur, a permis d’accompagner ce formidable potentiel tout en veillant à ne pas affaiblir le modèle social auquel nos marins sont légitimement attachés.
Le Comité interministériel de la mer tenu le 22 octobre dernier sous la présidence du Premier ministre à Boulogne-sur-Mer, ville de Frédéric Cuvillier, a permis d’avancer et de tracer une feuille de route sur des sujets importants : portuaires, construction navale, pêche, aquaculture, environnement marin, dans l’Hexagone ou dans nos outre-mer.
Plus récemment ont été mises en place des missions parlementaires associant députés et sénateurs, qui visent à développer le potentiel des axes situés dans l’hinterland de nos principaux ports maritimes. Nous en attendons les résultats dans quelques semaines. Il nous appartient collectivement de poursuivre le développement de la massification des flux, nécessaire pour que nos ports retrouvent une place de premier plan dans le commerce mondial, forts de cette cohérence unique que procure notre littoral, le plus vaste d’Europe.
Nombre de ces éléments trouvent logiquement une déclinaison législative dans votre texte, qui s’est enrichi tout au long de la procédure parlementaire. Avec plus de 90 articles, il comporte désormais de nombreuses dispositions touchant au transport maritime, à la plaisance, à la pêche, à l’aquaculture, au domaine portuaire, à la sûreté et au droit du travail et au fonctionnement des équipages. Il comporte également plusieurs mesures permettant des simplifications administratives.
Je ne reviendrai pas sur toutes ces dispositions, mais je souhaiterais néanmoins en citer quelques-unes en particulier.
Les articles 2, 2 bis et 2 quater sont le support législatif d’une réforme profonde inscrite au programme de simplification du Gouvernement, à savoir la réforme de l’historique « rôle d’équipage » et son remplacement par un permis d’armement au dispositif simplifié. Bien engagée, cette réforme structurelle sera suivie avec attention par les armateurs au commerce et à la pêche et par les organisations syndicales.
L’article 3 porte sur la gouvernance des ports. Il accorde notamment une place plus importante aux régions dans les instances de gouvernance des grands ports maritimes. Par ailleurs, il prévoit la création d’une commission des investissements au sein du conseil de développement, composée à parité de deux collèges public et privé et présidée par le président du conseil régional ou son délégué. La mise en oeuvre de cette nouvelle disposition est possible dans 90 % des cas, et nécessite donc un travail réglementaire préalable à sa mise en place dans tous les grands ports maritimes. Enfin, cet article prévoit – c’était important – l’extension de l’autoliquidation de la TVA à l’ensemble des personnes, physiques ou morales.
Les articles 5 quater A et 5 quater sont liés aux conditions de moralité exigées pour exercer certaines fonctions sur les navires de pêche. Ainsi, la loi supprime toute condition de moralité pour les chefs mécaniciens à la pêche ainsi que les prérogatives de puissance publique des capitaines et suppléants des navires à la petite pêche et aux cultures marines.
L’article 8 étend les exonérations de charges patronales liées aux allocations familiales et à l’assurance chômage à tous les navires de commerce affectés à des activités de transport et soumis à la concurrence internationale. Ces exonérations étaient jusque-là réservées aux navires à passagers.
L’article 9 bis prévoit de confier au Conseil supérieur des gens de mer un rapport sur l’évolution de l’Établissement national des invalides de la marine, l’ENIM. Ce rapport associera les différents ministères concernés – mer, santé, finances, transports. Il est d’une extrême sensibilité pour les marins et les armateurs, et le Gouvernement suivra le sujet avec le plus grand intérêt.
Enfin, le texte comporte des dispositions précieuses pour accompagner nos secteurs de la pêche et de l’aquaculture. Je pense par exemple à la modification du statut de la société de pêche artisanale, qui permettra de renforcer notre ambition partagée d’un renouvellement de notre flotte de pêche.
Vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement pour suivre la mise en application des dispositions prévues dans cette proposition de loi. La France de la mer, la France des marins, la France des passionnés de la mer, dont vous êtes, monsieur le rapporteur, qui croit à ses enjeux, a besoin de ce texte pour que vivent la croissance et l’économie bleue. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient pleinement l’adoption de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Nous en venons à la discussion générale. Nous entendrons un orateur par groupe, pour une durée qui n’excédera pas cinq minutes chacun. La parole est à M. Gilles Lurton, premier orateur inscrit.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour conclure l’examen de la proposition de loi sur l’économie bleue présentée par Arnaud Leroy. Après son adoption par l’Assemblée nationale, en première lecture, le 3 février, le Sénat y a apporté quelques modifications et la commission mixte paritaire réunie le 6 avril a pu aboutir à un texte commun entre les deux chambres. Cette proposition de loi vise à simplifier et améliorer les textes législatifs existants. Elle favorise la compétitivité des entreprises maritimes françaises et l’employabilité des gens de mer, tous secteurs confondus. À ce stade de notre réflexion, je tiens à remercier l’auteur de cette proposition, Arnaud Leroy, pour le travail accompli. J’ai pu partager avec lui une partie, quoique sans doute infime, de l’évolution de ses travaux et apprécier son esprit d’écoute sur ce qui sera le seul texte du quinquennat concernant la politique de la mer.
Sur les soixante-dix-sept articles que contenait le texte transmis au Sénat, les sénateurs en ont adopté trente-sept conformes et en ont ajouté vingt-cinq. Il nous restait en conséquence, au moment de la commission mixte paritaire, soixante-cinq articles en discussion. Je me contenterai ici de résumer les principaux points qui ont fait débat.
Je pense tout particulièrement à l’article 8 bis A. En première lecture, à l’Assemblée nationale, le rapporteur avait, contre l’avis du Gouvernement, fait rétablir le net wage, c’est-à-dire l’exonération de toutes charges patronales pour les bateaux battant pavillon français. Nous avons en effet absolument besoin de sauvegarder des emplois dans ce domaine en forte régression depuis plusieurs années. Les chiffres le montrent : entre 2006 et 2016, 4 000 emplois ont été supprimés dans le domaine maritime et fluvial. Le nombre de navires battant pavillon français a également fortement diminué, la flotte de transport étant passée de 219 à 179 navires. En faisant adopter par la CMP un amendement de modification de l’article 8, les rapporteurs, Arnaud Leroy et Didier Mandelli, ont permis d’augmenter le nombre de contributions dont les armateurs seront exonérés : à l’assurance vieillesse s’ajoutent désormais les allocations familiales et l’assurance contre le risque de privation d’emploi. L’amendement donne également une nouvelle définition des activités concernées et inclut les services maritimes, ce que nous demandions.
Dans la mesure où l’article 8 a été rectifié et adopté par la commission mixte paritaire, l’article 8 bis n’avait plus de raison d’être et a donc été supprimé. Il en a été de même des amendements que nous avions déposés en commission mixte paritaire, qui ne se justifiaient plus. Nous sommes donc tout à fait satisfaits de cette nouvelle rédaction.
Nous sommes également favorables à l’article 12 bis DA, tel qu’il a été rédigé par le Sénat, qui a pour objet de reporter à 2018 le lancement d’une filière de responsabilité élargie du producteur. Pour organiser une filière de construction des bateaux marins conforme aux dispositions de la loi sur la transition énergétique, il faut du temps, et le report d’un an ne peut que faciliter la mise en place d’une organisation économique qui préserve les emplois.
En revanche, je n’ai pas compris la suppression de l’article 12 bis DB, qui plafonnait l’éco-contribution des entreprises à 0,5 % du prix de vente et d’affectation au flux de bateaux neufs. Cet article me paraissait nécessaire pour accompagner le développement de cette filière de déconstruction sans déstabiliser l’industrie.
L’article 12 quater A semble aussi poser des difficultés aux entreprises du secteur de la distribution des produits pétroliers, qui voient dans sa rédaction des contraintes supplémentaires pour leurs activités. J’avoue, pour ma part, ne pas avoir perçu ces difficultés au cours de l’examen du texte. En revanche, le Gouvernement semblait les avoir discernées, puisqu’il s’était prononcé contre l’article 12 ter, adopté par nos collègues sénateurs et devenu en CMP l’article 12 quater A.
Pour ce qui concerne l’article 15 sur la définition des élevages marins, nous sommes satisfaits par la suppression de la phrase définissant l’exercice de l’aquaculture, selon laquelle les élevages marins ne recouvrent pas les élevages de mollusques et autres produits de culture marine. Mais nous n’avons pas été jusqu’au bout de la discussion avec l’ensemble des professionnels concernés, et il nous faudra aussi y revenir.
Quant à l’article 15 bis, nous craignons que son maintien en l’état ait des conséquences très dommageables pour l’interprofession conchylicole, car le travail de recouvrement des cotisations professionnelles prélevées, les CPO, s’en trouverait alourdi du fait de contraintes administratives et financières supplémentaires.
Enfin, je voulais revenir sur l’article 19 bis AA, qui porte sur l’interdiction, à partir de 2025, du rejet de sédiments, improprement appelés « boues » dans le texte, alors qu’il s’agit en réalité des sédiments des ports. Nous pensons que ce type de décision, prise au niveau français, est préjudiciable à la compétitivité de nos ports maritimes, et donc en contradiction avec les objectifs que s’est fixés cette proposition de loi.
En conclusion, ce texte sur l’économie bleue nous a permis, pour la première et sans doute la dernière fois du quinquennat, de débattre de la politique de la mer, sur l’avenir de la marine et sur ses emplois. Elle nous a également permis de débattre des problèmes de la pêche ; je vous remercie, monsieur le ministre, de votre détermination à défendre les professionnels.
À l’issue de nos débats demeurent encore quelques points de divergences sur la rédaction finale. Nous continuons de penser qu’il ne va pas assez loin et qu’il n’est pas à la hauteur de l’ambition que nous devons avoir pour la France, deuxième puissance maritime mondiale. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains s’abstiendra sur cette proposition de loi, comme il l’a fait en première lecture. À titre personnel, avec un certain nombre de mes collègues du littoral, je pense que ce texte permet des avancées pour les professionnels de la mer et, constant dans mes positions, je voterai donc cette proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’aimerais moi aussi, tout d’abord, saluer l’esprit constructif et apaisé des débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, sur un texte particulièrement technique et très attendu par les acteurs du monde maritime. Le consensus trouvé en commission mixte paritaire est, me semble-t-il, à l’image du travail effectué par les députés et les sénateurs, sur des sujets d’une importance capitale pour le dynamisme économique du pays. Je souhaite également féliciter les rapporteurs, Arnaud Leroy et Didier Mandelli, qui ont su travailler main dans la main pour aboutir à un texte équilibré, même s’il arrive, comme cela a été dit, un peu tard dans le quinquennat. Alors que le Grenelle de la mer, de 2009 à 2012, avait permis de dégager de nombreuses propositions, cette législature souffrira malheureusement – cela a également été souligné – de l’absence notable d’actions ou de décisions concernant le domaine maritime.
