La séance est ouverte à 17 heures 05.
Présidence de M. Jean-Claude Fruteau, Président.
Mes chers collègues, soyez les bienvenus. N'ayant pu assister à notre dernière réunion, le 15 janvier, je profite de cette occasion pour vous présenter mes meilleurs voeux pour la nouvelle année.
Nous examinons aujourd'hui le rapport d'information de MM. Mathieu Hanotin et Jean-Jacques Vlody sur l'octroi de mer, au sujet duquel notre délégation a déjà procédé à plusieurs auditions.
Monsieur le président, mes chers collègues, le rapport que nous vous présentons aujourd'hui sur l'octroi de mer s'inscrit dans le contexte des négociations qui vont s'ouvrir entre le Gouvernement et la Commission européenne sur l'avenir du dispositif. Ce rapport doit être un point d'appui pour la France lors de ces discussions.
L'octroi de mer est l'un des plus vieux impôts français : il existe depuis le XVIIe siècle, même s'il a beaucoup évolué depuis. Depuis 1986 et l'Acte unique européen, il ne relève plus seulement de la compétence de la France, mais aussi des autorités européennes.
L'octroi de mer ne frappe que les marchandises ; sa spécificité repose sur les différentiels de taux entre les produits importés et ceux fabriqués localement. Il s'applique dans les quatre départements d'outre-mer (DOM), et s'appliquera à Mayotte à partir de janvier 2014.
L'octroi de mer doit s'inscrire dans le cadre des règles de libre concurrence fixées par Bruxelles. Son but n'est pas de créer des distorsions de concurrence, mais de compenser les handicaps structurels des territoires ultramarins. Ceux-ci ont en effet des spécificités qui ont un impact sur les coûts de production, comme l'éloignement et la petite taille des marchés intérieurs.
C'est sur cette base qu'en 2004, Bruxelles a accepté la reconduction du dispositif pour dix ans. Celui-ci prendra donc fin en 2014 : si nous souhaitons le reconduire, c'est dès à présent qu'il faut y réfléchir.
À n'en pas douter, l'octroi de mer représente un enjeu économique majeur pour les DOM, car il permet tout d'abord de maintenir une production locale, les entreprises locales bénéficiant d'une exonération ou de taux réduits. Il est donc essentiel pour la sauvegarde de l'emploi dans ces territoires.
Il constitue également une ressource majeure pour les collectivités locales, puisqu'il génère 1 milliard d'euros de recettes essentiellement affectées aux communes : il représente en moyenne 30 % de leurs budgets, cette proportion pouvant même atteindre 50 %. Rappelons, à cet égard, que les collectivités ont un rôle primordial dans l'investissement et les politiques sociales : sans cette ressource, elles n'auraient pas d'autre choix que d'augmenter la fiscalité directe ou de stopper les investissements.
Il est donc essentiel d'obtenir la reconduction du dispositif ; pourtant, la partie n'est pas tout à fait gagnée. Lors du rapport d'étape en 2008, la Commission européenne avait émis de vives critiques, reprochant notamment le manque d'éléments justifiant cette reconduction. En effet, faute d'un outil statistique suffisant, le rapport, principalement élaboré à partir des remontées des conseils régionaux des quatre DOM, n'a pas convaincu la Commission. Dans une lettre adressée au Gouvernement, celle-ci a demandé que, lors de la renégociation de l'impôt, des justifications extrêmement précises soient apportées sur les conséquences économiques des différentiels de taux ; à défaut, la Commission se réservait le droit de ne pas proroger le dispositif. C'est dans ces conditions que le cabinet Lengrand fut chargé, en 2011, de rédiger un rapport détaillé sur l'octroi de mer. Ce rapport, remis au Gouvernement en juin 2012, a démontré que la taxe a des effets positifs sur la sauvegarde de l'activité locale, et ce sans entraver les importations. Enfin, il est prouvé que son impact sur les prix à la consommation est faible.
Nous avons donc conclu, avec mon collègue Jean-Jacques Vlody, à la nécessité de reconduire l'octroi de mer, tout en faisant quelques propositions d'aménagement pour le rendre plus efficace.
Après un examen approfondi du régime de l'octroi de mer, examen éclairé par les auditions de la Délégation, il nous est apparu que la reconduction de cette taxe était une nécessité absolue ; c'est d'ailleurs notre première recommandation.
