Je confirme que nous pouvons utiliser des statistiques pour objectiver les choses, notamment sur la question des origines. Plusieurs méthodes sont compatibles avec les directives de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Nous avons aujourd'hui des outils permettant d'utiliser les patronymes pour faire des tests et vérifier si le recrutement est diversifié, qui a accès aux responsabilités. Simplement, comme le soulignait M. Tin, il ne faut pas conserver de données personnelles.
Nous utilisons aussi des méthodes que nous proposons aux managers de la diversité. On a cité le CV anonyme, le testing et autres dispositifs de CV vidéo. Il est vrai que ce sont aujourd'hui les compétences et la personnalité qui se vendent le mieux, et c'est ce qui doit être le plus utile avec la transition numérique. Quelqu'un a dit tout à l'heure que de nombreuses autres qualités n'étaient pas prises en compte – compétences linguistiques et comportementales, engagements externes ou associatifs... Ces compétences peuvent être mises en valeur à l'aide de nouveaux dispositifs comme le CV vidéo, qui permet aux entreprises de choisir les candidats ayant les compétences dont elles ont besoin. D'autres méthodes répondent à des enjeux précis à un instant donné, mais aucune d'entre elles n'est une panacée. Le CV anonyme est utile quand certains types de profil ne passent pas le premier stade de l'embauche, mais il ne garantit absolument pas un recrutement équitable. Nous proposons donc des méthodes à nos adhérents pour résoudre leurs problèmes sur ce point. Nous travaillons bien sûr avec des entreprises engagées qui veulent diversifier les profils car, encore une fois, elles ont la certitude que c'est un moyen pour elles d'être plus performantes, plus agiles et plus à l'écoute de leur marché. S'agissant des concours, nous recommandons de revenir à une définition claire des compétences nécessaires à chaque poste. Il convient de repenser complètement les critères de sélection afin de ne pas se contenter de sélectionner sur diplôme.
Nous avons commis, sur les signes religieux dans le monde de l'entreprise, un ouvrage qui récapitule l'état du droit – jurisprudence incluse puisque nous sommes soumis à un contexte européen qui nous impose certaines règles. Nous y rappelons que l'on peut interdire ces signes pour des raisons d'hygiène ou de sécurité mais que, ces éléments mis à part, ils peuvent être portés, y compris dans la relation avec la clientèle. Peut-être y aura-t-il des évolutions jurisprudentielles mais, pour l'instant, tel est l'état du droit.
L'AFMD rappelle également à ses adhérents un certain nombre de règles de base, en particulier que, dans les entreprises privées, la laïcité, telle qu'elle est comprise par le grand public, ne s'applique pas. Nous devons accepter l'expression religieuse et n'avons pas à l'interdire – ce dont beaucoup de nos adhérents sont encore inconscients. Il nous faut favoriser le « bien-travailler ensemble » car nous avons constaté en 2015 une forme de clivage, au sein du corps social, entre ceux qui acceptent une expression religieuse sur le lieu de travail et ceux qui, au contraire, voudraient sa neutralisation totale. Ces convictions difficilement réconciliables, il nous faut travailler sur la manière de revenir au but premier de toute organisation : travailler ensemble et atteindre les objectifs fixés en évitant les discussions conflictuelles. S'agissant de ces dernières, je déplace volontiers la question en dehors du champ religieux pour parler du débat sur le mariage des personnes du même sexe – qui a provoqué le même type de clivage. Quant à l'article qui a été retiré du projet de loi « travail », il présentait l'inconvénient de ne concerner que la religion sans englober l'ensemble des questions de diversité, mais il ne faisait que rappeler la jurisprudence existante relativement méconnue.