Intervention de Danielle Bousquet

Réunion du 1er juin 2016 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté

Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes :

Mme Bourguignon a parlé du danger que représentent les réseaux sociaux. J'ai, quant à moi, insisté sur l'éducation à la sexualité : elle doit être égalitaire. Aujourd'hui, les rapports entre filles et garçons sont empreints de fortes violences la plupart du temps. Nous travaillons depuis deux ans sur ces questions et nous allons rendre au Gouvernement, le 15 juin, un rapport dans lequel nous formulons des propositions en termes d'éducation au décryptage de ce que sont, par exemple, le cyber-sexisme et le cyber-harcèlement. La question de la réputation est très importante pour les filles : c'est vrai partout mais bien plus encore dans les quartiers. Il nous faut permettre à ces garçons et filles de mieux vivre ensemble en adoptant une conception égalitaire de leurs rapports. Nous insistons sur l'exigence d'application de la loi pour que tous les jeunes aient un accès effectif à cette information.

M. Bricout a évoqué l'apprentissage du français. Sachez que, dans les quartiers de la politique de la ville en particulier, les femmes d'origine immigrée sont beaucoup plus nombreuses que les hommes – elles sont 30 % – à se déclarer en difficulté en la matière. Il est donc très important de leur permettre de reprendre pied avec la langue française en vue de s'intégrer sur le plan professionnel et par la santé. De nombreux programmes ont été supprimés si bien que, faute de moyens humains et financiers affectés à ces politiques, ces femmes ne parlent à leurs enfants que dans leur langue maternelle. Le français est donc pour ces derniers une langue étrangère. Il convient de rendre ces personnes plus autonomes au quotidien en consacrant à cet apprentissage les moyens nécessaires.

Une question a été posée concernant l'articulation entre ce texte et la question du sexisme. J'ai évoqué cette dernière à propos des circonstances aggravantes et j'ai insisté sur la nécessité d'un rapport sur le sujet. Il est important de suivre l'évolution dans le temps du sexisme grâce à des indicateurs comme il en existe pour le racisme, plutôt que de n'en connaître la situation qu'à un instant donné.

S'agissant des différences pouvant exister entre garçons et filles en termes de difficultés d'insertion et d'échec scolaire, ce n'est pas seulement dans les quartiers de la politique de la ville, mais partout en France, que les filles réussissent mieux à l'école que les garçons. Pour autant, elles ont infiniment plus de difficultés à s'insérer professionnellement lorsqu'elles sont dans ces quartiers, sans doute parce que la non-activité des femmes y est beaucoup plus tolérée que sur le reste du territoire – où l'on éduque aujourd'hui les filles à l'idée qu'elles vont travailler. En outre, une femme sur quatre dans ces quartiers a un enfant avant l'âge de vingt-cinq ans – ce qui est indiscutablement un frein à l'insertion professionnelle. En revanche, lorsque ces femmes sont dans une famille monoparentale, le fait d'avoir un enfant n'est pas un frein, bien au contraire. Elles sont alors dans l'obligation de gagner leur vie et donc moins en situation d'inactivité. Malheureusement, les évolutions en la matière – sur lesquelles vous m'avez interrogée – sont négatives puisque la situation a empiré depuis 2008. Le taux d'inactivité des femmes en zone de politique de la ville a augmenté de cinq points en quatre ans.

Je répondrai à présent à Mme Olivier. La situation des femmes est indiscutablement catastrophique dans les quartiers de la politique de la ville, que ce soit en termes de pauvreté ou d'accès au travail, au sport et à tout ce qui fait une vie citoyenne.

Vous avez raison en ce qui concerne la clause d'insertion : 320 000 emplois vont être créés grâce aux nouveaux projets de rénovation urbaine. Aujourd'hui, 6 % des personnes embauchées grâce à cette clause d'insertion sont des femmes. Si ce pourcentage pouvait augmenter, un grand nombre d'emplois leur seraient accessibles. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous proposons de modifier les stipulations des projets soutenus par l'ANRU afin qu'y soit visé un objectif d'égalité professionnelle, que soit exigée la remise d'un rapport annuel sur ce qui aura été accompli en matière d'égalité entre femmes et hommes, et qu'il puisse être rendu compte de cette question dans les conseils citoyens. Cela permettrait d'évaluer chaque année ce qui est fait.

Beaucoup de communes ne rendent pas leur cantine scolaire accessible aux enfants dont l'un des parents ne travaille pas. Il s'agit la plupart du temps des mères, qui se trouvent donc freinées dans leur insertion professionnelle : lorsque leur enfant n'est pas accepté à la cantine, elles doivent faire quatre allers-retours par jour entre l'école et leur domicile. Nous proposons que soient repris les termes de la proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg visant à garantir le droit d'accès à la restauration scolaire. Si ce texte était jugé quelque peu intrusif vis-à-vis des communes, peut-être pourrait-on envisager une expérimentation qui rendrait l'inscription automatique et limiterait la désinscription à la demande des parents.

Il est vrai que les statistiques permettent de rendre visibles les inégalités et leurs évolutions. Vous parliez des statistiques ethniques mais il importe aussi que nous puissions avoir des données relatives aux parts respectives des femmes et des hommes dans tous les domaines, y compris en politique.

Enfin, pour répondre à M. Heinrich, nous ne sommes pas spécialistes des questions professionnelles. Mais nous observons que, chaque fois qu'il y a éloignement du travail, en particulier en cas de congé parental d'éducation, la carrière professionnelle en subit un contrecoup important, a fortiori pour les femmes.

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