La meilleure raison est que l'octroi de mer est utile, en premier lieu aux entreprises, pour lesquelles, selon le rapport Lengrand, son bénéfice avoisine les 170 millions d'euros par an, sans que cela nécessite de dépenses pour l'État, puisque ce chiffre correspond, non à des subventions, mais au montant des exonérations.
L'octroi de mer est également utile aux collectivités, auxquelles il rapporte 1 milliard d'euros : s'il était supprimé, il faudrait bien compenser ce manque à gagner, avec les conséquences prévisibles sur la fiscalité locale directe.
L'octroi de mer doit aussi être conservé car les solutions alternatives sont des mirages. Le système qui consisterait à le remplacer par une TVA régionale n'est pas du tout au point : aujourd'hui, les services des douanes seraient incapables de le faire fonctionner.
D'autre part, une TVA régionale ne manquerait pas de favoriser une certaine hausse des prix dans les DOM, en particulier en Guyane et à Mayotte, où la TVA n'est pas applicable. Au moment où le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre la vie chère, cela semble peu approprié.
Enfin, avec la TVA régionale, il n'y aurait plus de différentiels de taux ; par conséquent, l'aspect d'aide aux entreprises qui caractérise l'octroi de mer n'existerait plus.
Cela n'exclut pas que l'on modifie ce dernier à la marge pour le rendre plus efficace. Nous formulons plusieurs propositions en ce sens, selon trois objectifs : introduire plus de clarté dans les informations apportées aux décideurs, apporter plus de souplesse dans la gestion de l'impôt et en faire un instrument de lutte contre la vie chère.
Pour répondre au premier objectif, il convient d'améliorer la connaissance statistique de l'impôt. Notre deuxième proposition est donc de « mettre en place un observatoire pour exercer un suivi statistique homogène entre les différents DOM (y compris Mayotte) afin de mieux appréhender le fonctionnement du dispositif et afin de mieux en justifier l'efficacité auprès de la Commission européenne ». Par le fait, ces outils statistiques font aujourd'hui défaut.
Le traitement des petites entreprises vis-à-vis de l'octroi de mer devra aussi être revu et simplifié. C'est le sens de la proposition 3. Actuellement, les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires de production inférieur à 550 000 euros par an sont assujetties à l'octroi de mer et donc soumises à déclaration, mais elles sont exonérées. Cependant, les déclarations sont quasi inexistantes ou erronées. Il serait préférable de ne plus assujettir les petites entreprises, qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 85 000 euros ; puis, à partir de ce seuil et jusqu'à 300 000 euros, d'instaurer un assujettissement effectif avec exonération, et enfin un assujettissement complet pour les entreprises réalisant plus de 300 000 euros de chiffre d'affaires.
Nous préconisons aussi d'introduire de la souplesse et de la simplification. Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures parfois techniques, bien qu'essentielles, dont vous avez pu prendre connaissance à la lecture du rapport : meilleure prise en considération des nouvelles productions et de l'évolution de la concurrence, et décentralisation accrue dans la mise à jour des listes des produits éligibles aux différentiels de taux (proposition 4) ; harmonisation, au niveau des différents DOM, de tous les régimes locaux d'exonération à l'importation (proposition 5) ; accroissement, enfin, du nombre des exonérations obligatoires à l'octroi de mer, auxquelles il convient, à notre sens, d'ajouter les investissements publics intégrant une forte part de recherche et de développement – selon les termes de la proposition 6 –, afin de favoriser un développement économique à long terme.
Le troisième objectif est de mettre l'octroi de mer au service de la lutte contre la vie chère. L'article 15 de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer prévoit des accords annuels de modération de prix sur les produits de grande consommation : cette mesure, plus communément appelée « bouclier qualitéprix », correspond à une promesse de campagne du Président de la République. Dans cette optique nous suggérons, au travers de notre proposition 8, de « prévoir obligatoirement un taux 0 d'octroi de mer pour tous les produits retenus par le bouclier qualitéprix. Ce taux serait à 0 pour les produits locaux et aussi à 0 pour les produits importés à condition qu'ils ne concurrencent pas les produits locaux ». Ce serait là une réponse aux objections de la Commission européenne en 2008, selon lesquelles le dispositif n'apporte pas de réponses claires sur l'objectif de lutte contre la hausse des prix.