Souvent délaissés, les enjeux maritimes constituent pourtant un gage de compétitivité extraordinaire pour un pays comme le nôtre. Je pense, par exemple, au canal Seine-Nord, dont Arnaud Leroy a parlé tout à l’heure. Avec près de 11 millions de kilomètres carrés, la France est en effet le second pays au monde en termes de surface maritime, atout que nous devons essentiellement à nos territoires ultra-marins, auxquels il faut donner les moyens de valoriser un tel patrimoine. Nous avons déjà commencé à les accompagner avec le projet de loi relatif à la biodiversité. Je pense qu’il faut continuer dans cette voie, et me félicite de voir que la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui prend utilement en compte l’outre-mer, en y rendant applicables plusieurs dispositions.
La compétitivité des ports maritimes représente également un défi de taille pour notre pays. Nos ports ne cessent, malheureusement, de décrocher face à la concurrence accrue des ports d’Europe du Nord, de Barcelone ou de Gênes. Si le port du Havre obtient régulièrement le titre de meilleur port européen, je crains que nous ne soyons progressivement en train de perdre un savoir-faire absolument essentiel pour notre économie. Malgré ses qualités, ce n’est malheureusement pas avec cette proposition de loi que nous allons redonner un peu d’oxygène à nos ports. Les débats ont néanmoins permis de renforcer le rôle de la région au sein du conseil de surveillance des grands ports maritimes, ce qui, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, représente une avancée très satisfaisante pour la gouvernance des ports – je pense notamment, ce qui ne vous étonnera pas, au port de Dunkerque pour ma région des Hauts-de-France. La création d’une commission en charge des investissements, présidée par le président du conseil régional, me semble également une bonne initiative pour contrôler ces grands projets maritimes. Le fonctionnement de cette commission en double collège, l’un comprenant des investisseurs publics, l’autre, des investisseurs privés, crédibilise les avis rendus, qui devraient majoritairement être suivis par le conseil de surveillance.
Je me félicite également de l’obtention du net wage pour les armateurs, qui constitue un véritable atout pour leur compétitivité sur la scène internationale. Le Gouvernement a longtemps refusé cette exonération totale des charges patronales pour les armateurs, alors même qu’une telle disposition, on le sait, était autorisée par l’Union européenne. L’adoption du net wage est l’une des mesures de soutien les plus importantes que nous pouvions accorder à nos armateurs français, qui doivent, nous le savons, faire face à la dure concurrence des voisins européens.
Monsieur le ministre, les sénateurs ont également soulevé le débat relatif au service minimum pour le transport maritime de passagers. Si la mesure a été supprimée en CMP, il est nécessaire de rouvrir une réflexion sur un sujet aussi important pour notre compétitivité.
Monsieur le rapporteur, j’en viens au travail qui a été mené autour des enjeux de sécurité maritime. La piraterie maritime est un défi considérable, que nous avions déjà eu l’occasion de traiter lors de l’examen du projet de loi relatif aux activités privées de protection des navires. Je me réjouis donc de voir que ce texte sur l’économie bleue comporte un véritable volet sur la sécurité. Ainsi, à titre d’exemple, l’article 12 sexies étend au transport maritime les possibilités de traitement automatisé de données à caractère personnel. Les députés du groupe UDI ne peuvent que se féliciter de l’adoption de dispositions sur le registre des noms de passagers, le PNR, dans le domaine maritime, d’autant plus que les eurodéputés ont récemment adopté le registre européen des données de passagers aériens.
Enfin, je terminerai en évoquant une petite déception concernant la traçabilité des produits aquatiques. La réflexion que nous menons aujourd’hui s’agissant des produits carnés doit être la même concernant les produits aquatiques. C’est capital pour la valorisation du savoir-faire français. Notre groupe aurait donc aimé aller plus loin. Malgré tout, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, le groupe UDI renouvelle son soutien à une proposition de loi qui, sans être révolutionnaire, comporte néanmoins des avancées positives.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à peine plus de six mois après son examen en commission, la proposition de loi de notre collègue Arnaud Leroy, au joli titre poétique « pour une économie bleue », qui rappelle Éluard, poursuit sa navigation parlementaire. Elle nous réunit en séance publique cet après-midi pour une ultime étape après l’accord en CMP. Les mesures contenues étant attendues depuis longtemps et, dans l’ensemble, plutôt consensuelles, il serait étonnant qu’elles ne rencontrent pas un large assentiment sur tous les bancs.
Monsieur le rapporteur, nous savons que ce consensus ne s’est pas créé ex nihilo ; on ne l’a pas vu « surgir du fond des eaux » comme le « regret souriant » provenant des « balcons du ciel, en robes surannées » du Recueillement de Charles Baudelaire. En matière d’affaires maritimes, comme dans beaucoup d’autres, un consensus est d’abord le fruit d’un travail de fond ; il est la résultante de longues heures d’écoute et de rassemblements autour d’une table, en amont de la procédure. Nous devons une part importante de cet ouvrage à l’effort remarquable de notre rapporteur, Arnaud Leroy.
Cette proposition de loi concerne l’activité maritime dans une acception étendue ; elle traite des transports, mais aussi des autres secteurs d’activité relatifs à la mer, qui sont étroitement liés. De fait, de nombreux acteurs socioprofessionnels sont touchés par les dispositions du texte, notamment les armateurs, les syndicats, les pêcheurs, ostréiculteurs, conchyliculteurs et exploitants en aquaculture, les professionnels de la plaisance, les spécialistes des énergies marines renouvelables, ou encore les exploitants de plages privées. Le pari consistait en la maïeutique d’un équilibre entre, d’une part, les besoins de l’activité économique, la compétitivité et, d’autre part, les impératifs écologiques, les exigences du développement durable, afin de tenter de mieux réguler les inéluctables conflits d’usage. L’enjeu est de taille : en France, l’économie maritime représente plus de 300 000 emplois directs et 60 à 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel et, pour certaines régions, des pans entiers et essentiels de leur activité, en termes d’emplois, de croissance, d’aménagement et de vitalité du territoire, mais aussi d’histoire, de tradition, de savoir-faire et d’identité.
Les députés du groupe RRDP étaient plutôt satisfaits des évolutions du texte après son examen à l’Assemblée. L’examen au Sénat et l’accord obtenu en commission mixte paritaire vont aussi, globalement, dans le bon sens.
Concernant la gouvernance des ports, qui se caractérisera par un poids plus important accordé aux collectivités et, notamment, aux régions, ou sur le report de l’entrée en vigueur de la responsabilité élargie du producteur, nous pensons que l’équilibre obtenu est convenable.
S’agissant du recours à des entreprises privées de protection des navires pour lutter contre le terrorisme, la version du Sénat la facilitant s’est imposée en CMP, avec la suppression de la notion de zonage. De fait, si cette notion peut apparaître pertinente en matière de piraterie maritime, il n’en va pas de même concernant la menace terroriste qui, par définition, ne s’inscrit pas dans une zone précise.
La CMP est aussi revenue sur quelques sujets tels que l’extension brute du service minimum au transport maritime ou l’immatriculation au registre international français de tous les navires de pêche outre-mer. Ces dispositions, qui poursuivaient de louables objectifs, nécessitaient objectivement un travail juridique, une actualité moins brûlante et une concertation plus approfondie en amont pour bénéficier d’une réelle portée opérationnelle. Nous comprenons donc les raisons pour lesquelles elles ont été retirées du texte.
Sur l’article 12, qui autorise les jeux de casinos sur les ferries et les navires de croisière, nous devons écouter les craintes qui s’expriment. C’est un débat houleux, monsieur le ministre, et nous serions heureux de vous entendre répondre aux inquiétudes en garantissant qu’il y aura des contrôles efficaces et une régulation forte.
Dans l’ensemble, si certaines dispositions suscitent le débat, ce texte comporte de nombreuses bonnes mesures et nous le voterons en espérant qu’il donne un nouvel élan à notre puissance maritime.
« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
« La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
« Dans le déroulement infini de sa lame,
« Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer. »
Avec la force de la musicalité des vers de Charles Baudelaire, ou à l’appui du symbole de Paul Valéry, « La mer, la mer toujours recommencée », confirmons ces derniers termes en renouvelant par ce texte notre régulation de l’économie bleue.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
Un peu de poésie dans ce monde de brutes, cela fait du bien !
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui conviés à adopter le texte de la proposition de loi déposée à l’origine par notre collègue Arnaud Leroy.
Le texte a triplé de volume depuis le début de son examen et aborde une grande variété de sujets, de la sécurité aux conditions sociales, en passant par la fiscalité et la lutte contre le terrorisme.
De toute évidence, un tel texte aurait mérité d’être soumis à l’avis du Conseil d’État et de disposer d’une étude d’impact. Sur un sujet de cette importance, cela aurait été un minimum. Nous savons tous, en effet, combien il est essentiel de nous doter d’une politique maritime ambitieuse et responsable, respectueuse des hommes et des ressources maritimes.
Nous devons aujourd’hui trouver des remèdes à l’effacement maritime français, à la dégradation de l’emploi et des conditions sociales des gens de mer, ainsi qu’à la dégradation des écosystèmes marins. Tous ces maux ont une origine commune : l’intensification de la concurrence internationale, la diminution des protections collectives, l’exploitation excessive des ressources.
Promouvoir une économie bleue supposerait de réconcilier croissance économique et gestion durable et d’adopter une vision transversale des enjeux. Le texte soumis à notre examen ne répond pas à cette préoccupation. Il vise essentiellement à accroître la compétitivité des activités maritimes en appliquant toujours la même recette : plus de libéralisme et moins de réglementation. En témoigne notamment l’élargissement du recours au registre international français, reconnu comme un pavillon de complaisance, alors que nous devrions au contraire promouvoir le premier registre, beaucoup plus protecteur pour les gens de mer.
Nous ne partageons donc pas la philosophie de ce texte. Nous sommes en particulier opposés à de nombreuses dispositions du titre Ier qui, sous couvert de simplification et d’efficacité, sont en fait des régressions du droit social.
Comme on pouvait s’y attendre, la droite sénatoriale a encore aggravé le texte et la rédaction finale issue de la commission mixte paritaire en porte les stigmates. Le nombre de contributions dont les armateurs sont exonérés est par exemple plus important : à l’assurance vieillesse s’ajoutent les allocations familiales et l’assurance contre le risque de privation d’emploi. Nous contestons la logique selon laquelle la suppression des contributions sociales serait un facteur de compétitivité favorable à l’emploi. C’est au contraire un facteur de déclin, dont les effets se font sentir depuis de nombreuses années dans tous les secteurs industriels. Nous savons tous que la marine marchande française, par exemple, est aujourd’hui menacée de disparition dans le contexte d’une concurrence internationale exacerbée.
Pour sortir de cette situation, doit-on continuer de sacrifier l’attractivité du pavillon français sur l’autel du dumping social ou, au contraire, oeuvrer à la conquête d’un haut niveau de sécurité et de normes sociales à l’échelle internationale ?
