COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
Mardi 7 juin 2016
La séance est ouverte à seize heures quinze.
(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)
La commission des affaires sociales examine la proposition de loi de M. Jean-Pierre Door pour l'avenir de notre système de soins (n° 3710) (M. Jean-Pierre Door, rapporteur).
Je salue notre collègue Jean-Pierre Door, qui est aujourd'hui parmi nous malgré les inondations qui se sont produites dans sa circonscription. Nous l'en remercions d'autant plus et nous l'assurons, dans ces circonstances difficiles, de tout notre soutien.
Merci, madame la présidente. Au cours de cet épisode de crue et d'inondations, j'ai dû faire évacuer deux maisons de retraite et un établissement de santé, ce qui n'avait rien d'évident.
J'ai travaillé à cette proposition de loi pour l'avenir de notre système de soins avec mes collègues Arnaud Robinet, Bernard Accoyer et Jean Léonetti.
La préservation de la santé est sans doute l'un de nos biens les plus précieux. Dès lors, notre responsabilité, en tant que législateur, est de garantir à chacun de nos concitoyens les trois principes sur lesquels repose la sécurité sociale en France depuis 1945 : l'égalité d'accès aux soins, la qualité des soins et la solidarité. Pour ce faire, notre système de santé doit répondre à deux exigences : être capable de se moderniser pour s'adapter, entre autres, aux évolutions de la demande de soins ou aux progrès médicaux ; reposer sur une organisation efficiente qui permette à chacun d'accéder à des traitements efficaces, souvent coûteux. Or force est de constater aujourd'hui que ces objectifs ne sont pas satisfaits.
Ce constat est partagé au sein du groupe Les Républicains et nous a été confirmé par la majorité des personnes que nous avons rencontrées au cours de la préparation de cette proposition de loi. Plusieurs facteurs sont en cause.
En premier lieu, l'accès aux soins est de plus en plus inégal sur l'ensemble du territoire. D'abord, on observe un inquiétant recul de la médecine générale dans notre pays. Selon les chiffres publiés la semaine dernière par le Conseil national de l'ordre des médecins dans son Atlas de la démographie médicale, le nombre de médecins généralistes a diminué de 8,4 % entre 2007 et 2016, et la France pourrait perdre un médecin généraliste sur quatre sur la seule période allant de 2007 à 2025. L'exercice libéral de la médecine connaît une véritable désaffection dans notre pays, et le nombre de médecins choisissant d'exercer leur activité en libéral diminue considérablement.
Ces évolutions se traduisent, d'une part, par une véritable désertification médicale dans certains territoires qui sont dépourvus de structure hospitalière et manquent cruellement de médecins spécialistes, et, d'autre part, par des difficultés d'accès aux soins de premier recours. Ainsi, beaucoup de nos concitoyens sont d'ores et déjà obligés de parcourir de nombreux kilomètres pour accéder aux soins primaires, ce qui n'est évidemment pas souhaitable au regard de l'objectif d'égalité d'accès aux soins.
En second lieu, on peut reprocher au système de santé actuel d'être encore trop organisé autour de l'hôpital, et en particulier de l'hôpital public. Or l'hospitalo-centrisme coûte cher, et il ne permet pas de répondre à l'ensemble des besoins de la population. Le virage ambulatoire dont on parle tant semble n'être resté qu'un voeu pieu.
Ces défis sont connus depuis longtemps. Pourtant, les récentes orientations qui ont été données à notre système de santé ont contribué à affaiblir celui-ci plutôt qu'à l'adapter aux enjeux que je viens d'évoquer. En particulier, la loi de santé du 26 janvier 2016 a augmenté les contraintes administratives et réduit les marges de manoeuvre des médecins. La généralisation obligatoire du tiers payant en est la principale illustration : en imposant à l'ensemble des médecins un système de paiement par tiers payant complexe et peu sécurisé, comme l'a d'ailleurs montré la censure partielle du dispositif par le Conseil constitutionnel, le tiers payant réduit le temps médical et augmente les contraintes des médecins, ce qui ne peut que décourager les plus jeunes d'entre eux d'opter pour l'exercice libéral.
La loi de santé a également largement contribué à déstabiliser l'hospitalisation privée, en revenant sur les critères du service public hospitalier (SPH) énoncés par la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) de 2009, et en écartant sans ménagement les cliniques privées de l'exercice de ces missions de service public hospitalier. Or l'hôpital privé est le deuxième pilier de notre système de santé ; il est plus que jamais nécessaire de reconnaître son rôle essentiel dans l'organisation de notre système de santé et de lui permettre d'exercer pleinement ses missions.
L'objet de cette proposition de loi est donc d'introduire les aménagements qui apparaissent indispensables pour améliorer la performance de notre système de santé au service de nos concitoyens.
Le premier axe de la proposition de loi donne la priorité à la médecine libérale.
Pour commencer, l'article 2 propose la suppression du tiers payant généralisé afin de simplifier les démarches administratives des médecins exerçant en ville. Cette suppression n'aura aucune incidence sur l'application du tiers payant pour les patients qui y ont déjà droit, dès lors qu'ils sont éligibles à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) ou à l'aide à la complémentaire santé (ACS) par exemple.
L'article 6 crée les plateformes territoriales d'appui de la médecine libérale pour la coordination des parcours de soins complexes qui, contrairement aux plateformes créées par la loi de santé, replacent le médecin au coeur du dispositif.
L'article 7 propose d'assouplir les modalités de regroupement des médecins qui souhaitent se réunir au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, en supprimant la possibilité pour les agences régionales de santé (ARS) d'imposer de tels regroupements, car il va de soi que l'exercice regroupé ne peut être efficace que s'il émane de la volonté des professionnels de santé eux-mêmes.
Pour encourager les jeunes médecins à choisir l'exercice libéral plutôt qu'une carrière hospitalière, les articles 8 et 9 proposent de réformer les études de médecine, ce qui est réclamé de longue date : d'une part, en régionalisant les examens organisés à l'issue de la première année et de la sixième année du cursus universitaire ; d'autre part, en créant des centres ambulatoires universitaires (CAU) qui proposeront aux étudiants de médecine une formation aux soins ambulatoires en dehors du milieu hospitalier, et qui permettront de renforcer la recherche et l'enseignement en matière de soins ambulatoires.
Le deuxième axe de la proposition de loi est le rétablissement de l'équité entre l'hôpital public et l'hôpital privé pour garantir l'efficience du système de santé dans son ensemble.
L'article 1er donne ainsi à l'État un rôle d'arbitre chargé de réguler la concurrence entre les offreurs de soins, tout en rappelant le principe fondamental de libre choix du patient.
L'article 3 rétablit la possibilité pour les cliniques privées qui le souhaitent d'exercer les missions de service public hospitalier.
Pour alléger les contraintes administratives pesant également sur les hôpitaux, l'article 4 instaure une expérimentation permettant aux établissements de santé publics d'être soumis aux règles applicables aux établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), plus souples, notamment en matière de gestion des ressources humaines. Il s'agit d'évoluer vers une possible autonomie des hôpitaux, comme il existe une autonomie des universités.
L'article 5 précise que les autorisations accordées par les ARS aux établissements de santé doivent être de même durée, quel que soit le statut de l'établissement concerné.
Le troisième et dernier axe de la proposition est l'amélioration des traitements et de la prévention.
L'article 10 vise à lutter contre l'iatrogénie médicamenteuse en permettant aux pharmaciens d'accéder, comme les médecins, à l'historique des remboursements de l'assurance maladie.
Enfin, l'article 11 propose une nouvelle approche de la prévention en matière de santé, en développant une logique contractuelle entre le patient et l'assurance maladie ou les organismes payeurs : il s'agit avant tout de rendre le patient conscient de sa capacité à se maintenir en bonne santé tout au long de sa vie.
Je terminerai mon propos en soulignant que cette proposition de loi est le fruit d'une concertation avec les acteurs de notre système de santé. En amont du dépôt de ce texte, nous avons rencontré, avec les collègues que j'ai cités, près d'une vingtaine de représentants des médecins, des fédérations hospitalières, des étudiants en médecine, des complémentaires santé ou encore d'experts en matière de santé.
