Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 6 juin 2016 à 17h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Présentation commune

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, présenté par Michel Sapin, comporte en effet plusieurs mesures qui ont vocation à permettre au plus grand nombre de saisir les nouvelles opportunités économiques.

Notre pays dispose d’intelligence, de créativité, de volontés de produire et de s’engager. Pourtant, les Français, dans leurs activités économiques, manquent bien souvent de liberté, d’autonomie, de possibilités d’accès aux opportunités. Et ceux qui en manquent le plus, il faut le rappeler ici, ce sont souvent les plus jeunes, les moins bien formés, les personnes sans emploi depuis le plus longtemps, les habitants de certains quartiers, ceux qui vivent dans la France de la périphérie des métropoles. Toutes ces catégories n’ont ni représentant, ni porte-parole, ni défenseur pour dénoncer les injustices qu’ils subissent au quotidien. Force est de constater que nos concitoyens ne sont pas tous égaux pour tirer parti de leurs talents en étant capables d’agir et d’entreprendre. Si tous veulent réussir, certains en sont empêchés. Si tous veulent y arriver, mais beaucoup sont découragés. Il y a donc bien une France qui vit chaque jour l’inégalité des chances.

Les mesures législatives insérées dans ce texte procèdent d’une conviction commune : nous pouvons ensemble lever une série de blocages très concrets et notre action redonnerait à des millions de Français des opportunités réelles, des libertés réelles, de l’égalité réelle.

Plusieurs mesures cruciales figurent déjà dans le projet de loi pour une République numérique, en vue de faciliter l’usage des données comme ressources économiques, d’accélérer la numérisation des transactions, de favoriser le développement d’activités nouvelles et de soutenir l’investissement productif. Comme l’a rappelé Michel Sapin, les lois financières s’inscriront dans la même logique, avec notamment le lancement du compte épargne-investisseur.

La grande transformation économique à l’oeuvre dans notre pays nous invite d’abord à nous assurer que les personnes peu qualifiées soient en mesure d’accéder à des emplois, notamment aux activités indépendantes. En effet, le taux de chômage en France est le miroir des inégalités que je viens d’évoquer : pour les moins qualifiés, il est aujourd’hui supérieur à 16 %, car l’accès à l’emploi leur est plus difficile. L’une des clefs, c’est de développer le travail indépendant, non pas comme un substitut au salariat mais comme une voie complémentaire permettant aussi de sortir du chômage. Si nous parvenions à créer autant d’emplois non salariés que dans les autres pays européens, nous pourrions créer 2 millions d’emplois. Il y a donc une voie à suivre pour combler cette perte d’opportunités pour l’économie française.

On a eu trop tendance, en France, à penser qu’en dehors du contrat à durée indéterminée et de l’intégration dans une entreprise ou dans la fonction publique, il n’y avait rien. C’est faux. Développer le travail indépendant, c’est permettre aux Français de choisir, c’est donner les moyens y compris aux personnes les moins bien armées, à celles à qui le système n’a pas permis d’accéder à des qualifications, de trouver un emploi ou parfois de créer leur propre emploi. Ceux, nombreux, qui mènent déjà une activité indépendante, pourront désormais la poursuivre sous une forme régulière puisqu’ils auront dorénavant la capacité d’accéder à certaines activités de services.

Cette grande transformation implique aussi de forger un autre modèle de croissance, centré sur l’innovation, car innover est désormais la voie prioritaire pour prospérer. À cet effet, il faut transformer notre modèle de financement. C’est pourquoi nous devons améliorer la capacité des jeunes entreprises à trouver plus facilement les investisseurs qui leur permettront d’acquérir une taille internationale. Ainsi, nous redonnerons aux Français des opportunités réelles, en créant de l’emploi et en leur permettant d’innover.

La méthode retenue a d’abord été celle du dialogue avec les différentes professions concernées. Avec Martine Pinville et Axelle Lemaire, nous avons ainsi essayé de dégager des compromis sur les réformes souhaitables. Ensuite, nous nous sommes appuyés sur des travaux d’experts, notamment le rapport de Mme Catherine Barbaroux, présidente de l’ADIE – Association pour le droit à l’initiative économique –, intitulé « Lever les freins à l’entrepreneuriat individuel », dont ce projet de loi reprend fidèlement les préconisations. Enfin, au stade de la discussion parlementaire, nous avons donné toutes ses chances à un dialogue approfondi entre le Gouvernement et la représentation nationale. À cet égard, je tiens à remercier particulièrement la présidente et le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Mme Massat et M. Potier, pour le travail conduit ces dernières semaines et ces derniers jours avec les professions, sur un sujet éminemment sensible mais extrêmement important.

Ces mesures s’articulent autour de trois axes.

En premier lieu, elles visent à faciliter la création et le développement d’activités et d’emplois par les travailleurs indépendants. Elles prévoient ainsi de réformer notre système de qualifications professionnelles.

Le but est de soutenir les personnes éloignées du marché du travail, notamment celles qui ne sont pas titulaires de titres de qualification et souhaiteraient exercer légalement des emplois qui leur sont fermés. Il ne s’agit pas, comme j’ai pu le lire ou l’entendre encore récemment, de revenir sur les qualifications pour l’accès à ces métiers. Il faudra toujours un CAP pour être électricien ou boulanger et un brevet professionnel pour ouvrir son salon de coiffure. Néanmoins, pour plusieurs de ces professions, il fallait mieux prendre en compte la réalité, c’est-à-dire la valorisation des acquis de l’expérience. Ce texte le permettra, en suivant l’accord trouvé avec des professionnels – comme les coiffeurs, pour ne citer qu’eux – décidés à moderniser leur secteur.

Depuis la loi de 1996, le périmètre des métiers s’était élargi, sous l’effet de l’intégration d’activités périphériques, créant à des sortes de barrières à l’entrée : des tâches annexes à ces métiers étaient devenues inaccessibles aux moins qualifiés. Ainsi ont été créées sur vos territoires, ces dernières années, 10 000 ongleries, dont le statut juridique est éminemment incertain. En toute rigueur, un CAP d’esthéticien devrait être requis, mais ce n’est pas le cas. Cette incertitude pourrait nous conduire à les fermer ; nous créons au contraire un cadre pour pérenniser leur activité.

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