Concernant l’aquaculture, comment ne pas partager votre souci de voir cette filière se développer ? Faut-il pour autant faire fi des graves questions que soulèvent la pollution des océans et la destruction des milieux, quand on sait combien les côtes d’Écosse ou de Norvège ont souffert du développement d’une aquaculture uniquement soucieuse de compétitivité ?
Enfin, quant à l’assouplissement des règles de recours aux sociétés privées de sécurité, nous ne pouvons qu’y réaffirmer notre hostilité. La défense du territoire national maritime et la protection des navires français contre les actes de piraterie sont une responsabilité régalienne. L’État se doit d’assurer la sécurité de ses ressortissants par ses propres moyens de défense. Nous devons également pouvoir lutter contre la pêche illégale avec nos propres moyens de surveillance. La détection des dégazages sauvages et la lutte contre cette pratique nécessitent des moyens pour l’action de l’État en mer et pour les douanes.
Ces points fondamentaux fondent en grande partie notre position sur ce texte. Si la mer constitue un formidable gisement d’emplois et de ressources, l’urgence à nos yeux est de prendre le tournant du développement durable. Il faut par exemple favoriser un accroissement de l’intermodalité entre les différents modes de transports de marchandises. Les ports français doivent disposer des infrastructures permettant de poursuivre l’acheminement par train ou par voie fluviale des marchandises une fois que celles-ci sont débarquées.
Compte tenu des évolutions de ce texte, nous ne pouvons malheureusement que renouveler le constat des profondes divergences qui nous séparent. Votre proposition de loi s’attache à adapter notre cadre normatif à la satisfaction des appétits privés. Nous pensons quant à nous qu’il est plus que temps d’inventer la politique maritime de demain, en conjuguant efficacité économique, respect des hommes et protection de l’environnement. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai une seconde fois à coeur de défendre, à cette tribune, et au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, un texte dont l’objectif est de renforcer la compétitivité de notre économie maritime et l’attractivité du pavillon français.
La proposition de loi du rapporteur Arnaud Leroy – je souhaite saluer ici son implication et souligner l’importance du travail de concertation qu’il a mené – est pionnière. Elle dessine les contours des orientations que nous souhaitons donner à une économie prometteuse qui constitue un vivier d’emplois et d’innovations.
C’est une étape clef, attendue depuis de nombreuses années par les différentes parties prenantes du monde de la mer, et qui concerne l’ensemble des secteurs d’activité qui y sont liés ; je pense aux transports maritimes, à l’activité portuaire, à la sécurité en mer, aux énergies renouvelables marines, ainsi qu’au nautisme, à la pêche ou encore à l’aquaculture.
L’objectif de cette proposition de loi est de consolider, renforcer, clarifier, sécuriser, mais aussi protéger les champs d’activité que recouvre l’économie maritime. La France, deuxième puissance maritime mondiale, a enfin choisi de faire le pari de la mer.
Le Sénat avait déjà conservé la plupart des mesures emblématiques de ce texte, comme le net wage ou l’auto-liquidation de la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation dans les ports. La Haute Chambre a également précisé l’effort de modernisation du droit du travail maritime en adoptant plusieurs articles additionnels sur le constat du délit d’abandon de gens de mer, la consultation des partenaires sociaux, la protection du délégué de bord, et la tentative de conciliation préalable en cas de différend sur un contrat de travail entre un marin et son employeur.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des débats qui ont eu lieu en première lecture puis en commission mixte paritaire, mais je souhaite tout de même mettre en avant quelques points sur lesquels sénateurs et députés ont su trouver une rédaction pragmatique et équilibrée.
Tout d’abord, la réforme du rôle d’équipage, attendue depuis longtemps, constitue une réelle avancée, tant pour les marins et les entreprises que pour l’administration. La création du permis d’armement vise à moderniser des procédures devenues obsolètes et de plus en plus complexes. Les débats en commission mixte paritaire sur l’article 3 ont également permis de trouver un consensus sur la question de la gouvernance des ports qui améliore la reconnaissance et la représentation des régions et des investisseurs. Ainsi, les investisseurs publics et privés pourront donner leur avis sur les projets stratégiques et les investissements significatifs proposés par le directoire. Cette dynamisation de la gouvernance portuaire était nécessaire.
Un important travail a également été réalisé sur la question des jeux de hasard embarqués, sujet sur lequel une clarification réglementaire et une position réaliste étaient nécessaires.
Des avancées notables sont à souligner en matière de sécurité maritime et de lutte contre le terrorisme. L’accord trouvé sur la définition du zonage apparaît plus juste et réaliste.
La seconde partie du texte tend notamment à mieux définir l’aquaculture et à mieux intégrer les besoins et les contraintes du monde de la pêche. Elle prévoit en particulier la remise d’un rapport portant sur les possibilités et les conditions, pour les pêcheurs et les aquaculteurs, d’une diversification de leur activité par le tourisme, notamment le pescatourisme et la commercialisation directe des produits de la pêche. Cette demande forte qui émane des pêcheurs vise à répondre aux enjeux de gestion des stocks. La presse titrait d’ailleurs lundi dernier sur le fait que, par notre consommation, nous avions déjà épuisé notre stock annuel au 30 mai.
Le texte intègre aussi les enjeux environnementaux importants : une disposition co-rédigée en commission mixte paritaire vise par exemple à interdire le rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués.
Enfin, la remise d’un rapport du Gouvernement sur la création d’un code de la mer rassemblant l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires sur les questions maritimes confirme la volonté du Gouvernement, qui s’était engagé à mettre en place une stratégie nationale forte sur ces enjeux.
Cette proposition de loi relative à l’économie bleue est l’aboutissement d’un travail assidu et pragmatique de plus d’une année. L’accord obtenu en commission mixte paritaire en témoigne. Il est regrettable à cet égard que le groupe Les Républicains, ici, à l’Assemblée nationale, ne suive pas la commission.
Ce texte équilibré constitue une étape essentielle dans la mise en oeuvre de la politique maritime de la France afin de permettre des avancées concrètes.
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe socialiste, écologiste et républicain vous invite à voter ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.
Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.
L’amendement no 1 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 2 .
Il s’agit d’un amendement de mise en cohérence avec le nouveau code de la consommation.
L’amendement no 2 , accepté par la commission, est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 3 .
C’est également un amendement de mise en cohérence avec le nouveau code de la consommation.
L’amendement no 3 , accepté par la commission, est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.
L’ensemble de la proposition de loi est adopté.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice entre le Gouvernement de la République française et l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (nos 3575, 3783).
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, qui a été conclu entre le Gouvernement de la République française et cette agence, dite « Eu-LISA », et qui vous est soumis aujourd’hui, est particulièrement important. Il porte en effet sur le fonctionnement des systèmes d’information dans le cadre de la coopération policière et de la gestion des frontières, ainsi qu’en matière de migrations et d’asile.
Comme vous le savez, l’agence Eu-LISA est chargée de la gestion opérationnelle des trois systèmes d’information existants au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice : le système d’information des visas, ou Visa Information System – VIS –, le système Eurodac, qui est la base de données des empreintes digitales des demandeurs d’asile, et le système d’information Schengen de deuxième génération – SIS II.
L’Agence pourra également se voir confier des missions de développement et de gestion opérationnelle d’autres systèmes d’information à grande échelle. Ce pourrait être le cas, par exemple, dans le cadre du système d’entréesortie ou de l’ESTA – Electronic System for Travel Authorization – européen, que nous cherchons à promouvoir et pour lequel la Commission européenne s’est engagée à formuler une proposition.
Aux termes d’un accord politique intervenu en novembre 2011, il a été convenu que le siège administratif de l’agence serait à Tallinn, en Estonie, tandis que la France accueillerait le site technique principal à Strasbourg, à l’emplacement du système central d’information Schengen. L’Agence disposera également d’un site de sauvegarde en Autriche.
Les négociations sur le contenu de l’accord de site ont débuté en mai 2012 et se sont poursuivies jusqu’en septembre 2013, afin d’harmoniser le statut des personnels affectés à l’Agence et de leurs proches avec celui octroyé dans le cadre d’accords similaires déjà signés par la France pour d’autres agences européennes situées sur son territoire. Cet accord a été signé le 5 décembre 2013 par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, et le directeur exécutif de l’Agence. Il régit le statut juridique de ce site, définit les modalités de mise à disposition des locaux et précise les privilèges, immunités et autres avantages accordés aux personnels de l’Agence.
Je me réjouis que l’Assemblée nationale ait décidé de débattre de ce texte car, au-delà de ses aspects techniques et juridiques, il illustre l’engagement de la France et de l’Union européenne à assurer la sécurité des citoyens européens. Notre pays est l’un des premiers contributeurs aux fichiers européens et internationaux comme le SLTD – Stolen or Lost Travel Documents – d’Interpol. Inlassablement, il encourage ses partenaires à s’engager plus avant pour un partage effectif d’informations de qualité en Europe, socle de politiques crédibles en matière de coopération policière, de lutte contre le terrorisme, de gestion des frontières, de migration et d’asile.
L’exploitation et l’alimentation systématiques de ces bases de données européennes par les États membres constituent un élément essentiel de notre sécurité intérieure. Dans sa communication du 6 avril dernier sur un train de mesures relatives aux « frontières intelligentes », la Commission européenne vient d’ailleurs d’ouvrir une réflexion sur la manière dont les systèmes d’information peuvent devenir plus robustes et plus intelligents. L’objectif de la Commission européenne, soutenu par la France, est de rendre la gestion des données plus efficace afin de mieux protéger les frontières extérieures et de renforcer la sécurité intérieure de l’Union, dans le respect des droits fondamentaux.
La Commission reprend en particulier les propositions très concrètes que la France avait formulées sur ce sujet avant même les attentats de novembre dernier, et qui portent sur le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, sur l’interrogation systématique, au moment du franchissement de ces frontières extérieures, du système d’information Schengen – SIS –, sur l’alimentation de ce dernier par tous les services répressifs et de renseignement des pays de l’Union de façon homogène, sur l’interopérabilité du SIS avec Eurodac et le système d’information sur les visas VIS, et sur la modification du règlement Eurodac pour pouvoir l’utiliser à des fins de sécurité et mieux identifier les migrants en situation irrégulière dans le cadre de la politique de retour. La Commission propose également la mise en place d’une interface unique de recherche des données du SIS, du VIS et d’Eurodac, ce qui facilitera considérablement le travail des services opérationnels. Elle propose enfin de moderniser les infrastructures de collecte, d’exploitation et de partage des données.
Sur le point spécifique du renforcement des contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, nous avons obtenu, le 25 février dernier, la modification de l’article 7, point 2 du code frontières Schengen, permettant d’exercer un contrôle systématique de tous les ressortissants, y compris ceux bénéficiant de la liberté de circulation.
