Intervention de Marie Trellu Kane

Réunion du 25 mai 2016 à 10h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté

Marie Trellu Kane, présidente d'Unis-Cité :

Depuis sa création en 1994, Unis-Cité a mobilisé environ 15 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans dans des missions d'engagement solidaire d'une durée de six à neuf mois. Elle l'a fait pendant dix ans sans cadre légal et sans financement de l'État, et, depuis dix ans, dans le cadre du service civil volontaire lancé en 2005, puis du service civique créé par la loi du 10 mars 2010. Parmi ces jeunes, 35 % sont de niveaux 5 et 6, donc plutôt des décrocheurs avant le bac ; et entre 20 % et 50 % résident dans les quartiers prioritaires. Pour nous, le service civique est une étape de vie et de mixité sociale, de brassage entre jeunes d'origines différentes – comme dans l'esprit de la loi de 2010.

Notre expérience a montré que le service civique est une belle forme d'engagement – un peu particulier car à temps plein et indemnisé pour tous les jeunes –, en particulier pour les jeunes qui ont rencontré des difficultés, notamment dans leur parcours scolaire, pour lesquels le service civique est une manière de rebondir et de retisser un lien avec la société. Nous devons donc collectivement rendre cette expérience de vie accessible à tous les jeunes, et pas seulement à ceux qui ont des compétences ou des qualifications intéressantes aux yeux des structures qui les accueillent.

Nous sommes favorables à la généralisation du service civique, ce qui permettrait justement de le rendre réellement accessible à tous les jeunes. Nous nous réjouissons que le projet de loi ne prévoie pas d'évolution du cadre légal de la loi de mars 2010 : il faut garder le principe d'une expérience de six à douze mois et indemnisée, car c'est cela qui fait la force du service civique et qui rend cette étape accessible aux jeunes un peu plus éloignés.

Par contre, il nous semble que le projet de loi devrait aller plus loin dans le cadre de la généralisation du dispositif.

D'abord, étant donné que le texte diversifie les structures d'accueil, il serait important de cadrer davantage les spécificités du service civique par rapport à l'emploi et aux stages, afin d'éviter les dérives évoquées par la représentante de l'UNEF. Nous suggérons que le texte renforce le caractère éducatif du service civique en précisant qu'il concerne des missions collectives de terrain auprès de la population – ces missions ne peuvent pas être des missions de soutien aux structures.

Ensuite, des journées de formation civique et citoyenne sont prévues par la loi de 2010, mais elles sont trop peu nombreuses et pas assez structurées. Il faudrait donc renforcer le nombre de jours de formation civique et citoyenne – qui pourraient être un complément de la journée défense et citoyenneté – pour les fixer à l'équivalent d'une journée par mois de service, par exemple. Il faudrait également prévoir une organisation de ces journées sous la forme de rassemblements territoriaux, éventuellement par délégation des préfectures accordée aux structures. Ces dispositions permettraient, là encore, de renforcer le caractère éducatif du service civique.

Par ailleurs, l'obligation pour la Nation, pour tous les acteurs – structures d'accueil comme services déconcentrés –, de rendre le service civique accessible à tous les jeunes constituerait un symbole fort. Nous suggérons que chaque structure ait l'obligation contractuelle vis-à-vis de l'État de contribuer à l'accessibilité du service civique pour les jeunes éloignés.

Autre point : la coconstruction, qui a fait la force du service civique par l'intermédiaire d'un comité stratégique prévu par la loi de 2010, devrait être déclinée au niveau territorial. Nous proposons la mise en place de cellules d'animation pour accompagner la généralisation qualitative du service civique.

Enfin, nous défendons l'idée d'un service civique inversé. En effet, les jeunes peuvent être force de proposition pour des missions, au lieu d'être récipiendaires des missions proposées par d'autres. Un certain nombre d'expérimentations ont été menées en ce sens. Un cadre légal un peu particulier pour cette forme d'engagement constituerait un autre moyen de généraliser le service civique – même si le modèle de financement actuel ne le permet pas.

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