Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 6 juin 2016 à 17h00
Transparence lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Il devient beaucoup plus difficile de conserver la décence commune.

Pour l’immense majorité des gens dont les revenus restent proches des valeurs médianes, la décence commune existe non pas en raison d’une condition sociale, mais des conditions d’existence, lesquelles se heurtent en permanence au réel, à l’autre, rendant impossible de vivre tel Narcisse, comme un éternel adolescent capricieux.

Les excès d’un libéralisme sans limite rendent de moins en moins acceptables, aux yeux des élites, les interventions du peuple. Les individus, les citoyens doivent être réduits à leur statut de consommateur, disait la Commission trilatérale au début des années 1970. Pour que l’économie de marché fonctionne à plein régime, il faut que la société de marché aboutisse à une apathie généralisée, l’économie et la politique étant des sciences trop compliquées pour le peuple. À la pacification des sociétés obtenue d’une telle façon, je crois qu’il ne faut surtout pas se fier.

S’agissant des revenus indécents et absurdes, je crois, comme le candidat François Hollande, qu’une société a le droit, et même le devoir, de fixer une limite à l’ampleur de l’éventail des rémunérations.

Nous comptons sur nos débats pour avancer sur cette question, de même que sur d’autres, et nous avons, pour ce faire, déposé des amendements.

Pour la protection des consommateurs, nous souhaitons ainsi clarifier les règles relatives au devoir d’information des banques à l’égard de leurs clients lorsqu’elles prélèvent des commissions d’intervention sur les comptes de dépôt. Cette information doit être transmise au préalable, au moyen d’un support distinct du relevé bancaire ; cette obligation figure dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires de juillet 2013, mais elle n’est majoritairement pas appliquée, ce qui est sans conséquence pour les banques, mais pas pour les clients. Il est nécessaire de prévoir des sanctions.

S’agissant toujours de nos amies les banques, plusieurs facturent à leurs clients l’obligation légale d’informer chaque année la personne qui s’est portée caution du montant du principal et des intérêts : commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation de garantie. Nous proposons de prohiber la facturation de cette obligation légale.

Nous proposons aussi plusieurs mesures sur le crédit affecté, pour éviter que le consommateur se trouve engagé à ce titre sans en avoir conscience.

S’agissant des articles dont la commission des affaires économiques était saisie, ma collègue Jeanine Dubié a défendu une quinzaine d’amendements, dont trois ont été votés et plusieurs satisfaits.

Dans l’agriculture, on tâtonne depuis des années sur la question du prix à payer à nos paysans pour nos productions agricoles. Contractualisation, Observatoire de la formation des prix et des marges, structuration des interprofessions : autant de tentatives utiles, mais qui n’ont pas encore permis d’inverser la grande tendance de fond qu’est la captation de la valeur ajoutée par la grande distribution et par l’industrie agroalimentaire.

Le pouvoir de négociation des acteurs est trop déséquilibré, en défaveur de nos paysans. Nous devons rétablir l’équité dans les relations commerciales. La commission des affaires économiques a prévu de renforcer cet aspect du projet de loi, mais nous sommes encore loin du compte et il faudra faire mieux en séance publique.

S’agissant enfin de l’artisanat, nous constatons des blocages et demandons une plus grande fluidité, une plus grande simplicité, mais nous voulons aussi défendre la nécessité d’une qualification.

En ce qui concerne le maintien du stage préalable à l’installation – le SPI – comme le maintien de qualifications professionnelles, par exemple dans certains métiers du bâtiment, nous devons être vigilants : ne prenons pas le risque de basculer dans une ubérisation mal maîtrisée, dont les conséquences sociales, économiques et fiscales seraient préjudiciables.

En conclusion, un beau programme nous attend cette semaine. Nos concitoyens attendent que nous soyons à la hauteur des enjeux. Avec ce texte, nous avons les moyens de leur apporter des réponses fécondes pour améliorer leur vie quotidienne. Certes, deux écueils nous guettent : l’irénisme – non au sens religieux, mais au sens laïc du terme – et la présomption. Mais nous pouvons aussi amorcer des réflexions sur les thèmes complexes et ouvrir des chemins avec une volonté commune. C’est sans doute ce que l’on peut appeler l’esprit réformiste.

Dans cette perspective, nous formons le voeu que nos débats se déroulent dans la bienveillance, sur tous les bancs – y compris celui du Gouvernement –, afin de parfaire ensemble ce texte dans le sens de l’intérêt général.

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