Oui, à cause de cela, le projet de loi est à mon sens insuffisant. Le problème vient de la définition de l'utilité. Aux termes du projet, les 750 milliards d'euros de dérivés de BNP-P restent par définition du côté non filialisé. Or c'est cela qui alimente les interconnexions. La garantie publique a permis un développement explosif des dérivés de crédit, en déconnexion par rapport à l'économie réelle. Il ne s'agit pas d'opérations utiles au financement de l'économie : la plupart de ces transactions se font entre intermédiaires financiers. La différence entre market making et trading pour compte propre tient à la finalité de l'opération, laquelle est, en quelque sorte, qualifiée par la banque elle-même. Or on ne peut pas se contenter de définir l'utilité comme le rapport avec un client, car toute opération se fait avec un client, une contrepartie. Par exemple, comme l'a montré Finance Watch, une banque peut structurer un produit de spéculation sur une matière première agricole et le vendre à un hedge fund aux îles Caïmans : on interdit la spéculation sur produits agricoles pour compte propre mais nullement de structurer le produit et de le vendre à des clients qui eux, vont l'utiliser comme outils de spéculation. Il ne faut pas de faux-semblants, et si l'on ne sépare pas plus que ce qui est prévu dans le projet de loi, il faut retirer de son intitulé le terme « séparation ». C'est une question de transparence du législateur vis-à-vis du citoyen. Il faut être sérieux.