Nous avons également progressé sur le dispositif établissant un système d’entréesortie, lui aussi présenté dans le cadre des mesures relatives aux « frontières intelligentes ». Il est particulièrement important de trouver un accord dans ce domaine, dans la perspective d’une libéralisation de la délivrance de visas concernant de nouveaux pays partenaires. Cela permettrait d’avoir accès à des données individuelles relatives aux ressortissants de ces pays, en amont de leur entréedans les pays de l’Union européenne. Je n’évoquerai pas les fameux soixante-douze critères imposés à la Turquie, qui doivent évidemment être complètement remplis.
Ces dispositifs constitueront, à terme, une interface facilitant encore davantage l’enregistrement de toutes les personnes entrant et sortant de l’espace Schengen, tout en garantissant à la fois la fluidité du passage et un haut niveau de sécurité.
Par ailleurs, cet accord permettra également de conforter encore davantage la vocation européenne de la ville de Strasbourg, tout en participant au renforcement de son bassin d’emploi, puisque 81 agents qualifiés seront employés sur le site technique.
Cet accord arrive devant la représentation nationale à un moment où la question du partage des informations pour assurer la sécurité des citoyens européens est au coeur de l’agenda européen. Nous souhaitons avancer sur ce sujet. La mise en oeuvre technique de ce partage d’informations est donc déterminante, et c’est ce à quoi se consacre le site technique de l’agence Eu-LISA implanté à Strasbourg. C’est pourquoi le Gouvernement demande à votre assemblée de bien vouloir adopter, au terme de ce débat, le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord.
La parole est à M. Pierre Lellouche, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’abord de vous remercier d’avoir accepté un débat en séance publique sur un texte qui devait être noyé, parmi bien d’autres, dans l’habituelle procédure d’examen simplifiée. J’ai souhaité que ce texte soit discuté en séance publique car il est important, comme vous venez de le dire : il nous permet d’étudier l’ensemble des systèmes d’information touchant à la libre circulation en Europe.
L’année dernière, nous avons « reçu » en Europe, si j’ose dire, 1,8 million de personnes, entrées de façon illicite et sans contrôle. Nous avons connu en France toute une série d’attentats qui ont révélé d’importants dysfonctionnements, puisque bon nombre des personnes qui se sont livrées à ces crimes étaient entrées et sorties de l’espace Schengen sans avoir été identifiées. Il s’agit là d’un vrai problème, sur lequel je reviendrai.
Il est assez angoissant de parler de ces sujets aujourd’hui, alors que nous connaissons une vague migratoire et une menace terroriste flagrantes, devant un hémicycle quasiment vide. Cela me conduit parfois à me demander ce que nous faisons tous ici. Des sujets aussi importants n’intéressent apparemment personne, que ce soit parmi nos collègues parlementaires ou parmi les journalistes. C’est la raison pour laquelle je me suis permis de remercier le Gouvernement d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de la séance publique, et de vous remercier personnellement, monsieur le secrétaire d’État, de vous être déplacé.
L’agence Eu-LISA reste en effet confidentielle. Pourtant, c’est elle qui gère l’ensemble des systèmes d’information, qu’il s’agisse du système d’information Schengen de deuxième génération, du système d’information sur les visas ou du système Eurodac, qui répertorie les empreintes digitales des demandeurs d’asile et de certaines catégories d’étrangers en situation irrégulière. Par ailleurs, comme vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, trois nouveaux dispositifs devraient être placés sous sa responsabilité. Cela dépendra, là aussi, de la volonté politique des États.
Avec cette agence, nous devrions mettre en place le PNR – Passenger Name Record – européen, finalement débloqué au Parlement européen, en dépit des difficultés que vous connaissez – et qui ont au passage permis aux Américains de se moquer gentiment de l’Europe. Il faut maintenant mettre en oeuvre ce PNR le plus vite possible.
Vous avez également évoqué le système d’entréesortie « EES », qui doit remplacer une pratique d’une autre époque, à savoir l’apposition manuelle de cachets sur des documents de voyage pour indiquer les dates d’entrée et de sortie. Compte tenu du nombre de faux en circulation, il est urgent de passer à la biométrie.
Le jour où les États trouveront un accord, l’Agence pourra également participer au développement d’un équivalent européen du programme américain TFTP – Terrorist Finance Tracking Program – qui permet de surveiller et de contrer le financement du terrorisme.
Mais, compte tenu des lenteurs du processus décisionnel à Bruxelles, que vous connaissez bien, mais aussi de l’aveuglement collectif et de l’indifférence de beaucoup d’États, rien de tout cela n’existe encore en Europe. C’est consternant. Les terroristes peuvent donc circuler librement dans l’espace Schengen sans être vraiment inquiétés, avec des conséquences dramatiques.
Abdelhamid Abaaoud, dont le téléphone a été localisé à Athènes en janvier 2015, est revenu en Belgique et a pu frapper en France. On ne le savait pas. Samy Amimour, sous contrôle judiciaire, ayant déclaré la perte de son passeport, a pu obtenir un deuxième passeport et retourner en Syrie. Salah Abdeslam a été contrôlé par la gendarmerie de Cambrai le lendemain du 13 novembre avec deux autres personnes à bord d’une voiture en direction de la Belgique. Le système Schengen n’a pas réagi… Ayoub El-Khazzani, qui a failli commettre un véritable massacre dans le Thalys, est passé par Algésiras et l’Espagne pour se rendre à Berlin, avant de revenir en Belgique. Les services français ne le savaient pas… Cela fait beaucoup !
C’est dire que les stipulations de l’accord de 2013, qui ne posent aucun problème, à une ou deux réserves près, s’agissant de l’Agence elle-même, soulèvent toute une série d’interrogations quant à la crédibilité des contrôles que nous essayons de mettre en place.
Un mot sur les clauses relatives à l’Agence proprement dite. L’accord règle la question des privilèges et des immunités. Ce sujet a fait l’objet de négociations assez longues avec le gouvernement français. L’Agence voulait décliner ses privilèges et ses immunités de la manière la plus complète possible, tandis que la France ne souhaitait pas aller au-delà du protocole ; nous avons finalement transigé.
Je suis plus réservé, en revanche, sur les clauses relatives à la sécurité du site. L’Agence a exigé d’être seule responsable de la sécurité du site en louant des gardes armés, tandis que la police française, elle, ne s’occuperait que des abords de l’Agence, alors que cet endroit concentre énormément d’informations très sensibles. Je vois là une curieuse suspicion à l’égard de la France, comme si on ne faisait pas confiance aux services de sécurité français pour garder l’Agence à Strasbourg.
L’accord précise également diverses prestations et facilités accordées par la France ; je n’y reviens pas. La commission des affaires étrangères a donné un avis favorable au projet de loi, et je la soutiens.
J’émettrai cependant une première réserve sur le choix du site, qui peut paraître anecdotique mais qui est malheureusement révélatrice des dysfonctionnements de l’Union européenne. Entre nous, monsieur le ministre, il est parfaitement ubuesque que l’agence dont nous parlons dispose de trois sites. Trois sites ! Le site technique principal situé à Strasbourg, le siège, établi en Estonie, et un site de secours en Autriche. Le contribuable européen appréciera !
En toute logique, seule l’implantation à Strasbourg s’imposait puisque les systèmes centraux du SIS II et du VIS y étaient déjà abrités. Mais il se trouve que l’Estonie s’est portée candidate en même temps que la France pour accueillir Eu-LISA. Il a donc fallu trouver un accord : voilà comment nous en sommes arrivés à ce trépied coûteux et inutile.
Ma deuxième réserve est plus fondamentale. Elle concerne les dysfonctionnements multiples des bases de données européennes, dont je viens de donner quelques exemples. Patrick Calvar, le directeur général de la sécurité intérieure, que nous avons auditionné à plusieurs reprises dans le cadre tant de la commission de la défense que de la commission d’enquête sur les attentats, dont je suis membre, a beaucoup insisté sur la gravité de ces lacunes entre les systèmes de sécurité.
Mesdames et messieurs, je veux insister sur un point essentiel : la mise en place d’un ensemble complet et cohérent de systèmes d’information est la condition indispensable, avec le contrôle physique des frontières extérieures de l’Union, à la liberté de circulation dans l’espace Schengen. Si ces deux conditions ne sont pas remplies, l’espace Schengen ne survivra pas aux événements que nous connaissons.
Avec la suppression des contrôles aux frontières intérieures, il faudrait que les services répressifs puissent accéder rapidement et efficacement à toutes les informations pertinentes détenues par les autres États membres. Nous sommes malheureusement très loin du compte.
Tout d’abord, plusieurs systèmes d’information nécessaires sont encore manquants : le PNR, le système d’entréesortie et le TFTP européen. Mais ce n’est pas tout : s’agissant des ressortissants de pays tiers exemptés de l’obligation de visa, nous n’avons aujourd’hui aucune information disponible préalablement aux arrivées par les frontières terrestres. Il faudrait donc au minimum un système équivalent à l’ESTA américain ou aux systèmes canadien et australien. Cela n’existe pas en Europe.
Par ailleurs, rien n’est fait pour assurer la disponibilité en temps réel des données policières dans l’ensemble des États membres de l’Union. Pour faciliter l’accès aux informations détenues par d’autres services de sécurité que les nôtres, un index européen des registres de police serait utile. La Commission européenne l’a proposé mais nous n’avons pas avancé sur ces sujets.
Des fonctionnalités essentielles sont également absentes dans les systèmes d’information existants. Ce que l’on découvre est parfois stupéfiant. Ainsi, on ne peut pas faire de recherche dans le système d’information Schengen II sur la base des empreintes digitales d’une personne, mais seulement à partir de son nom et de sa date de naissance. Quand on sait que des centaines de milliers de faux papiers sont en circulation dans l’espace européen, on peut douter de l’efficacité de ce système !
La Commission européenne explore aussi la possibilité d’ajouter d’autres fonctionnalités, dont on peut s’étonner qu’elles soient absentes : l’utilisation des images faciales pour l’identification des personnes, la création de signalements sur les migrants en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision de retour, ou encore la transmission automatisée d’informations en cas de réponse positive à l’issue d’une vérification.
Une autre défaillance majeure doit être soulignée : l’utilisation des systèmes d’information est souvent très insuffisante. Peut-être saurez-vous m’expliquer pourquoi Europol, qui a le droit d’accéder aux systèmes SIS II, Eurodac et VIS, n’en fait quasiment pas usage. Europol n’a même pas établi de connexion technique à Eurodac et au VIS, et il n’y a eu que 740 consultations au SIS en 2015 ! S’agissant de la base SLTD, relative aux documents de voyage volés ou perdus, il reste à établir des connexions électroniques à ce fichier à tous les points de passage des frontières extérieures. Cela n’existe pas aujourd’hui alors qu’on connaît bien l’usage intensif des faux papiers tant par les migrants que par les terroristes. Et en ce qui concerne le cadre dit « Prüm », qui permet l’échange de données relatives à l’ADN, aux empreintes digitales et à l’immatriculation des véhicules, j’indique dans mon rapport la liste des États qui n’ont pas souhaité remplir leurs obligations, soit le tiers des membres de l’espace Schengen !
