Intervention de Philippe Tisserand

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers, FNI :

Nous partageons votre constat. Si elle ne faisait que se substituer à l'hospitalisation traditionnelle – plein temps hôpital –, l'hospitalisation à domicile aurait un sens. Ce n'est pas le cas, puisque des patients sont placés en HAD, alors qu'ils n'en relèvent pas car leur cas est trop léger.

Historiquement, 60 % des lits en HAD étaient occupés par les cas de post-partum physiologique uniquement parce que les couches étaient fournies – n'ayons pas peur de mots… L'Assurance maladie a pris des initiatives pour éviter que l'HAD soit érigée en industrie nouvelle et ne devienne une porte de sortie obligatoire de l'hôpital. Mais cette tendance se renforce, avec l'annonce de la ministre du doublement des lits en HAD.

Les infirmiers libéraux peuvent faire beaucoup hors HAD, et ils le font depuis le virage ambulatoire entamé voilà plus de vingt ans – avec de nombreuses perfusions réalisées à domicile pour des chimiothérapies –, et ce sans problème de sécurité. Cette évolution a été possible, non grâce aux organisations et aux systèmes, mais grâce à l'émergence de nouvelles techniques : pour la perfusion, c'est la chambre implantable pour perfusions. Dans ce contexte, l'HAD ne fait que rajouter de la coordination purement administrative.

Les infirmiers libéraux ont le sentiment que les critères d'inclusion en HAD rejoignent de plus en plus la nomenclature générale des actes professionnels infirmiers, par exemple concernant les « pansements complexes ». En HAD, l'infirmier fait la plupart du temps le pansement complexe au prix de la nomenclature – où va le reste ? Et Mme Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (FNEHAD) conteste les tarifs opposables à la sécurité sociale : elle voudrait descendre en dessous des tarifs de la sécurité sociale…

Nous avons publié le coup de gueule d'une infirmière libérale du Vaucluse, intitulé « Comment se faire jeter comme un Kleenex par l'HAD », où elle témoigne de la façon dont sa patiente a été prise en charge par l'HAD contre sa volonté au moment même où celle-ci requiert une prise en charge beaucoup plus légère. Sur les réseaux sociaux, beaucoup d'infirmières ont confirmé connaître ce genre de situation.

Dans son rapport de 2015 sur l'hospitalisation à domicile, la Cour des comptes a constaté l'existence d'étude médico-économique comparant l'HAD à l'hospitalisation complète, tout en regrettant l'absence d'étude comparative de ce type entre l'HAD et les soins de ville. C'est mal connaître les productions des professionnels. En effet, mon syndicat et le Syndicat national des prestataires de santé à domicile (SYNALAM) ont commandé en 2011 au cabinet Jalma une étude comparant le coût global d'une perfusion pour chimiothérapie selon trois modes de prise en charge : hôpital de jour, hospitalisation à domicile, et professionnels libéraux. Il ne s'agit pas d'une étude réalisée par les pouvoirs publics mais son auteur s'est identifié : il s'agit de Jean-Marc Aubert, directeur délégué à l'offre de soins de la Caisse nationale d'assurance maladie. Cette étude médico-économique, qui prend en compte les frais des prestataires de santé, les honoraires infirmiers, les consultations du médecin généraliste, le transport sanitaire et la biologie, montre que la prise en charge libérale est 60 % moins chère que l'hôpital de jour et 40 % moins chère que l'hospitalisation à domicile. Je tiens cette étude à votre disposition.

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