La proposition de loi initiée par notre collègue Jean-Pierre Door a pour objectif de « proposer les aménagements qui apparaissent indispensables pour améliorer à court terme les capacités d'adaptation du système et sa performance au service de nos concitoyens. » Elle propose de rééquilibrer le système en le « déshospitalisant » et en redonnant toute sa place à la médecine de ville, nous dit-on.
Effectivement, on peut d'ores et déjà le noter dans son titre, cette PPL ne comporte pas de propositions s'inscrivant dans une vision globale du système de santé, ni dans une remise en cause de la loi de modernisation de notre système de santé portée par Marisol Touraine et promulguée le 26 janvier 2016. Elle n'en apporte pas davantage sur les sujets dits prioritaires que le rapporteur a énumérés dans son propos liminaire. Aucun article ne vise à amender ou à compléter la loi dans son volet prévention, ce dont nous nous réjouissons. Ni les articles concernant le paquet neutre, qui se met en place ces jours-ci, ni les articles relatifs aux salles de consommation à moindre risque, qui ont pourtant mobilisé notre hémicycle à votre initiative, ne sont évoqués, pas plus d'ailleurs que la lutte contre l'obésité ou les maladies chroniques.
Nous nous réjouissons que vous ayez fait vôtre ce titre Ier relatif à la prévention, qui préfigure bien ce que doit être, à nos yeux, un système de soins à l'avenir : un système qui sait anticiper, prévenir dès le plus jeune âge et protéger le plus possible des maladies qui peuvent être évitées. D'ailleurs, en en faisant le titre Ier de sa loi, la ministre avait bien signifié qu'elle entendait faire de la prévention un axe prioritaire du système de santé, dans l'objectif de combattre les inégalités, mais aussi de préserver notre système de sécurité sociale, car il est toujours plus coûteux de guérir que de prévenir. De fait, les efforts réalisés depuis 2012 nous permettent d'enregistrer des évolutions positives des comptes de la sécurité sociale, sans procéder à des déremboursements et en prenant néanmoins en charge les innovations thérapeutiques – nous l'avons constaté avec satisfaction pour l'hépatite C.
Vous centrez votre PPL sur des sujets que nous savons être pour vous des totems, que vous brandissez comme des arguments pour inquiéter nos concitoyens ou donner des gages à votre électorat. Mais au fond, vous en conviendrez, il y a peu ou pas de propositions nouvelles, pas de nouveau cap, simplement une suite d'articles qui viennent compléter ou amputer, sur quelques points emblématiques, la loi de janvier 2016 qui comporte, rappelons-le, pas moins de 227 articles.
Ainsi en est-il de l'article 1er, qui pourrait laisser penser à un lecteur non averti que la loi de janvier 2016 reviendrait sur le libre choix du patient, alors même que l'article L. 1110-8, premier alinéa, du code de la santé publique précise que « le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire ».
De la même manière, la loi du 26 janvier n'a pas remis en cause la liberté d'installation des médecins, comme nous l'avons parfois entendu ici ou là. Nous notons d'ailleurs avec satisfaction que votre PPL ne revient pas non plus sur la notion de communauté professionnelle de territoire de santé et son corollaire, le contrat territorial de santé, même si votre article 7, sous prétexte de souplesse, vise ni plus ni moins à supprimer l'initiative que pourraient avoir les ARS en cas de défaut d'initiative des professionnels.
Permettez-moi, comme je l'ai fait lors des débats dans l'hémicycle, de vous dire notre désaccord, mais surtout notre perplexité devant votre proposition de loi : au fond, vous proposez, ni plus ni moins, de créer des inégalités entre les territoires et entre nos concitoyens.
Nous savons tous très bien qu'il y a aujourd'hui des communautés qui peuvent fonctionner, et des territoires où les professionnels sont insuffisants ou peu organisés entre eux. Faut-il accepter cet état de fait et considérer que l'ARS n'aurait pas, dans ces territoires, à encourager, à initier, à rechercher les moyens de recréer la synergie ? Non, bien sûr, et la rédaction de cet article, reprise en concertation avec les acteurs, a permis de rassurer sur les intentions. L'ARS n'interviendrait qu'à défaut d'initiative des professionnels et en concertation avec les unions régionales et les représentants des centres de santé.
Deux articles de votre proposition de loi portent sur l'hôpital. L'article 3 vise à rétablir le modèle de la loi HPST et supprimer la notion de service public hospitalier, tel qu'il est défini par l'article 99 de la loi de santé, qui réaffirme solennellement l'existence du service public hospitalier autour d'un bloc d'obligations, comme l'absence de dépassements d'honoraires, la permanence de l'accueil et l'égalité d'accès aux soins. S'il respecte ce cadre, un établissement privé à but lucratif peut participer au service public hospitalier tel que le prévoit l'article L. 6112-3 du code de la santé publique. Il nous semble normal que l'on puisse se réclamer du service public si l'on en respecte les valeurs et les contraintes.
À quelques mois d'échéances importantes, on voit bien la finalité de votre proposition. Arrêtons-nous quelques instants sur l'enjeu : améliorer l'accès aux soins de tous les Français. Si vous avez raison de souligner que les plus fragiles ont déjà le tiers payant, vous passez complètement sous silence la situation de ceux qui sont juste au-dessus des plafonds de la CMU-C et de l'ACS.
C'est dans ce cadre que s'inscrit la mesure de généralisation du tiers payant que vous voulez supprimer. Celui-ci se mettra en place progressivement s'agissant de la prise en charge par l'assurance maladie obligatoire. En outre, les professionnels pourront proposer le tiers payant pour la partie remboursée par les organismes complémentaires. Par ailleurs, conformément à la demande exprimée par notre assemblée, l'assurance maladie et les assurances complémentaires ont proposé, dans le cadre d'un rapport présenté devant notre commission le 15 mars, une solution technique commune.
Pour toutes ces raisons, et d'autres sur lesquelles j'aurais l'occasion de revenir lors de la présentation de nos amendements, nous ne voterons pas cette PPL. Non seulement, celle-ci revient sur des dispositions à nos yeux emblématiques et fondamentales de la loi de modernisation du système de santé, mais, en se centrant sur quelques points relatifs au système de soins, elle ne propose, de surcroît, qu'une vision très partielle de la problématique, alors même que notre système de santé a besoin aujourd'hui d'ambition, de caps clairs et de décisions fortes, celles-là mêmes que nous avons entérinées par notre vote, le 18 décembre dernier.
L'intérêt d'un texte ne se mesure pas au nombre de ses articles. D'ailleurs, les professionnels de santé auditionnés ont reproché à Mme Touraine d'avoir présenté un texte fourre-tout qui ne répondait ni à leurs attentes ni à celles de nos concitoyens – dont l'intérêt doit pourtant guider toute action législative en la matière.
Tel est, du reste, l'objet de la proposition de loi de M. Door et du groupe Les Républicains, qui vise précisément à améliorer cette loi. À la différence de la majorité, en effet, nous considérons, nous, que la richesse du système de santé français tient à ses deux piliers : un secteur privé et un service public performants. Pour nous, il n'y a pas, d'un côté, les méchants et, de l'autre, les gentils. Nous avons besoin des deux systèmes pour permettre à nos concitoyens d'avoir partout accès aux soins sur l'ensemble du territoire. Il est des territoires dont l'histoire a fait que les établissements privés sont plus importants, en présence ou en offre de soins, que le service public.
J'ajoute qu'au moment où nous renforçons le rôle de l'ambulatoire, il nous faut réorganiser la médecine de ville libérale. Or cela ne peut se faire qu'avec les professionnels de santé, qui connaissent leur métier et sont quotidiennement en contact avec nos concitoyens. Nous devons donc leur faire confiance, tout en les rappelant à leurs responsabilités. L'un des articles de la proposition de loi vise ainsi à réorganiser le système en permettant aux médecins libéraux et, au-delà, à l'ensemble des professionnels de santé, médicaux ou paramédicaux, de s'organiser en réseau en fonction des besoins d'un territoire.
En ce qui concerne le service public hospitalier, nous recherchons l'équité. Actuellement, pour intégrer le service public hospitalier, un établissement privé doit respecter certaines conditions, notamment en matière de dépassements d'honoraires. Or, nous sommes bien placés pour le savoir, ceux-ci sont également pratiqués dans les hôpitaux publics. Il nous semble logique, pour garantir l'offre de soins sur un territoire, que les établissements privés puissent intégrer sans condition le service public hospitalier.
