Nous sommes plus attachés à la prévention des discriminations qu'à leur répression. Par ailleurs, nous ne constituons pas seulement un collectif d'entreprises : nous regroupons aussi des établissements d'enseignement supérieur ainsi que des institutions, dont des ministères. Nous travaillons sur les racines de la discrimination, pas uniquement sur ses conséquences.
Nous partageons avec nos membres le parti pris selon lequel la diversité est une chance pour la France. Elle doit être appréhendée de façon positive car elle constitue un levier de performance pour les organisations. Ce regard tourné vers la performance, et non pas uniquement vers l'éthique, nous aide à convaincre plus largement nos adhérents du fait qu'il y a urgence, en démontrant qu'une bonne prise en compte de la question de la diversité et une bonne prévention des discriminations sont un facteur de bon fonctionnement des organisations.
Nous faisons un constat inquiétant : les discriminations ne sont pas en régression. En cela, nous sommes en communauté d'esprit avec le Défenseur des droits, dont nous consultons le baromètre, qui nous semble toutefois en deçà de la réalité. De fait, les phénomènes d'autocensure sont nombreux et, comme l'a dit Mme Lazerges, un certain nombre de personnes ne parlent pas des discriminations dont elles sont victimes. Elles sont réticentes à le faire, soit par peur, soit parce qu'elles n'ont pas conscience d'être victimes.
Des personnes peuvent faire l'objet de discrimination du fait de leur adresse de résidence, de leur situation de famille ou – sujet plus aisément abordé aujourd'hui – de leur origine, mais aussi de considérations moins évidentes comme l'âge. Ainsi, l'apparence physique est aujourd'hui devenue un critère discriminatoire – je pense, par exemple, à l'obésité. L'AFMD prend en compte l'ensemble des critères, et pas seulement ceux pour lesquels les victimes osent se signaler.
Nous travaillons avec des organes académiques afin de produire des travaux de recherche et de mettre à la disposition de nos adhérents un ensemble de bonnes pratiques, de moyens de lutter contre les stéréotypes, de recettes qui permettent à un manager opérationnel ne disposant ni d'une connaissance du sujet, ni d'une culture juridique très développée, de faire néanmoins de la diversité quelque chose de positif pour son « écosystème ».
Nous ne souhaitons surtout pas réduire notre champ d'action aux questions de recrutement, qui ne représentent qu'une faible partie du sujet. La prévention des discriminations doit concerner la totalité de la carrière. Nous avons ainsi constaté que, dans un certain nombre d'organisations, le recrutement est certes diversifié, mais que les intéressés sont cantonnés à certaines activités sans possibilité d'évolution. Notre propos est de trouver des façons de les aider à progresser car, si ce n'est pas possible, apparaît un sentiment de discrimination contraire à l'objectif de qualité de vie au travail et de performance auquel nous aspirons.
Depuis la création de notre association, il y a huit ans, les choses ont évolué. L'obligation de négocier sur un certain nombre de sujets, comme l'égalité professionnelle, le handicap ou la question intergénérationnelle, a conduit à une meilleure prise en compte de la question de la diversité. D'autres sujets se sont faits jour : l'origine, au sujet de laquelle on ne négocie pas, mais surtout des questions plus latentes, comme l'apparence physique, les orientations sexuelles minoritaires ou encore le fait religieux dans l'entreprise.
Nous avons privilégié une réflexion sur le cadre sans nous limiter à la seule discrimination illégale. Nous sommes allés plus loin, vers la question des parcours atypiques, vers celle des diplômes, toutes choses marquantes dans la société française et susceptibles de provoquer le sentiment de discrimination. Beaucoup de signalements me revenant concernent des parcours atypiques et, donc, de mauvaises évaluations des potentiels des individus.
Malgré les progrès réalisés et le fait que le « politiquement correct » impose de considérer qu'il n'y a pas de sujet, donc pas de discrimination, certains préjugés, très ancrés, portent toujours sur l'origine et sur l'âge. Aussi travaillons-nous, en particulier, sur la question des origines, avec des partenaires tels que la fondation Agir contre l'exclusion, le Défenseur des droits, ou des chercheurs, afin d'extirper les racines du mal et de débusquer ce qui provoque ces comportements délétères.
Nous avons remarqué que, dans bien des cas, la discrimination n'est pas volontaire. Elle est le fait de fonctionnements machinaux, de stéréotypes, de conditionnements dont les individus n'ont pas conscience. À titre d'exemple, j'évoquerai le sujet, émergent aujourd'hui, de l'orientation sexuelle en entreprise : une étude a montré que la plupart des salariés ne voyaient pas de discrimination alors même qu'ils étaient placés en face d'un cas typique à travers un scénario.
On tente toujours de justifier et de rationaliser les comportements discriminatoires. C'est ce sur quoi nous devons travailler afin de faire prendre conscience d'une anomalie. Une fausse bonne idée consiste à réserver certains postes opérationnels aux salariés résidant à proximité en considérant que cela leur sera commode et qu'ils ne seront pas en retard : cette pratique est vue aujourd'hui comme discriminatoire, car l'adresse est considérée comme un critère majeur d'exclusion. Il nous revient de faire réaliser l'ensemble de ces aspects à nos managers de la diversité.
L'engagement des dirigeants constitue le vecteur de la lutte contre la discrimination et pour la promotion de l'égalité ; il convient ensuite de désigner un référent aisément identifiable vers lequel chacun doit pouvoir se tourner. Cette seule mesure limite le sentiment de discrimination : les intéressés savent qu'ils ont un recours, qu'ils peuvent « briser la vitre », appeler au secours et faire part de leur sentiment d'être brimé, que celui-ci soit fondé ou non. Quelqu'un va instruire le dossier ; c'est déjà un apaisement.
Un diagnostic doit être établi afin d'objectiver les situations et de dresser un constat bâti sur les perceptions des individus et sur des tests permettant de caractériser des situations ainsi que le climat d'une organisation. La sensibilisation est fondamentale, car les individus sont souvent inconscients du caractère discriminatoire de certaines décisions, de certains recrutements ou de certaines promotions. Ils subissent les choses sans discernement.
Il convient d'analyser et de réviser tous les processus de gestion de ressources humaines, mais pas uniquement en matière de recrutement. À une certaine époque, il était considéré que les « talents » se trouvaient uniquement parmi les salariés âgés de moins de trente-cinq ans. Ce préjugé était parfaitement discriminatoire et, de facto, excluait les jeunes mères de famille. Le système doit être nettoyé des scories du passé afin que ces discriminations ne puissent pas perdurer.
Une organisation vertueuse se doit, par ailleurs, d'irriguer l'ensemble de son système, et non pas simplement son seul corps social ; elle doit travailler avec ses fournisseurs et l'ensemble de ses partenaires. C'est à cette fin que l'AFMD prépare un guide des achats responsables.
Certes, nous ne parviendrons pas à réduire toutes les difficultés, mais nous avons au moins deux recommandations à formuler.
La première porte sur la création d'un « référent égalité », afin qu'un individu clairement identifié, dont le rôle est fondamental, soit en capacité de prendre la parole et d'aider au traitement des discriminations.
La seconde concerne la sensibilisation au sein de l'entreprise, qui ne doit pas être de façade, mais en profondeur, sans être pour autant stigmatisante pour les individus, car chacun est porteur d'une histoire personnelle. Nous contribuons à changer les comportements par nos productions gracieusement mises à la disposition de tous sur notre site internet.