Dans cette même logique, il faudrait aussi « s'efforcer de faire baisser le coût du fret pour les produits importés figurant dans le bouclier qualitéprix » : c'est le sens de la proposition 9.
Notre dixième proposition consiste à « prévoir une TVA à taux 0 pour tous les produits figurant dans le bouclier qualitéprix et pour lesquels le taux d'octroi de mer aura aussi été fixé à 0 » par les conseils régionaux.
Notre onzième proposition, enfin, poursuit un objectif pédagogique et permettrait de battre en brèche l'idée reçue selon laquelle l'octroi de mer contribue à la vie chère : il s'agit de flécher les produits exonérés de cette taxe, afin que les consommateurs ne lui imputent pas leur éventuel renchérissement.
Nous ne nous sommes pas prononcés, en revanche, sur une éventuelle extension de l'assiette de l'octroi de mer aux services. Il nous est en effet apparu qu'aucun moyen technique ne permettait aujourd'hui la mise en oeuvre de cette mesure, et qu'une fiscalité supplémentaire sur certains services, par exemple dans la banque ou la téléphonie, serait susceptible de provoquer une hausse des prix. De surcroît, le Gouvernement ne souhaite pas précipiter les choses, en l'absence de données suffisantes sur l'impact d'une telle disposition.
Je salue la qualité et la précision de ce travail, dont les propositions sont de nature à moderniser l'octroi de mer, même si je me demande si nous ne devrions pas aller plus loin.
L'octroi de mer est en effet stratégique, tant pour la compétitivité des acteurs économiques locaux que pour le budget des collectivités. Je ne suis pas sûr, cependant, d'avoir compris la logique qui vous conduit à écarter un élargissement de son assiette au secteur des services. Vous dites redouter un risque inflationniste dans la transformation de l'octroi de mer en une TVA régionale : ce constat n'accrédite-t-il pas la thèse selon laquelle l'octroi de mer est une cause de la vie chère ?
Dans nos territoires, les entreprises de services sont presque toutes confrontées à la concurrence de celles des pays voisins ; ce fut le cas, dans ma commune, pour un opérateur spécialisé dans la photocomposition du bulletin municipal. Contrairement à ce que soutenait le représentant du Conseil économique, social et environnemental régional de La Réunion, l'élargissement de l'assiette aux services ne provoquerait pas de délocalisations : celles-ci résultent plutôt d'un coût du travail plus faible dans certains pays voisins. L'octroi de mer pourrait même, à l'inverse, constituer une arme efficace pour protéger les secteurs concernés, d'autant que les services peuvent être un pilier de développement économique, compte tenu de la quasi-inexistence de potentiel industriel dans nos territoires.
Enfin, les recettes de la taxe ne devraient-elles pas être prioritairement affectées à l'aménagement du territoire plutôt qu'au fonctionnement des collectivités ?
Lors d'une réunion au ministère des Outre-mer, M. le ministre a indiqué que l'idée d'élargir l'assiette aux services nécessitait le temps de la réflexion. Le représentant de la Cour des comptes, de son côté, a rappelé que la Commission européenne nous demandait d'évaluer le réel intérêt de la taxe pour les outre-mer. Dans cette optique, ne faudrait-il pas insister, comme vient de le dire M. Lebreton, sur les objectifs d'aménagement du territoire, lesquels, aux yeux de la Commission, priment assurément sur le fonctionnement des collectivités, qui perçoivent des dotations de l'État ?
Le chapitre relatif à l'élargissement de l'assiette au secteur des services est sans doute celui qui a suscité le plus de débats. Je suis très favorable à l'élargissement que vous proposez, et souhaiterais même que des arguments analogues prévalent pour régler, aux frontières de l'Union, les problèmes de concurrence que posent certains pays où les droits sociaux ne sont pas les mêmes. Reste que l'objectif principal du rapport est la reconduction de la taxe et la pérennisation des ressources des collectivités à court et moyen terme. L'élargissement aux services sera peut-être possible à moyen terme, moyennant un ciblage sur quelques secteurs ; mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Un tel élargissement peut aussi bien favoriser les délocalisations que les empêcher : tout dépend de la méthode. Des études préalables sont donc nécessaires.