Par ailleurs, nous voulons renforcer le rôle des hôpitaux publics, notamment des centres hospitaliers universitaires (CHU), qui doivent retrouver leurs véritables missions : la recherche, l'innovation et l'excellence. À ce propos, il est un sujet qui n'est pas abordé dans la proposition de loi – mais celle-ci n'est que l'ébauche d'un véritable programme de réforme du système de santé –, c'est celui de la gestion des urgences qui demande à être examiné de manière approfondie. En tout état de cause, il nous faut peut-être faciliter la gestion des ressources humaines dans les hôpitaux publics et leur accorder davantage d'autonomie, sur le modèle que nous avons adopté sous l'ancienne législature pour les universités. Une plus grande liberté pour adapter leur offre de soins sur leur territoire, c'est en tout cas ce que souhaitent un certain nombre de directeurs, et la Fédération hospitalière de France (FHF) n'y est pas du tout opposée.
Un thème était totalement absent du projet de loi de Marisol Touraine : la formation des jeunes médecins. Nous l'abordons dans la proposition de loi, du point de vue notamment du numerus clausus ou de l'adaptation du recrutement aux besoins de chaque territoire, tout en garantissant, dans le cadre de la problématique des déserts médicaux, en milieu rural ou urbain, la liberté d'installation des médecins, à laquelle nous tenons tout autant qu'au libre choix de son médecin par le patient.
Parce que nous ne voulions pas présenter un texte fourre-tout, nous avons choisi d'aller à l'essentiel, notamment en matière de prévention. Mais nous aurions pu aller beaucoup plus loin, notamment sur la réforme de la médecine libérale ou la question des maisons de santé, qui ne correspondent pas aux besoins de tous les territoires. Nous avons également discuté des groupements hospitaliers de territoire (GHT), car, là encore, nous ne pouvons pas imposer un modèle unique à l'ensemble des territoires. Dans certains d'entre eux, les GHT fonctionnent remarquablement – c'est le cas dans mon département –, mais, dans d'autres, ils posent des difficultés, en particulier lorsque, dans une commune, le principal établissement de santé est un établissement privé, donc exclu à ce titre du GHT, et que l'hôpital public le plus proche est à plusieurs dizaines de kilomètres. Ce que nous souhaitons, en tout cas, c'est une politique de santé adaptée aux besoins de chaque territoire, en fonction de leur population, de leur histoire et de leur géographie.
En conclusion, je tiens à féliciter Jean-Pierre Door et l'ensemble des députés qui ont travaillé sur cette proposition de loi, car elle marque un tournant dans la façon d'appréhender la politique de santé. Nous devons, en effet, sortir de l'hospitalo-centrisme ; nous, nous souhaitons une politique de santé équitable sur l'ensemble du territoire, dans laquelle le privé et le public ont leur place. En aucun cas, nous ne souhaitons opposer l'un à l'autre.
Monsieur Robinet, permettez-moi de vous faire remarquer que, le 18 février 2015, Jean-Louis Costes, Bérengère Poletti et Francis Vercamer, tous trois députés de l'opposition, ont déposé une proposition de loi dans laquelle il est question d'exercer une coercition en matière d'installation des médecins. Il serait souhaitable que vous fassiez preuve de cohérence si vous voulez que nos concitoyens comprennent quels seront vos choix l'an prochain.
D'une part, M. Vercamer est membre du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI). D'autre part, je pourrais faire la même remarque à propos de certains membres de votre groupe, madame la présidente.
Je disais cela sans esprit polémique, souhaitant simplement souligner que l'ensemble des groupes parlementaires sont divisés sur la question de savoir s'il faut poursuivre la politique d'incitation actuelle ou passer à une politique de coercition. C'est une question qu'il faudra bien trancher.
Par ailleurs, vous avez mentionné la situation des urgences. Or je vous rappelle qu'il y a un an, nous avons publié un rapport d'information consacré à l'ensemble des urgences, et à la permanence des soins en général ; ce rapport, qui comporte plusieurs préconisations, a été adopté à l'unanimité par notre commission. La réflexion que vous souhaitez engager a donc été menée et conclue…
Je veux tout d'abord féliciter Jean-Pierre Door pour le travail qu'il a consacré à cette proposition de loi, qui peut être considérée comme un contre-projet à la loi de santé du 16 janvier dernier que le groupe Les Républicains n'a pas votée. Certes, cette loi comporte des avancées, notamment en matière de prévention, mais il faut bien reconnaître qu'elle a crispé les professions médicales.
La proposition de loi vise ainsi à réaffirmer le principe du libre choix par le patient de son professionnel de santé et à revenir sur la généralisation du tiers payant. Elle considère que les cliniques aussi peuvent exercer des missions de service public et tend à faire évoluer la formation des médecins afin qu'ils découvrent d'autres pratiques que les seules pratiques hospitalières – et, peut-être, apporter une réponse au problème du choix d'installation des jeunes médecins.
Elle présente également l'avantage de tenir compte des difficultés qui sont observées sur le terrain quelques mois seulement après la promulgation de la loi de santé. Elle vise ainsi à faire évoluer les plateformes territoriales d'appui aux professionnels de santé et les communautés territoriales professionnelles de santé, qui sont vécues sur le terrain comme des innovations technocratiques. Je pourrais également mentionner les groupements hospitaliers de territoire qui, s'ils fonctionnent à certains endroits, ne manquent pas d'inquiéter les élus, qui se sentent écartés des choix qui seront faits à terme s'agissant de ces groupements.
Force est de constater, compte tenu des commentaires de nos collègues de la majorité et des amendements de suppression qui ont été déposés sur chacun de ses articles, que cette proposition de loi a une courte espérance de vie. Elle risque fort, en effet, d'être rejetée en séance publique, alors que, pour le groupe Les Républicains, elle constitue une véritable réponse concrète aux interrogations des professionnels de santé sur le terrain et de nos concitoyens.
J'ajoute que la question du financement de la politique de santé et de la protection sociale en général se pose à nous tous, quelles que soient nos sensibilités politiques. Mais l'organisation du système de soins demeure perfectible. C'est pourquoi je voterai cette proposition de loi.
Les chiffres les plus récents démontrent qu'en matière de santé publique, la ministre de la santé et des affaires sociales est parvenue à réduire les coûts sans remettre en cause les droits des malades, puisque le déficit que nous a légué la précédente majorité a été réduit de 70 % sans que le reste à charge des assurés augmente. C'est un point important, car ces économies ont vocation à être réinvesties et à dégager des marges de manoeuvre pour améliorer la santé de la population.
Par ailleurs, on a le sentiment que cette proposition de loi a pour seul objet de supprimer la généralisation du tiers payant. En cela, elle apparaît comme l'expression d'un certain corporatisme. Je veux donc réaffirmer ici que la politique de santé a pour objectif de permettre aux gens de se soigner et de leur assurer un « état de complet bien-être physique, mental et social », pour reprendre la définition que l'OMS donne de la santé. Celle-ci n'a pas de prix, dit-on, mais elle a un coût, hélas ! La prise en charge des médicaments dans le cadre du tiers payant, que personne ne conteste aujourd'hui, pourrait être étendue – et c'est ce que nous avons voté – à l'ensemble des professions médicales, afin de rétablir un équilibre qui a été largement mis à mal par les dépassements d'honoraires et par le creusement des inégalités dans l'accès aux soins.
La généralisation du tiers payant est donc un symbole fort qu'il ne faut pas remettre en cause. Bien entendu, certains médecins ont pu le contester, pour des raisons que l'on peut comprendre, et nous pouvons sans doute en améliorer la mise en oeuvre.
Pour conclure, je veux dire qu'il n'y a pas lieu d'opposer le public et le privé. Le premier doit être privilégié parce que l'hôpital public est l'hôpital de tout le monde. Pour autant, chacun constate dans son territoire que public et privé coopèrent harmonieusement.
Nous avons tous en mémoire la manifestation historique du 15 mars 2015. Médecins, chirurgiens, pharmaciens, infirmières, bref tous les professionnels de santé, qu'ils exercent dans le public ou dans le privé, s'étaient levés pour dire non au projet de loi de Marisol Touraine, qui les avait traités avec mépris et avait balayé leurs demandes d'un revers de main. Pendant ce temps, nous avons mené un travail de concertation et d'écoute dont la proposition de loi de Jean-Pierre Door est le résultat.