La quatrième grande faille est encore plus connue, mais elle demeure béante : les bases de données sont souvent mal renseignées par les États membres, dont les législations sont très hétérogènes. Il reste en particulier à alimenter le SIS II de manière systématique et précise. Les lois nationales, pour la plupart, ne le prévoient souvent pas.
Patrick Calvar, encore lui, nous a dit que certains de nos voisins immédiats ne renseignent pas le SIS alors que nos fameuses 9 000 « fiches S » lui sont transmises. Nous n’avons donc pas de réciprocité. Difficile, dans ces conditions, de lutter contre le terrorisme !
Plus inquiétant encore, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a pas, dans le système Schengen, de classification « terroriste » en tant que telle. Les signalements ne sont pas assez précis, quand ils existent. Lorsque l’on contrôle une personne signalée dans le fichier, on peut apprendre trop tard qu’elle l’est pour cause de djihadisme ; c’était le cas d’Abdeslam, que j’ai cité tout à l’heure.
Tout cela fait que l’on peut s’inquiéter de la pérennité de ce système, d’autant que l’architecture de l’ensemble est très fragmentée, très complexe. Il n’y a pas d’interface évidente permettant une recherche unique interrogeant simultanément plusieurs systèmes d’information. Afin d’aller plus loin, il conviendrait d’assurer l’interconnexion des systèmes.
Voilà pourquoi l’implantation de cette agence Eu-LISA à Strasbourg est nécessaire. Nous la soutiendrons mais avec les yeux grands ouverts sur tout ce qui reste à faire.
Pour avoir consacré beaucoup de temps aux questions du terrorisme, notamment dans le cadre de la commission d’enquête sur les attentats de Paris, je trouve cette situation proprement inquiétante.
Si nous ne sommes pas capables de donner à nos concitoyens la certitude que les frontières de l’Union sont tenues physiquement par Frontex, qui n’existe pas encore, et par un système d’information permettant de savoir à l’avance quels sont les terroristes qui entrent et qui sortent, ceux qui sont susceptibles de mener des attentats, nous allons encore au-devant d’événement très graves en France et en Europe.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir permis l’organisation de ce débat, même tronqué par l’absence de nos collègues.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier le Gouvernement d’avoir accepté de débattre de ce projet de loi en séance, nous permettant ainsi d’avoir un échange très concret et pragmatique sur le texte lui-même, sans extrapolation, et sur l’utilité de l’Agence dans un contexte particulièrement sensible et fragile.
Comme mon prédécesseur, bien que d’une façon différente, je souhaite souligner l’importance de cette agence. Il convient toutefois de ne pas trop forcer le trait sur la peur ou les dangers que nous encourons, l’actualité récente ayant montré que nous avons su faire face à un certain nombre de dangers sans avoir à les vivre.
Il faut pour cela renforcer les outils de Schengen. Je crois sincèrement que cette agence nous y aidera. Trop de critiques sur l’espace Schengen, trop de critiques systématiques sur l’Union européenne elle-même conduiraient assurément à cultiver la peur, à provoquer l’inquiétude sur tous les sujets. Il convient au contraire d’apporter, avec un peu de raison, les réponses attendues par les populations de toute l’Union européenne.
Parmi ces réponses figure l’accord qui nous est proposé, relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, dite Eu-LISA. Cet accord a été signé entre le Gouvernement de la République française et l’Agence le 5 décembre 2013 à Bruxelles.
Comme vous le savez, l’Agence a été créée par le règlement no 10772011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 201l, afin d’assurer la gestion opérationnelle de ces systèmes d’information dans le domaine de la justice et des affaires européennes. Elle exerce les responsabilités qui lui sont confiées depuis le 1er décembre 2012.
Concrètement, cette agence est chargée de la gestion des trois systèmes existant dans ce domaine : le système d’information des visas, le système Eurodac, base de données reprenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile, et le système d’information Schengen, dont la deuxième génération, SIS II, est entrée en fonction le 9 avril 2013.
L’accord que nous examinons est, je tiens à le rappeler pour éviter toute polémique excessive, d’abord et avant tout un accord de siège, ce qui limite quelque peu son impact. En effet, signé en 2013, l’accord qui nous est soumis fait du site de Strasbourg le site technique de l’Agence Eu-LISA chargé de la gestion de l’ensemble des systèmes précités.
Le choix de Strasbourg s’imposait de manière naturelle car les systèmes centraux du SIS II et du VIS y étaient préalablement implantés, et ce dans un centre de données appartenant à la France et gérée par elle. Cela renforce tout naturellement la place de Strasbourg au sein des institutions de l’Union européenne et a en outre un impact significatif en termes d’emploi local.
Dans le cadre de la négociation de cet accord, l’Estonie et la France, seules candidates pour accueillir l’Agence, ont trouvé un accord politique utile pour que cette dernière soit finalement implantée sur deux sites complémentaires.
Ainsi, le siège est implanté à Tallinn, en Estonie, où sont effectuées les tâches relevant de la gouvernance, de la stratégie et de la conception des programmes. Le développement technique et la gestion opérationnelle des systèmes actuels et futurs sont quant à eux réalisés à Strasbourg, site technique principal où a été développé, depuis plus de vingt ans, par le ministère de l’intérieur français et pour le compte du Conseil, le SIS de première génération. Enfin, par mesure de sécurité, un site technique de sauvegarde a également été mis en place en Autriche.
L’accord qui nous est soumis précise les conditions d’installation de l’Agence à Strasbourg. Il prévoit notamment la cession par la France d’un terrain adjacent au site existant, afin que les capacités nécessaires à la nouvelle agence puissent y être développées. Précisément, le périmètre du site est défini à l’article 4. Le site comprend des locaux, des bâtiments, les terrains et le parking du site central du système d’information Schengen, déjà occupé par l’Agence, le parking attenant, ainsi qu’un terrain contigu relativement important.
L’accord précise également les privilèges et immunités reconnus à l’Agence ainsi qu’à son personnel. Les immunités sont conformes au protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, et donc tout à fait classiques. L’accord contient également des dispositions relatives à la sécurité du site. Dans le contexte que nous connaissons, et compte tenu de la sensibilité des informations gérées, c’est une disposition que je crois essentielle. S’agissant, enfin, des aspects budgétaires, pour 2016, le budget prévisionnel est de 82,5 millions d’euros, dont 80,3 millions au titre de la subvention de l’Union européenne et 2,24 millions au titre de la contribution financière des pays associés.
En vérité, au-delà de ces dispositions techniques, cet accord est un élément clé du dispositif que nous tentons progressivement de mettre en place pour faire face au risque terroriste. Les systèmes d’information concernés sont indispensables pour garantir la sécurité à l’intérieur de l’espace Schengen et, simultanément, pour renforcer le contrôle efficace des frontières extérieures de l’Union.
La France souhaite, pour des raisons à la fois pratiques et de sécurité, que le SIS soit renseigné et consulté par tous les États membres de manière systématique. Mais il faut bien reconnaître qu’elle est malheureusement l’un des rares pays à utiliser toutes les potentialités du fichier, en partageant notamment avec les autres pays les fameuses fiches S éditées par la Direction générale de la sécurité intérieure. Cet échange doit naturellement se développer avec l’ensemble des pays membres. Il est également urgent, dans le cadre de la crise des migrants, que les pays de première entrée dans l’Union européenne se dotent de moyens de renseigner systématiquement le fichier Eurodac. C’est un enjeu essentiel en matière de traçabilité, de suivi, et donc de sécurité.
Au-delà, cet accord devrait favoriser la mise en oeuvre du projet dit de « frontières intelligentes », permettant d’enregistrer les entrées et les sorties des ressortissants de pays tiers dans l’espace Schengen et d’identifier plus facilement ceux qui y séjournent. Il est clair, et je tiens à le souligner, que cet accord, apparemment technique, est en réalité une réponse politique à ceux qui, il y a encore quelques semaines, prônaient l’abandon de Schengen.
Bien sûr, Schengen a des défauts ; il a même montré parfois ses limites. Il a néanmoins le mérite d’exister, et doit être perfectionné. Il nous faut donc le renforcer, et c’est ce à quoi contribue le projet de loi qui nous est soumis. De quelle manière ? Par un développement des capacités techniques dont Eu-LISA est partie prenante, à travers le programme « Smart Borders » et, à terme, par la gestion d’autres systèmes envisagés au sein du futur PNR européen.
Dans ce contexte, l’installation d’un tel outil, et tout particulièrement de son coeur technique, sur le territoire français, est primordiale. Elle permettra à notre pays de conserver la maîtrise de systèmes d’information dont l’importance est appelée à croître, et même à devenir déterminante dans un proche avenir. Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter sans réserve ce projet de loi.
Notre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi visant à autoriser l’approbation de l’accord relatif au site technique de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice européen.
Cette agence, dite Eu-LISA, a été créée par un règlement européen du 25 octobre 2011. C’est à Tallinn, en Estonie, au siège de cette agence, que sont effectuées les tâches relevant de la gouvernance, de la stratégie et de la conception des programmes. Le développement technique et la gestion opérationnelle des systèmes actuels et futurs, quant à eux, sont réalisés à Strasbourg.
Opérationnelle depuis le 1er décembre 2012, cette agence est chargée de trois systèmes d’information : le système d’information Schengen de deuxième génération, le système d’information sur les visas, qui contient des données sur les visas de court séjour, et le système Eurodac, qui rassemble les empreintes digitales des demandeurs d’asile et de certaines catégories d’étrangers en situation irrégulière. En outre, le règlement qui a créé l’agence Eu-LISA en 2011 permet de lui confier le développement et la gestion opérationnelle de dispositifs nouvellement créés par l’Union européenne, tels que le programme d’enregistrement des voyageurs, le système d’entréesortie et le programme de surveillance du financement du terrorisme. Ce sera notamment le cas du PNR européen, lorsqu’il sera opérationnel.
Conclu le 5 décembre 2013, l’accord entre la France et l’Agence européenne concerne les modalités d’implantation du site technique de Strasbourg. Il s’agit d’un accord de siège qui régit le statut juridique de l’Agence et définit les modalités selon lesquelles le Gouvernement met à sa disposition des locaux et confère à ses personnels des privilèges, immunités et autres avantages. L’accord porte sur les conditions d’installation et de fonctionnement de l’Agence sur le territoire français et comprend deux points principaux, qui ont été rappelés par le rapporteur, Pierre Lellouche : des éléments relatifs au coût et au périmètre des prestations fournies par l’État hôte, et des dispositions relatives aux privilèges et immunités de l’Agence et de son personnel ainsi qu’aux aspects liés à la sécurité de l’implantation.