Par ailleurs, la question de l'aménagement du territoire relève davantage d'une réflexion sur le rôle et les compétences des collectivités que sur l'affectation de la taxe.
Du solde de l'octroi de mer, une fois consommées les dépenses de fonctionnement, dépend le Fonds régional pour le développement et l'emploi, dit FRDE. Un élargissement de l'assiette permettrait donc de stimuler les investissements.
L'octroi de mer étant intégré dans les charges fixes de l'entreprise, il n'est pas considéré comme inflationniste : en matière de fiscalité, seule la TVA l'est. La proposition 11, par ailleurs, consiste à identifier les produits non soumis à l'octroi de mer, afin de ne pas imputer leur prix à ce dernier.
Quant à l'élargissement de l'assiette aux services, n'oublions pas que la Commission européenne n'accepte l'application de taux différenciés qu'au titre des handicaps structurels – éloignement et étroitesse du marché intérieur, notamment – des régions ultrapériphériques (RUP). Or, aux yeux de la Commission, ces handicaps ne pénalisent pas les services : il serait donc bien plus difficile de faire valoir une demande de différentiel de taux d'octroi de mer pour eux que pour les marchandises. Et, par conséquent, l'aspect protecteur de l'octroi de mer pour les services produits par des entreprises locales ne pourrait être que limité.
Nous ne préconisons, enfin, aucune répartition nouvelle du produit de la taxe, car notre rapport vise à proposer des arguments au Gouvernement afin qu'il obtienne la prorogation de celle-ci auprès des instances européennes. Or, la question de la répartition, que l'on peut d'ailleurs poser, relève d'un débat entre l'État et les collectivités.
L'éventuel élargissement de l'assiette aux services mérite sans doute d'être étudié à l'avenir : peut-être pourriez-vous y faire allusion dans l'une de vos recommandations, mais on ne peut prendre une telle décision sans une étude préalable approfondie – comme le préconise la proposition 7 – car, si certains arguments plaident en sa faveur, d'autres montrent qu'elle comporte des risques. Ne jouons pas aux apprentis sorciers. En tout état de cause, il conviendrait de cantonner une telle disposition aux services délocalisables, faute de quoi elle pourrait contrarier certains objectifs de la loi relative à la régulation économique outre-mer.
D'autre part, le Gouvernement ne semble pas avoir choisi cette voie. Sans nous imposer aucune obligation, ce constat est tout de même une indication, car le mieux est que nos propositions restent cohérentes avec l'action gouvernementale. L'objectif, en l'occurrence, est de permettre au Gouvernement de défendre la prorogation de l'octroi de mer auprès des autorités européennes.
Ne pourrions-nous, pour mettre tous les atouts de notre côté, rencontrer les trois députés européens qui représentent l'outre-mer, et qui auront à défendre ce dossier ?
Je sais gré aux rapporteurs de ce travail clair et pédagogique sur un sujet pourtant complexe.
La proposition 2 préconise la création d'un « observatoire pour exercer un suivi statistique homogène entre les différents DOM » afin de mieux évaluer les effets économiques du dispositif, en ayant peut-être comme modèle l'Observatoire des prix et des marges, qui étudie en particulier l'incidence des droits de douane sur les prix. Entend-on qu'il convient de renforcer les observatoires existants ou d'en créer un nouveau ? Y aurait-il des exigences de résultats ?
Par ailleurs, l'extension de l'octroi de mer à Mayotte, à partir du 1er janvier 2014, sans différentiel de taux, comme semble le laisser entendre le rapport, lorsqu'il analyse le contenu de la loi de 2010, ne laisse pas de m'interpeller. Le système mahorais inclut en effet beaucoup de différentiels de taux, qu'il s'agisse des droits de douane – seulement exigibles pour les produits importés de pays situés hors de l'Union européenne – ou de la taxe à la consommation, qui peut être considérée comme l'équivalent actuel de l'octroi de mer. Si celui-ci est appelé à remplacer les taxations que je viens d'évoquer, comment l'envisager sans taux différenciés ?