Ce texte frappé au coin du bon sens poursuit ainsi plusieurs objectifs voulus par les professionnels. J'en retiendrai trois. Le premier est la simplification administrative, puisque nous proposons de revenir sur la généralisation du tiers payant, que nous nous sommes engagés à supprimer.
Le deuxième objectif est l'inscription de la médecine ambulatoire au centre de notre système de santé, dont tout le monde parle sans forcément définir les moyens d'y parvenir. Je salue, à cet égard, la proposition novatrice de créer des centres ambulatoires universitaires. En effet, les professionnels s'accordent à dire qu'il faut en finir avec un enseignement « hospitalo-centré ».
Le troisième est la recherche d'un équilibre, au sein du service public hospitalier, entre les établissements publics et les établissements privés, ces derniers ayant été particulièrement mis à mal par la loi du 26 janvier. Par l'article 3, qui assouplit les conditions d'exercice des missions de service public hospitalier pour les établissements de santé privés, nous proposons de renouer avec l'excellence de notre système de santé, qui repose sur la complémentarité entre public et privé.
Enfin, je souhaiterais interroger notre rapporteur sur la convergence tarifaire, qu'il était prévu d'appliquer en 2012, puis en 2018, et qui a finalement été abandonnée par le gouvernement actuel. Comment relancer cette convergence, puisqu'il en va, là aussi, de la rationalisation des dépenses de santé ?
Monsieur le rapporteur, je trouve intéressant que nous ayons, sur ce sujet, un débat d'idées, au-delà des polémiques habituelles qui opposent nos deux camps. Vous estimez, dans votre projet de rapport, que le « système est aujourd'hui à bout de souffle », mais vous avez été aux responsabilités pendant un certain temps ! Par ailleurs, Mme Dormont, dont vous citez une note de 2014, a tenu des propos qui devraient vous faire hurler, puisqu'elle estime que « la généralisation du tiers payant est une mesure extrêmement structurante. [...] C'est d'une certaine manière la mort annoncée du système libéral ». Je ne suis pas certain, que dans ce domaine, elle aille dans votre sens.
Et puis il est un peu simpliste de prétendre que la droite défendrait le système libéral et que la gauche voudrait le mettre à bas. C'est beaucoup plus compliqué, et vous le savez. L'objectif de la réforme était de faire de notre système de soins, reconnu pour son efficience en dépit de ses difficultés, un système qui favorise la prévention. Nous en sommes tous responsables ; vous parlez vous-même de prévention.
Par ailleurs, vous picorez dans le rapport du sénateur Maurey, qui appartient au groupe UDI. Il a, certes, proposé des pistes de réforme des études médicales, mais, en matière de coercition, il n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Il propose ainsi un conventionnement sélectif, des obligations pour les spécialistes, une possible coercition, à terme, pour les médecins généralistes, et j'en passe. Lorsque vous citez des auteurs, citez-les jusqu'au bout !
Nous avons là un débat de fond ; nous devons assumer nos choix. Je ne suis pas, pour ma part, favorable à la fin de la médecine libérale. Nous avons du reste rappelé, lors de la discussion du projet de loi de modernisation du système de santé, que ses principes n'étaient pas touchés par ce texte. Vous estimez que nous en sommes les fossoyeurs ; je crains que vous n'ayez de la question une vision à géométrie variable qui sert uniquement vos intérêts politiques.
Nous sommes tous attachés au respect des principes fondamentaux qui fondent notre système de santé : l'égal accès de tous aux soins, la qualité des soins, le principe de solidarité. Il repose à la fois sur une médecine libérale et sur notre système public de santé.
À juste raison, monsieur le rapporteur, vous réaffirmez ce droit du citoyen au libre choix de son professionnel de santé, en apportant votre soutien aux médecins qui peuvent être inquiets d'une bureaucratisation de la médecine. Vous évoquez surtout les cliniques, à travers la possibilité, pour celles qui le souhaitent, d'exercer des missions de service public dans le cadre de règles précises. Il faut bien qu'il y ait des coopérations, des mutualisations d'équipement entre cliniques et hôpitaux qui se trouvent à proximité.
La mise en place des communautés hospitalières de territoires (CHT) n'est-elle pas l'occasion de prendre mieux en compte les établissements privés, trop souvent ignorés dans la constitution de ces CHT ? J'aimerais avoir votre avis, monsieur le rapporteur.
Je suis, par ailleurs, très favorable à la création de plateformes territoriales d'appui à la médecine libérale, car il est important d'assurer la prise en charge globale des patients relevant de parcours souvent complexes, impliquant à la fois professionnels de santé et acteurs sociaux. Cela éviterait des hospitalisations inutiles et des ruptures de parcours, selon le principe que je ne me lasse pas de prôner : le juste soin, au bon endroit, au bon moment. Ainsi, le patient est pris en charge, qu'il s'agisse de structures privées ou publiques, quel que soit le lieu où il habite.
Si l'on a, dans ce pays, une regrettable tendance à démolir ce qui a été fait précédemment, ce n'est pourtant pas ce que nous avons fait avec la loi HPST ; nous l'avons prolongée au regard des ARS, des GHT et de la définition des soins primaires.
Je m'interroge à propos de trois articles de la proposition de loi. D'abord, pourquoi inscrire dans la loi que le tiers payant ne doit pas être obligatoire alors qu'il s'agit d'un tiers payant généralisé ? Devant nous, la ministre a affirmé qu'aucune sanction ne serait prise contre ceux qui ne le pratiqueraient pas, hors les cas où s'appliquent la CMU-C ou l'ACS. Le vrai problème de la médecine libérale, c'est plutôt son manque d'attractivité ; quand arrive le moment de l'installation, les jeunes n'en veulent pas.
Ensuite, vous reprochez aux plateformes territoriales d'appui mises en place par la loi de santé leur lien avec le cadre hospitalier et les ARS, et vous créez les plateformes territoriales d'appui à la médecine libérale. Alors que vous prétendez ne pas créer de concurrence, vous accentuez les cloisonnements et les coûts inutiles. Je ne comprends pas bien.
Enfin, à l'article 11, vous abordez la question de la prévention, déjà bien traitée par le titre Ier de la loi de santé. Vous prévoyez un parcours de prévention « donnant lieu à la signature d'un contrat de prévention conclu entre l'organisme compétent et l'assuré s'engageant à être acteur de son maintien en bonne santé. » Faut-il comprendre que ces contrats incluront des sanctions et que, si le taux de glycémie du patient ne s'est pas normalisé ou que son poids ne s'est pas suffisamment réduit, il pourra se voir opposer un refus de prise en charge, comme cela s'observe en Europe de l'Est ?
Je n'ai décidément guère de points de convergence avec notre collègue Gérard Bapt. Alors qu'après quatre années aux affaires, les membres du Gouvernement rejettent encore sur la majorité précédente la responsabilité de tous les maux, ses propos me paraissent proprement invraisemblables.
Si nous avons dû déposer cette proposition de loi quelques mois seulement après l'adoption de la loi pour la modernisation du système de santé, c'est qu'elle a donné lieu à des débats insuffisamment ouverts, aussi bien en commission qu'en séance publique. Les propositions que nous avons défendues ont été rejetées pour des raisons politiques, puisque vous aviez décidé d'inscrire dans la loi le principe d'universalité notamment pour le tiers payant, avec pour corollaire l'affaiblissement de la médecine privée, et sans tenir compte des particularismes territoriaux.
Dans ma circonscription rurale, je constate que la mise en oeuvre du GHT, avec des hôpitaux de proximité adossés au CHU, eux-mêmes têtes de réseaux d'une médecine libérale souvent en difficulté, est extrêmement compliquée. Les dispositifs législatifs doivent permettre d'épouser la diversité des situations particulières sur les territoires, ce que le texte en vigueur ne fait pas. C'est pourquoi je soutiens cette proposition de loi.
Tout semble, au fond, tourner autour de la question de savoir si la médecine doit être ou non libérale. Or 90 % des jeunes médecins généralistes déclarent vouloir être salariés, alors que 90 % voulaient exercer de manière libérale à mon époque. C'est donc un faux problème puisqu'on ne peut pas obliger un médecin à exercer différemment de ce qu'il souhaite.
