Intervention de Aliza Bin-Noun

Réunion du 3 mai 2016 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Aliza Bin-Noun, ambassadrice d'Israël en France :

Se retirer de la Bande de Gaza ne fut pas une faute et nous sommes heureux de l'avoir fait, mais nous pensions légitimement qu'après ce retrait nos communautés vivraient en paix et en sécurité. Cela n'a pas été le cas ; l'an dernier seulement, 200 missiles sont tombés sur les communautés du Sud d'Israël. Quelle voix, dans la communauté internationale, s'est élevée contre ces agissements ? Aucune. De nos amis, nous attendons exactement cela : qu'ils disent que c'est inacceptable.

Daech n'est pas pour nous la menace principale. D'autres menaces sont malheureusement plus graves : le Hamas, organisation terroriste reconnue comme telle par l'Union européenne, à l'oeuvre dans la Bande de Gaza; les salafistes, dans le Sinaï et dans la Bande de Gaza ; le Djihad islamique dont les émissaires sont en ce moment même en visite en Iran où ils sont allés chercher les moyens qui lui permettront de renforcer l'Intifada à Jérusalem et ailleurs en Israël. Daech est une menace tant qu'il se renforce dans la Bande de Gaza, mais le phénomène est encore très contenu ; pour le moment, Daech n'est pour Israël qu'une menace potentielle.

Israël et les Palestiniens se renvoient la responsabilité de la situation, avez-vous dit. Mais comme pour danser le tango, il faut être deux pour parvenir à un accord de paix. Il ne faut pas chercher des coupables mais être conscient que l'incitation à la haine n'aide en rien, ni l'encouragement au terrorisme. La réalité, je le répète, c'est qu'un homme politique israélien appelle son interlocuteur palestinien à venir négocier et que celui-ci refuse.

Dans une barrière de sécurité longue de 250 kilomètres, le mur de séparation est lui-même long de 8 kilomètres. Il était indispensable de l'édifier après la seconde Intifada, et la décision prise en ce sens était bonne puisque la clôture a eu pour effet de réduire le nombre des attentats terroristes et, en corollaire, de renforcer la sécurité des Israéliens. Je rappelle qu'il y a dix ans, de nombreux attentats visaient des autobus. Vous avez mentionné, madame la présidente, l'explosion d'un autocar, il y a une semaine, à Jérusalem ; heureusement, il n'était pas très rempli. La condamnation de cet attentat par le Gouvernement français était très encourageante.

Je pense qu'un rapprochement est possible entre Israël et les pays musulmans modérés. Nous considérons les pays du Golfe comme des pays modérés, menacés par l'Iran comme nous le sommes. On peut tenter de parvenir à un certain dialogue et à une reconnaissance. Il existe ici et là des liens économiques dont on ne parle pas beaucoup entre Israël et les pays modérés du Moyen-Orient. Notre coopération en matière de sécurité est très bonne avec l'Egypte – car nous affrontons les mêmes menaces au Sinaï – et avec la Jordanie, deux pays avec lesquels nous avons conclu un traité de paix. Il serait bon que nos relations avec les pays du Golfe s'améliorent ; j'espère qu'il en sera ainsi.

Je me rappelle précisément qu'à une certaine époque, tout ce qui se produisait au Moyen-Orient était artificiellement attribué au conflit israélo-palestinien. Quels que soient les événements au Yémen, en Irak, en Iran, au Pakistan, en Afghanistan, on les liait au conflit israélo-palestinien. Personne ne peut dire aujourd'hui que ce qui se passe en Syrie ou en Égypte a un lien avec les relations entre Israël et les Palestiniens, et j'espère que l'on n'accuse pas Israël d'être à l'origine de tous les conflits qui agitent le Moyen-Orient.

Nous avons bien entendu suivi les élections en Iran. Certes, le camp des réformistes s'est renforcé mais, avant-hier encore, Ali Khameini a affirmé que les États-Unis sont le plus grand ennemi de l'Iran, et Israël son ennemi en second. Même si les réformistes ont pris du poids à Téhéran, ce sont toujours les extrémistes, Ali Khameini et les Gardiens de la Révolution, qui ont le pouvoir en Iran, lequel est tout sauf un pays démocratique. Israël sera très heureux si le régime iranien se réforme mais, pour le moment, la menace que représente l'Iran pour notre pays demeure inchangée.

Je suis parfaitement consciente de ce que représente la barrière de sécurité à Beit Jala. Tout ce qui se passe dans ce village et en Cisjordanie découle directement de l'insécurité dans notre région. Il est regrettable qu'il ait fallu construire ce mur. Cela a suscité de nombreuses protestations en Israël même, et la question a été portée devant la Cour suprême, qui a autorisé la construction de la barrière, tout en donnant à la population de Beit Jala la possibilité de passer pour aller cultiver ses champs. Je ne prétends pas que la situation soit idyllique ni que des gens, où qu'ils soient, doivent vivre dans de telles conditions. Mais la contrainte de sécurité est réelle et nous devions trouver une solution. Comme on l'a vu à Berlin, un mur de séparation peut être détruit, mais il faut pour cela que les conditions qui le permettent soient réunies.

L'Espagne, la Slovénie et la Suède ont voté en faveur de la résolution du Comité exécutif de l'UNESCO, c'est exact ; mais l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont voté contre, et l'Italie s'est abstenue. Encore une fois, le vote de la France n'a pas été considéré comme un geste amical en Israël.

Je ne conclurai pas sans quelques mots optimistes. On ne doit pas analyser les relations franco-israéliennes, qui sont bonnes, sous le seul prisme du conflit israélo-palestinien. Ce sont des relations historiques, la communauté juive française est chère à la France comme elle l'est à Israël, nous avons des liens économiques et culturels, des valeurs partagées et des intérêts communs. Autrement dit, les relations entre nos deux pays sont beaucoup plus significatives que les malentendus liés au conflit israélo-palestinien. Nous devons les développer encore et, par exemple, favoriser les visites croisées. Les membres de votre commission pourraient ainsi se rendre en Israël pour y rencontrer leurs homologues. Je suis aussi très favorable aux échanges entre les jeunes, qu'il faut encourager. Un grand potentiel existe, et je puis vous promettre que pendant les quatre ans que durera ma mission, nous investirons beaucoup d'énergie pour renforcer les relations bilatérales.

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