Monsieur le président, mes chers collègues, le rapport que nous vous présentons aujourd'hui sur l'octroi de mer s'inscrit dans le contexte des négociations qui vont s'ouvrir entre le Gouvernement et la Commission européenne sur l'avenir du dispositif. Ce rapport doit être un point d'appui pour la France lors de ces discussions.
L'octroi de mer est l'un des plus vieux impôts français : il existe depuis le XVIIe siècle, même s'il a beaucoup évolué depuis. Depuis 1986 et l'Acte unique européen, il ne relève plus seulement de la compétence de la France, mais aussi des autorités européennes.
L'octroi de mer ne frappe que les marchandises ; sa spécificité repose sur les différentiels de taux entre les produits importés et ceux fabriqués localement. Il s'applique dans les quatre départements d'outre-mer (DOM), et s'appliquera à Mayotte à partir de janvier 2014.
L'octroi de mer doit s'inscrire dans le cadre des règles de libre concurrence fixées par Bruxelles. Son but n'est pas de créer des distorsions de concurrence, mais de compenser les handicaps structurels des territoires ultramarins. Ceux-ci ont en effet des spécificités qui ont un impact sur les coûts de production, comme l'éloignement et la petite taille des marchés intérieurs.
C'est sur cette base qu'en 2004, Bruxelles a accepté la reconduction du dispositif pour dix ans. Celui-ci prendra donc fin en 2014 : si nous souhaitons le reconduire, c'est dès à présent qu'il faut y réfléchir.
À n'en pas douter, l'octroi de mer représente un enjeu économique majeur pour les DOM, car il permet tout d'abord de maintenir une production locale, les entreprises locales bénéficiant d'une exonération ou de taux réduits. Il est donc essentiel pour la sauvegarde de l'emploi dans ces territoires.
Il constitue également une ressource majeure pour les collectivités locales, puisqu'il génère 1 milliard d'euros de recettes essentiellement affectées aux communes : il représente en moyenne 30 % de leurs budgets, cette proportion pouvant même atteindre 50 %. Rappelons, à cet égard, que les collectivités ont un rôle primordial dans l'investissement et les politiques sociales : sans cette ressource, elles n'auraient pas d'autre choix que d'augmenter la fiscalité directe ou de stopper les investissements.
Il est donc essentiel d'obtenir la reconduction du dispositif ; pourtant, la partie n'est pas tout à fait gagnée. Lors du rapport d'étape en 2008, la Commission européenne avait émis de vives critiques, reprochant notamment le manque d'éléments justifiant cette reconduction. En effet, faute d'un outil statistique suffisant, le rapport, principalement élaboré à partir des remontées des conseils régionaux des quatre DOM, n'a pas convaincu la Commission. Dans une lettre adressée au Gouvernement, celle-ci a demandé que, lors de la renégociation de l'impôt, des justifications extrêmement précises soient apportées sur les conséquences économiques des différentiels de taux ; à défaut, la Commission se réservait le droit de ne pas proroger le dispositif. C'est dans ces conditions que le cabinet Lengrand fut chargé, en 2011, de rédiger un rapport détaillé sur l'octroi de mer. Ce rapport, remis au Gouvernement en juin 2012, a démontré que la taxe a des effets positifs sur la sauvegarde de l'activité locale, et ce sans entraver les importations. Enfin, il est prouvé que son impact sur les prix à la consommation est faible.
Nous avons donc conclu, avec mon collègue Jean-Jacques Vlody, à la nécessité de reconduire l'octroi de mer, tout en faisant quelques propositions d'aménagement pour le rendre plus efficace.