Sur ces questions, je n'ai en vérité pas le sentiment qu'existe un profond clivage entre la droite et la gauche, sauf en ce qui concerne les dépassements d'honoraires, plus sévèrement combattus par nous. Mais le clivage entre secteur public et secteur privé n'est plus d'actualité. Le dossier médical partagé contraint, au demeurant, l'un et l'autre à coopérer.
Les syndicats de médecins ont pu exercer des pressions contre le tiers payant généralisé. Ce dernier présente certes des inconvénients, comme une éventuelle surconsommation de soins – et encore ! –, mais ils sont plus que largement contrebalancés par les avantages de la formule. En 2009, lorsque je présidais l'Association des maires Ville et Banlieue de France (AMVBF), j'avais commandé une étude sur la question. Elle faisait ressortir que 41 % des jeunes n'accédaient pas aux soins de premiers recours dans les quartiers relevant de la politique de la ville, et ce principalement pour des raisons d'argent, tandis qu'une autre étude a montré que l'accès aux spécialistes restait insuffisant dans les catégories socio-professionnelles les moins favorisées.
Avec le tiers payant, les médecins seront-ils payés ou non ? Notre commission a reçu les responsables de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et des mutuelles, qui nous ont expliqué que les praticiens percevraient même des indemnités de retard s'ils n'étaient pas payés dans les quatre ou cinq jours. En revanche, les femmes seules avec enfant et les jeunes ne connaîtront plus de problème de paiement. Cela fait, en outre, baisser le risque d'agression qui était devenu si élevé pour les pharmaciens qu'ils devaient, comme les buralistes, se rendre à la banque jusqu'à quatre fois par jour.
Pour conclure, je rappellerai que la France a la meilleure médecine du monde, comme le prouvent ses excellents résultats en matière de longévité des patientes après un cancer du sein.
Il y a bien deux visions de la médecine : la vision socialiste, administrée, et la vision libérale. Nous n'avons pourtant pas voulu chercher une opposition frontale et systématique, mais au contraire tenté d'adopter une attitude constructive en avançant des propositions. Elles sont certes en nombre assez restreint, mais cela est dû à la nature de l'examen en ordre du jour réservé, dit « niche parlementaire », qui est extrêmement contraignant quant à la durée des débats, ne permettant l'examen que de textes de huit à dix articles tout au plus. Cela peut sembler peu par rapport aux quelque 200 articles de la dernière loi relative à la santé...
En tout état de cause, nous nous sommes efforcés de formuler des propositions pour faire évoluer le système de santé. Par exemple, le fait de ne pas appliquer le tiers payant ne sera pas assorti de sanctions pour le médecin ; mais nous voulons aller plus loin et préciser expressément que le tiers payant est facultatif. J'ai moi aussi assisté à l'audition des responsables de la CNAM et des mutuelles, mais elle ne m'a guère rassuré : nous entrons dans une médecine administrée sous tutelle des caisses, bien loin du modèle de la médecine libérale. C'était déjà le cas pour le traitement des maladies chroniques et graves, requérant des soins de longue durée et pris en charge à 100 %. Mais l'extension de cette approche va à l'encontre de la médecine libérale.
Nous regrettons que les établissements privés aient été mis de côté pour l'organisation du service public hospitalier, alors que la loi HPST les laissait intervenir, dans le cadre de contrats, pour remplir des missions de service public. Certains services, tels que SOS mains ou les services de cardiologie interventionnelle, sont plutôt des établissements privés. C'est une erreur de les mettre de côté ! D'autant que, dans mon esprit, ces établissements n'interviendraient qu'à partir du moment où ils auraient signé un cahier des charges ou une convention. Comme l'a dit notre collègue Arnaud Robinet, dans certains endroits de notre territoire, le secteur privé est plus présent que le secteur public.
Quant au fait que 90 % des jeunes préfèrent le salariat, j'ai, pour ma part, rencontré les représentants de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ADEMF) qui m'ont avoué mal connaître l'exercice libéral de la médecine. Les étudiants sont happés par les chefs de service hospitaliers qui ont besoin d'eux pour faire des heures, mais ils ne savent pas ce qu'est la vraie médecine libérale.
Notre idée est de leur offrir la possibilité de sortir de ce cadre pour qu'ils aillent dans des maisons de santé ou des services ambulatoires afin qu'une prise de conscience puisse s'opérer chez eux. Nous avons, par exemple, pensé aux centres ambulatoires universitaires, dont les médecins seraient leur maître de stage. Dans ces maisons pluridisciplinaires, ils pourraient rester en stage, non quelques semaines ou quelques mois, mais un an ou un an et demi. En travaillant au contact des seniors, ils découvriraient une nouvelle facette du métier et choisiraient peut-être de s'installer en libéral.
Avec nos plateformes communautaires, nous n'allons certes pas plus loin que la loi de santé. Mais nous voulons que l'organisation de ces plateformes vienne du terrain, non qu'elle soit décidée par les ARS. Hier même, je suis allé discuter avec la directrice de l'ARS dont je dépends d'un financement qui m'a été refusé parce que le projet en question n'avait pas été initié par ladite ARS. À force de rencontrer des refus, les médecins sur le terrain, c'est sûr, ne prendront plus d'initiative. Nous voulons aller dans le sens d'une déshospitalisation et d'un recours accru à la médecine ambulatoire, en poussant les choses plus loin que dans la loi Touraine.
M. Liebgott a sorti les résultats de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Tant mieux si le déficit se réduit, mais, en lisant attentivement ces résultats, on voit que ce n'est pas sur les soins de ville ni sur l'hôpital qu'a lieu cette réduction ; c'est sur les retraites, grâce à la loi Fillon qui a reporté le départ à soixante-deux ans, sur la famille, depuis la modulation des allocations familiales, et sur l'AT-MP, car il y a eu moins d'accidents de travail – peut-être parce que le chômage est élevé.
Mme Dormont a de bonnes idées, monsieur Sebaoun, mais il y en a d'autres que je n'accepte pas du tout. Elle souligne que le système français laisse peu de place à « la comparaison et à la concurrence, ce qui n'est pas propice à un service de qualité », et elle a raison. Nous demandons plus de concurrence, donc plus d'autonomie. Je suis évidemment, comme vous, contre la coercition.
C'est vrai que la médecine libérale est en panne. Nous cherchons des solutions, vous aussi, mais nous n'allons pas dans la même direction.
M. Bapt a parlé des communautés territoriales. Si elles sont construites par les professionnels de santé sur le terrain, elles peuvent présenter des avantages formidables. Il faut laisser les médecins travailler ensemble plutôt que sous la tutelle parfois trop rigide de l'ARS. Certaines maisons de santé n'ont pas de financement. L'ARS se tourne vers les collectivités et celles-ci refusent les paiements si le projet n'est pas validé par l'ARS.
Nous allons plus loin dans la prévention, car c'est le parent pauvre de la politique sociale, à 4 % de nos dépenses, contre 15 à 20 % dans les pays nordiques ou le Canada. C'est la prévention tout au long de la vie, dès le plus jeune âge, qui permettra de limiter l'explosion des maladies chroniques. C'est là une demande des associations de patients, par exemple des patients du diabète, qui nous parlent trop souvent du manque d'observance, d'arrêts de traitement…
La prévention doit être contractuelle entre le patient et les organismes payeurs. Si quelqu'un ne respecte pas son traitement dans le cadre d'une prise en charge d'affection de longue durée (ALD) à 100 %, il faut qu'une alerte soit possible. Il ne s'agit pas d'interdire, à l'anglaise, les interventions cardiaques à ceux qui continuent de fumer, comme il en a été question un moment, mais nous pouvons envisager des contrats de prévention suivis par les organismes payeurs et le médecin traitant, alors qu'une personne aujourd'hui en ALD y reste toute sa vie même si elle guérit – les critères de sortie n'ont jamais été revus.
En ce qui concerne l'autonomie des hôpitaux, nous croyons à ce qui a été fait avec les universités. Il faut voir si les hôpitaux sont demandeurs. La fédération hospitalière de France n'est pas contre. Nous pourrions expérimenter une extension du statut des établissements de santé privés d'intérêt collectif, à but non lucratif, qui fonctionnent bien : certains de ces établissements marchent même mieux, à Paris, que l'AP-HP.
