Intervention de Jean-Paul Pollin

Réunion du 30 janvier 2013 à 18h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Paul Pollin :

Les banques ont joué un jeu trouble. Certes les financements de marché sont nécessaires, mais ce n'est pas une raison pour renoncer à séparer les activités de marché des activités commerciales. Il existe des pistes pour aider les banques à obtenir des financements plus stables. Il faut également s'intéresser à la rémunération de l'épargne. Lorsque la rémunération nette après impôt de l'épargne de court terme est supérieure à celle de l'épargne de long terme, cela témoigne d'un dysfonctionnement. Examinons la possibilité de réintégrer dans le bilan des banques les financements de long terme !

L'État doit-il intervenir pour soutenir le crédit ? Le crédit est essentiel à la bonne marche de l'économie et il faut absolument éviter l'effondrement du système de crédit – et celui du paiement. Mais cela ne signifie pas pour autant que la puissance publique doive subventionner les financements. Cela peut certes être ponctuel, mais le financement des marchés échappe à cette logique. Lors des derniers effondrements de marchés, les grandes entreprises s'en sont parfaitement sorties en se retournant vers les banques. Venir en aide aux marchés lors de périodes difficiles ne me semble pas justifié. Le crash boursier de 1987 a été très sévère, produisant un « effet de richesse » important. Des milliards de dollars ont disparu du jour au lendemain. Pour autant, la conjoncture de la fin des années 1980 a été l'une des meilleures de ces trente dernières années. Même l'éclatement de la bulle internet a finalement laissé peu de traces. Les crashs de marché sont peu importants pour l'économie réelle. En revanche, la crise actuelle est grave parce que c'est le coeur de l'intermédiation qui a été touché. C'est la raison pour laquelle il faut sanctuariser ce coeur et protéger le système bancaire dans ses aspects traditionnels.

L'attitude du Royaume-Uni peut-elle favoriser l'évolution que nous appelons de nos voeux ? Oui, mais un blocage pourrait aussi se produire si notre pays adoptait une loi trop restrictive. Les Britanniques souhaitent eux aussi aller vers la séparation des activités de marché et des activités de crédit des établissements bancaires, mais aucun pays ne veut se lancer seul dans cette réforme qui doit être coordonnée.

Où en est le Crédit agricole ? Les caisses régionales sont évidemment agacées d'avoir à éponger les excentricités de certains de leurs anciens dirigeants, et notamment le rachat malheureux d'une banque grecque. Le développement des activités de marché ne rend pas de grands services à la clientèle traditionnelle de cet établissement. Concrètement, la banque commerciale éponge les erreurs commises sur les activités de marché.

La confiance interbancaire a été au plus bas, ce qui est révélateur de l'ampleur de la crise que nous avons vécue, mais elle commence à s'améliorer. La sous-capitalisation des banques françaises est apparue évidente, mais il est vrai qu'elles se sont recapitalisées dans des délais très brefs.

Il me paraît essentiel que les banques commerciales conservent la totalité de leur risque de crédit car c'est la meilleure façon de les obliger à faire correctement leur travail d'évaluation des risques. D'ailleurs, la récente crise financière n'a pas été causée par le nombre prétendument excessif de crédits immobiliers accordés. Si tel était le cas, la crise se serait limitée à un nombre restreint de pays. En réalité, la crise a éclaté en raison de la trop forte titrisation de crédits qui, en outre, étaient de moins bonne qualité que ceux restés au bilan des banques. Cette titrisation est justement à l'articulation entre les activités de marché et les activités de banque commerciale. C'est parce qu'il y a eu cette confusion des genres par le biais de la titrisation qu'il y a eu cette crise. En imputer la responsabilité à l'immobilier, cela permet de s'exonérer des nombreuses erreurs commises.

En matière de coûts de transfert, il est important de s'assurer que les prix auxquels les deux entités, notamment deux filiales, se rendent des services soient les mêmes que les prix du marché. Or, ce n'est pas le cas, ce qui met en évidence l'existence de subventions croisées qui posent problème du point de vue de l'efficience économique.

Si l'entité de marché faisait faillite, entraînerait-elle avec elle l'entité commerciale ? Je n'ai pas la réponse.

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