La proposition 2 répond aux remarques du rapport Lengrand et de la Commission européenne en 2008, s'agissant de l'absence d'éléments statistiques probants sur le rôle des différentiels de taux dans le soutien aux économies locales : les données recueillies par l'observatoire montreront à la Commission que l'octroi de mer est un système incitatif pour le maintien de l'activité, de la richesse et de l'emploi au niveau local.
Le problème est que, comme nous l'observons page 47, les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur à 550 000 euros sont exonérées de la taxe, si bien qu'elles ne remplissent pas toujours la déclaration correspondante ; d'où notre proposition d'obliger toutes les entreprises à le faire, quitte à simplifier la procédure pour celles dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas 85 000 euros. Nous disposerions ainsi d'une évaluation chiffrée sur les exonérations de l'octroi de mer, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
L'autre objectif est d'assurer, entre les différents départements d'outre-mer, des taux cohérents pour chaque famille de produits.
L'observatoire doit aussi, dans notre esprit, « tordre le cou » à certaines rumeurs selon lesquelles l'octroi de mer aurait des effets inflationnistes : il montrerait à l'opinion les avantages de cette taxe pour le maintien de la production locale, donc des emplois.
Peut-être, monsieur Aboubacar, faut-il veiller à proroger les actuels différentiels de taux applicables aux droits de douane à Mayotte ; mais je vous rappelle que de tels différentiels sont décidés au niveau européen. Nous pourrions éventuellement préconiser, dans notre rapport, que le Gouvernement soutienne cette demande auprès des instances européennes, s'agissant de l'extension de l'octroi de mer à Mayotte à compter de janvier 2014. Pour l'heure, cependant, un dispositif avec trois listes A, B et C ne semble pas arrêté.
L'extension de l'octroi de mer à Mayotte sans différentiel de taux ne traduit pas la position des rapporteurs, mais le fait que rien n'est prévu en ce sens dans la loi de 2010.
Nous pourrions enlever du rapport les quatre mots « sans différentiel de taux » pour ne pas donner l'impression d'approuver la loi sur ce point.
Nous pourrions aussi ajouter une proposition consistant à demander au Gouvernement d'appuyer, auprès de la Commission, l'idée d'appliquer l'octroi de mer assorti d'un différentiel de taux à Mayotte.
À ce stade, je reprendrais volontiers ces deux propositions à mon compte. Nous pourrions également demander au Gouvernement de clarifier sa position sur cette question, et d'engager au besoin des consultations.
Des informations précises sur la mise en place de l'octroi de mer à Mayotte me semblent effectivement nécessaires.
Les missions de l'observatoire proposé ne risquent-elles pas de se chevaucher avec celles de l'Observatoire des prix et des marges, qui a toutes compétences en matière d'éléments statistiques ?
Je propose, s'agissant de l'extension de l'octroi de mer à Mayotte, de supprimer du rapport l'expression « sans différentiel de taux », intégrée dans l'analyse du dispositif de la loi de 2010, et je suggère d'ajouter une proposition pour demander au Gouvernement de clarifier sa position en ce domaine (Assentiment).
Quant à l'observatoire, la question est de savoir s'il doit être « inter-DOM », comme le souhaite la Cour des comptes, ou spécifique à chaque département. M. Said s'interroge aussi sur son opportunité, au regard de l'existence de l'Observatoire des prix et des marges. Il peut, certes, y avoir une certaine redondance, mais l'objectif est bien différent puisqu'il s'agit d'exercer un suivi statistique homogène entre les différents DOM, afin de montrer l'efficacité du dispositif auprès de la Commission européenne.
Je souscris à cette analyse. La question de la prorogation se pose, à chaque échéance, comme une épée de Damoclès. Il appartiendra, bien entendu, au Gouvernement de poser la question de la répartition du produit de la taxe. En proposant d'aller plus loin, je songeais plutôt à la loi de 2004, qui est un peu restée en travers de la gorge de certains élus locaux.
Reste que je ne partage pas les arguments au nom desquels la Délégation pourrait écarter un élargissement de l'assiette aux services : est-ce à dire que ma commune, juchée sur des remparts montagneux, ne présente pas de particularités ? Nous comprenons l'exigence d'obtenir la prorogation ; mais cela ne doit pas nous empêcher d'aller plus loin, en particulier dans la perspective de la demande de prorogation qui suivra celle-ci. En ce sens, la création d'un observatoire, dont je ne trouve pas du tout qu'il soit redondant, me semble très utile.