S'agissant du groupement hospitalier de territoire, l'erreur de la loi a été de définir les périmètres avant le projet médical. Au 1er juillet, le GHT est obligatoire, dans ma circonscription, alors que le projet médical n'est pas encore sur pied. Il faut donner aux équipes le temps de construire ce projet, alors qu'on leur impose, dans certains territoires, un périmètre dont elles ne veulent pas. Le rapport Martineau-Hubert a permis de rectifier la loi en montrant que le projet médical n'était souvent pas assez construit pour pouvoir créer un GHT. Je suis personnellement favorable au GHT, mais à condition que le projet médical soit construit au préalable.
Notre majorité, en son temps, avait souhaité la convergence tarifaire, qui devait être totale en 2018. Cette convergence est aujourd'hui arrêtée mais, quand nous reprendrons les rênes, nous la relancerons. Quant à la tarification à l'activité (T2A), elle a besoin de réforme. Le rapport Véran est favorable à la T2A à condition qu'elle soit modifiée en prévoyant parallèlement d'autres types de subsides, par exemple dans le cadre des MIGAC (missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation), et j'approuve ce point de vue, car les hôpitaux ont des niveaux d'activité différents.
Il y aura des mesures dans le PLFSS 2017 pour des activités dites non rentables : soins de jour, soins intensifs, soins de réanimation et soins palliatifs, notamment.
À l'attention de ceux qui se font du souci pour leurs hôpitaux de proximité, je rappelle que Mme Touraine a annoncé un plan d'investissement de 2 milliards d'euros sur cinq ans. Un décret va sortir avec la liste des hôpitaux retenus.
La Commission en vient à l'examen des articles.
Article 1er : Définition des objectifs de la politique de santé
La Commission examine l'amendement AS1 de Mme Bernadette Laclais.
Nous proposons de supprimer l'article 1er de la proposition de loi, qui vise à compléter l'article L. 1411-1 du code de la santé publique, lui-même profondément modifié par la loi de modernisation de notre système de santé en vue de préciser les finalités de la politique de santé, redéfinir son périmètre et clarifier la place des acteurs. Il ne nous semble pas que la politique de santé puisse se résumer à une « recherche de l'efficience » et à une « concurrence régulée ». De même, le libre choix du patient est d'ores et déjà garanti à l'article L. 1110-8 du même code, complété lors du débat parlementaire à la satisfaction des associations de patients.
Avis défavorable. Rien ne dit dans cet article que la politique de santé doit se résumer à ces deux objectifs. Nous ne faisons qu'ajouter un alinéa précisant qu'il est nécessaire d'en tenir compte, sans supprimer les objectifs actuels. Il est nécessaire de confier à l'État un rôle de régulateur de la concurrence entre les offreurs de soins. L'État doit être garant et non gérant de la santé.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2 : Suppression de la généralisation du tiers payant
La Commission examine l'amendement AS2 de Mme Bernadette Laclais.
L'article 2 vise à revenir sur la généralisation obligatoire du tiers payant. Parce que nous sommes persuadés que le tiers payant généralisé peut contribuer à l'amélioration de l'accès aux soins de nos concitoyens, et pas seulement des plus fragiles, car au-dessus des plafonds de la CMU-C et de l'ACS il y a des personnes en difficulté qui sont parfois contraintes de différer des soins pour des raisons de trésorerie, nous proposons de supprimer cet article.
M. Bapt semblait dire que le tiers payant généralisé était une option au choix des médecins. Or, s'il est généralisé, ce n'est plus un choix, et c'est bien ce que vous écrivez dans l'exposé sommaire de cet amendement : « Le tiers payant devient un droit pour l'ensemble des patients pris en charge à 100 % » au 31 décembre 2016, et « deviendra un droit pour tous les Français » au 30 novembre 2017.
Le tiers payant est actuellement obligatoire pour ceux qui ont des ressources inférieures à 720 euros par mois, pour la CMU-C, et à 950 euros par mois, pour l'ACS. Il est d'ores et déjà possible pour les ALD, et les médecins qui sont en mesure de le faire le pratiquent pour leur clientèle connaissant des conditions sociales difficiles. Le tiers payant généralisé, cela signifie que la possibilité est généralisée à tous les patients, mais il n'y a pas de sanction pour le médecin qui le refuserait. La ministre a été très claire à ce sujet. De nombreux secteurs de la médecine libérale sont déjà au tiers payant. Ces praticiens, au premier rang desquels les radiologues et les biologistes, restent des libéraux : cela n'a pas remis en question le fondement de la médecine libérale.
Avis défavorable. Pour nous, le tiers payant ne doit pas devenir obligatoire. Il doit rester facultatif et dépendre du choix de chaque professionnel de santé. Le rendre obligatoire serait mettre la médecine libérale sous tutelle des organismes payeurs. Très peu de professionnels de santé ou de syndicats soutiennent d'ailleurs cette proposition.
Vous employez l'expression « professionnels de santé », mais vous parlez des médecins. Je ne pense pas que les pharmaciens, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les orthophonistes et d'autres soient sous tutelle des organismes payeurs.
Le sujet sous-jacent au tiers payant, que les médecins pratiquent déjà et seront conduits à pratiquer davantage, notamment sous la pression amicale de leurs patients, c'est que vous êtes pour le paiement à l'acte et que nous y sommes clairement hostiles.
Je connais un groupe de médecins, installés à Castres, qui ont signé avec leur banque un accord qui leur permet de proposer à leurs patients un paiement différé – or l'intérêt du patient, c'est bien la dispense de l'avance de frais. Rien ne remet là en cause l'exercice libéral de la médecine ! C'est une guerre picrocholine que vous menez, même si je comprends bien qu'il s'agit d'alimenter une campagne électorale. Chez les médecins même, les avis sont, vous le savez tous, extrêmement partagés.
Sans reprendre ici les longs débats que nous avons eus dans l'hémicycle, je veux redire que c'est bien le fait d'obliger les médecins à pratiquer le tiers payant qui nous pose problème. Certains nous disent, en outre, que la sécurité sociale accuse un retard certain dans les paiements.
S'agissant du paiement à l'acte, c'est un débat important et ouvert. Aujourd'hui, le tarif d'une consultation médicale est le même quel que soit l'acte : or renouveler une ordonnance ou annoncer une maladie grave, ce n'est pas du tout pareil.
En effet, monsieur Sebaoun, nous sommes, nous, favorables au paiement à l'acte, complété par d'autres formes de paiement éventuellement.
Moi aussi, et la ministre aussi ! Lui, c'est un frondeur ! Je ne peux pas laisser dire que le groupe socialiste est contre le paiement à l'acte.
J'entends, cet après-midi, des choses contradictoires – qu'il faut absolument maintenir le paiement à l'acte et la médecine libérale, mais aussi que beaucoup de médecins préfèrent être salariés…
Le paiement à l'acte est, à mon sens, un système qui peut se révéler pervers ; mais il faut souligner qu'il existe déjà la possibilité de réaliser des consultations longues, pour des affections de longue durée par exemple, avec un tarif spécifique.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3 : Assouplissement des conditions d'exercice des missions de service public hospitalier pour les établissements de santé privés
La Commission examine l'amendement AS3 de Mme Bernadette Laclais.
L'article 3 tend à revenir sur la définition du service public hospitalier proposée par l'article 99 de la loi de modernisation de notre système de santé. Or, s'il ne s'agit nullement pour nous d'opposer secteur public et secteur privé, nous croyons que l'appartenance au service public hospitalier oblige à en accepter les contraintes. C'est une question de principe.
La loi de santé a mis sur la touche les établissements de santé à but lucratif, en prétextant les problèmes de dépassements d'honoraires. Mais ceux-ci ne sont pas systématiques, notamment dans les domaines où les communautés hospitalières de territoire (CHT) ou les groupements de coopération sanitaire (GCS) permettaient aux établissements privés d'exercer certaines missions de service public.
Cet article vise donc à rétablir l'équilibre entre secteur public et secteur privé : ils sont complémentaires. Je suis défavorable à sa suppression.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Les amendements AS13 et AS14 du rapporteur n'ont plus d'objet.
Article 4 : Expérimentation relative à la transformation du statut juridique des établissements publics de santé
La Commission examine l'amendement AS4 de Mme Bernadette Laclais.
