Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, en février dernier, lors d’une séance de questions orales sans débat, j’avais interpellé Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales sur la possibilité de maintenir des communes associées au sein de communes nouvelles issues de la loi du 16 mars 2015. En effet, jusqu’à présent, la législation ne le permettait pas aux communes associées, issues de la loi Marcellin de 1971, qui souhaitaient participer à la constitution d’une commune nouvelle et dont au moins une demandait à conserver ce statut. Il se trouve que dans la troisième circonscription des Deux-Sèvres dont je suis l’élu, plusieurs communes se sont regroupées sous le statut de la fusion-association. Certaines sont dorénavant concernées par la création de communes nouvelles et souhaitent conserver leur statut de communes associées, devenues déléguées, condition que plusieurs d’entre elles avaient posée avant de s’engager dans le processus de création d’une commune nouvelle.
À ce moment-là, la réponse qui m’avait été faite par le Gouvernement confirmait l’impossibilité pour des communes associées, issues de la loi Marcellin, de voir leur statut maintenu en cas de création d’une commune nouvelle. Ni la loi du 16 décembre 2010, ni celle du 16 mars 2015 n’avaient pris en compte le statut des communes en fusion-association lorsqu’un projet de commune nouvelle était engagé sur un territoire doté de communes régies par la loi Marcellin de 1971. La volonté des élus de la commune de conserver leur identité propre dans le cadre d’une commune nouvelle avait alors été vraisemblablement sous-estimée.
De plus, rappelons que des divergences juridiques se faisaient jour entre l’Association des maires de France, AMF, et l’administration quant au maintien ou non de ces communes sous forme de communes déléguées au sein d’une commune nouvelle créée ex nihilo. Aussi cette proposition de loi du Sénat vient-elle clarifier cette situation et apporter une réponse claire aux communes en fusion-association souhaitant s’engager dans un processus collectif de création d’une commune nouvelle tout en sécurisant ce dispositif juridique. C’est donc un texte qui encourage au développement du regroupement communal. L’article 1er vient ainsi compléter l’article L. 2113-10 du code général des collectivités territoriales et permet qu’à la demande du conseil municipal de l’ancienne commune, résultant d’une fusion régie par la loi Marcellin, des communes déléguées puissent être instituées au sein de la commune nouvelle. Cet article permettra la création d’autant de communes déléguées que de communes associées, auxquelles s’ajoutera la commune chef-lieu.
Cette proposition de loi est aussi l’occasion de préciser les modalités de rattachement de la commune nouvelle à un établissement public de coopération intercommunale, EPCI, ainsi que le nombre de sièges attribués aux élus de la commune nouvelle au sein du conseil communautaire ou du syndicat mixte dont elle est membre.
Avec ce troisième texte de loi relatif aux communes nouvelles, il s’agit donc bien d’encourager le regroupement de communes afin que le service public de proximité s’organise de manière plus efficace, et que la démocratie locale continue à s’exercer sur nos territoires de la manière la plus partagée possible. Toutefois, le développement de communes nouvelles, en fonction des spécificités d’organisation des territoires, nécessitera peut-être de légiférer à nouveau pour en améliorer le fonctionnement. D’ores et déjà, même si ce texte n’était pas le plus adapté pour plaider le point que je vais développer, d’autres applications législatives et réglementaires peuvent poser question lorsqu’elles s’appliquent aux communes associées.
Il en est ainsi de l’application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, SRU, et de son article 55 dont les effets induits posent problème lorsque l’article s’applique à une commune associée dans le cadre d’une commune nouvelle ou issue de la fusion-association de la loi Marcellin. En effet, les mécanismes de calcul de la loi SRU, qui se basent sur la circonscription électorale communale plutôt que sur l’échelle des communes déléguées ou associées à titre individuel, font basculer ces communes à statut particulier dans une forme d’irrégularité, dès lors qu’elles sont intégrées dans un EPCI de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une ville de 15 000 habitants.
Elles sont alors considérées comme des collectivités n’assurant pas leurs engagements en matière de construction de logements sociaux sur le territoire communal pris dans son ensemble, bien que la commune chef-lieu de la commune nouvelle applique le taux en vigueur et que les communes associées prises individuellement ne soient pas dans l’obligation de souscrire à la loi compte tenu du nombre de leurs habitants. L’exonération de trois ans pour les nouvelles collectivités ayant été intégrées dans le dispositif SRU à la suite de l’application de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, NOTRe, a permis de prendre en compte les collectivités nouvellement concernées. Toutefois, la spécificité des communes associées est, me semble-t-il, oubliée. Il s’agirait de proposer une exonération des lois de 2010 et de 2015 pour les communes déléguées ou associées, au sein des communes nouvelles, ainsi que pour celles issues de la loi Marcellin, lorsqu’elles sont situées dans un EPCI de plus de 50 000 habitants.
Cette exonération viserait à ne pas les condamner à verser une amende au titre de l’article 55 de la loi SRU lorsque chaque commune déléguée ou associée, prise à titre individuel, qu’elle soit chef-lieu de la commune ou non, au sein de cette circonscription électorale, ne dépasse pas 3 500 habitants, et lorsque la commune chef-lieu qui compte plus de 3 500 habitants respecte bien, individuellement, les obligations légales quant au taux de logements sociaux locatifs par rapport à son parc de résidences principales.
L’exemple que je viens de citer montre qu’il sera nécessaire de clarifier à nouveau certains aspects législatifs, ce qui pourra vraisemblablement se faire dans le cadre de l’examen du projet de loi « égalité et citoyenneté », bientôt en débat dans notre assemblée. En effet, il serait paradoxal d’obliger ces regroupements communaux à construire des logements sociaux alors qu’aucun besoin n’est répertorié sur le territoire en question, et de demander aux organismes HLM de répondre à une demande injustifiée. Il serait tout aussi injuste d’appliquer à des communes en règle individuellement des pénalités lorsqu’elles sont régies par un cadre juridique à l’échelon d’une circonscription électorale.
Durant cette législature, l’Assemblée nationale a été très impliquée dans l’examen de textes tendant à restructurer les collectivités territoriales. Je plaide pour continuer les ajustements nécessaires à la réalité des situations territoriales au fur et à mesure des opportunités législatives, comme celle qui se présente à nous aujourd’hui.