Le but n'est pas de créer une agence supplémentaire, coûteuse pour les finances publiques ; au demeurant, le nom importe peu : l'enjeu est de créer un outil permettant un suivi statistique aujourd'hui impossible, afin d'éclairer la Commission européenne et, accessoirement, l'opinion publique.
Le suivi de l'octroi de mer n'entre pas dans les missions de l'Observatoire des prix et des marges. La création d'une nouvelle instance, dont le nom importe effectivement peu, permettra d'évaluer le dispositif au cours de la décennie, si tant est que les autorités européennes le prorogent, comme nous le souhaitons tous.
Seul compte le principe de cet outil d'observation inter-DOM. Mais ces missions ne peuvent-elles être confiées à la Délégation générale à l'outre-mer (DEGEOM), qui est chargée d'évaluer les politiques publiques outre-mer ? Nous pourrions, le cas échéant, en faire la demande au Gouvernement.
Nous pourrions, dans cette optique, remplacer le mot « observatoire » par l'expression plus générale « outil d'observation inter-DOM ».
Cet outil doit-il être « inter-DOM » ? Les réalités économiques de nos territoires étant très différentes les unes des autres, ne serait-il pas plus pertinent de créer un outil spécifique à chacun d'entre eux ? Je n'ai pas envie, par exemple, que la réalité martiniquaise soit « noyée » dans des analyses générales.
Il ne s'agit pas d'uniformiser les réalités territoriales, monsieur Nilor : elles sont d'ailleurs reconnues dans l'intitulé du « ministère des Outre-mer » – au pluriel. L'outil que nous proposons peut et doit révéler les spécificités territoriales ; mais l'Union européenne appréciera la question de l'octroi de mer pour l'ensemble des régions ultrapériphériques françaises, non pour chacune d'elles individuellement.
Nos différences doivent apparaître comme des richesses, non comme des facteurs de division – d'autant que la Commission européenne n'attend que de nous voir divisés, pour remettre en cause la taxe. Soyons complémentaires et unis.
Je souscris aux propos de Mme Bello, même si, monsieur Nilor, je comprends votre préoccupation : nul n'a envie de voir l'identité de son territoire noyée dans la nébuleuse des huit « régions ultrapériphériques » – cinq françaises, deux portugaises et une espagnole – pour reprendre la terminologie bruxelloise. En tout état de cause, chaque DOM devra bien faire état de sa situation particulière ; mais la Commission européenne n'entre pas dans ces détails : c'est donc pour elle qu'il convient de faire la synthèse, afin de justifier un régime dérogatoire aux règles douanières de l'Union, dont les DOM, je le rappelle, font partie. Une telle synthèse n'exclut évidemment pas les situations particulières, auxquelles elle se réfère toujours explicitement. N'oublions pas non plus que nous ne parlons que de l'octroi de mer : les différences peuvent s'exprimer dans bien d'autres domaines.
La taxe, je le rappelle, va à l'encontre du souci de cohérence et d'harmonisation qui prévaut à Bruxelles, ainsi que des règles du marché unique européen. La France doit donc démontrer qu'elle n'a pas d'effets inflationnistes et qu'elle permet de soutenir les productions locales, sans oublier son rôle dans le financement des collectivités, dont dépendent aussi leurs capacités d'investissement.
Loin de moi l'idée de diviser, bien entendu : je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle, monsieur le président. Mon propos consiste seulement à dire que l'approche globale doit reposer sur le respect des particularités, d'où mes interrogations sur le terme « inter-DOM » : l'Europe, d'ailleurs, ne reconnaît pas les DOM en général, mais chacun des départements en particulier.
Les deux objectifs dont nous venons de parler ne sont pas de même nature. Le premier, tactique, concerne la négociation avec les instances européennes, dont on peut penser qu'elles aspirent, compte tenu des complexités déjà existantes, à homogénéiser les systèmes dérogatoires ; le second est d'évaluer la pertinence des dispositifs fiscaux dans chacune des RUP, ce qui pose, du point de vue des taux comme de la composition des listes, la question de leurs spécificités respectives. Il est assurément difficile de faire entendre ces deux objectifs dans une même formule. D'autre part, on ne peut procéder par des non-dits.