L'expérimentation proposée ici ne nous semble pas pertinente ; en particulier, elle ne répond pas aux besoins des CHU. En effet, les établissements publics de santé (EPS), et notamment les CHU, disposent déjà d'une forte autonomie de gestion, comme le précise l'article L. 6141-1 du code de la santé publique. De plus, l'adoption par des établissements publics de règles de gestion privées serait susceptible d'engendrer des coûts de transition très importants, pour un gain difficile à évaluer – ce dont vous avez conscience, puisque vous ne proposez qu'une expérimentation.
Les règles budgétaires et les règles de financement sont déjà très proches pour les EPS et les ESPIC. Le nouveau code des marchés publics est applicable dans les mêmes conditions aux EPS et aux ESPIC.
Par ailleurs, sans remettre en cause le statut des établissements de santé, le ministère travaille depuis plusieurs années déjà avec des représentants hospitaliers pour mettre en oeuvre des mesures visant à simplifier la réglementation et les modalités de gestion des établissements.
Enfin, les GHT contribueront à atteindre les objectifs que vous fixez dans cet article.
Cette mesure ne concernerait pas seulement les CHU ; elle ne s'appliquerait, en outre, que sur la base du volontariat et de façon expérimentale.
Cette mesure a été proposée par la Fédération hospitalière de France, mais aussi par la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs : on ne peut accuser ni l'une ni l'autre de ne jurer que par le privé !
Je peux vous donner un exemple d'ESPIC qui fonctionne extrêmement bien : l'Institut Montsouris, à Paris. Avec ce statut, les grilles de salaires sont les mêmes, mais les embauches se font différemment, et le fonctionnement est plus fluide.
Nous nous inspirons là de l'exemple des universités, devenues peu à peu autonomes au cours de la législature précédente. Cela n'a pas si mal marché !
Si un CHU devient un ESPIC, que deviennent les personnels de la fonction publique hospitalière ? Je crains pour la paix sociale !
Il s'agit, je le répète, d'agir sur la base du volontariat. Je redis également que les CHU ne seraient pas seuls concernés : il y a aussi les centres hospitaliers régionaux (CHR), par exemple. À chaque établissement de choisir de s'engager dans cette démarche.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 4 est supprimé.
Article 5 : Durée des autorisations accordées par les agences régionales de santé aux établissements de soins
La Commission examine l'amendement AS5 de Mme Bernadette Laclais.
L'article 5 propose que la durée des autorisations obligatoirement accordées à tous les établissements de soins par les ARS ne puisse être différente pour les établissements publics et les établissements privés. Cette mesure est superflue : l'article L. 6122-8 du code de la santé publique ne prévoit pas de différences de traitement selon le statut de l'établissement.
La mesure que nous proposons vise à assurer une meilleure sécurité juridique. Mme la ministre a promis de la prendre au niveau réglementaire, mais il nous paraît très simple de l'insérer dans la loi. Refaire un dossier est difficile et coûte très cher. L'amendement AS15 propose donc un plancher de dix ans pour cette autorisation.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
L'amendement AS15 du rapporteur n'a plus d'objet.
Article 6 : Création des plateformes territoriales d'appui de la médecine libérale
La Commission examine l'amendement AS6 de Mme Bernadette Laclais.
Si nous nous félicitons que le groupe Les Républicains approuve désormais la mise en place des plateformes territoriales d'appui aux professionnels pour améliorer la coordination des parcours complexes, nous ne sommes pas favorables à votre proposition de réécriture, qui recentre ces plateformes sur l'offre libérale.
Le développement d'une médecine de parcours, qui met le patient au centre de la prise en charge, implique une coordination des offreurs de soins. Les professionnels des soins primaires, qu'ils soient libéraux ou salariés, sont au coeur de cette évolution ; le décret d'application de l'article 74 de la loi de modernisation de notre système de santé est en cours de concertation avec eux. Il ne paraît pas utile de réécrire cet article.
Avis défavorable. La création et le pilotage de ces plateformes est aujourd'hui confiée à l'ARS ; les professionnels de santé – les médecins et les autres – sont écartés. Nous souhaitons, au contraire, que les professionnels libéraux soient étroitement associés au processus de création de ces plateformes.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Article 7 : Modalités de constitution des communautés professionnelles territoriales de santé
La Commission est saisie de l'amendement AS7 de Mme Bernadette Laclais.
L'article 7 porte sur les communautés professionnelles territoriales de santé. Aux termes de la loi de santé, l'ARS peut prendre les initiatives nécessaires pour créer ces communautés, à défaut d'initiative des professionnels. Ce point a d'ailleurs fait l'objet d'une large concertation.
Je comprends votre préoccupation, monsieur le rapporteur, mais la rédaction de la proposition de loi ne résout pas le problème que vous souleviez. Les débats parlementaires ont été très clairs, je crois, sur le fait que si la contractualisation implique une discussion avec l'ARS, l'initiative doit venir des professionnels de santé eux-mêmes : le fait que l'ARS s'oppose à un projet imaginé par des professionnels me paraît aller à l'encontre de l'esprit du législateur.
Nous ne sommes pas éloignés sur ces sujets ; nous sommes même entièrement d'accord sur la définition et le but de ces communautés. Nous voulons ici relayer les inquiétudes des professionnels de santé qui souhaitent s'engager dans cette démarche mais craignent de passer sous la coupe des ARS : ce que nous demandons, c'est de la souplesse. Les professionnels connaissent les besoins de leur territoire. L'ARS doit financer ces structures ; elle doit les aider, mais elle ne doit pas les diriger. Laissons les professionnels construire leurs propres projets !
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 8 : Régionalisation des épreuves classantes nationales de médecine
La Commission est saisie de l'amendement AS8 de Mme Bernadette Laclais.
Vous nous proposez, par cet article, la régionalisation des épreuves classantes nationales (ECN). Nous pensons qu'une modulation régionale est nécessaire pour améliorer la répartition territoriale des médecins, mais que le respect d'un cadre national est également important.
C'est dans cet esprit que la première mesure de la « grande conférence de santé » prévoit la mise en place, dès la rentrée 2016, d'une modulation régionale du numerus clausus national. Cette modulation se fera en lien avec les acteurs locaux pour déterminer au mieux les besoins de santé et évaluer les capacités réelles de formation dans chaque territoire.
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l'article 8.
En proposant la régionalisation des ECN, nous proposons de revenir aux internats régionaux qui existaient auparavant. L'intérêt du dispositif était qu'une grande partie des jeunes qui avaient réussi l'épreuve classante régionale restaient dans le territoire où ils avaient passé leur internat. Mais ce dispositif a été supprimé avec l'institution de l'internat national.
Le président des doyens de l'Académie de médecine a lui-même évoqué la régionalisation des ECN, pour tenter de fidéliser les étudiants sur les territoires. De toute façon, un jour ou l'autre, on y viendra. Les doyens y pensent beaucoup, et si cela ne s'est pas encore fait, c'est pour des raisons de capacité d'accueil insuffisante des facultés. Mais la situation peut évoluer. Avis défavorable.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 8 est supprimé.
Article 9 : Création de centres ambulatoires universitaires
La Commission examine l'amendement AS9 de Mme Bernadette Laclais.
Il nous semble que la création, proposée à l'article 9, de centres ambulatoires universitaires est déjà satisfaite, notamment par l'article 118 de la loi de modernisation de notre système de santé, qui prévoit la création de centres de santé pluri-professionnels universitaires comportant une unité de formation et de recherche de médecine, ayant pour objet le développement de la formation et de la recherche en soins primaires.
Cette mesure s'inscrit dans la continuité du Pacte territoire santé lancé en 2013. Et depuis 2014, le ministère de la santé a autorisé les maisons et les centres de santé à porter, sans lien avec une structure hospitalière, des projets dans le cadre des programmes hospitaliers de recherche clinique.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 9.
Vous passez vraiment le texte au hachoir ! Il y a une différence fondamentale entre les centres ambulatoires universitaires et le dispositif mis en place par la loi de santé. Dans le premier cas, les médecins peuvent exercer en libéral, alors que dans le second, les médecins sont obligatoirement salariés.
Nous souhaitons que, dans leurs maisons de santé, dans leurs centres, les médecins libéraux puissent faire de l'enseignement, recevoir des étudiants et leur apprendre ce qu'est la médecine ambulatoire, la médecine générale, la médecine de famille.
