Intervention de Jean Jacques Vlody

Réunion du 29 janvier 2013 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Jacques Vlody, rapporteur :

Après un examen approfondi du régime de l'octroi de mer, examen éclairé par les auditions de la Délégation, il nous est apparu que la reconduction de cette taxe était une nécessité absolue ; c'est d'ailleurs notre première recommandation.

La meilleure raison est que l'octroi de mer est utile, en premier lieu aux entreprises, pour lesquelles, selon le rapport Lengrand, son bénéfice avoisine les 170 millions d'euros par an, sans que cela nécessite de dépenses pour l'État, puisque ce chiffre correspond, non à des subventions, mais au montant des exonérations.

L'octroi de mer est également utile aux collectivités, auxquelles il rapporte 1 milliard d'euros : s'il était supprimé, il faudrait bien compenser ce manque à gagner, avec les conséquences prévisibles sur la fiscalité locale directe.

L'octroi de mer doit aussi être conservé car les solutions alternatives sont des mirages. Le système qui consisterait à le remplacer par une TVA régionale n'est pas du tout au point : aujourd'hui, les services des douanes seraient incapables de le faire fonctionner.

D'autre part, une TVA régionale ne manquerait pas de favoriser une certaine hausse des prix dans les DOM, en particulier en Guyane et à Mayotte, où la TVA n'est pas applicable. Au moment où le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre la vie chère, cela semble peu approprié.

Enfin, avec la TVA régionale, il n'y aurait plus de différentiels de taux ; par conséquent, l'aspect d'aide aux entreprises qui caractérise l'octroi de mer n'existerait plus.

Cela n'exclut pas que l'on modifie ce dernier à la marge pour le rendre plus efficace. Nous formulons plusieurs propositions en ce sens, selon trois objectifs : introduire plus de clarté dans les informations apportées aux décideurs, apporter plus de souplesse dans la gestion de l'impôt et en faire un instrument de lutte contre la vie chère.

Pour répondre au premier objectif, il convient d'améliorer la connaissance statistique de l'impôt. Notre deuxième proposition est donc de « mettre en place un observatoire pour exercer un suivi statistique homogène entre les différents DOM (y compris Mayotte) afin de mieux appréhender le fonctionnement du dispositif et afin de mieux en justifier l'efficacité auprès de la Commission européenne ». Par le fait, ces outils statistiques font aujourd'hui défaut.

Le traitement des petites entreprises vis-à-vis de l'octroi de mer devra aussi être revu et simplifié. C'est le sens de la proposition 3. Actuellement, les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires de production inférieur à 550 000 euros par an sont assujetties à l'octroi de mer et donc soumises à déclaration, mais elles sont exonérées. Cependant, les déclarations sont quasi inexistantes ou erronées. Il serait préférable de ne plus assujettir les petites entreprises, qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 85 000 euros ; puis, à partir de ce seuil et jusqu'à 300 000 euros, d'instaurer un assujettissement effectif avec exonération, et enfin un assujettissement complet pour les entreprises réalisant plus de 300 000 euros de chiffre d'affaires.

Nous préconisons aussi d'introduire de la souplesse et de la simplification. Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures parfois techniques, bien qu'essentielles, dont vous avez pu prendre connaissance à la lecture du rapport : meilleure prise en considération des nouvelles productions et de l'évolution de la concurrence, et décentralisation accrue dans la mise à jour des listes des produits éligibles aux différentiels de taux (proposition 4) ; harmonisation, au niveau des différents DOM, de tous les régimes locaux d'exonération à l'importation (proposition 5) ; accroissement, enfin, du nombre des exonérations obligatoires à l'octroi de mer, auxquelles il convient, à notre sens, d'ajouter les investissements publics intégrant une forte part de recherche et de développement – selon les termes de la proposition 6 –, afin de favoriser un développement économique à long terme.

Le troisième objectif est de mettre l'octroi de mer au service de la lutte contre la vie chère. L'article 15 de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer prévoit des accords annuels de modération de prix sur les produits de grande consommation : cette mesure, plus communément appelée « bouclier qualitéprix », correspond à une promesse de campagne du Président de la République. Dans cette optique nous suggérons, au travers de notre proposition 8, de « prévoir obligatoirement un taux 0 d'octroi de mer pour tous les produits retenus par le bouclier qualitéprix. Ce taux serait à 0 pour les produits locaux et aussi à 0 pour les produits importés à condition qu'ils ne concurrencent pas les produits locaux ». Ce serait là une réponse aux objections de la Commission européenne en 2008, selon lesquelles le dispositif n'apporte pas de réponses claires sur l'objectif de lutte contre la hausse des prix.

Dans cette même logique, il faudrait aussi « s'efforcer de faire baisser le coût du fret pour les produits importés figurant dans le bouclier qualitéprix » : c'est le sens de la proposition 9.

Notre dixième proposition consiste à « prévoir une TVA à taux 0 pour tous les produits figurant dans le bouclier qualitéprix et pour lesquels le taux d'octroi de mer aura aussi été fixé à 0 » par les conseils régionaux.

Notre onzième proposition, enfin, poursuit un objectif pédagogique et permettrait de battre en brèche l'idée reçue selon laquelle l'octroi de mer contribue à la vie chère : il s'agit de flécher les produits exonérés de cette taxe, afin que les consommateurs ne lui imputent pas leur éventuel renchérissement.

Nous ne nous sommes pas prononcés, en revanche, sur une éventuelle extension de l'assiette de l'octroi de mer aux services. Il nous est en effet apparu qu'aucun moyen technique ne permettait aujourd'hui la mise en oeuvre de cette mesure, et qu'une fiscalité supplémentaire sur certains services, par exemple dans la banque ou la téléphonie, serait susceptible de provoquer une hausse des prix. De surcroît, le Gouvernement ne souhaite pas précipiter les choses, en l'absence de données suffisantes sur l'impact d'une telle disposition.

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