Je souhaite revenir sur la définition du lanceur d’alerte telle qu’adoptée par notre Assemblée très tardivement hier soir, à l’article 6 A. En effet, cette version diverge de celle adoptée en commission des lois et soulève chez nous bien des interrogations. J’aimerais avoir l’avis du rapporteur et celui du ministre sur les points que je vais soulever, en les remerciant par avance pour leur réponse.
La définition finalement retenue permettra-t-elle de couvrir des cas similaires à celui d’Antoine Deltour, le lanceur d’alerte de l’affaire LuxLeaks ? Nous avons beaucoup de doutes à ce sujet car, in fine, la définition adoptée prévoit seulement deux cas où le lanceur d’alerte peut être reconnu comme tel : d’une part, s’il s’agit de crimes, de délits ou de manquements graves à la loi ou au règlement ; d’autre part, si les faits en question présentent des risques graves pour l’environnement, la santé ou la sécurité publique. Cela exclut, de fait, les cas d’alerte pour atteinte grave à l’intérêt général. C’est pourtant ce qu’a fait Antoine Deltour : les faits qu’il a signalés ne ressortaient pas du manquement à la loi – il s’agissait d’optimisation fiscale, donc d’actes commis dans le cadre légal – mais de l’atteinte à l’intérêt général, puisque le cabinet de fiscalistes en question aidait les entreprises à payer le moins d’impôt possible.
Certes, la notion d’intérêt général a été intégrée à ce projet de loi, mais dans la formulation finalement retenue, il ne s’agit plus seulement d’un aspect restreint du statut de lanceur d’alerte mais bien d’une clause restrictive, puisque l’alerte doit être faite « de bonne foi et dans l’intérêt général ».
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nos interrogations sur cette définition sont multiples. Nombre d’amendements déposés sur plusieurs bancs de cet hémicycle, étrangement tombés, auraient permis de protéger davantage nos lanceurs d’alerte, dans l’intérêt général.