Intervention de Olivier Marleix

Séance en hémicycle du 6 juin 2016 à 17h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix :

Ensuite, ce projet de loi vient au mauvais moment, parce que l’on ne peut s’empêcher d’observer que, dans le contexte pour le moins tendu des discussions – ou de l’absence de discussions – relatives à la loi travail, vous avez vu, avec ce texte, la possibilité de donner des gages et de tenter de reconstruire une majorité autour de cette vieille idée, certes un peu mal en point : l’ennemi, c’est la finance.

Il est regrettable que, s’agissant d’enjeux si importants, sur lesquels il aurait été plus intéressant de chercher à construire un consensus national, ces considérations moins élevées semblent l’emporter, avec, du coup, un texte qui a beaucoup évolué en commission sur des points clés mais sans véritable analyse.

En premier lieu, le groupe Les Républicains ne peut, par principe, qu’être favorable à l’Agence française anticorruption, créée par ce projet de loi.

Il est grand temps en effet, pour la France, de se doter d’une agence digne de ce nom pour lutter contre la corruption, d’abord pour lutter contre la corruption sur notre territoire, auprès de nos entreprises, mais aussi, et peut-être surtout, pour combattre à armes égales avec d’autres puissances étrangères – fussent-elles amies –, qui disposent de puissantes agences anticorruption n’hésitant pas à infliger des amendes colossales à nos entreprises, avec d’autant moins de vergogne qu’elles soutiennent, à bon droit, que la France n’entreprend aucune action en la matière. Au total, depuis une quinzaine d’années, ce sont près de 15 milliards d’euros d’amende dont ont écopé des entreprises françaises comme BNP, Total, Alcatel, Alstom, de la part du seul Department of Justice américain.

Les enjeux de la lutte contre la corruption, dont il est question ici, sont donc presque exclusivement des enjeux transnationaux, décrits avec beaucoup de précision et d’éloquence par notre collègue Pierre Lellouche, lors de notre réunion de commission. Or que faites-vous dans ce texte ? Vous construisez, je le crains, une agence très franco-française, très centrée sur nos propres entreprises et, de par sa culture, assez peu tournée vers les enjeux internationaux.

Tout d’abord, l’article 1er du projet de loi dispose que l’agence est placée sous la double tutelle du ministère du budget et du ministère de la justice. Toutefois, en réalité, dans sa composition, rien ne reflète cette double culture : elle est présidée par un magistrat et la commission des sanctions est composée de six autres magistrats.

Pour une plus grande efficacité, il faut vraiment trouver les moyens de donner à l’agence ce double ancrage : d’une part judiciaire, d’autre part économique et financière. La commission des sanctions gagnerait, par exemple, à être élargie à des personnalités économiques, connaissant le monde de l’entreprise en France et à l’international, sur le modèle du collège de l’Autorité des marchés financiers. L’agence n’en serait que plus crédible, alors que les affaires de corruption ont le plus souvent un caractère transnational.

S’agissant des moyens, ensuite, l’étude d’impact estime à soixante à soixante-dix personnes les besoins d’effectifs pour réaliser l’ensemble des missions confiées à l’agence. Quand on sait que le nombre de magistrats, en France, a baissé entre décembre 2015 et décembre 2012, on peut être dubitatif : cette agence sera-t-elle suffisamment prioritaire pour que ces postes lui soient effectivement accordés ?

Et, même si ces postes lui étaient accordés, ils peuvent sembler encore bien insuffisants pour remplir les très, très nombreuses missions que vous lui assignez – je ne vais pas toutes les rappeler, elles figurent dans le projet de loi.

À titre de comparaison, votre étude d’impact indique que l’agence italienne, qui « dispose de prérogatives de même nature que le futur service, rassemble 350 collaborateurs, répartis dans vingt-cinq bureaux ». En Grande-Bretagne, les effectifs du Serious Fraud Office – un nom qui en dit déjà long sur les priorités – sont similaires : il emploie 380 agents permanents et élargit encore son personnel lorsqu’il travaille sur de grosses affaires.

Comment notre agence, avec ses soixante-dix agents dans le meilleur des mondes possible, pourrait-elle donc prétendre suivre les transactions internationales des plus grandes entreprises du monde, tout en vérifiant et contrôlant ce qui est fait à la mairie d’Argenton-sur-Creuse – ou celle d’Anet, pour ne discriminer personne – en matière de lutte contre la corruption, puisque les communes feront partie de ses cibles ?

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