Même s’il est essentiellement technique, ce texte n’en demeure pas moins important. Il nous offre en effet l’occasion de rappeler la nécessité de renforcer la coopération internationale en matière d’information et de lutte contre le terrorisme. La mise en place d’une telle agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information est intéressante, mais est-elle suffisante ? La création de cette agence répond à la nécessité de regrouper la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein d’une même entité. Il s’agit notamment de créer une synergie et de favoriser un fonctionnement efficace et sécurisé de ces systèmes pour des raisons de sécurité et de protection des données.
Permettez-moi néanmoins de vous faire part de mon étonnement face à l’implantation de l’Agence dans trois États européens. Je partage les réserves de notre rapporteur. Le siège est à Tallinn, le site technique à Strasbourg et le site technique de sauvegarde en Autriche ! En termes d’économie et de sécurité, cela ne semble pas être le choix le plus judicieux. Une fois de plus, l’Union européenne ne donne guère l’exemple en matière d’économies et d’efficacité.
Notre rapporteur Pierre Lellouche, a formulé un certain nombre de réserves sur lesquelles je ne reviendrai pas dans le détail mais que je partage, je tiens à le souligner. Il existe en effet de nombreuses failles dans les systèmes d’information. Aujourd’hui encore, nous pouvons lire dans les colonnes du Parisien que le kamikaze du métro de Bruxelles et l’homme au chapeau de l’aéroport étaient « bien connus » des policiers spécialisés. Autrement dit, il ne suffit pas de collecter l’information : il faut aussi que les 28 pays européens soient capables, ensemble, d’en faire bon usage. Il ne suffit pas de constater, après chaque attentat, que le pays voisin possédait des informations cruciales.
Par ailleurs, la suppression des contrôles aux frontières intérieures impose un accès rapide aux informations provenant des autres États membres. Dans les faits, nous en sommes encore très loin. En bref, sans réelle volonté politique, cette agence n’aura aucune efficacité. Quand on voit le temps qu’il a fallu, le drame qu’il a fallu pour que le PNR soit adopté, on peut avoir quelques doutes quant à l’efficacité réelle que pourra avoir cette agence.
Or, aujourd’hui, la situation aux frontières de l’Europe est plus que préoccupante – vous le savez mieux que nous, monsieur le secrétaire d’État. Les frontières extérieures de l’espace Schengen sont devenues de véritables passoires, comme en témoignent l’afflux des migrants à nos frontières et les situations humaines dramatiques qui en découlent. Chaque semaine, des milliers de migrants tentent, au péril de leur vie, de rejoindre les rives nord de la Méditerranée. Ces flux sont également une voie d’entrée pour les terroristes qui peuvent se mêler facilement aux migrants. Pour avoir travaillé un certain nombre d’années sur la politique migratoire, comme vous le savez, je peux vous dire que l’Europe connaît aujourd’hui un échec flagrant.
La création des hot spots, ces centres d’enregistrement, n’a en rien réglé le problème, vous le savez comme nous, monsieur le secrétaire d’État, puisqu’une fois enregistrés, les migrants peuvent disparaître dans la nature. La seule réponse de l’Union européenne à la crise actuelle est de nature administrative et nos peuples – j’entends par là l’ensemble des peuples européens – ne peuvent que constater la faillite européenne.
Ce qui a failli se passer en Autriche devrait nous alerter : à certains moments, la montée des extrêmes n’est pas liée seulement aux chiffres du chômage, mais traduit la réaction de nos populations face à l’inaction de leurs dirigeants. Je me rappelle que, lors de l’avant-dernière campagne des européennes, l’un des mots-clés, l’un des slogans était « L’Europe qui protège ». Or aujourd’hui l’Europe n’est même pas capable de répondre à une invasion pacifique – pacifique, car ce ne sont que de pauvres gens qui essaient de trouver leur bonheur et leur sécurité en Europe. Comment ne pas comprendre, dans ce contexte, la déception et l’inquiétude de nos concitoyens ?
Notre pays, ainsi que d’autres en Europe, sont parmi les cibles du terrorisme, et les ramifications internationales de ces organisations criminelles sont extrêmement difficiles à arrêter. Le caractère international des mouvements terroristes et des réseaux du crime organisé, l’extrême mobilité de leurs membres et leur capacité à contourner les techniques d’investigation des services d’enquêtes rendent nécessaire l’intensification de la coopération au niveau européen.
Dans ce contexte, il faut une action au niveau de l’ensemble des polices et des services de renseignement européen. Le recours à une agence européenne constitue la base d’une coopération intéressante en termes d’information, et nous ne pouvons, bien sûr, que soutenir cette initiative, avec les réserves qui ont été faites par notre rapporteur. Il est vrai également que cet accord permettra de renforcer la dimension européenne de la ville de Strasbourg. C’est un point positif que je n’oublie pas, moi qui siège à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Vous y siégez également, mon cher collègue.
Néanmoins, le risque est grand de se perdre dans cette bureaucratie, une fois de plus.
Pour conclure, permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de faire une dernière remarque. Au-delà des systèmes d’information, ce qui est également primordial dans la lutte contre le terrorisme, c’est le renseignement. Or des évolutions sont également nécessaires dans ce domaine. En réalité, nous avons besoin de renseignements sur place, au Moyen Orient, ce qui implique de coopérer avec certains pays. Bref, nous devons rester vigilants. Aussi j’appelle de mes voeux la mise en oeuvre de dispositifs efficaces, tant en matière de système d’information que de renseignement. Ces remarques faites, le groupe Les Républicains votera évidemment ce texte.
L’Europe est à l’agonie. Médusée et impuissante lorsque des familles de réfugiés sont charriées par milliers sur ses rivages, jetées sur les routes, elle confie la gestion de ses frontières extérieures à Recep Tayyip Erdogan.
Passive, inorganisée, elle est divisée face à la menace globale et sournoise que représente la barbarie de Daech.
Face à cette double crise, migratoire et sécuritaire, l’Union européenne, qui est aujourd’hui aux prises avec les réalités d’un monde nouveau, dont les contours se dessinent trop rapidement, prospérera ou périclitera. Si elle ne s’adapte pas à ce monde nouveau, il se fera sans elle. Pire, laissée ainsi sans raison d’être, elle deviendra la proie du repli sur soi. Tels sont, en définitive, les enjeux qui vont jalonner l’examen du présent projet de loi. Car ce qui est en jeu avec ce texte d’apparence technique, c’est en effet la capacité de l’Europe à assurer la sécurité de ses frontières extérieures et son efficacité dans la lutte contre le terrorisme.
En effet, l’agence concernée par cet accord de siège, somme toute classique, n’est ni plus ni moins chargée de la gestion opérationnelle des trois systèmes existant dans le domaine des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice : le système d’information des visas, la base de données reprenant les empreintes digitales des demandeurs d’asile ainsi que le système d’information Schengen de deuxième génération.
En outre, trois nouveaux dispositifs au caractère éminemment stratégique pourraient lui être confiés : le fameux Passenger Name Record, qui est testé à Paris et à Nice, le Terrorist Finance Tracking Programme et l’Entry-Exit System.
Si notre groupe ne voit aucune raison de ne pas voter ce projet de loi qui contribuera à conforter la dimension européenne de la ville de Strasbourg, il souhaite toutefois exprimer des réserves sur lesquelles nous attendons des réponses du Gouvernement.
Premièrement, l’éclatement de l’Agence entre trois sites nous semble contradictoire avec la volonté affichée de réaliser des économies et de favoriser le fonctionnement efficace et sécurisé des systèmes d’information. N’aurait-il pas été plus pertinent de regrouper toutes les composantes de cette agence sur un seul site ? Le caractère stratégique de ses missions nous amène à le penser.
Deuxièmement, le fonctionnement et l’architecture des bases de données ne nous semblent pas optimaux. Or, selon nous, la mise en place d’un système d’information performant est un corollaire indispensable de la libre circulation et de la suppression des contrôles aux frontières nationales. Si nous acceptons d’effacer nos frontières nationales pour vivre au sein d’un espace commun, nous devons être en capacité de protéger cet espace commun.
À cet égard, nous nous inquiétons que certaines fonctionnalités essentielles soient inexistantes dans les systèmes actuels gérés par l’Agence. Jugez plutôt : il n’existe pas de possibilité de faire des recherches par empreinte digitale ou biométrique, pas d’utilisation d’image faciale pour identifier des personnes, pas de signalement des migrants en situation irrégulière faisant l’objet d’une décision de retour, pas de transmission automatisée d’informations en cas de réponse positive à l’issue d’une vérification, pas de procédure de signalement relatif aux personnes inconnues recherchées et pour lesquelles il peut exister des données de police scientifique dans les bases de données nationale.
En outre, je tiens à souligner que l’utilisation des systèmes d’information est encore incomplète. S’agissant de la base de données relative aux documents de voyage perdus ou volés, il n’existe pas de connexion électronique avec les points de passage des frontières extérieures. Une telle situation nous paraît incompréhensible. S’agissant du traité de Prüm, qui concerne notamment les échanges de données relatives aux profils ADN, aux empreintes digitales ou aux immatriculations de véhicules, un tiers des États membres n’en sont pas signataires. Là encore, ce n’est pas acceptable. Et s’agissant des bases de données du système d’information Schengen, elles sont encore mal renseignées par des États membres comme la Belgique. Un tel état de fait me paraît inquiétant.
Enfin, il y a quelques jours, notre groupe, sur le fondement de l’article 50-1 de la Constitution, a demandé au Premier ministre la tenue d’un débat sur la déclaration du 18 mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie concernant la crise migratoire. Nous sommes, à ce titre, particulièrement préoccupés par l’absence d’informations disponibles préalablement à l’arrivée, par les frontières terrestres, des ressortissants de pays tiers dispensés de l’obligation de visa. Alors que l’Union européenne vient de confier la gestion extérieure à la Turquie en échange d’une libéralisation des visas, cette carence nous apparaît dangereuse et nous appelons à la mise en place, de toute urgence, d’un système européen d’information et d’autorisation de voyage sur le modèle du Electronic System for Travel Authorization américain.
En définitive, ce projet de loi technique est à certains égards révélateur du manque de volonté politique européenne dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi que notre groupe l’appelle de ses voeux, la France doit peser de tout son poids pour la mise en oeuvre d’une Europe politique. Nous serons attentifs à votre réponse sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.
Il faut d’urgence faire le pari du fédéralisme, synonyme non seulement de proximité dans la décision et dans l’action, mais aussi d’efficacité, avec des transferts complets de souveraineté.
Nous devons accepter de faire ce saut fédéral avec les pays qui y sont prêts, monsieur le rapporteur, et nous résoudre à l’idée d’une Europe à deux vitesses.
Il y a urgence dans trois domaines : d’abord, une politique étrangère et de défense commune, avec une force d’intervention européenne, pour permettre à l’Europe d’être en première ligne pour lutter contre les nouvelles menaces liées au terrorisme ;…
Et où va-t-on la chercher, cette force d’intervention ? C’est M. Désir qui s’en charge ?
