Sur le fond, je ne répéterai pas ce que MM. les ministres ont exposé mieux que je ne saurais le faire mais me bornerai à présenter les principales avancées résultant du texte adopté par la commission des lois.
D’abord, la commission des lois a donné un nom au service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption : Agence française anticorruption, ou AFA. Je tiens à saluer la présence, ce soir, d’une délégation du SCPC, le service central de prévention de la corruption.
J’ai aussi souhaité que soient renforcées les garanties d’indépendance de son directeur et de son personnel, en rendant inamovible le magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire nommé à la tête de cette agence, sauf démission expresse ou empêchement, et en soumettant le personnel de l’agence à l’interdiction de recevoir des instructions et à l’obligation de respect du secret professionnel, formellement déjà prévues pour le directeur.
À mon initiative, les missions de l’AFA ont été complétées par la réintroduction d’une procédure d’avis ou d’expertise sur demande des magistrats, comme elle était déjà prévue, monsieur le ministre, dans la loi dite « Sapin I ».
En outre, l’AFA élaborera une véritable stratégie nationale de lutte contre la corruption.
À la demande de nos collègues de l’opposition, nous avons étendu aux établissements publics industriels et commerciaux l’obligation de prévention et de détection des risques liés à la corruption.
Dans le souci de prévenir d’éventuels conflits d’intérêts, la commission a également imposé des obligations déontologiques aux experts, personnes ou autorités qualifiées auxquels peut recourir l’agence dans la mise en oeuvre de la peine de mise en conformité.
Par ailleurs, je suis heureux que la commission ait renforcé les dispositions réprimant les atteintes à la probité, en rendant obligatoire la peine complémentaire d’inéligibilité pour certains manquements à la probité, en créant des circonstances aggravantes, comme l’agissement en bande organisée ou l’interposition d’une structure offshore, pour l’ensemble des manquements au devoir de probité, et en permettant l’utilisation des techniques de surveillance, d’infiltration et d’écoute judiciaires pour les délits d’atteinte à la probité qui le nécessitent.
La commission des lois a également introduit, sur la proposition de notre collègue Sandrine Mazetier, une convention judiciaire d’intérêt public – chaque mot compte. Cette procédure doit permettre, sous le contrôle du juge et avec de fortes garanties de publicité, de conclure un accord avec les personnes morales mises en cause pour des délits d’atteinte à la probité. Cet accord prévoirait, en échange de l’abandon des poursuites, le versement d’une amende pénale et le suivi d’un programme de mise en conformité avec les obligations anticorruption.
Sur la suggestion de son rapporteur, la commission a également introduit sept nouveaux articles, qui donnent un statut aux lanceurs d’alerte, traduisant les préconisations de la récente étude du Conseil d’État sur le sujet.
Je le répète, elle a également adopté, après l’avoir modifiée, une proposition de loi organique relative à la compétence du défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte.
Le champ étant entièrement neuf, ces dispositions ne constituent qu’un socle de départ ; il nous appartiendra de les compléter et de les faire évoluer au cours de nos débats. Je serai d’ailleurs très ouvert aux suggestions des uns et des autres, dès lors que le principe d’un socle commun de droits, impliquant la disparition des articles épars des articles votés ces dernières années, ne sera pas remis en cause. Là où nous devons et pouvons nous retrouver, et j’y serai attentif, c’est sur la protection des lanceurs d’alerte car c’est une exigence démocratique.
S’agissant du répertoire des représentants d’intérêts, je me félicite qu’après le registre de transparence européen et les registres de l’Assemblée nationale et du Sénat, le pouvoir exécutif se dote à son tour, sur votre initiative, monsieur le ministre, d’un dispositif permettant de faire la lumière sur le lobbying, sous le contrôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP. La commission des lois, en sachant utilement dépasser les clivages politiques, a fait sienne cette démarche et l’a notablement approfondie : elle a élargi la définition du représentant d’intérêts et ouvert la voie à la création d’un répertoire unique, commun au Parlement et au pouvoir exécutif, conformément d’ailleurs à ce qu’avait souhaité, dès l’automne dernier, le Président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone. Des amendements présentés en ce sens par M. David Habib, vice-président de l’Assemblée nationale, président de la délégation du Bureau chargée des représentants d’intérêts et des groupes d’études, ont été adoptés par la commission.
Celle-ci a également – j’y tenais beaucoup – étendu le périmètre du futur répertoire aux activités de représentation d’intérêts exercées auprès des collectivités territoriales, comme y invitait du reste le Conseil d’État.
Elle a de plus enrichi les informations que devront fournir les représentants d’intérêts.
Elle a enfin renforcé les pouvoirs de contrôle et de sanction de la HATVP – et je vous proposerai, à cet égard, d’aller encore plus loin.
Je laisserai les rapporteurs pour avis détailler les mesures saillantes relatives à la modernisation de la vie économique.
S’agissant du reporting des entreprises, il convient de commencer par souligner que des avancées notables ont déjà été réalisées par notre majorité : un reporting pays par pays public pour les établissements bancaires dans la loi de 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires ; un reporting pays par pays, également public, pour les activités d’extraction minière en 2014 ; un reporting pays par pays au profit des administrations fiscales, dont nous avons, en commission, abaissé très significativement le seuil. Et oui, lors de ces débats, nous irons au-delà, avec un reporting public par pays, dont il nous incombera de définir ensemble le périmètre exact.
Nous avons aussi fait oeuvre utile, je crois, en matière de rémunération des dirigeants, en introduisant une nouvelle procédure d’approbation préalable et contraignante des rémunérations des dirigeants des entreprises cotées par l’assemblée générale des actionnaires, c’est-à-dire par les propriétaires de l’entreprise.