Dommage que vous ne souscriviez pas à cette idée, nous la trouvions intelligente ! Avis défavorable.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 9 est supprimé.
Les amendements AS16, AS18 et AS17 du rapporteur n'ont plus d'objet.
Article 10 : Lutter contre l'iatrogénie médicamenteuse
La Commission examine l'amendement AS10 de Mme Bernadette Laclais.
Dans son travail, le pharmacien dispose du dossier pharmaceutique – 99 % des pharmaciens sont connectés et 34 millions de dossiers sont ouverts. Dans ce dossier pharmaceutique est retracé l'historique de la délivrance des médicaments, qui nous semble plus complet que le seul historique des remboursements par l'assurance maladie.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, non pas hachoir mais pragmatique.
Lorsque nous avions évoqué le sujet, nous avions eu l'impression que tout le monde était d'accord avec nous. Certes, le dossier pharmaceutique permet aux pharmaciens de connaître les médicaments dispensés au patient. Mais s'ils avaient, comme les médecins, accès au site AMELI et au site de remboursement des médicaments, ils auraient une vision à plus long terme – douze ou dix-huit mois.
Et puis, le pharmacien peut ne pas avoir le dossier pharmaceutique. À partir de la carte Vitale du patient, il pourrait savoir quels médicaments lui ont été remboursés au cours de la dernière année. Pourquoi le médecin aurait ces renseignements et pas le pharmacien ? Cela pourrait aussi permettre d'éviter quelques incidents iatrogéniques. Et ce n'est pas compliqué à faire. Du reste, je ne sais même pas si cela relève de la loi.
Le dossier pharmaceutique permet de remonter sur quatre mois. On peut penser que le médicament qui n'apparaît plus dans la liste n'est plus pris par le patient, et qu'il n'y a donc plus de risque d'iatrogénie médicamenteuse.
Et s'il n'a pas de dossier pharmaceutique ? Il y a 34 millions de dossiers ouverts mais 64 millions de Français.
Si l'on avait avancé sur le dossier médical personnel (DMP), on ne se poserait pas toutes ces questions. Mais vous le savez, vous qui avez été responsable, en 2008, d'une mission d'information pour le relancer.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 10 est supprimé.
Article 11 : Rapport au Parlement sur les conditions de mise en place d'un parcours de prévention en matière de santé tout au long de la vie
La Commission examine l'amendement AS11 de Mme Bernadette Laclais.
L'article 11 propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place un parcours de prévention pris en charge par l'assurance maladie, donnant lieu à la signature d'un contrat conclu entre l'organisme compétent et l'assuré s'engageant à être acteur de son maintien en bonne santé.
Je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit excellemment notre collègue Gérard Bapt. Si l'on peut partager l'idée d'un parcours de prévention, dont la loi de modernisation de notre système de santé a fait sa première priorité, on ne saurait souscrire à celle d'un contrat passé entre l'assuré et l'organisme compétent compte tenu du risque de contrainte et de refus de prise en charge si un certain nombre de clauses n'étaient pas respectées.
Une telle proposition est particulièrement inquiétante dans la mesure où elle rend l'individu seul responsable de sa bonne santé, ce qui n'est évidemment pas le cas, et pourrait à terme conditionner le remboursement de l'assurance maladie obligatoire ou complémentaire à des bons comportements, sans que l'on sache d'ailleurs ce que ce terme pourrait recouvrir.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 11.
Vous reconnaissez vous-même tout le travail qu'il reste à faire en matière de prévention ; c'est d'ailleurs ce qui ressort de la loi de santé. Il faut tout de même que les Français réalisent que la santé a un coût, et que leur responsabilité individuelle est aussi appelée à s'exercer.
Affirmer que cet article est d'inspiration très libérale me semble donc assez caricatural. En tout cas, on ne peut pas tout demander à la société.
Monsieur le rapporteur, votre plume me semble bien avoir dérapé ! Et l'appel de Mme Le Callennec à la responsabilité du patient en accentue le trait. Vous voulez mettre, par un contrat, le patient à la merci d'un payeur – ce à quoi vous vous opposez s'agissant du médecin et du tiers payant généralisé. Le risque est grand de s'engager sur cette voie.
En 2011, le Conseil d'État a cassé une circulaire de l'assurance maladie qui remettait en question le financement de l'appareillage pour l'apnée du sommeil lorsque les données connectées montraient que cet appareillage n'était pas utilisé. C'est un sujet qui a donné lieu à un long débat, et nous allons voter dans le prochain PLFSS une disposition qui fera la clarté sur l'utilisation des données de santé connectées concernant l'emploi qui est fait des dispositifs médicaux pris en charge par l'assurance maladie.
Même s'il s'agit d'une expérimentation, cet article est lourd de menaces. Je pense que le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) ou les différentes associations de patients vous feront remonter un certain nombre d'inquiétudes.
Cela revient à faire porter la responsabilité sur le citoyen, alors que notre système a été construit sur le traitement et non sur la prévention. On ne pourra « se retourner » vers lui que le jour où notre système de prévention sera bien en place.
Encore aujourd'hui, les diététiciens-nutritionnistes n'ont pas de conventionnement avec la CNAM. Ils ne sont toujours pas reconnus dans le système de santé, puisqu'ils sont « transparents » au niveau des remboursements. La seule exception est l'expérimentation mise en place par Marisol Touraine l'année dernière sur le surpoids des enfants de trois à huit ans, avec un couple psychologue-diététicien, financée sur le Fonds d'intervention régional (FIR).
De la part de politiques, je trouve un peu fort de renvoyer la responsabilité de leur santé sur les citoyens auxquels on ne propose plus vraiment de médecine de travail ni de médecine scolaire, et alors même que sur des territoires entiers il n'y a plus de médecins. Pour l'instant, notre système, en France, n'est pas encore prêt à faire endosser cette responsabilité à nos concitoyens.
La prévention, on en parle depuis des années. Nous sommes donc fondés à penser qu'elle n'a pas été mise en oeuvre comme il le fallait. Si l'on fait de la prévention une priorité tout en responsabilisant les patients, on peut espérer que tout le monde prendra conscience de l'enjeu et que les choses bougeront. Car force est de constater que la prévention n'est pas, dans notre pays, au même niveau que dans les pays scandinaves, par exemple.
Cela s'explique par le fait qu'à la différence du nôtre, les systèmes de santé scandinaves ont été construits sur le care et non sur le cure. Je vous renvoie au dernier bulletin épidémiologique hebdomadaire sur le cancer du col de l'utérus : il montre que les lacunes en matière de frottis préventifs et de vaccination affectent les mêmes populations, car les messages de prévention ne les touchent pas. Il nous faut donc commencer par élaborer des messages efficaces, afin que tout le monde soit bien informé et se sente concerné.
Construisons d'abord un bon système de prévention ! Nous agissons, les choses progressent, mais faire évoluer un système demande beaucoup de temps. Actuellement, l'acte du médecin n'est pas valorisé lorsqu'il fait de la prévention.
Il faudra bien, un jour, que nous passions d'une médecine entièrement curative à une médecine préventive. Les systèmes suédois et canadien, qui ne sont tout de même pas ultralibéraux, ont opté pour une médecine plus préventive que curative en instaurant des contrats de suivi conclus entre le patient, acteur de sa santé, et son médecin traitant, les organismes payeurs pouvant également éventuellement intervenir. Il ne s'agit pas de sanctionner. L'article 11 n'a rien d'inquiétant : nous demandons simplement au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport afin qu'un débat puisse s'engager sur l'éventuelle instauration de ce type de contrats de prévention tout au long de la vie. Vous ne souhaitez pas que ce débat s'engage, tant pis ! Avis défavorable.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 11 est supprimé.
Article 12 : Compensation des charges pour les organismes de sécurité sociale et pour l'État
La Commission examine l'amendement AS12 de Mme Bernadette Laclais.
Amendement de coordination. Il s'agit, j'en suis désolée, monsieur Door, de tirer les conséquences de la suppression des articles précédents.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 12 est supprimé.
Tous les articles ayant été supprimés, il n'y a pas lieu de soumettre l'ensemble de la proposition de loi au vote. Remercions M. Door de nous avoir donné l'occasion d'avoir ces échanges. Je rappelle que la proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 16 juin.
La séance est levée à dix-huit heures quinze.