…ensuite, une politique commune de sécurité intérieure, avec la création d’une police européenne et un échange permanent entre les services de renseignements européens ; …
…enfin, une véritable politique migratoire qui permette de réguler les entrées sur le territoire européen, sur le modèle de ce qui se fait au Canada, et qui soit intransigeante avec l’immigration illégale.
Malgré les carences qu’il met en lumière, le groupe UDI votera ce projet de loi, en attendant une réponse claire et courageuse du Gouvernement sur la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et la lutte contre le terrorisme, deux priorités pour assurer la sécurité des Françaises et des Français.
La suppression des frontières intérieures dans l’espace Schengen a conduit l’Union européenne à instaurer des systèmes informatiques permettant de mettre en oeuvre les politiques de coopération policière, de gestion des frontières, de migration et d’asile. Il s’agit principalement du système d’information Schengen, qui est un fichier de signalement à des fins policières, du système d’information sur les visas, qui rassemble les données liées aux demandes de visa d’entrée dans l’espace Schengen, et du système Eurodac, qui recense les empreintes digitales des demandeurs d’asile. Ces différents systèmes sont composés de bases de données centrales reliées à des bases nationales.
Le système d’information Schengen de première génération a été exploité par la France à Strasbourg pour le compte des autres États membres dès sa création en 1995. En 2006 a été décidé le passage à un SIS de seconde génération. Ce dernier constitue une « frontière électronique dématérialisée », mise en oeuvre à chaque instant depuis environ 500 000 terminaux d’interrogation répartis dans les 29 États connectés. Il contient des informations sur des personnes recherchées et des objets volés ou égarés. Peuvent être signalées des personnes ayant fait l’objet d’une décision de l’autorité judiciaire, de l’autorité de police ou d’une autorité administrative.
Le SIS II se différencie du SIS I en ce qu’il inclut des données biométriques – empreintes digitales et photographies – et des données relatives aux mandats d’arrêt européens. Il contient également de nouvelles catégories d’objets tels que les matériels industriels, embarcations ou aéronefs. Le passage au SIS II a en effet été motivé par l’élargissement de l’Union européenne et par la volonté de développer de nouvelles fonctionnalités. Le système d’information compte 64 millions de signalements de personnes ou d’objets, dont 5 millions émanant de la France. La plupart des signalements concernent des documents signalés volés ou perdus. Y figurent également environ 800 000 personnes recherchées, pour la plupart pour refus d’entrée dans l’espace Schengen, 3 millions de véhicules et plus de 400 000 armes à feu.
Lors du passage au SIS II, en 2006, la Commission européenne a envisagé de gérer directement le système ou d’en confier la gestion à une agence européenne. En 2011, la seconde option a été retenue, avec la création de l’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Cette instance, créée sous la forme d’une agence de régulation dotée de la personnalité juridique, est chargée depuis 2012 de la gestion du SIS II et, depuis 2013, du VIS et d’Eurodac. En matière de protection des données, le contrôle de cette agence, dite Eu-LISA, est réalisé par le contrôleur européen de la protection des données.
La réglementation européenne prévoit en outre que l’Agence peut se voir confier d’autres systèmes d’information à grande échelle, mais uniquement « sur la base d’instruments législatifs pertinents ». Il pourrait s’agir des systèmes actuellement à l’état de projet que sont le système d’entréesortie, le programme d’enregistrement des voyageurs, le programme de surveillance du financement du terrorisme ou encore le PNR européen. Dans cette perspective, l’Agence a d’ores et déjà démarré le projet de réaménagement et d’agrandissement du site de Strasbourg, pour un budget d’environ 22 millions d’euros.
Au cours des négociations relatives à la création de l’agence Eu-LISA, l’Estonie et la France se sont toutes deux portées candidates pour héberger la nouvelle instance. L’Estonie pouvait se prévaloir des conclusions du Conseil européen de décembre 2003, selon lesquelles la priorité devrait être donnée aux nouveaux États membres dans l’attribution du siège de nouvelles agences. La France, de son côté, pouvait faire valoir qu’elle avait déjà développé les capacités nécessaires à l’accueil de la nouvelle agence, puisqu’elle héberge le site central du SIS depuis 1995.
Une solution de compromis a finalement été trouvée, aux termes de laquelle le siège de l’Agence est situé à Tallinn, où sont effectuées les tâches relevant de la gouvernance, de la stratégie et de la conception des programmes, tandis que le développement et la gestion opérationnelle des systèmes sont effectués à Strasbourg. La France a cédé pour un euro symbolique le terrain, les bâtiments et les locaux du site central du SIS à l’agence Eu-LISA, l’Estonie met gratuitement à disposition le site accueillant le siège de l’Agence. Rappelons que quatre autres agences européennes sont déjà implantées en France : l’Office communautaire des variétés végétales à Angers, l’Agence ferroviaire européenne à Valenciennes, et l’Autorité européenne des marchés financiers et l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne à Paris.
Des négociations entre la France et la Commission européenne pour fixer le contenu de l’accord de site de Strasbourg ont alors été engagées à partir de mai 2012 et se sont poursuivies jusqu’en septembre 2013. L’objet de ces négociations a porté essentiellement sur le statut du personnel de l’Agence, la réglementation de 2011 prévoyant que « le protocole sur les privilèges et immunités de l’Union européenne s’applique à l’Agence ». Des dispositions supplémentaires étaient toutefois nécessaires pour mettre en oeuvre certains articles du protocole et préciser les conditions de la collaboration de la France au fonctionnement de l’Agence. En conséquence, l’accord, signé en décembre 2013, régit le statut juridique de l’Agence et définit les modalités selon lesquelles la France met à sa disposition des locaux et d’autres soutiens et confère à ses personnels des privilèges, immunités et autres avantages.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cet accord parce qu’il renforce les systèmes d’information actuels et futurs au niveau européen, parce qu’il traduit l’engagement de la France dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et enfin parce qu’il permet de renforcer encore la dimension européenne de la ville de Strasbourg.
Mais permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de profiter de cette tribune pour vous dire, en tant que parlementaire frontalier, que des décisions certes éloignées du sujet aujourd’hui évoqué, je pense aux dispositions récemment votées à l’unanimité par le Parlement qui rétablissent l’autorisation de sortie du territoire pour les mineurs, vont poser un problème sérieux dans certains espaces frontaliers.
La sécurité est évidemment une priorité et je comprends très bien que l’Assemblée nationale ait voté unanimement l’amendement présenté par notre collègue Les Républicains Éric Ciotti. Des enfants qui partent faire le djihad, c’est bien sûr choquant. Je doute cependant que ces enfants-là empruntent des circuits « réguliers » et passent par des postes frontières gardés en présentant des papiers.
Nous devons garder à l’esprit que L’Union européenne est aussi une union des citoyens. Or, dans certains territoires frontaliers, ce type de mesure provoquera des dysfonctionnements assez graves. J’habite une région où, quand un élève se rend au lycée agricole de Chambéry, il passe quatre fois une frontière – et les élèves sont évidemment mineurs. J’habite une région…
…où, lorsque l’on prend un billet combiné de TGV pour aller faire du ski, la gare se trouve en Italie mais cela n’est pas mentionné sur le billet car il n’y a que 9 kilomètres à monter depuis la gare pour arriver en France. Et je pourrais multiplier les exemples. Ainsi, l’évacuation d’un mineur qui se blesse sur les pistes de ski italiennes se fait vers le centre hospitalier de Briançon…
Je le répète, je comprends parfaitement cette mesure. Tout le monde peut s’inquiéter de ce que des jeunes partent pour une fausse « guerre sainte », expression qui est d’ailleurs une très mauvaise traduction du mot « djihad »,…
…et vouloir qu’ils soient interdits de sortie de territoire par le biais du rétablissement de cette obligation.
Je me permets néanmoins d’insister auprès de vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que les régions frontalières, contraintes par la nature des choses et par la configuration de leurs voies routières, ferroviaires ou autres, bénéficient dans le décret qui sera pris, non pas d’un assouplissement, mais de mesures qui permettent tout simplement aux gens de vivre et de travailler normalement. Nous sommes des zones de croissance de l’Union européenne. Évitons de perdre, sous l’effet d’une certaine peur, les possibilités qui nous ont été offertes jusqu’à présent !
Comme cela a été dit, ce texte est un texte technique qui répond à une préoccupation politique. Examiné au Sénat, son article unique a été adopté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. En séance publique, il a été approuvé sans discussion.
Mon propos sera organisé autour de deux idées. J’exposerai tout d’abord en quoi ce projet de loi traite d’un instrument utile à une politique européenne devenue incontournable, celle de la gestion et du contrôle des migrations, avant de montrer comment l’Europe a pris conscience de la nécessité d’une politique partagée des frontières extérieures, après des années de non-collaboration. Aujourd’hui, elle doit appliquer avec vigueur les principes de solidarité et de responsabilité dans ce domaine.
Si j’ai bien lu votre intervention en commission, monsieur le rapporteur, c’est moins le texte qui vous intéresse que le prétexte, puisque vous considérez ce projet de loi comme « un accord de siège assez classique ». Je m’en tiendrai donc à l’essentiel.
L’Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice a été créée pour assurer la gestion des systèmes d’information intégrés de l’Union européenne. Il s’agit à titre principal du système d’information Schengen, du fichier de signalement à des fins policières, du système d’information sur les visas, qui rassemble les données liées aux demandes de visa d’entrée dans l’espace Schengen, et du système Eurodac, qui recense les empreintes digitales des demandeurs d’asile. Ces différents systèmes d’information sont composés de bases de données centrales reliées à des bases nationales. C’est un règlement de l’Union européenne qui a institué cette agence européenne, en 2011.
Le règlement prévoit par ailleurs que l’Agence peut se voir confier d’autres systèmes d’information à grande échelle. Un accord a été signé le 15 décembre 2011, qui régit le statut juridique de l’Agence. Il définit ainsi les modalités selon lesquelles la France met à sa disposition des locaux et d’autres soutiens, et confère à ses personnels des privilèges, immunités et autres avantages.
Cette agence rejoint ainsi la cinquantaine d’agences déjà créées dans de nombreux pays de l’Union européenne en vue de remplir des tâches spécifiques dans des domaines techniques, scientifiques ou administratifs. De façon générale, ces agences ont été créées au cas par cas, sans vision préalable d’ensemble. Théoriquement, elles répondent à l’accroissement et à la complexification des tâches de régulation qui incombent à l’Union européenne, tout en permettant une plus grande souplesse de gestion. Elles permettent une forme d’individualisation de certaines fonctions ne relevant plus de la seule négociation intergouvernementale. Néanmoins, leur multiplication et leur hétérogénéité posent la question de leur contrôle politique.
