Monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, la proposition de loi permettant le maintien des anciennes communes associées sous forme de communes déléguées en cas de création d’une commune nouvelle contribue au mouvement de fusion de communes en cours. Depuis le 1er janvier, la France des 36 000 communes n’est plus. Sous l’impulsion de la loi du 16 mars 2015, un millier de communes ont fusionné. La loi dont nous débattons permettra d’améliorer encore l’attractivité du dispositif de création de communes nouvelles. Ce dispositif doit en effet tenir compte des situations et des évolutions antérieures. C’est le cas pour les communes associées dont nous parlons. D’autres situations particulières devraient aussi être prises en compte ; c’est le cas des agglomérations à cheval sur plusieurs départements, voire plusieurs régions, qui subissent depuis plus de 200 ans une organisation administrative complètement inadaptée à leur réalité, qui freine aujourd’hui leur évolution.
Face aux difficultés pour regrouper les communes, la France a d’abord fait le choix de favoriser l’intercommunalité, au risque de créer des confusions. Ainsi, depuis quelques décennies, il y a confusion entre la nécessité de construire des intercommunalités, pour porter le développement économique et les grands équipements, et l’objectif de réduire le nombre de communes. Or les objectifs et les fonctions de ces différents échelons sont de nature différente.
Il est heureux que nous ayons poussé au regroupement d’intercommunalités autour d’une ville centre : cela permet de mieux structurer les compétences et de mieux organiser les territoires hors des grandes agglomérations. Mais contrairement à ce que je lis assez souvent sous la plume d’élus ruraux, l’agrandissement des intercommunalités ne pousse pas à la disparition des communes, bien au contraire. Agrandissement des communautés de communes et encouragement à la création de communes nouvelles vont de pair : l’un et l’autre représentent de nouvelles opportunités pour l’affirmation d’un niveau communal pertinent, en mesure de faire vivre, en particulier, une école publique. Je pense d’ailleurs que le niveau de regroupement de communes pourrait avoir comme objectif minimum, clairement affiché, de faire vivre une école.
En revanche, il manque dans notre travail législatif récent un volet qui reprécise les compétences communales ; cela contribue sans doute à créer le trouble. Nous avons transféré vers l’intercommunalité des compétences importantes comme celle de l’urbanisme, mais nous n’avons pas redit explicitement ce que nous attendions désormais du niveau communal, de la mobilisation des conseillers municipaux et des maires. Sans doute aussi, une partie de la technocratie française continue à parier sur la disparition des communes ; nous, législateurs, ainsi que le Gouvernement devons dire beaucoup plus explicitement notre engagement en faveur du maintien du niveau communal.
Certes la mise en oeuvre du temps d’activités périscolaires, TAP, réaffirme la fonction majeure du niveau communal dans l’objectif de l’éducation partagée entre différents acteurs – éducation nationale, territoires, familles et communes. Mais peut-être, faute d’explication suffisante et de moyens financiers, cela n’a pas été perçu de cette manière. En matière de sécurité, y compris civile – question d’actualité en cette période d’inondations –, la responsabilité communale doit être apparente et sans doute renforcée pour que nos concitoyens aient toujours le sentiment d’être protégés face aux risques de la vie et de la nature. La loi « égalité et citoyenneté » qui sera en débat très prochainement devrait également être une occasion de muscler les responsabilités communales, ce que le texte en l’état ne fait pas suffisamment, me semble-t-il.
Il serait très paradoxal en effet de disserter sur la démocratie participative et de rechercher des espaces nouveaux d’expression et d’engagement citoyen, mais de ne pas tenir compte des 520 000 conseillers municipaux bénévoles, et de tous ceux, beaucoup plus nombreux encore, qui font vivre le débat démocratique en se présentant devant les électeurs. La démocratie participative n’est pas l’addition de monologues, le forum permanent sans aucune portée décisionnelle. La démocratie municipale permet de déboucher sur la décision collective et sur l’action. Nous serions bien inspirés de travailler à la modernisation et à la pérennité de cette démocratie de proximité, pour éviter que les citoyens aient un sentiment d’abandon, d’éloignement, voire de technocratisation de la vie publique locale.
Cette proposition de loi contribue à faciliter l’engagement des communes issues du régime de fusion-association de la loi Marcellin dans un projet de commune nouvelle. Je souhaite que nous profitions de ce texte pour avancer également sur les communes nouvelles interdépartementales. Il me semble indispensable de faciliter la vie de ces communes, victimes d’un découpage administratif très artificiel qui date de 1790. D’ores et déjà, des intercommunalités sont organisées de façon interdépartementale, parfois depuis fort longtemps. Ainsi, le pays de Redon, situé à cheval sur trois départements et deux régions, est organisé de cette façon depuis quarante ans. Il nous semble qu’il est possible de prolonger cette démarche intercommunale au niveau interdépartemental en abordant les communes nouvelles au sein d’une agglomération existante. Il s’agit de prendre en compte une réalité vécue par la population et de donner à un territoire la capacité de contractualiser et d’aller plus loin dans ses projets de développement. Je reviendrai à cette idée dans le cadre d’un amendement.