D'aucuns jugeaient le ministère des outre-mer inutile, mais d'autres considèrent qu'il est une force de négociation, notamment au niveau européen : servons-nous en comme d'un lobby en faveur de l'octroi de mer, dont il nous faut évaluer l'efficacité en fonction des produits assujettis et des taux qui leur sont appliqués. Notre objectif commun est le développement économique des outre-mer et la liquidation des pesanteurs du passé ou de certaines rentes de situation. L'octroi de mer est-il de nature à y contribuer, y compris pour constituer des points d'appui de la France et de l'Europe sur les océans ? Si oui, à quelles conditions ? Les deux objectifs que j'évoquais sont nécessaires, même si je ne sais s'il faut les formuler dans un même alinéa. Quoi qu'il en soit, et sous réserve que Bercy lui transmette les bonnes informations, le ministère des Outre-mer est le mieux placé pour faire la synthèse présentée aux instances européennes.
De fait, le rapport propose un argumentaire en faveur de l'octroi de mer, comme l'avait fait, avant lui, l'étude du cabinet Lengrand. Il n'est donc peut-être pas nécessaire, à ce stade, d'entrer dans de plus amples détails.
Pour obtenir la reconduction du dispositif, le temps presse puisque la décision, qui fait l'objet de longs examens préalables, interviendra en juillet 2014. M. le ministre des Outre-mer, à qui j'en ai parlé, est d'accord pour organiser une remise officielle du rapport au sein même de notre délégation, dont le travail se trouverait ainsi valorisé.
Quant au ministère des Outre-mer, monsieur Lesterlin, je partage vos remarques : nous sommes loin, désormais du « ministère des DOM-TOM » qui, en devenant une sorte d'office gouvernemental, avait perdu beaucoup de sa substance. Le Président de la République a clairement affirmé sa volonté de faire de ce portefeuille un ministère de plein exercice : cela s'est vérifié dans la composition même du Gouvernement.
Je souhaite aussi que ce ministère soit vraiment, profondément, celui de tous les départements et de toutes les collectivités d'outre-mer. Il m'est parfois pénible, je l'avoue, de devoir déployer tant efforts pour défendre la cause de La Réunion, alors que celle-ci est peuplée de 850 000 habitants. Ainsi, la Guadeloupe a reçu 590 millions d'euros pour ses hôpitaux et la Martinique 280 millions. Comment comprendre que, pour des équipements similaires, la dotation de 140 millions en faveur de ce département soit si difficile à débloquer ? De plus, des Guyanais et des Antillais ont été nommés à de hauts postes, laissant les autres ultramarins se partager des missions de moindre importance. Je me permets donc de plaider pour les 850 000 Réunionnais, qui sont des hommes et femmes de valeur.
J'approuve ces remarques. Nous devons faire savoir au ministre que nous sommes là pour travailler à ses côtés, unis, dans l'intérêt de tous les ressortissants des départements et des collectivités d'outre-mer.
La Délégation est le lieu où l'on peut avoir ce type d'échanges, sans acrimonie et avec courtoisie, comme l'a montré Mme Bello.
Je veux revenir à la proposition 2 et à l'outil inter-RUP.
Les exonérations obligatoires et facultatives, dont il est question pages 10 et 11 du rapport, sont concernées par la proposition 5 qui prévoit leur « harmonisation au sein des différents DOM ». Cette proposition tient compte, plus que la proposition 2 qui concerne l'outil d'observation, de la perception globale que l'Union européenne souhaite avoir de nos territoires. Je peux y souscrire, pourvu que cette harmonisation intègre aussi les différentiels de taux qui seraient tout à fait utiles au développement économique de Mayotte.
« Prévoir, au cours des négociations européennes, que Mayotte, lorsque le département sera soumis à l'imposition de l'octroi de mer, disposera d'un système avec différentiel de taux. Des consultations doivent être engagées par le Gouvernement avec le département de Mayotte dès maintenant pour la mise au point de ces différentiels. »
La Délégation adopte la résolution ainsi rédigée.
Puis elle adopte, à l'unanimité, le rapport ainsi modifié.
La séance est levée à 18 heures 30.