Je suis responsable du Collectif des associations citoyennes du Val-d'Oise, qui mène des actions visant à favoriser le lien social, l'insertion professionnelle et l'accès aux droits. Dans le cadre de notre contribution à la Coordination Pas sans Nous !, nous avons travaillé sur le rapport Bacqué-Mechmache, qui a été le point de départ de la loi de février 2014 pour la ville et la cohésion urbaine.
D'abord, nous tenons à vous dire que nous ne cautionnerons pas cette mascarade : nous sommes contre ce projet de loi qui ne parle ni d'égalité ni de citoyenneté.
Quelques remarques générales sur le titre Ier, ensuite. Si l'on peut se féliciter que le mot « laïcité » n'apparaisse qu'une seule fois dans le texte, certaines expressions si belles soient-elles – « décrochage citoyen », « il s'agit de permettre à la jeunesse de vivre l'expérience de la République » – témoignent d'un jugement négatif porté sur la jeunesse des quartiers populaires et leur famille. Le projet comporte beaucoup d'idées apparemment généreuses, mais on ne voit pas comment elles pourront être mises en oeuvre sans un renforcement du service public de l'emploi et des missions locales, sachant que ce dernier supprime toutes les occasions de maintenir sa relation avec les demandeurs d'emploi en remplaçant ses agents par des automates à des fins d'économies budgétaires. Dans ces conditions, est-il possible de mettre en place un accompagnement adapté et gradué en fonction de la situation et des besoins de chaque jeune ? La même question se pose dans le domaine de la santé des jeunes et de leur accès à la prévention.
Si le service civique peut constituer une expérience intéressante pour les jeunes, le développement de ce dispositif ne va-t-il pas rendre encore plus difficile l'accès à un premier emploi ? Quelle place restera-t-il pour un premier emploi face aux stages et au service civique ?
L'article 8 du projet de loi prévoit que tout salarié, fonctionnaire ou agent public de l'une des trois fonctions publiques, membre d'une association dont l'ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l'article 200 du code général des impôts, régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, et qui est régulièrement élu pour siéger bénévolement dans l'organe d'administration ou de direction de celle-ci, a droit, sur sa demande, à un congé non rémunéré pour participer aux réunions de cet organe. L'objet de cette mesure est d'élargir un dispositif déjà existant pour tous les travailleurs quel que soit leur statut, pour mieux accompagner les besoins des associations – la prise de responsabilités électives –, sans ajouter un dispositif supplémentaire, ni modifier les modalités d'obtention déjà prévues par le droit. Le congé de formation d'animateurs devient un congé de formation et de responsabilités électives. L'aménagement d'un congé existant répond à une attente des organismes patronaux et salariés. Nous demandons d'élargir cette mesure à tous les membres participant au conseil citoyen de quartier, tel qu'instauré par la loi de février 2014. Nous demandons surtout que ce congé soit indemnisé pour que tous les salariés y aient réellement accès et n'y renoncent pas faute d'avoir les moyens de s'offrir un congé non rémunéré. Nous demandons également des garanties pour que les salariés qui demandent à bénéficier de ce droit ne soient pas sanctionnés par leur employeur – refus d'appliquer ce droit pour des raisons de service, promotion ralentie, voire supprimée, suppression d'emploi en cas de plan social.
L'article 14 crée, afin d'encourager les jeunes à s'engager au bénéfice du développement social, culturel et économique de la nation, un principe de validation au sein des formations supérieures des compétences, connaissances et aptitudes acquises par les étudiants à l'occasion d'activités extra-académiques, qu'il s'agisse d'un engagement bénévole, d'un engagement dans la réserve opérationnelle de la défense ou d'un engagement en service civique. La validation de ces compétences, connaissances et aptitudes au sein des formations supérieures contribue également à préparer les étudiants à leur insertion professionnelle. Si la proposition de valoriser l'engagement citoyen dans un livret de compétences valable pour les études semble une idée intéressante, pourquoi ne le valoriser que pour les formations supérieures ? Un livret de compétences devrait être créé pour les lycées et les collèges, où les jeunes sont en phase de socialisation et d'intégration dans la vie citoyenne.
Nous pourrions nous réjouir que l'article 35 institue comme priorité nationale l'amélioration de la maîtrise de la langue française dans les domaines de l'éducation, de la formation professionnelle et de l'intégration des étrangers séjournant régulièrement sur le territoire français. Mais pourquoi cette obligation est-elle liée aux événements tragiques de janvier 2015 et à la mobilisation républicaine qu'ils ont suscitée ? La question de l'appropriation des savoirs et de la maîtrise de notre langue commune, le français, porteuse des valeurs de la République, occupe une place centrale dans ce débat. Depuis de trop nombreuses années, des associations et organismes se battent pour que soient mises en oeuvre des formations linguistiques dont ils voient les moyens financiers se réduire. Comment accepter que leur développement ne soit lié qu'aux attentats ? C'est une injure faite aux habitants des quartiers populaires destinataires de ces formations.
Enfin, l'article 36 modifie la voie d'accès dite « troisième concours » pour lui redonner sa vocation sociale. Cette troisième voie est aujourd'hui ouverte à des candidats justifiant de l'exercice, pendant une durée déterminée, d'une ou plusieurs activités professionnelles, ou d'un ou de plusieurs mandats de membre d'une assemblée élue d'une collectivité territoriale ou d'une ou de plusieurs activités en qualité de responsable d'une association. Afin d'élargir les viviers concernés par cette voie d'accès, une nouvelle disposition prévoit que toute personne, quelle que soit la nature de l'activité professionnelle qu'elle a exercée ou exerce, peut candidater à cette troisième voie. C'était l'une des propositions du rapport Bacqué-Mechmache. Nous espérons que cet article résistera aux oppositions des syndicats de la fonction publique territoriale qui commencent à se manifester.
Le 08/07/2016 à 08:30, laïc a dit :
"Si l'on peut se féliciter que le mot « laïcité » n'apparaisse qu'une seule fois dans le texte,... "
Pourquoi ? C'est un gros mot, le mot "laïcité" ? Représente-t-il une atteinte à la nouvelle pensée unique que certains veulent imposer dans les cités, pensée unique qui veut que toute critique, toute censure de la religion soit un motif de rejet du citoyen libre penseur ? Pense-t-on promouvoir la République et l'intégration en se débarrassant une bonne fois pour toute de la laïcité et en laissant s'installer le communautarisme religieux dans les cités, et donc la peur de la religion et des religieux ?
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui