Intervention de Jean Jacques Vlody

Réunion du 19 juillet 2012 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Jacques Vlody :

Ma première question porte sur les évolutions statutaires. Je me réjouis que l'on parle enfin des outre-mer au pluriel et non de l'outre-mer au singulier, dans la mesure où s'opère une différenciation entre ces territoires, notamment en ce qui concerne leur statut juridique.

À La Réunion, l'engagement demeure très fort en faveur du maintien du statu quo, c'est-à-dire de la préservation des deux collectivités : la région et le département. Il est cependant indispensable de parvenir à une meilleure répartition des compétences entre les deux, le fonctionnement actuel étant source d'inefficacités.

Je souhaite aborder, dans ce cadre, la question de l'organisation administrative communale.

La Réunion compte 800 000 habitants et 24 communes, ce qui fait une moyenne d'environ 33 000 habitants par commune, à comparer au ratio d'environ 1 400 habitants par commune en métropole. Cela crée une proximité entre élus et citoyens qui n'existe pas à La Réunion.

À Saint-Louis, au sud de l'île, une démarche a été engagée pour créer une commune supplémentaire. Il s'agirait de détacher un canton – La Rivière – pour l'ériger en commune. La population concernée s'est prononcée très largement, par référendum, en faveur de cette initiative. La procédure est achevée au plan local, il faut désormais envisager l'étape nationale.

Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte le processus de création communale dans la réflexion sur l'organisation administrative de nos territoires ultramarins, même si cette réalité peut paraître en contradiction avec les efforts de regroupement des collectivités en métropole. J'appelle une nouvelle fois votre attention sur les chiffres que j'ai cités et sur la nécessité de favoriser la proximité entre élus et citoyens.

Ma deuxième question porte sur la vie chère. Nous devons être vigilants : certaines situations de monopole, excès ou abus, sont maintenus justement au nom des principes – liberté d'entreprendre, liberté du commerce – et des lois de la République.

S'agissant des télécommunications, tous les parlementaires ultramarins sont contraints d'utiliser deux lignes de téléphone. Dans le cadre des marchés de téléphonie passés par l'Assemblée nationale, les régions ultrapériphériques sont considérées comme étant à l'étranger. Je souhaite appeler l'attention de M. Roman, questeur et membre de cette Commission, sur ce point. Signifier aux députés ultramarins qu'ils se trouvent en territoire étranger peut être source de frustration et d'incompréhension.

Il faut accorder la même attention à la question de la continuité numérique qu'à celle de la continuité territoriale, souvent abordée à travers le débat sur le prix des billets d'avion. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous vous saisissiez de cette question. Il n'y a pas, en effet, de situation plus difficile que celle d'une famille qui ne peut garder un lien avec l'un de ses membres en mobilité – contrainte ou choisie – en métropole ou dans un autre endroit du monde. Tous les habitants ultramarins sont concernés. Plusieurs de nos administrés en témoignent : ils ont vu grandir leurs petits-enfants grâce à internet. Cependant, un grand nombre de familles n'a pas accès aux moyens de communication à distance – téléphone, internet, « skype »… – qui permettent de maintenir ce lien. Il est donc indispensable de garantir la continuité numérique avec les territoires ultramarins.

J'en viens à ma troisième et dernière question. Lors de votre passage à La Réunion, vous avez évoqué, monsieur le ministre, la préparation d'une loi portant sur la modernisation de l'agriculture ultramarine. Je me réjouis de cette annonce. Notre ambition est de diversifier notre agriculture en développant les productions vivrières et d'atteindre l'autosuffisance alimentaire dans les secteurs où cela est possible. C'est d'ailleurs déjà le cas pour les oeufs ou les bananes à La Réunion. Il faut jeter les bases du développement d'une réelle industrie agroalimentaire, éventuellement exportatrice. Il convient en outre de préserver les mécanismes européens de soutien à la production et à la commercialisation de la canne à sucre, s'agissant de La Réunion, et des bananes, s'agissant des Antilles.

À La Réunion, l'agriculture représente 11 000 unités de travail. Le revenu agricole et le nombre d'exploitations sont cependant en diminution depuis plusieurs années. Un effort massif est nécessaire pour aider nos agriculteurs à augmenter leur production, à valoriser les cultures patrimoniales – qu'il est nécessaire de préserver malgré leur faible intérêt économique – et à structurer les filières pour leur permettre d'accéder aux marchés locaux. Il est également nécessaire de développer les services en milieu rural, ainsi que l'agrotourisme.

Enfin, il est indispensable de revoir le mode de calcul de la retraite des agriculteurs, qui n'est pas adapté à la réalité de nos territoires. Le système de cotisation est basé sur la taille des exploitations et sur le revenu dégagé par l'activité agricole. Or la taille des exploitations dans les territoires ultramarins est très inférieure à ce qu'elle est en métropole. De plus, dans certains territoires, les récoltes peuvent être entièrement détruites par les cyclones ou d'autres phénomènes climatiques. C'est en moyenne le cas une année sur deux. Par conséquent, certains agriculteurs se retrouvent avec des retraites inférieures au minimum vieillesse.

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