Le texte a triplé de volume depuis le début de son examen et aborde une grande variété de sujets, de la sécurité aux conditions sociales, en passant par la fiscalité et la lutte contre le terrorisme.
De toute évidence, un tel texte aurait mérité d’être soumis à l’avis du Conseil d’État et de disposer d’une étude d’impact. Sur un sujet de cette importance, cela aurait été un minimum. Nous savons tous, en effet, combien il est essentiel de nous doter d’une politique maritime ambitieuse et responsable, respectueuse des hommes et des ressources maritimes.
Nous devons aujourd’hui trouver des remèdes à l’effacement maritime français, à la dégradation de l’emploi et des conditions sociales des gens de mer, ainsi qu’à la dégradation des écosystèmes marins. Tous ces maux ont une origine commune : l’intensification de la concurrence internationale, la diminution des protections collectives, l’exploitation excessive des ressources.
Promouvoir une économie bleue supposerait de réconcilier croissance économique et gestion durable et d’adopter une vision transversale des enjeux. Le texte soumis à notre examen ne répond pas à cette préoccupation. Il vise essentiellement à accroître la compétitivité des activités maritimes en appliquant toujours la même recette : plus de libéralisme et moins de réglementation. En témoigne notamment l’élargissement du recours au registre international français, reconnu comme un pavillon de complaisance, alors que nous devrions au contraire promouvoir le premier registre, beaucoup plus protecteur pour les gens de mer.
Nous ne partageons donc pas la philosophie de ce texte. Nous sommes en particulier opposés à de nombreuses dispositions du titre Ier qui, sous couvert de simplification et d’efficacité, sont en fait des régressions du droit social.
Comme on pouvait s’y attendre, la droite sénatoriale a encore aggravé le texte et la rédaction finale issue de la commission mixte paritaire en porte les stigmates. Le nombre de contributions dont les armateurs sont exonérés est par exemple plus important : à l’assurance vieillesse s’ajoutent les allocations familiales et l’assurance contre le risque de privation d’emploi. Nous contestons la logique selon laquelle la suppression des contributions sociales serait un facteur de compétitivité favorable à l’emploi. C’est au contraire un facteur de déclin, dont les effets se font sentir depuis de nombreuses années dans tous les secteurs industriels. Nous savons tous que la marine marchande française, par exemple, est aujourd’hui menacée de disparition dans le contexte d’une concurrence internationale exacerbée.
Pour sortir de cette situation, doit-on continuer de sacrifier l’attractivité du pavillon français sur l’autel du dumping social ou, au contraire, oeuvrer à la conquête d’un haut niveau de sécurité et de normes sociales à l’échelle internationale ?
Concernant l’aquaculture, comment ne pas partager votre souci de voir cette filière se développer ? Faut-il pour autant faire fi des graves questions que soulèvent la pollution des océans et la destruction des milieux, quand on sait combien les côtes d’Écosse ou de Norvège ont souffert du développement d’une aquaculture uniquement soucieuse de compétitivité ?
Enfin, quant à l’assouplissement des règles de recours aux sociétés privées de sécurité, nous ne pouvons qu’y réaffirmer notre hostilité. La défense du territoire national maritime et la protection des navires français contre les actes de piraterie sont une responsabilité régalienne. L’État se doit d’assurer la sécurité de ses ressortissants par ses propres moyens de défense. Nous devons également pouvoir lutter contre la pêche illégale avec nos propres moyens de surveillance. La détection des dégazages sauvages et la lutte contre cette pratique nécessitent des moyens pour l’action de l’État en mer et pour les douanes.
Ces points fondamentaux fondent en grande partie notre position sur ce texte. Si la mer constitue un formidable gisement d’emplois et de ressources, l’urgence à nos yeux est de prendre le tournant du développement durable. Il faut par exemple favoriser un accroissement de l’intermodalité entre les différents modes de transports de marchandises. Les ports français doivent disposer des infrastructures permettant de poursuivre l’acheminement par train ou par voie fluviale des marchandises une fois que celles-ci sont débarquées.
Compte tenu des évolutions de ce texte, nous ne pouvons malheureusement que renouveler le constat des profondes divergences qui nous séparent. Votre proposition de loi s’attache à adapter notre cadre normatif à la satisfaction des appétits privés. Nous pensons quant à nous qu’il est plus que temps d’inventer la politique maritime de demain, en conjuguant efficacité économique, respect des hommes et protection de l’environnement. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.