Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 7 juin 2016 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door, rapporteur :

Merci, madame la présidente. Au cours de cet épisode de crue et d'inondations, j'ai dû faire évacuer deux maisons de retraite et un établissement de santé, ce qui n'avait rien d'évident.

J'ai travaillé à cette proposition de loi pour l'avenir de notre système de soins avec mes collègues Arnaud Robinet, Bernard Accoyer et Jean Léonetti.

La préservation de la santé est sans doute l'un de nos biens les plus précieux. Dès lors, notre responsabilité, en tant que législateur, est de garantir à chacun de nos concitoyens les trois principes sur lesquels repose la sécurité sociale en France depuis 1945 : l'égalité d'accès aux soins, la qualité des soins et la solidarité. Pour ce faire, notre système de santé doit répondre à deux exigences : être capable de se moderniser pour s'adapter, entre autres, aux évolutions de la demande de soins ou aux progrès médicaux ; reposer sur une organisation efficiente qui permette à chacun d'accéder à des traitements efficaces, souvent coûteux. Or force est de constater aujourd'hui que ces objectifs ne sont pas satisfaits.

Ce constat est partagé au sein du groupe Les Républicains et nous a été confirmé par la majorité des personnes que nous avons rencontrées au cours de la préparation de cette proposition de loi. Plusieurs facteurs sont en cause.

En premier lieu, l'accès aux soins est de plus en plus inégal sur l'ensemble du territoire. D'abord, on observe un inquiétant recul de la médecine générale dans notre pays. Selon les chiffres publiés la semaine dernière par le Conseil national de l'ordre des médecins dans son Atlas de la démographie médicale, le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % entre 2007 et 2016, et la France pourrait perdre un médecin généraliste sur quatre sur la seule période allant de 2007 à 2025. L'exercice libéral de la médecine connaît une véritable désaffection dans notre pays, et le nombre de médecins choisissant d'exercer leur activité en libéral diminue considérablement.

Ces évolutions se traduisent, d'une part, par une véritable désertification médicale dans certains territoires qui sont dépourvus de structure hospitalière et manquent cruellement de médecins spécialistes, et, d'autre part, par des difficultés d'accès aux soins de premier recours. Ainsi, beaucoup de nos concitoyens sont d'ores et déjà obligés de parcourir de nombreux kilomètres pour accéder aux soins primaires, ce qui n'est évidemment pas souhaitable au regard de l'objectif d'égalité d'accès aux soins.

En second lieu, on peut reprocher au système de santé actuel d'être encore trop organisé autour de l'hôpital, et en particulier de l'hôpital public. Or l'hospitalo-centrisme coûte cher, et il ne permet pas de répondre à l'ensemble des besoins de la population. Le virage ambulatoire dont on parle tant semble n'être resté qu'un voeu pieu.

Ces défis sont connus depuis longtemps. Pourtant, les récentes orientations qui ont été données à notre système de santé ont contribué à affaiblir celui-ci plutôt qu'à l'adapter aux enjeux que je viens d'évoquer. En particulier, la loi de santé du 26 janvier 2016 a augmenté les contraintes administratives et réduit les marges de manoeuvre des médecins. La généralisation obligatoire du tiers payant en est la principale illustration : en imposant à l'ensemble des médecins un système de paiement par tiers payant complexe et peu sécurisé, comme l'a d'ailleurs montré la censure partielle du dispositif par le Conseil constitutionnel, le tiers payant réduit le temps médical et augmente les contraintes des médecins, ce qui ne peut que décourager les plus jeunes d'entre eux d'opter pour l'exercice libéral.

La loi de santé a également largement contribué à déstabiliser l'hospitalisation privée, en revenant sur les critères du service public hospitalier (SPH) énoncés par la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) de 2009, et en écartant sans ménagement les cliniques privées de l'exercice de ces missions de service public hospitalier. Or l'hôpital privé est le deuxième pilier de notre système de santé ; il est plus que jamais nécessaire de reconnaître son rôle essentiel dans l'organisation de notre système de santé et de lui permettre d'exercer pleinement ses missions.

L'objet de cette proposition de loi est donc d'introduire les aménagements qui apparaissent indispensables pour améliorer la performance de notre système de santé au service de nos concitoyens.

Le premier axe de la proposition de loi donne la priorité à la médecine libérale.

Pour commencer, l'article 2 propose la suppression du tiers payant généralisé afin de simplifier les démarches administratives des médecins exerçant en ville. Cette suppression n'aura aucune incidence sur l'application du tiers payant pour les patients qui y ont déjà droit, dès lors qu'ils sont éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou à l'aide à la complémentaire santé (ACS) par exemple.

L'article 6 crée les plateformes territoriales d'appui de la médecine libérale pour la coordination des parcours de soins complexes qui, contrairement aux plateformes créées par la loi de santé, replacent le médecin au coeur du dispositif.

L'article 7 propose d'assouplir les modalités de regroupement des médecins qui souhaitent se réunir au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, en supprimant la possibilité pour les agences régionales de santé (ARS) d'imposer de tels regroupements, car il va de soi que l'exercice regroupé ne peut être efficace que s'il émane de la volonté des professionnels de santé eux-mêmes.

Pour encourager les jeunes médecins à choisir l'exercice libéral plutôt qu'une carrière hospitalière, les articles 8 et 9 proposent de réformer les études de médecine, ce qui est réclamé de longue date : d'une part, en régionalisant les examens organisés à l'issue de la première année et de la sixième année du cursus universitaire ; d'autre part, en créant des centres ambulatoires universitaires (CAU) qui proposeront aux étudiants de médecine une formation aux soins ambulatoires en dehors du milieu hospitalier, et qui permettront de renforcer la recherche et l'enseignement en matière de soins ambulatoires.

Le deuxième axe de la proposition de loi est le rétablissement de l'équité entre l'hôpital public et l'hôpital privé pour garantir l'efficience du système de santé dans son ensemble.

L'article 1er donne ainsi à l'État un rôle d'arbitre chargé de réguler la concurrence entre les offreurs de soins, tout en rappelant le principe fondamental de libre choix du patient.

L'article 3 rétablit la possibilité pour les cliniques privées qui le souhaitent d'exercer les missions de service public hospitalier.

Pour alléger les contraintes administratives pesant également sur les hôpitaux, l'article 4 instaure une expérimentation permettant aux établissements de santé publics d'être soumis aux règles applicables aux établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), plus souples, notamment en matière de gestion des ressources humaines. Il s'agit d'évoluer vers une possible autonomie des hôpitaux, comme il existe une autonomie des universités.

L'article 5 précise que les autorisations accordées par les ARS aux établissements de santé doivent être de même durée, quel que soit le statut de l'établissement concerné.

Le troisième et dernier axe de la proposition est l'amélioration des traitements et de la prévention.

L'article 10 vise à lutter contre l'iatrogénie médicamenteuse en permettant aux pharmaciens d'accéder, comme les médecins, à l'historique des remboursements de l'assurance maladie.

Enfin, l'article 11 propose une nouvelle approche de la prévention en matière de santé, en développant une logique contractuelle entre le patient et l'assurance maladie ou les organismes payeurs : il s'agit avant tout de rendre le patient conscient de sa capacité à se maintenir en bonne santé tout au long de sa vie.

Je terminerai mon propos en soulignant que cette proposition de loi est le fruit d'une concertation avec les acteurs de notre système de santé. En amont du dépôt de ce texte, nous avons rencontré, avec les collègues que j'ai cités, près d'une vingtaine de représentants des médecins, des fédérations hospitalières, des étudiants en médecine, des complémentaires santé ou encore d'experts en matière de santé.

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