Intervention de Philippe Tisserand

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers, FNI :

J'ai été très étonné de vous entendre dire que nous faisons de la coordination sans rémunération. L'avenant n° 3 à la convention nationale des infirmières et infirmiers libéraux a inscrit une nouvelle lettre clé « majoration de coordination infirmière » qui s'applique, dans un premier temps, aux pansements complexes et aux soins palliatifs. C'est une avancée majeure.

Pourquoi l'Assurance maladie a-t-elle négocié avec les syndicats infirmiers cette majoration de coordination – qui a coûté beaucoup plus cher que prévu initialement pour des raisons de volumes ? Sans trahir les propos du directeur général de l'UNCAM à l'époque, il nous avait été dit très clairement que l'Assurance maladie voulait mettre un frein au développement non contrôlé de l'HAD. Frédéric Van Roekeghem avait eu le même problème avec les soins de suite et les centres de rééducation, face auquel la solution avait été de les mettre sous entente préalable – mais le lobby de l'HAD est tel que l'Assurance maladie n'a pas eu le pouvoir de faire. Elle a donc préféré négocier avec les syndicats infirmiers une majoration de coordination sur les pansements complexes et les soins palliatifs afin de rendre ces prises en charge suffisamment attractives pour les infirmières et les amener à s'en emparer pour concurrencer naturellement l'HAD !

Vous évoquez, madame la rapporteure, la difficulté à trouver une infirmière. C'est vrai, car tout le monde n'a pas une infirmière de famille. Mais l'Assurance maladie a trouvé une solution en proposant le « programme d'accompagnement au retour à domicile après hospitalisation » (PRADO), ce qui évite les orientations vers des soins de suite inadaptés. Le premier PRADO mis en place a concerné le post-partum – à l'époque où 60 % de l'HAD portait sur le post-partum physiologique, ce qui a coûté un pognon montre ! Le deuxième PRADO a été proposé pour les suites d'une intervention en chirurgie orthopédique ; il évite des orientations systématiques en soins de suite et de réadaptation pour des prothèses de hanche dont les patients n'ont pas besoin. Un troisième programme est maintenant accessible pour les patients souffrant de problèmes cardiovasculaires. Le principe du PRADO est simple : un conseiller de l'Assurance maladie propose au patient un accompagnement personnalisé avec les praticiens libéraux de son choix – infirmière, kinésithérapeute, etc. –, mais si le patient n'a pas de praticiens libéraux habituels, le conseiller peut lui en proposer en consultant le répertoire Ameli qui comporte la liste de tous les professionnels avec leurs adresses.

Il serait dommage que, demain, la chirurgie ambulatoire soit prise en charge en HAD. En 2015, la première prothèse totale de hanche a été réalisée en chirurgie ambulatoire grâce au projet monté par des infirmiers libéraux en Picardie : le patient a pu regagner son domicile en fin d'après-midi après l'intervention le matin, et il a été pris en charge par une équipe purement libérale. Depuis, les chirurgiens jouent le jeu et dépassent même la liste des interventions éligibles à la chirurgie ambulatoire tant ils se sentent sécurisés : l'infirmière libérale prend en charge les patients le soir même, et plus aucun patient sorti à dix-sept heures ne revient à l'hôpital à vingt-trois heures parce qu'il a mal ou qu'il a peur.

Bref, les solutions existent – il n'y en a pas une, mais plusieurs. Nous avons des outils, certes perfectibles – il faut rajouter un peu de traçabilité. De belles expérimentations ont été menées : il faut les modéliser en s'affranchissant des considérations idéologiques : le doublement des lits en HAD ne réglera pas le problème de la coordination !

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