Sur ces sujets, nous pouvons nous rejoindre. Mais venons-en, monsieur le rapporteur, à ce qui nous différencie. Ce qui vous préoccupe, ici, c’est moins le texte que le prétexte qu’il constitue pour vous, puisqu’il vous donne une tribune pour affirmer que l’Europe serait une véritable « passoire », menacée par un problème très grave de terrorisme, que vous liez à cet état.
Vos propos font écho à ce que l’ancien président de la République, entre 2007 à 2012, et possible nouveau candidat à l’élection présidentielle…
…dit, en prônant la suspension des accords de Schengen I pour les remplacer par un nouveau système Schengen II « auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu’après avoir préalablement adopté une même politique d’immigration ».
C’est évidemment toujours un peu le même refrain. Vous dites, monsieur le rapporteur, que vous ferez demain ce que vous n’avez pas fait pendant dix ans, de 2002 à 2012, alors qu’un accord aurait dû être possible et même facile au temps de cette belle alliance que constituait ce qu’on appelait le « Merkozy ».
Je crois utile de rappeler quelques faits auxquels souscrivent vos propres collègues du groupe Les Républicains, membres de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, très investis dans leur travail d’information et d’investigation sur la question des migrations, de la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, ou l’enjeu de la gestion commune des frontières. Il suffit pour s’en convaincre de lire les rapports, les communications, les échanges et les résolutions adoptées par cette même commission – je vous y invite, monsieur le rapporteur, si vous ne l’avez pas encore fait.
Sur le fond, trois éléments me paraissent devoir être rappelés. À l’évidence, un lien existe entre la mise en mouvement de populations et les États ou régions connaissant d’importants déplacements forcés de populations civiles. Autrement dit, la déstabilisation de plusieurs États d’Afrique et du Moyen Orient a été un vecteur déterminant de la mise en mouvement de populations, qui fuient la guerre et les exactions. Sur cette période, la position de la France dans cette partie du monde semble avoir perdu de sa singularité et, peut-être, de son efficacité. Si les flux migratoires irréguliers n’étaient pas inconnus des différents États européens, leur ampleur nouvelle depuis 2015 en a changé la nature et a conduit à faire ce qui n’avait pas été fait.
Il aura fallu la crise migratoire, avec l’afflux, en 2015, de plus de 1,5 million de personnes ayant franchi irrégulièrement les frontières, pour que l’on prenne conscience de ce qui, a posteriori, apparaît comme une évidence : la décision de partager un espace commun de libre circulation ne peut se concevoir sans un contrôle efficace des frontières extérieures.
À la suite de cette prise de conscience, l’Union européenne a pris plusieurs mesures importantes, la France ayant toujours défendu une position très favorable à une coopération et un partage accrus des missions et des outils opérationnels.
Ainsi, les opérations maritimes des forces armées menées en mer Méditerranée par les États membres ont assurément sauvé de la mort plusieurs centaines de milliers de personnes – ce n’est pas rien ! – mais ont également mis un premier coup d’arrêt au large trafic des organisations criminelles, qui ont fait croire aux candidats à l’émigration que l’Europe pourrait les accueillir. Nous pouvons citer à ce titre les opérations maritimes Triton et Sophia, avec, pour cette dernière, l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies.
Puis, des centres d’enregistrement et de vérification des motifs d’entrée, les hot spots, ont été installés : ils sont la seule réponse qu’il était possible de donner face à l’ampleur du phénomène, là où le jeu ordinaire des règles européennes de Dublin III ne pouvait offrir de solution. En pratique, ils font reposer sur la Grèce et l’Italie la charge du premier accueil.
Par la suite, d’autres mesures provisoires de relocalisation ont été annoncées, mais celles-ci ne sont que très partiellement réalisées. Selon les chiffres rendus publics par l’Union européenne elle-même, au début de mai 2016, seules 1 440 personnes avaient effectivement pu bénéficier du mécanisme de relocalisation, sur les 160 000 prévues, soit moins de 1 %.
Parallèlement, l’Union européenne a progressé, pas toujours à la vitesse à laquelle nous le souhaiterions, mais de façon plus assurée et plus cohérente. Je rappelle ici qu’un projet de règlement européen établissant une liste commune de l’Union de pays d’origine sûrs, pour l’octroi et le retrait de la protection internationale, est en cours de discussion au Parlement européen. La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a délibéré, il y a seulement deux semaines, sur un autre projet de règlement européen créant un corps de gardes-frontières. C’est, là encore, un progrès.
L’accord avec la Turquie a marqué une nouvelle étape. Compte tenu de la position stratégique de la Turquie, qui permettait à de nombreux passeurs de convoyer à partir des côtes turques des embarcations de migrants, l’Union européenne a décidé de signer, le 18 mars 2016, un accord avec ce pays pour tenter de mettre fin à ces flux clandestins. Cet accord est critiqué et critiquable, notamment en ce qu’il peut créer un effet d’aubaine pour des États peu regardants. Mais il est un pis-aller car la coopération avec la Turquie était et reste nécessaire.
À défaut d’une volonté politique et d’un système de gestion et de défense partagé des frontières extérieures, qui n’avait pas été pensé avant la crise migratoire, le sens commun semble dire qu’il suffit, puisque cela n’avait pas été fait à l’extérieur, de rétablir les contrôles aux frontières internes. Mais parfois, le sens commun n’est pas le bon sens. En effet, les accords de Schengen ne sont pas le problème, mais la solution. C’est le système Schengen qui permet aux États membres d’agir ensemble, par la mise en commun et le partage de moyens humains et matériels. Il faut conforter Schengen et l’améliorer, non le remettre en cause.
C’est parce que Schengen existe, parce qu’il permet la liberté de déplacement et facilite le droit d’aller et venir des Européens au sein de leur territoire, qu’il est un moyen de pression pour faire comprendre à nos partenaires les plus réticents la nécessité de partager les moyens et les informations. En effet, à défaut d’une action énergique aux frontières extérieures, nous pourrions perdre le bénéfice de cette liberté.
La France et le gouvernement français ont fait des propositions concrètes pour que le système d’information de Schengen soit interrogé, pour qu’il soit alimenté de façon homogène et systématique par les systèmes de renseignement et qu’il soit connecté aux autres fichiers criminels.
Comme vous le voyez, mes chers collègues, ni l’Union européenne ni la France ne sont restées inactives face à la crise migratoire. Mais, pour être juste, il ne suffit pas de hurler avec les loups,…
…ni de caricaturer ce que l’on suppose être les peurs d’une partie des Français pour leur plaire. Comme l’ont déclaré certains députés de votre groupe, monsieur le rapporteur, la situation aurait certainement été pire sans l’intervention de l’Union européenne.
À ce titre, je dois me féliciter de l’important travail que la commission des affaires européennes de notre assemblée a réalisé au cours de ces dernières années.
Celle-ci a été une lanceuse d’alerte, prévenant des risques de diminuer les moyens de Frontex quand la crise n’était pas là, proposant, avant l’heure, la création d’un corps de gardes-frontières européens, mobilisant les parlements nationaux sur l’intérêt d’instituer un parquet européen plus apte à poursuivre la criminalité des trafics transeuropéens. En ces temps d’antiparlementarisme larvé, le rappeler ici est un engagement à poursuivre notre travail de vigilance, au service de nos concitoyens.
Pour cette raison, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutiendra fermement ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
En tant que dernier intervenant de la discussion générale, vous me permettrez de profiter du débat sur le projet de loi concernant le système d’information Schengen pour exprimer ma conviction visant à inciter les responsables européens et les parlementaires que nous sommes à réformer Schengen.
Rapporteur de la convention de Schengen en 1991, je soulignais, huit ans plus tard, dans un rapport d’étape de la commission des affaires étrangères, les faiblesses mais aussi les potentialités de Schengen. Depuis 1995, l’accord de Schengen a éliminé les frontières intérieures entre 22 États membres de l’Union européenne et quatre pays associés. Couvrant 4 312 000 kilomètres carré et regroupant 420 millions d’habitants, ce vaste espace fut un défi audacieux, dans la mesure où il a entraîné un partage de la souveraineté nationale. En repoussant les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne, il a été nécessaire en contrepartie d’accroître la collaboration judiciaire et policière, afin de combattre l’immigration illégale et tous les trafics. Mais ce ne fut manifestement pas suffisant pour affronter la crise migratoire de 2015.
Mes chers collègues, comme nous le disions en 1991, l’Union européenne ne peut être « ni une passoire, ni une forteresse ». Comment peut-on surveiller intégralement 14 000 kilomètres de frontières extérieures ? Comment la Grèce peut-elle contrôler 1 600 kilomètres de côtes et 3 000 îles – chère Marietta ? C’est pourtant la mission difficile qui échoit à Frontex. Créée en 2004, cette agence supervise le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, tout en luttant contre les filières clandestines et les réseaux de passeurs.
Mais Frontex reste une agence défaillante. Elle souffre de deux maux. D’une part, elle est dotée de ressources matérielles, humaines et financières insuffisantes, compte tenu des tâches immenses qui lui sont confiées, d’autant que ses moyens techniques sont fournis par les États pour une durée limitée. D’autre part, elle est pourvue d’un statut juridique opaque : en tant qu’agence autonome, elle ne dépend pas directement d’une institution européenne ; elle n’est pas non plus soumise au contrôle du Parlement européen ou des assemblées nationales.
Il faut corriger ces deux défauts, en créant un corps européen de gardes-frontières capable de procéder, à la fois, à la surveillance efficace des frontières extérieures, à la vérification de l’authenticité des documents d’identité et à l’enregistrement des personnes entrant sur le territoire européen. À cet effet, il convient d’interconnecter les registres nationaux de criminels et de développer le système d’information Schengen, qui renseigne sur les individus signalés. Dans la même optique, le nouveau fichier européen des données des passagers aériens, le PNR, si long à être voté et mis en oeuvre, s’avère un outil performant, notamment dans la lutte antiterroriste.
Schengen mérite d’être conservé, amélioré, remodelé. La fin de Schengen, ce serait la fin de l’Europe ; en tout cas, son abandon aurait de graves répercussions économiques. D’après l’organisme officiel de prospective France Stratégie, cela entraînerait une baisse de la fréquentation touristique, une contraction du trafic de marchandises, une réduction des investissements étrangers. À terme, les échanges commerciaux de notre pays diminueraient de 11 %. La fondation Bertelsmann confirme que le PIB européen perdrait en une décennie au moins 470 milliards d’euros.
En dépit des dernières crises, Schengen conserve parmi la population une image largement positive. C’est même, juste après la paix, la réalisation concrète la plus appréciée des citoyens européens : 55 % d’entre eux y restent très attachés. C’est pourquoi il convient de maintenir et de renforcer cet acquis essentiel de la construction européenne, pour que s’instaure enfin ce grand espace de liberté, de justice et de sécurité.
En renforçant le système d’information Schengen, en donnant des moyens suffisants à Frontex, en appliquant efficacement le PNR, l’on confortera Schengen et l’on confortera aussi notre Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.
L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Discussion de la proposition de loi tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly