Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du 19 juillet 2012 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-Jacques Urvoas, président.

La Commission procède à l'audition de M. Victorin Lurel, ministre des Outre-mer.

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Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux d'accueillir en votre nom M. Victorin Lurel.

Monsieur le ministre, les outre-mer ont connu ces dernières années des évolutions institutionnelles importantes, telle la départementalisation de Mayotte, prévue par la loi organique du 3 août 2009 et effective depuis le 31 mars 2011.

Au cours de cette législature, les outre-mer vont devoir relever de nouveaux défis. Ce sera par exemple le cas des collectivités uniques de Guyane et de Martinique, instituées par une loi du 27 juillet 2011 et qui vont se mettre en place d'ici à 2014. Ce sera également le cas de la Nouvelle-Calédonie qui, aux termes de la loi organique du 19 mars 1999, doit organiser entre 2014 et 2019 une consultation sur l'accession à la pleine souveraineté. Ce ne sont là que les aspects institutionnels qui nous concernent au premier chef, mais je pourrais mentionner d'autres sujets essentiels comme les phénomènes de migrations irrégulières, facteurs lourds de déstabilisation de certains de ces territoires, ou encore la lutte contre le fléau de l'orpaillage clandestin en Guyane, où l'État a engagé, depuis 2008, une vaste opération de répression nommée « Harpie ». Je souhaiterais à ce propos rendre hommage aux deux sous-officier du 9e régiment d'infanterie de marine qui ont perdu la vie dans cette opération ainsi qu'aux deux gendarmes qui y ont été grièvement blessés. Nous évoquerons enfin la lutte contre la vie chère, autre sujet essentiel dont vous avez fait une priorité.

Face à ces enjeux, l'État et les élus, qu'ils soient des outre-mer ou de l'Hexagone – pour faire référence à votre ouvrage Lettre ouverte à mes compatriotes de l'Hexagone – doivent travailler ensemble afin de surmonter ces difficultés. C'est dans cet esprit qu'il faut considérer la création par notre assemblée, mardi dernier en conférence des Présidents, de la délégation aux outre-mer. Elle comprendra soixante-trois membres, dont les vingt-sept élus des territoires ultramarins, et sera chargée d'informer l'Assemblée nationale sur toutes les questions relatives à l'outre-mer. Elle participera par exemple à l'évaluation des politiques publiques menées dans les départements et collectivités d'outre-mer ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie.

C'est également dans cet esprit que nous avons souhaité que vous soyez l'un des premiers ministres auditionnés par la commission des Lois dans ce premier mois de travail de la XIVe législature. Vous avez accepté cette invitation avec diligence au point d'en modifier votre agenda, puisque vous rentrez de La Réunion où vous avez assisté au défilé du 14 juillet sur le Barachois en compagnie d'une foule considérable. Depuis 1986, aucun ministre de l'Outre-mer n'avait plus célébré la fête nationale dans un territoire ultramarin. Je vous félicite donc de cette initiative. Je précise enfin que j'ai également souhaité que les élus ultramarins qui ne sont pas membres de la commission des Lois puissent participer à cette audition.

Nous sommes impatients de vous entendre évoquer la « nouvelle approche de l'outre-mer » que vous aviez appelée de vos voeux le 6 avril 2009 à la tribune de notre assemblée alors que vous défendiez, au nom du groupe Socialiste, radical et citoyen, l'exception d'irrecevabilité contre le projet de loi sur le « développement économique des outre-mer ».

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Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

Après avoir été auditionné par la délégation aux Outre-mer du Sénat, créée en septembre dernier, je suis très heureux de l'être par votre Commission, dont j'ai été membre entre 2002 et 2007. Cette audition va me permettre de vous exposer la vision que porte le Gouvernement sur les outre-mer ainsi que la manière dont je conçois ma mission. L'efficacité du travail que nous allons engager dépendra en effet fortement de notre organisation. Nous souhaitons remettre les élus au coeur de l'action de l'État en outre-mer, ce qui n'a pas toujours été le cas : au cours de mes dix dernières années de mandat parlementaire, je n'ai été reçu qu'une seule fois au ministère, pour un entretien d'une douzaine de minutes. Le Président de la République nous a rappelé à deux reprises en Conseil des ministres la nécessité de respecter le Parlement, les élus locaux, les corps intermédiaires, les fonctionnaires et les citoyens. C'est la raison pour laquelle je rencontrerai individuellement, d'ici à la fin de la session extraordinaire, les quarante-huit parlementaires ultramarins. Le 25 juillet prochain, le Premier ministre les recevra, quant à lui, tous ensemble. Je veux le redire ici : je suis à votre disposition.

L'État doit impérativement retisser un lien de confiance avec les administrés en outre-mer. On n'a peut-être pas suffisamment pris en compte l'importance des votes très tranchés qui ont été émis dans ces territoires. Quelques soupçons ont pu parfois même teinté les rapports entre les élus et les représentants de l'État et le Gouvernement. Dans ce contexte, le Président de la République et le Premier ministre ont donc décidé de faire du ministère des Outre-mer un ministère de plein exercice disposant de correspondants ou de conseillers dans chacun des 37 autres ministères. En effet, notre ministère étant territorial, il traite de sujets relevant de la compétence d'autres ministères et doit par conséquent travailler suffisamment en amont avec ceux-ci pour ne pas découvrir au dernier moment celles de leurs décisions qui affectent l'outre-mer. Ainsi certains arbitrages budgétaires peuvent-ils avoir des incidences, qu'il s'agisse par exemple de la modernisation du plateau technique de l'hôpital La Meynard en Martinique, du pôle sanitaire de l'ouest de La Réunion ou du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe. Quatre ministères étaient compétents dans la douloureuse affaire des deux militaires que nous avons perdus en Guyane : ceux de la défense, de l'intérieur, de la justice et des outre-mer, sans compter le ministère de l'Industrie du fait de l'application de dispositions pénales spécifiques au code des mines. J'accueille donc très favorablement la création d'une délégation aux Outre-mer tout en espérant qu'il y aura une synergie entre les délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il existe en outre un intergroupe de parlementaires des outre-mer qui, certes, n'a guère fonctionné sous la précédente législature mais qui pourrait constituer un lieu de dialogue, au-delà des clivages partisans et de toute logique communautariste.

Le Président de la République et son Gouvernement se sont donc engagés au redressement des outre-mer. Les priorités nationales s'appliquent bien évidemment dans ces territoires – parfois même avec davantage d'intensité qu'en métropole, qu'il s'agisse de l'emploi, de la lutte contre le chômage, de la jeunesse ou du soutien au développement et à la croissance. Le chômage endémique constitue une véritable lèpre sociale. Ainsi, à La Réunion, le taux de chômage des 15-25 ans s'élève à près de 60 %. La situation est comparable en Martinique, en Guyane et à Mayotte, territoire actuellement engagé dans un processus de départementalisation. Afin de parer à l'urgence, nous aurons recours aux contrats aidés, aux contrats d'avenir et aux contrats de génération. S'agissant de l'éducation nationale, j'ai fait en sorte que le critère démographique, c'est-à-dire le rapport entre l'effectif enseignant et l'effectif scolaire, soit pris en compte dans la répartition entre académies des 1000 postes supplémentaires créés dans le cadre du plan d'urgence, en attendant la refondation de l'école – l'élaboration du projet de loi d'orientation et de programmation est d'ores et déjà engagé.

Il est souvent difficile de décliner les politiques nationales en outre-mer, comme l'illustrent par exemple les difficultés matérielles auxquelles s'est heurtée la mise en oeuvre territoriale de la conférence sociale : comment faire venir à Paris des syndicats dès lors que tous ne sont pas affiliés à des centrales nationales et que certains d'entre eux ne se reconnaissent pas dans les affiliations existantes ? Nous avons donc exprimé le souhait d'être associés en amont aux mesures en préparation et demandé aux préfets de prévoir l'organisation de la consultation dans chacun des territoires.

Le Président de la République s'est également engagé à organiser une conférence économique afin de mettre en place des contrats de développement et d'élaborer une loi de programmation relative aux grands équipements structurants, pour la construction desquels nous sommes encore très en retard. Cela pose des problèmes de financement global, non seulement budgétaire mais toutes sources confondues.

Nous souhaitons remplacer ce que l'on qualifiait auparavant de « développement endogène » – conception du développement économique pouvant certes permettre de valoriser les ressources locales mais qui s'est traduite par un désengagement budgétaire – par un développement solidaire. Nous avons donc pris trente engagements consistant tout d'abord à renforcer l'investissement public et à mobiliser le secteur privé afin de favoriser une croissance créatrice d'emplois. Cela s'ajoutera aux contrats de développement et à la loi de programmation qui conférera de la visibilité à notre politique au cours des cinq années à venir.

Les thèmes les plus urgents à traiter sont ceux de l'hébergement et du logement – pour lesquels nous souhaitons nous engager de manière pluriannuelle – et de la vie chère, véritable problème d'ordre public.

L'une des premières mesures concrètes que va prendre le Gouvernement en faveur du logement est le projet de décret réglementant les loyers dans les zones tendues. Or, les outre-mer seront concernés par ce texte en dépit des réticences du Conseil d'État.

Quant à la vie chère, toutes nos régions, en particulier la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et Mayotte, ont enregistré des mouvements sociaux considérables, parfois qualifiés d'émeutes sociales ou de grève générale insurrectionnelle, pour protester contre les méthodes des monopoles et des oligopoles, les situations d'abus de position dominante et l'absence de contrôle. Ces modes de fonctionnement économique n'ont jamais fait l'objet de diagnostics précis ni d'une volonté politique suffisante pour s'y attaquer.

Jusqu'ici, l'État s'était engagé à accroître le nombre de fonctionnaires de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à créer des observatoires des prix afin de contrôler les marges et les prix. Ces engagements ont été tenus sauf en matière de renforcement des moyens des services déconcentrés de l'État. Pour notre part, nous souhaitons plutôt engager de véritables réformes structurelles en revenant aux pratiques antérieures à l'ordonnance Balladur de 1986 relative à la libéralisation des différents secteurs. L'article L. 410-2 du code de commerce nous autorise d'ailleurs à recourir à l'économie administrée dans certaines situations exceptionnelles : en cas de monopole, de crise, de difficultés d'approvisionnement ou de besoin de produits de première nécessité. Nous l'avons fait autrefois pour le riz et la farine et le faisons actuellement pour le carburant mais guère plus pour les cantines scolaires qui fixent désormais, en fait, librement leurs tarifs avec les conseils municipaux. D'autres secteurs font l'objet d'arrêtés préfectoraux : c'est le cas pour les baux ruraux et les baux à ferme, par exemple. Cela étant, plus personne ne les respecte et lorsque vous louez vos terres, c'est le contrat entre les parties qui prévaut.

Cinq secteurs économiques posent problème en outre-mer.

Il s'agit tout d'abord des carburants, secteur administré en situation de monopole. C'est dans ce secteur économique que les marges sont les plus élevées, allant de 12 à 18 %, alors que l'administration manque d'expertise pour empêcher ces pratiques. Ces marges relèvent du secteur financier et non du monde industriel. Or, un décret du 8 novembre 2010, publié par le Gouvernement précédent, a eu pour effet de rendre ces entreprises pétrolières encore plus rentables et profitables. À La Réunion, certains professionnels m'ont reproché de stigmatiser les entreprises : tel n'est pas le cas. Nous avons besoin d'entreprises rentables, à condition cependant que l'on négocie un partage de la valeur ajoutée et de la richesse produite entre les actionnaires, les salariés et les consommateurs. Il est ahurissant que des chiffres ésotériques présentés par quelques personnes soient parfois repris dans nos budgets prévisionnels.

Dans le secteur de la téléphonie ensuite, si la situation des lignes fixes s'est quelque peu améliorée, en revanche, sur le réseau mobile, les territoires ultramarins sont considérés comme des pays étrangers auxquels la Fédération française des télécoms a accepté d'appliquer l'itinérance communautaire, dans le cadre d'un accord amiable. L'Union européenne vient en effet d'imposer une baisse du prix du « roaming » encore appelé « itinérance téléphonique », de 42 à 17 centimes d'euro par minute d'ici à 2013-2014. Il existe cependant un vide juridique car le code des postes et des communications électroniques ne sera pas applicable avant la transposition de la directive.

Dans le secteur du commerce alimentaire, au lieu d'accroître le nombre de fonctionnaires – ce n'est pas dans l'air du temps –, nous visons, conformément au droit de l'Union européenne et à notre droit national, à créer de la concurrence, à faire tomber les barrières à l'entrée et à interdire certaines exclusivités. En effet, actuellement, quelques grands groupes bien implantés dans la plupart de nos régions bénéficient de positions dominantes et ont adopté des pratiques, d'ailleurs légalement autorisées, d'agences de marques, d'exclusivité de territoire, d'exclusivité de distribution et d'exclusivité de produits. Lorsqu'un produit quitte Le Havre pour arriver à Fort-de-France, à Cayenne ou à Saint-Denis, un prélèvement, effectué au départ, pèse sur le prix final. Selon plusieurs rapports de l'Autorité de la Concurrence, le niveau des prix est 35 à 70 % plus élevé en outre-mer qu'en métropole. Il convient donc de s'attaquer à ces « impositions de structure ».

De même, lorsque des enseignes sont en dépôt de bilan, ce sont très souvent les mêmes groupes qui les reprennent, dans une valse d'étiquettes. Lorsque j'étais président de région, j'ai créé une société d'économie mixte (SEM) qui s'est portée candidate à l'acquisition du foncier et de l'immobilier commercial stratégiquement situés à la périphérie des villes. Bien que confrontée à de très grands groupes prospères, la SEM a géré deux grandes surfaces selon un cahier des charges répondant à un certain nombre de critères : obligation de disposer d'un périmètre de 150 produits, intégration de salariés dans le conseil d'administration, développement de la pratique de l'intéressement et de la participation, mécénat et sponsoring, priorité accordée à la production locale et conventionnement avec les interprofessions. Cette expérience nous a ainsi permis de mettre en place une pratique nouvelle tout en défendant le pouvoir d'achat.

Nous souhaitons également regrouper les petits commerces, que l'on appelle en Guadeloupe les « lolos », dans des centrales d'achat, des plateformes logistiques communes et des groupements d'achat de détaillants. Cela existait déjà auparavant. Par exemple, on a créé de grosses sociétés de froid qui ont rapidement pris 15 % dans certains territoires en regroupant l'offre. Mais la volonté politique a manqué jusqu'ici pour le faire alors que ces dispositifs favorisent la lutte contre les imports-distributeurs, les gros négociants et les monopoleurs. Le recours au partenariat public-privé et la conclusion, en amont, d'un accord entre l'État et les collectivités locales nous permettraient de mener une action intelligente sans pour autant sombrer dans la soviétisation ou la collectivisation de l'économie locale.

S'agissant du secteur des transports, nous venons d'apprendre qu'une compagnie aérienne low cost est prête à proposer des billets à 399 euros reliant Paris à Fort-de-France et Pointe-à-Pitre alors qu'actuellement, le prix minimum, tout à fait anormal, se situe entre 750 et 3 000 euros. Nous sommes une clientèle captive à laquelle on impose des prix de prédation. Le fret maritime n'est assuré, quant à lui, que par une seule compagnie, CMA CGM, privatisée dans les conditions que l'on sait. Dans ce secteur, les facturations ne sont pas établies pas en fonction du prix, ad valorem, mais à la quantité, ce qui a des répercussions considérables sur le prix.

Enfin, les secteurs bancaire, financier et assurantiel justifient leurs tarifs par le risque de place alors qu'à La Réunion, par exemple, le risque d'incidents et de créances non recouvrées est plus faible que dans l'Hexagone. Il convient donc d'élucider ces pratiques, voire de les combattre, ce qui n'est pas évident dans une économie libérale.

J'en viens à la question de l'avenir institutionnel des outre-mer, qui revêt une certaine urgence.

Le Sénat a voté l'abrogation de l'ensemble des dispositions visant à créer le conseiller territorial. Ce sera prochainement au tour de l'Assemblée nationale de se prononcer, peut-être en septembre lors de la session extraordinaire. Ce changement intéresse en particulier la Guadeloupe et La Réunion.

En outre, le calendrier électoral va être modifié : les élections régionales et cantonales seront probablement repoussées à 2015, après les municipales et les sénatoriales qui se tiendront en 2014. Cela impliquera une nouvelle consultation des élus ultramarins.

La Guyane et la Martinique sont engagées dans un processus de mise en place d'une collectivité unique. La Guadeloupe et La Réunion, qui n'ont pas souhaité aller dans cette direction, mènent chacune une réflexion particulière. Plusieurs possibilités se présentent à elles : statu quo amélioré, assemblée ou collectivité unique, régime de l'article 74 de la Constitution. Elles devront faire vite si elles ne veulent pas être dépassées par l'action gouvernementale.

Toutes les collectivités ultramarines connaissent des situations financières difficiles, en particulier Mayotte, la Polynésie, Saint-Martin et quelques communes. Il y a eu beaucoup d'effets d'annonce concernant de grands projets structurants – hôpitaux en Martinique et en Guadeloupe, écoles en Guyane et à Mayotte –, alors que le premier centime n'a pas été inscrit dans les budgets. La Cour des comptes ne l'a pas nécessairement relevé.

À Mayotte, la départementalisation pose, outre des difficultés de financement, un véritable problème de mise à niveau et d'adaptation du droit. Il faudra être attentif à ce processus.

Le passage de Mayotte au statut de région ultra-périphérique (RUP) – on parle de « rupéisation » – fait également partie des urgences. Après avoir été différée au Conseil européen des 28 et 29 juin derniers, du fait d'une réserve britannique concernant les questions migratoires, la décision a été prise ce 11 juillet par les vingt-sept États membres d'accorder à Mayotte le statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne à compter du 1er janvier 2014. Mayotte pourra ainsi bénéficier des fonds européens, à hauteur de 450 à 550 millions d'euros sur la période 2014-2020.

Nous poursuivons, en outre, la lutte contre l'immigration clandestine, même si nous ne disposons pas nécessairement de règles et de structures adaptées pour y faire face.

Enfin, les rapports avec les Comores demeurent difficiles. Il convient de relancer les travaux du groupe de travail de haut niveau, au point mort depuis 2009.

Je ne m'attarderai pas sur l'actualité, notamment sur les problèmes de grèves dans les prisons dans plusieurs territoires ultramarins ou sur les questions relatives à la fonction publique.

En Guyane, au-delà des enjeux directement liés au problème de l'orpaillage clandestin – préservation des ressources et de l'environnement, retombées économiques et sociales pour la collectivité et la population locale –, c'est notre souveraineté qui risque d'être en jeu, si nous n'y prenons garde. Sur les cartes d'état-major brésiliennes, la Guyane fait partie intégrante du Brésil. Le dénommé Manoelzihno, qui est à l'origine de l'assassinat des deux militaires français, a d'ailleurs déclaré qu'il était chez lui en Guyane et que personne ne l'en ferait partir. Les soldats sont morts au cours de l'installation d'une société minière légale dans cette région. Lorsqu'on interroge les ministères et les services sur le point de savoir s'il y a d'autres sociétés déjà installées, on n'obtient pas de réponse…

J'ai proposé aux ministres de l'Intérieur, de la Défense et de la Justice d'adopter une stratégie d'occupation de l'espace, dans un partenariat bien compris avec les sociétés minières légales. La carte des gisements a été publiée il y a plus de dix ans ; tout le monde sait où se trouve l'or, ce qui attise les convoitises. Or on laisse faire.

S'agissant de la Guyane, nous aurons également à évoquer les problèmes de sécurité et la question des forages pétroliers.

Dans l'immédiat, nous nous concentrons sur la préparation de la loi de finances rectificative pour 2012, de la loi de finances initiale pour 2013, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et de la stratégie pluriannuelle de finances publiques.

Ma feuille de route s'inscrit, je le rappelle, dans la cadre des soixante engagements pour la France et des trente engagements spécifiques pour les outre-mer pris par le Président de la République.

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Je vous remercie, monsieur le ministre. Je donne la parole aux membres de la Commission.

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Le groupe socialiste et moi-même sommes très heureux, monsieur le ministre, que vous occupiez ce poste et que vous soyez ministre de plein exercice.

La commission des Lois ne compte que trois élus ultramarins – M. Édouard Fritch, M. Daniel Gibbes et M. Alfred Marie-Jeanne. Peut-être faut-il y voir le signe que les problématiques majeures des outre-mer sont désormais moins de nature institutionnelle que d'ordre économique et social. C'est en tout cas ce qui ressort de votre ouvrage très riche, Lettre ouverte à mes compatriotes de l'Hexagone, dont vous avez pu vous inspirer au cours des premières semaines de votre mission.

Du point de vue de notre groupe, l'héritage des gouvernements de droite est lourd. La multiplication des lois et des conseils interministériels, le concept de développement endogène – qui a été dévoyé et s'est traduit par un désengagement massif de l'État – ne sont pas parvenus à masquer la réalité : un chômage qui explose, en particulier chez les jeunes ; des conditions de logement dégradées, la question du logement social et de son financement demeurant en suspens ; une économie locale souvent en berne ; un salaire médian inférieur de moitié à celui de la métropole et, partant, un pouvoir d'achat détérioré. Ce contexte de vie chère, voire inabordable pour le plus grand nombre, a mis le feu à nombre de nos territoires ultramarins ces dernières années, sans que les multiples conseils interministériels, missions, réunions, rapports ne semblent avoir apporté de réponse satisfaisante.

En particulier, rien n'a été fait pour sortir ces territoires d'une « économie de comptoir » d'un autre temps, où les pratiques – monopoles, oligopoles, abus de position dominante, rentes de situation, importations excessives par rapport aux capacités de production locales – conduisent à des prix exorbitants, insupportables pour les populations locales, qui dissuadent tant le développement économique que le tourisme, et inhibent les échanges avec les pays voisins, qui devraient pourtant constituer des marchés naturels pour leurs productions.

Quelles initiatives envisagez-vous de prendre pour inverser cette tendance et lutter contre la vie chère ?

Surtout, comment comptez-vous mobiliser l'État, les collectivités territoriales, les entreprises installées outre-mer pour redonner espoir aux jeunes de ces territoires ? Comment mieux assurer les débouchés pour ceux qui se sont formés en métropole ? Comment aider ceux qui souhaitent lancer des projets localement mais voient se fermer la porte des établissements de crédit ?

Nous connaissons votre ardeur et votre capacité d'innovation. Comment entendez-vous mettre en oeuvre les trente engagements du Président de la République pour les outre-mer ?

Nous nous réjouissons de la création d'une délégation aux Outre-mer au sein de notre assemblée et espérons que nous travaillerons en bonne intelligence avec nos collègues du Sénat. Elle constituera une plateforme d'échange essentielle entre nous.

Les outre-mer souffrent de l'incompréhension d'un trop grand nombre de nos compatriotes. Ils doivent sortir de ce ghetto. Le dialogue est indispensable pour atteindre les objectifs de solidarité et d'égalité que nous nous fixons.

L'attention et le soutien de la majorité présidentielle vous sont acquis, monsieur le ministre. Nous attendons avec impatience votre communication prochaine en conseil des ministres et espérons que vous pourrez faire quelques annonces anticipées devant cette Commission dans les jours qui la précèderont.

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En Nouvelle-Calédonie, il est vraisemblable que la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté sera organisée au cours de cette législature. Même si elle intervient ultérieurement, il conviendra de la préparer.

Comme le montrent les résultats des élections présidentielles et législatives, l'approche de cette consultation et de la fin de la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa suscite des crispations politiques au niveau local et ce, dans les deux camps. Quel est votre sentiment sur cette situation ? Qu'envisagez-vous comme « sortie » à l'issue de la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa ? Convient-il d'accélérer le processus ou, au contraire, de lui laisser davantage de temps ?

Vous revenez de Mayotte. Avez-vous pu apprécier l'ampleur de l'immigration clandestine : augmente-t-elle, diminue-t-elle ou demeure-t-elle stable ? Le précédent gouvernement avait entrepris des efforts considérables pour limiter les flux migratoires entrants. Pensez-vous que les mesures sécuritaires suffiront pour y parvenir ?

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Ma première question porte sur les évolutions statutaires. Je me réjouis que l'on parle enfin des outre-mer au pluriel et non de l'outre-mer au singulier, dans la mesure où s'opère une différenciation entre ces territoires, notamment en ce qui concerne leur statut juridique.

À La Réunion, l'engagement demeure très fort en faveur du maintien du statu quo, c'est-à-dire de la préservation des deux collectivités : la région et le département. Il est cependant indispensable de parvenir à une meilleure répartition des compétences entre les deux, le fonctionnement actuel étant source d'inefficacités.

Je souhaite aborder, dans ce cadre, la question de l'organisation administrative communale.

La Réunion compte 800 000 habitants et 24 communes, ce qui fait une moyenne d'environ 33 000 habitants par commune, à comparer au ratio d'environ 1 400 habitants par commune en métropole. Cela crée une proximité entre élus et citoyens qui n'existe pas à La Réunion.

À Saint-Louis, au sud de l'île, une démarche a été engagée pour créer une commune supplémentaire. Il s'agirait de détacher un canton – La Rivière – pour l'ériger en commune. La population concernée s'est prononcée très largement, par référendum, en faveur de cette initiative. La procédure est achevée au plan local, il faut désormais envisager l'étape nationale.

Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte le processus de création communale dans la réflexion sur l'organisation administrative de nos territoires ultramarins, même si cette réalité peut paraître en contradiction avec les efforts de regroupement des collectivités en métropole. J'appelle une nouvelle fois votre attention sur les chiffres que j'ai cités et sur la nécessité de favoriser la proximité entre élus et citoyens.

Ma deuxième question porte sur la vie chère. Nous devons être vigilants : certaines situations de monopole, excès ou abus, sont maintenus justement au nom des principes – liberté d'entreprendre, liberté du commerce – et des lois de la République.

S'agissant des télécommunications, tous les parlementaires ultramarins sont contraints d'utiliser deux lignes de téléphone. Dans le cadre des marchés de téléphonie passés par l'Assemblée nationale, les régions ultrapériphériques sont considérées comme étant à l'étranger. Je souhaite appeler l'attention de M. Roman, questeur et membre de cette Commission, sur ce point. Signifier aux députés ultramarins qu'ils se trouvent en territoire étranger peut être source de frustration et d'incompréhension.

Il faut accorder la même attention à la question de la continuité numérique qu'à celle de la continuité territoriale, souvent abordée à travers le débat sur le prix des billets d'avion. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous vous saisissiez de cette question. Il n'y a pas, en effet, de situation plus difficile que celle d'une famille qui ne peut garder un lien avec l'un de ses membres en mobilité – contrainte ou choisie – en métropole ou dans un autre endroit du monde. Tous les habitants ultramarins sont concernés. Plusieurs de nos administrés en témoignent : ils ont vu grandir leurs petits-enfants grâce à internet. Cependant, un grand nombre de familles n'a pas accès aux moyens de communication à distance – téléphone, internet, « skype »… – qui permettent de maintenir ce lien. Il est donc indispensable de garantir la continuité numérique avec les territoires ultramarins.

J'en viens à ma troisième et dernière question. Lors de votre passage à La Réunion, vous avez évoqué, monsieur le ministre, la préparation d'une loi portant sur la modernisation de l'agriculture ultramarine. Je me réjouis de cette annonce. Notre ambition est de diversifier notre agriculture en développant les productions vivrières et d'atteindre l'autosuffisance alimentaire dans les secteurs où cela est possible. C'est d'ailleurs déjà le cas pour les oeufs ou les bananes à La Réunion. Il faut jeter les bases du développement d'une réelle industrie agroalimentaire, éventuellement exportatrice. Il convient en outre de préserver les mécanismes européens de soutien à la production et à la commercialisation de la canne à sucre, s'agissant de La Réunion, et des bananes, s'agissant des Antilles.

À La Réunion, l'agriculture représente 11 000 unités de travail. Le revenu agricole et le nombre d'exploitations sont cependant en diminution depuis plusieurs années. Un effort massif est nécessaire pour aider nos agriculteurs à augmenter leur production, à valoriser les cultures patrimoniales – qu'il est nécessaire de préserver malgré leur faible intérêt économique – et à structurer les filières pour leur permettre d'accéder aux marchés locaux. Il est également nécessaire de développer les services en milieu rural, ainsi que l'agrotourisme.

Enfin, il est indispensable de revoir le mode de calcul de la retraite des agriculteurs, qui n'est pas adapté à la réalité de nos territoires. Le système de cotisation est basé sur la taille des exploitations et sur le revenu dégagé par l'activité agricole. Or la taille des exploitations dans les territoires ultramarins est très inférieure à ce qu'elle est en métropole. De plus, dans certains territoires, les récoltes peuvent être entièrement détruites par les cyclones ou d'autres phénomènes climatiques. C'est en moyenne le cas une année sur deux. Par conséquent, certains agriculteurs se retrouvent avec des retraites inférieures au minimum vieillesse.

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Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

Vous avez relevé, M. Lesterlin, que trois députés ultramarins siégeaient au sein de cette Commission : ce n'est déjà pas si mal. En outre, les travaux de la Commission sont, à ma connaissance, ouverts à tous les députés.

La mise en oeuvre du concept de développement endogène, je le confirme, s'est traduite par un réel désengagement budgétaire de l'État. Certes, le ministère de l'Outre-mer a contribué, comme tous les autres, à l'effort de redressement national. Cependant, ce qui lui a été demandé a excédé – j'y insiste – sa capacité contributive. Lorsque Christian Paul a quitté le ministère en 2000, son budget s'élevait à environ 2 milliards d'euros, hors dépenses fiscales. En 2012, ce même budget s'élève à 1,9 milliard d'euros. Je vous invite à faire le calcul en tenant compte de l'inflation…

En 2009, le budget de l'outre-mer a certes connu un « sursaut », avec 2,5 milliards d'euros, à la suite des accords conclus après les grands mouvements sociaux. Il a toutefois été amputé de 500 millions d'euros l'année suivante. D'où l'engagement du Président de la République de débloquer 500 millions d'euros pour les outre-mer dans les cinq ans qui viennent. Cependant, la question de la périodisation de cet engagement se pose. C'est l'objet des arbitrages budgétaires, qui ne sont pas simples. De plus, faut-il inscrire ces crédits dans la mission budgétaire « Outre-mer » ou les ventiler dans les 37 autres ministères ? Cette dernière solution reviendrait pour nous à perdre l'autonomie de gestion récemment acquise, avec la création d'un ministère de plein exercice.

Le désengagement n'a pas été seulement financier. Certains propos ne tenant pas compte de l'histoire, des sensibilités et de la sociologie des territoires ultramarins ont profondément blessé ces derniers, laissant l'impression que le développement endogène signifiait en réalité une mise à l'écart. Engagement est pris de rechercher désormais la cohésion et l'unité, en respectant les identités ouvertes et plurielles.

Je confirme également que les monopoles sont bien présents et actifs. Nous avons, hélas, un défaut d'information statistique en matière économique et sociale. Les présidents de collectivités et l'État lui-même agissent « au radar ». Nous ne savons pas, par exemple, décomposer les mécanismes de formation des prix. M. Richard Crestor, en Martinique, vient de publier un ouvrage remarquable à ce sujet.

Quelles initiatives pouvons-nous prendre ?

Il faut tout d'abord changer l'environnement économique, même si tout ne viendra pas de l'État : dans une économie libre, il ne faut pas étouffer les initiatives individuelles, mais les susciter ou les accompagner. Cela peut être fait par des partenariats au niveau local. Les expériences peuvent ensuite être généralisées.

Nous devons également modifier le code de commerce et renforcer considérablement les pouvoirs de l'autorité de la concurrence, en la dotant du pouvoir d'injonction structurelle, même si certains parlementaires craignent, je le sais, une extension de cette prérogative à l'ensemble du territoire national. Je commence à subir des pressions de lobbys et on me qualifie de « bolchevik », ce qui tend à démontrer que mon action est efficace.

Il faut introduire la possibilité d'actions de groupe, en l'adaptant au cadre insulaire. Il convient d'interdire les exclusivités et les agences de marques. Il est souhaitable d'abaisser le seuil de notification des opérations de concentration, probablement de 7,5 à 5 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le seuil actuel est très élevé pour les territoires ultramarins et laisse trop de marge de manoeuvre aux monopoles. Il reviendra au Parlement de fixer le nouveau seuil.

Nous devons instaurer le double étiquetage, de manière à pouvoir comparer le prix du produit en métropole et dans les territoires ultramarins. Dans un document de travail du Sénat, on peut lire que des sandales chinoises achetées 20 centimes sont revendues 20 euros à La Réunion. C'est le consommateur qui est floué. Il convient d'élucider et de faire connaître ces cas.

Nous devons créer – par la loi, le règlement ou l'initiative individuelle – un véritable contre-pouvoir des consommateurs dans les territoires ultramarins. Les organisations de consommateurs doivent y jouer pleinement leur rôle, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Nous pouvons conclure des accords avec la télévision publique, pour qu'elle informe, en toute transparence et de manière pédagogique, les consommateurs.

J'ai rencontré toutes les grandes organisations de consommateurs de la métropole. Elles ont donné leur accord pour faire bénéficier les territoires ultramarins de leur expertise, conduire des enquêtes et publier les prix. La confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV) le fait déjà pour les tarifs bancaires. À ce propos, nous avions imposé, dans la loi, la publication annuelle d'un rapport sur les tarifs bancaires. Le précédent secrétaire d'État chargé du commerce, M. Frédéric Lefebvre, devait faire publier le premier rapport, qui n'est pourtant toujours pas sorti. Pour permettre les comparaisons de prix, nous devons aller plus loin.

La concurrence doit être libre et non faussée ; elle doit jouer davantage, sous le contrôle d'une autorité indépendante. Des enquêtes de l'autorité de la concurrence sont actuellement en cours sur le prix des pièces détachées automobiles ou sur le fret maritime. Elles pourraient révéler des faits scandaleux. Il faut aller au-delà des amendes infligées et doter l'autorité de la concurrence, je le répète, du pouvoir d'injonction structurelle.

Dans le secteur du Robert en Martinique, un groupe avait concentré dans la zone de chalandise un pouvoir exorbitant. L'autorité de la concurrence a imposé une séparation de certaines de ses activités. Reste à déterminer si cette décision respecte le droit de propriété, qui a valeur constitutionnelle. Il semble cependant qu'elle soit conforme à une jurisprudence bien établie.

Nous ferons tout, en outre, pour accompagner les créations d'entreprises, l'économie sociale et solidaire, les regroupements et les coopératives. La coopérative Fibres à La Réunion a enregistré des résultats intéressants. En métropole, des artisans se sont regroupés dans des centrales d'achat pour résister aux grands groupes. Dans les territoires ultramarins, nous avons vu arriver de grands groupes européens et métropolitains qui ont cassé les prix, avant de pratiquer des prix de monopole. C'est une technique connue.

La communication qui sera faite le 25 juillet en conseil des ministres reviendra sur tous ces sujets.

Les attentes sont fortes, j'en suis conscient. On nous demande de bloquer les prix immédiatement. Nous sommes en train de préparer un arrêté à ce sujet. Cependant, je ne l'ai pas encore contresigné, car je suis défavorable à une modification des prix sur une base mensuelle.

Dans le secteur des carburants, nous allons remettre à plat le décret du 8 novembre 2010, qui n'est pas bon car il recèle des zones d'ombre.

Comment les préfets peuvent-ils agréer, en décembre, les budgets prévisionnels pour l'année 2012 ? Mon prédécesseur n'a pas validé le processus pour 2012 et m'a laissé une petite bombe.

Quels sont les éléments qui figurent dans ces budgets prévisionnels ? C'est tout d'abord le cas du « trading », à savoir des prix de transfert ou des prix de cession interne, pratiqués par une société filiale ou amie, que l'on refuse de vous communiquer en invoquant le secret commercial. C'est également le cas de la quote-part d'amortissement, qui est facturée ex ante au lieu de l'être ex post.

Enfin, le prix « spot » du baril de brent est répercuté, d'après le décret du 8 novembre 2010, dès le mois suivant. En d'autres termes, les prix de court terme impactent immédiatement le prix à la vente, alors que les achats de stocks se font dans le cadre de contrats à long terme ; on ne tient pas compte du termaillage.

Pourquoi ne pourrait-on tenir compte du fait que les pétroliers ont financé leurs investissements grâce à des mesures de défiscalisation ? De même, l'augmentation de la taxe sur les stock pétroliers ne sera pas étendue aux outre-mer ; j'ai attiré l'attention des pétroliers, pour leur demander de baisser leurs prix à proportion de ce qu'ils n'auront pas à acquitter : ils s'y refusent. Les normes européennes imposent le raffinage sur place du produit brut importé, si bien que, depuis les accords de Londres – et de Singapour pour La Réunion –, l'ensemble de la chaîne, jusqu'à la distribution, s'apparente à un contrat d'intégration au profit d'un seul et même groupe, qui assure aussi bien le « trading » que le transport, le raffinage, le stockage et la distribution, Total possédant la moitié des stations-service guadeloupéennes. Bref, on ne contrôle donc rien. Résultat : les profits explosent dans ce secteur dit « administré » et qui bénéficie de financements publics.

Après le blocage des prix de l'essence en novembre 2008, il était prévu que l'État verse 176 millions d'euros aux pétroliers ; mais la commission des Finances, à l'époque, avait eu le plus grand mal à connaître le montant des sommes effectivement déboursées. À l'heure où je vous parle, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) et la Société réunionnaise de produits pétroliers (SRPP) menacent l'État d'un contentieux, arguant que c'est le budget de 2011 qui doit servir de référence, ce que je conteste. Je ferai donc mon possible avec Bercy pour remettre les choses à plat.

À Mayotte, où le secteur du gaz est monopolisé par Somagaz et Total, le prix de la bouteille atteint 37 euros, même si, compte tenu des aides régionales, il avoisine plutôt les 22 ou 23 euros. Lorsque j'ai signé un arrêté avec le ministre de l'Économie et des finances, j'ai demandé au président de Total si le fait de ramener ce prix à 22 euros poserait un problème de rentabilité ; il ne m'a pas fait de réponse claire. On a par ailleurs pu lire dans la presse que cet arrêté fixerait le prix à 28 euros, ce qui est faux. Bref, ces prix de monopole sont très élevés. J'étais personnellement favorable à la trimestrialisation, pour permettre un lissage ; mais je ne veux pas entrer dans des considérations techniques.

S'agissant des évolutions institutionnelles, les trente engagements de la campagne présidentielle seront scrupuleusement déclinés.

Quant à la Nouvelle-Calédonie, M. Dosière, l'État, qui avait pu donner l'impression de prendre parti, doit être actif tout en restant neutre, et s'en tenir au strict respect de l'accord de Nouméa. Ma rencontre avec les acteurs concernés, tous bords confondus, s'est déroulée dans un excellent climat ; l'enjeu, de fait, était d'éviter toute crispation supplémentaire entre les loyalistes et les kanaks. Le président du Congrès, M. Rock Wamytan, s'est déclaré favorable à l'ouverture de nouvelles négociations sur le drapeau commun. Je suis favorable à l'ouverture de ces négociations. D'ailleurs, les deux députés de Nouvelle-Calédonie, M. Gomes et Mme Lagarde, n'ont jamais demandé, je le rappelle, l'abandon du drapeau kanak. Un nouveau modèle de « vivre-ensemble » émerge au sein de la société néo-calédonienne ; aussi, je crois et j'espère que cette question donnera lieu à des débats pacifiques, respectueux de l'identité de chacun.

Certes, les uns interprètent l'accord de Nouméa dans un sens autonomiste, avec le transfert de pouvoirs qui sont aussi régaliens, quand d'autres l'inscrivent dans un processus de décolonisation devant conduire à une souveraineté pleine et entière. Il faudra tenter d'accorder ces deux visions, afin de répondre au mieux aux aspirations de chacun ; c'est précisément l'objectif de la mission de réflexion sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Un comité des signataires sera convoqué après l'élection du Congrès, sans doute fin novembre ou début décembre ; d'ici à cette échéance, j'espère que l'on aura trouvé les conditions d'un accord fructueux.

S'agissant de l'immigration clandestine à Mayotte, 16 374 personnes ont été reconduites en 2011, soit une diminution de 20 % par rapport à 2010. Cette évolution tient à deux facteurs techniques : la fermeture des frontières comoriennes en mars 2011 et le mouvement social dans le transport maritime. Le nombre de « kwassas kwassas » est d'ailleurs passé de 342 en 2010 à 449 en 2011, ce qui tend à prouver à l'inverse que la pression migratoire augmente. L'État, qui fournit déjà un effort considérable, doit-il faire plus ? Nous restons attentifs à l'ajustement des moyens, mais il faut manifestement revoir les analyses du groupe de travail de haut niveau. Après le référendum sur la départementalisation, les autorités comoriennes se sont raidies, engageant une offensive diplomatique sur la scène internationale. Le Président Ikililou Dhoinine semble ouvert à la discussion, mais il faudra sans doute revoir à la hausse nos engagements financiers, relancer nos efforts diplomatiques et inciter l'opinion mahoraise à dépasser ses craintes pour engager le dialogue avec les Comoriens. Le Président de la République a d'ailleurs accepté un ajustement des futures dispositions relatives au droit de vote des étrangers à la Guyane, à Mayotte et à Saint-Martin. Pour ce qui concerne enfin l'état-civil, le problème est pour ainsi dire réglé, même s'il reste environ 3 000 dossiers à traiter – les autres feront l'objet de régularisations via des procédures de droit commun.

La société mahoraise doit s'adapter à un processus culturel, politique, administratif et juridique ; c'est presque un choc de civilisation pour elle. Nous devons en tenir compte en respectant le fonds de la culture mahoraise et en tirant les leçons de soixante ans de départementalisation. Quoi qu'il en soit, l'État alloue 80 millions d'euros pour le contrôle aux frontières, contre à peine 8 millions, non utilisés, pour la coopération régionale. Nous aurons à revoir cette répartition avec M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, et son ministre délégué, M. Pascal Canfin, qui s'est récemment entretenu au téléphone avec M. Ikililou Dhoinine.

Sur les évolutions institutionnelles, M. Vlody, nous écouterons scrupuleusement les élus, dans le respect de la subsidiarité. Il faudra se prononcer sur le mode de scrutin autant que sur le choix entre assemblée unique, collectivité unique ou régime défini par l'article 74 de la Constitution. Quant à l'organisation communale, je me suis rendu à Saint-Louis, où j'ai pu constater qu'il existait une forte aspiration populaire. Un référendum local a même été organisé. La création de cette nouvelle commune, nommée La Rivière, ne correspond pas forcément à l'air du temps car elle suppose des dépenses supplémentaires, mais nous verrons, dans un cadre interministériel, dans quelle mesure nous pouvons la prendre en compte, et peut-être la satisfaire.

Sur la continuité numérique, je rencontrerai M. Stéphane Richard, président-directeur de France-Télécom, la semaine prochaine, après avoir déjà reçu tous les autres opérateurs. Je le ferai de nouveau avec la ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique, Fleur Pellerin, et des représentants du ministère de l'Économie. Pour paraphraser les rappeurs, « nous ne lâcherons pas l'affaire ! » (Sourires.)

J'ai aussi reçu longuement les représentants du monde agricole. Comme vous le savez, le vote d'une loi d'orientation et de modernisation agricole pour l'outre-mer est l'un des soixante engagements du Président de la République. Toutes les réformes du même genre, depuis la loi « Pisani », ont eu pour but de transposer le modèle de développement agricole métropolitain à nos régions sans hiver, à travers des mesures telles que la création d'exploitations familiales à deux unités de travail humain (UTH), ce qui est surréaliste pour de si petites parcelles. Il nous faudra aussi traiter l'épineux dossier des retraites, afin d'assurer un niveau de pensions correct. Le ministre de l'Agriculture, M. Stéphane Le Foll, a été saisi de ce dossier.

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Chaque année, des dizaines de milliers de personnes, pour la plupart des adolescents et des jeunes adultes, quittent les îles des Comores pour rejoindre la France au péril de leur vie. Les traversées sont en effet dangereuses, comme le montre la tragédie du 13 juillet dernier, au cours de laquelle sept personnes, dont quatre enfants, ont trouvé la mort, six autres étant portées disparues après le chavirage d'une embarcation au large des côtes mahoraises. Ce bras de mer est devenu l'un des plus grands cimetières marins au monde, puisque l'on estime à plus de 7 000 le nombre de morts et disparus depuis dix-sept ans, dans une indifférence quasi générale.

Ce nouveau drame maritime relance la question des flux migratoires vers Mayotte. Comment en est-on arrivé là ? Ces barques de fortune, où s'entassent jusqu'à cinquante personnes, ont fait leur apparition après le 1er janvier 1995, date d'instauration du visa destiné à réglementer la circulation entre l'archipel des Comores et Mayotte. Cette décision, qui intervenait après des siècles de libre circulation entre les îles, s'est aussi accompagnée d'un verrouillage des frontières pour les marchandises.

Une telle politique, combinée avec celle du chiffre que le Gouvernement Fillon a conduite sur l'immigration, explique la situation actuelle. Elle coûte de 70 à 80 millions d'euros à la France, alors que le budget de la coopération avec les Comores pour l'aide au développement ne dépasse pas 3 millions d'euros. Un grand nombre des migrants viennent à Mayotte pour commercer, comme ils l'on fait pendant des siècles, mais aussi pour bénéficier de soins ou avoir accès à l'éducation. Ne pourrait-on, dans ces conditions, envisager une vraie politique de coopération et d'aide au développement, en investissant notamment dans la construction de centres de soins ou d'établissements scolaires, plutôt que dans des radars destinés à surveiller les côtes ?

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Compte tenu du nombre d'intervenants, je m'efforcerai de synthétiser mon propos, en évitant tout plaidoyer pro domo, d'autant que votre passé de député des îles du Nord vous donne une connaissance précise des questions qui s'y posent.

Je m'associe aux propos de M. Vlody sur la continuité numérique : il n'est pas acceptable que les outre-mer soient encore considérés comme des territoires étrangers. En l'absence d'outils numériques, les contacts entre certains de nos concitoyens, qui vivent éloignés les uns des autres, peuvent coûter très cher.

Par ailleurs, Saint-Martin n'ayant pas été inclus dans le plan « Corail », ses entreprises ne peuvent bénéficier des avantages qu'il offre. Cela n'eût pourtant pas été un luxe, tant la situation économique est difficile dans notre île. Des solutions alternatives sont-elles envisageables ?

Le statut des îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, devenues collectivités d'outre-mer, relève désormais de l'article 74 de la Constitution. Cependant, si Saint-Barthélemy a définitivement franchi le pas le 1er janvier 2012, Saint-Martin fait face à d'autres problèmes, puisque la frontière entre sa partie française et sa partie néerlandaise est ouverte, et qu'entre les îles de Saba et d'Anguilla, elle fait figure de « maillon dur » au sein du système des RUP. Ne peut-on s'interroger sur le maintien du statut de « région ultrapériphérique », ou sur une éventuelle évolution vers le statut de pays et territoire d'outre-mer (PTOM) ? Même si le régime de l'article 74 a élargi nos compétences, la coopération avec la partie néerlandaise et les îles voisines, notamment en termes d'immigration et de tourisme, aurait beaucoup à gagner de cette évolution institutionnelle, sachant que l'échéance est en 2014, pour une application en 2017.

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Je me félicite de votre nomination, qui donnera, grâce au dialogue permanent avec tous les élus, une orientation différente à notre politique ultramarine.

Le développement économique, la recherche et l'emploi sont aussi des priorités pour les outre-mer – au pluriel, tant il est nécessaire d'adapter les plans et les programmes aux spécificités locales, qui sont grandes. Si l'on insiste souvent sur la différence entre la métropole et l'outre-mer, considérée globalement, la vision ministérielle de l'outre-mer est souvent plus vigilante pour les DOM que pour les COM.

Le développement économique passe par la compétitivité de nos territoires, certes, mais aussi et surtout par une meilleure intégration régionale. Cela suppose que le Gouvernement soit vigilant sur les mesures qu'il adopte. Ainsi, l'aide au transport des intrants et des extrants ne s'applique qu'aux produits européens à destination des outre-mer. Pourquoi ne pas l'étendre aux produits régionaux, dont le transport est de surcroît moins coûteux ?

Par ailleurs, certains accords de libre-échange sont dommageables à nos territoires. Ainsi, celui que l'Union européenne vient de signer avec le Canada annulera les bénéfices de la dérogation à la règle d'origine, qui permet par exemple à Saint-Pierre-et-Miquelon d'importer des produits de la pêche canadiens pour les transformer avant de les exporter vers l'Europe. Le précédent Gouvernement nous avait annoncé des indemnisations sociales, mais cela me semble contradictoire avec les objectifs de développement économique ; d'ailleurs, ces décisions de l'Union sont elles-mêmes contradictoires avec les aides qu'elle octroie.

L'Union européenne a également signé hier un accord aérien avec le Canada, que nous allons ratifier la semaine prochaine. Cet accord exclut les PTOM, ce qui est normal au regard du statut qui nous a été imposé. Reste que l'on peut s'interroger : faudra-t-il un accord franco-canadien spécifique pour cinq territoires ultramarins ? La Commission européenne fait valoir que nous ne sommes pas toujours perdants. De fait, nous ne pouvons refuser les avantages qu'offrirait la suppression des restrictions de cabotage, tant en Europe qu'au Canada. Bref, nous devons réfléchir à la façon d'associer les PTOM aux décisions européennes et nationales qui les concernent.

Merci, M. le ministre, de nous ouvrir vos portes ; comme on dit à Saint-Pierre-et-Miquelon, « je ne lâche jamais le morceau ». (Sourires.)

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Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

Je souscrirais volontiers à vos propos sur les Comores, M. Pietrasanta. Malgré des efforts importants, nous faisons encore trop peu en faveur de la coopération : un traité me semble tout à fait nécessaire. Quoi qu'il en soit, je pense qu'une nouvelle ambition est possible avec le nouveau Président de la République.

La coopération doit notamment porter sur le domaine sanitaire, et nous devons nous efforcer, dans ce cadre, d'obtenir la bienveillance des Comores afin de garantir un meilleur contrôle des départs, notamment à Anjouan ; mais ce n'est pas simple, et il nous faudra aller au-delà des sommes que nous consacrons aujourd'hui à la coopération, en approfondissant nos échanges diplomatiques.

Les mêmes problèmes de coopération transfrontalière se posent d'ailleurs en Guyane, à propos de l'orpaillage, avec le Surinam et le Brésil : il devront être réglés au plus haut niveau.

Une solution plus polémique, pour Mayotte, consisterait à abroger ce que les sénateurs, dans un rapport publié hier, appellent le « visa Balladur » de 1995. D'aucuns préconisent une ouverture des frontières assortie de la délivrance contrôlée de visas. Rappelons que Mayotte compte plus de 50 000 étrangers en situation irrégulière sur son territoire, ce qui doit porter sa population à plus de 250 000 personnes. Tout changement de politique doit être mûrement réfléchi, mais nous sommes très préoccupés par la situation sur place.

J'ai en effet été député d'une circonscription réunissant la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, M. Gibbes. Cela me paraissait une curiosité, même si l'on m'avait expliqué, dans cette même commission, qu'un député ne représente pas tel ou tel territoire mais la nation tout entière. Vous voici en tout cas député de ces deux îles, puisque l'on a estimé que leur population totale – un peu moins de 50 000 habitants – ne justifiait pas deux circonscriptions distinctes.

Quoi qu'il en soit, le statut de Saint-Martin est en effet particulier, puisque les dispositions de l'article 74 y sont en quelque sorte aménagées. Pour l'heure, vous relevez des programmes opérationnels pour la Guadeloupe ; mais à partir de 2014, vous gérerez votre propre ligne budgétaire. Saint-Martin, dont la situation financière est particulièrement lourde, devait recevoir 52 millions d'euros aux termes de la convention de développement qu'il a signée avec l'État en 2007, après être devenu collectivité d'outre-mer. L'État propose, comme je l'ai indiqué au président de la collectivité, M. Alain Richardson, une avance de trésorerie de 18 millions remboursables sur six ans, en attendant la signature du plan de redressement.

Il en va de même, mutatis mutandis, en Polynésie et à Mayotte. En Guyane et en Martinique, la création de la collectivité unique se fait à budget constant, malgré toutes les contraintes financières.

Quant au plan « Corail » qu'avait lancé M. Yves Jégo, ce n'est pas un grand succès : beaucoup d'entreprises, même guadeloupéennes, n'ont pu en bénéficier car elles n'étaient pas à jour de leurs cotisations. Il sera donc très difficile d'y associer rétroactivement Saint-Martin, qui en revanche pourra profiter du plan de redressement.

L'île de Saint-Barthélemy a aussi ses problèmes, puisque, depuis l'autonomie, elle doit 28 millions d'euros à l'État. La dotation globale de fonctionnement (DGF) accuse un solde négatif pour elle, qui rembourse au total 5 millions d'euros par an à l'État. J'ajoute que le Gouvernement précédent n'a jamais fait émettre les titres de recettes, alors que cela engage la responsabilité pénale du préfet.

Je m'efforcerai d'être plus vigilant à la spécificité des territoires, Mme Girardin. Il est vrai que, si l'on excepte la Nouvelle-Calédonie, ceux qui relèvent de l'article 73 ont peut-être fait l'objet d'une plus grande attention que ceux qui sont régis par l'article 74. Or les compétences existent sur tous les territoires, notamment à travers leurs institutions propres ; de sorte que la République admet, si l'on me passe cette expression par laquelle je ne voudrais pas choquer, une dose de fédéralisme. Le titre XIII de la Constitution sur la Nouvelle-Calédonie n'offre-t-il pas un exemple de ce pouvoir normatif que l'on cherche comme un « Graal », et qui pourrait inspirer la future réforme territoriale ? Les outre-mer sont un authentique laboratoire en ce domaine. J'ai pu prendre, en tant que président du conseil régional de Guadeloupe, des décisions qui seraient impossibles dans les régions métropolitaines.

Les relations avec l'Union européenne doivent en effet être réexaminées. Un accord passé avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a ainsi fait baisser le prix de la tonne de bananes, en huit ans, jusqu'à 114 euros, ce qui est déjà considérable ; et voici qu'en application d'accords bilatéraux avec la Colombie et le Pérou, entre autres, ce prix chute à 76 euros ! De plus, l'Union européenne refuse la dotation de 40 millions destinée à compenser les pertes de revenus et de parts de marché, si bien que les « bananiers » se tournent vers l'État français.

Sur la recommandation du Président de la République, je me suis récemment rendu à la Commission européenne. J'y ai rencontré les commissaires Michel Barnier et Johannes Hahn ainsi que le président Barroso lui-même. Sachez que nous perdrons de l'argent dans les arbitrages, notamment en matière de coopération. Je m'y étais déjà rendu, lors du quinquennat de M. Nicolas Sarkozy : on m'avait demandé de m'adresser au Président de la République pour qu'il change de position sur le budget de l'agriculture !

Oui, les accords de libre-échange posent problème, nous allons les revoir.

Les conventions d'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) sont actuellement en discussion. Nous participerons en septembre au Groenland à un forum qui réunira l'ensemble des PTOM et nous permettra de renégocier les accords passés avec l'Union européenne. La Nouvelle-Calédonie devrait théoriquement sortir du fonds européen de développement (FED), comme c'est déjà le cas de Saint-Barthélemy. La France entend conserver les enveloppes. Nous ne devons pas avoir moins que nos voisins du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Soyons vigilants car la nouvelle stratégie de l'Europe consiste à privilégier les ACP au détriment des PTOM français.

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N'étant pas membre de la commission des Lois, je vous remercie, M. le président, de m'avoir invité à cette audition. Je me réjouis tout d'abord de la création d'une délégation aux Outre-mer.

Je partage le diagnostic de M. Victorin Lurel qui, ayant présidé la région Guadeloupe, a une très bonne connaissance des réalités locales. Son constat est à la fois plein d'espoir et extrêmement alarmant.

Plein d'espoir parce qu'il entend résister aux pressions et s'engage à lutter contre la vie chère – j'ai noté au passage que les exemples de prix cités ont surpris certains d'entre vous, chers collègues. Je rappelle en outre que l'outre-mer s'illustre par un taux de chômage supérieur à la moyenne : 22 à 30 % de chômeurs et jusqu'à 60 % chez les moins de 25 ans.

Alarmant parce qu'il ne se borne pas à une réponse financière, que d'ailleurs nous ne demandons pas à l'État, en dehors de l'exigence de solidarité. Nous devons nous attaquer à des oligopoles et à des monopoles, engager une puissante mutation économique en faveur des productions locales et revenir sur des décisions stupides en matière écologique et économique. Actuellement, il est tout à fait possible d'importer un produit qui part du Brésil pour être transformé à Bordeaux avant de revenir dans les Caraïbes ! Je me réjouis que des expertises soient prévues à cet égard.

Le constat du ministre est alarmant également compte tenu du contexte de rigueur budgétaire dans lequel nous nous trouvons, qui exige un accompagnement exceptionnel des territoires et des pays d'outre-mer tout en respectant la solidarité nationale. Il va falloir faire de bons choix.

Comment la France peut-elle faire respecter par l'Union européenne l'article 349 du traité de Lisbonne, qui donne un statut dérogatoire et spécifique aux outre-mer ? Nous assistons à un effritement de la législation. Il serait bon que le Président de la République le rappelle aux instances européennes.

Le cabotage en est un bon exemple. Pourquoi l'Europe accepte-t-elle d'assurer le financement des réseaux de transport transeuropéen (RTE-T) à l'intérieur de ses frontières mais refuse-t-elle celui du cabotage et des liaisons de nos territoires avec les pays transfrontaliers ? Or il faut que nous soyons en mesure de mettre en place des synergies de développement économique et des stratégies de coopération avec nos voisins.

Est-il souhaitable de rester dans le cadre du libre-échange, sachant que nos importations massives couvrent la production locale ? Ne peut-on trouver une solution passant par l'inclusion sociale, comme le prévoit le budget européen pour 2014, mais aussi par l'inclusion économique, qui offrirait une protection a minima à la production locale ?

Le mot de « protection » peut paraître barbare, mais j'ai été heureux d'entendre le ministre du Redressement productif, M. Arnaud Montebourg, le prononcer et annoncer qu'il prendra contact avec le ministre des Outre-mer de façon à étudier les modalités d'incubation économique pendant une période donnée. Nous ne pouvons rester dans une logique d'enfermement et raisonner en termes de compensation financière : il faut laisser croître les économies locales pour les rendre compétitives. Préférons-nous une croissance captive ou une croissance qui crée de l'activité, et donc de l'emploi ?

Vous allez présenter une loi spécifique pour l'agriculture. Je salue cette initiative. Y aura-t-il également une loi de programmation dédiée à l'outre-mer ou une loi de programmation comprenant un volet outre-mer ?

Quelle est votre position sur la défiscalisation, plus particulièrement celle destinée à soutenir la production économique ? Je suis d'accord avec le Gouvernement sur la nécessité de procéder à des rabotages, mais ils ne doivent pas être systématiques. Je pense notamment à la défiscalisation sur le logement intermédiaire, qui risque de disparaître le 1er janvier 2014. Que pensez-vous du lien qui a été fait entre défiscalisation du logement social et ligne budgétaire unique (LBU) ?

En Guyane et à la Martinique, les populations ont fait un choix clair en faveur de la collectivité unique. Des discussions subsistent concernant sa mise en oeuvre, notamment sur la question de la prime majoritaire accordée à la liste électorale arrivée en tête. En ce qui concerne la date, j'ai cru comprendre que la suppression par le Sénat du conseiller territorial introduira un décalage dans la mise en place des collectivités uniques et que les élus locaux martiniquais et guyanais auraient à se prononcer.

L'outre-mer doit être serein, déterminé et lucide face à la situation en Europe et en France ; il ne demande d'ailleurs pas de dérogations spécifiques. Conformément au terme employé par le Président de la République, il faut en revanche rechercher de la justice dans le traitement des dispositifs d'État considérés comme prioritaires et permettant d'accompagner le développement économique – éducation, santé, logement et emploi. Je ne doute pas que nous évoluerons vers un statut respectant l'égalité des droits mais aussi le droit à l'expression de la différence – qui manque à mon sens dans le panel des possibilités et que M. Victorin Lurel a exposé à travers le mot « fédéralisme ».

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L'État entend-il doter Mayotte d'un registre du cadastre ? Outre l'enjeu important qu'il représente dans un territoire de tradition coutumière, le cadastre renforce la sécurité juridique des personnes et soutient le développement économique.

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Ma première question portait sur la continuité numérique mais vous y avez déjà en partie répondu.

Par ailleurs, poursuivrez-vous, M. le ministre, l'indemnisation des conséquences des essais nucléaires sur la population polynésienne ? Comptez-vous engager le remboursement de la Caisse de prévoyance sociale de Polynésie qui a pris en charge les soins pendant plusieurs décennies ?

Enfin, la France possède le deuxième domaine maritime au monde grâce à l'outre-mer. Dans un contexte de diminution des ressources disponibles sur les terres émergées, l'exploitation des ressources off shore va se développer, ce qui rend les territoires d'outre-mer précieux pour la France. Comment entendez-vous concilier protection de l'environnement maritime et intérêts économiques ? Je rappelle qu'à ce propos, un ministre a été remercié…

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Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

Oui, nous allons tout faire pour assurer la continuité numérique et supprimer les écarts abusifs.

S'agissant des essais nucléaires, le Président de la République a pris l'engagement de rouvrir le dossier et de modifier la loi « Morin ». Il entend élargir le périmètre géographique, allonger la liste des maladies et indemniser les victimes, après évaluation – il existerait des liens de causalité entre les essais nucléaires et certains types de cancer.

Nous avons pris différents engagements à l'égard de la Polynésie, je ne le cache pas. L'État a jusqu'à présent refusé d'ouvrir les archives, comme s'il s'agissait d'un secret défense. Nous ferons le nécessaire pour connaître la vérité sur ce qui s'est passé, par exemple, en mai 1967 en Guadeloupe, en décembre 1959 en Martinique, et concernant le sénateur polynésien Pouvanaa Oopa. Dans le respect des principes et sans opposer les personnes et les communautés, nous avons un devoir de vérité.

En ce qui concerne les ressources off shore et les capacités d'intervention de la flotte française dans les vastes espaces maritimes qui sont les nôtres, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ne sera pas simplement réactualisé mais rédigé de façon que notre capacité d'intervention soit réévaluée. Je rappelle qu'elle a diminué de 30 % au cours des dix dernières années. Il n'est pas normal qu'à deux encablures des côtes de la Guyane, une flotille brésilienne puisse pêcher dans des eaux riches et épuiser nos ressources halieutiques et ichtyologiques. La même chose se produit aux îles Kerguelen et dans les TAAF – les Terres australes et antarctiques françaises. Cette situation doit être réévaluée. Il convient de délimiter les eaux territoriales, ce qui n'a pas encore été fait aux Antilles, et de revoir les conventions de pêche.

Oui, Mme Girardin, et le Président de la République l'a dit à La Réunion, nous devons explorer davantage les possibilités d'échange, de commerce et de coopération avec nos voisins immédiats. L'ancien gouvernement nous a autorisés à engager des discussions avec les organisations internationales des différents bassins océaniques – la Communauté caribéenne (CARICOM), l'association des États de la Caraïbe (AEC), la Convention économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CPALC) et l'organisation des États de la Caraïbe orientale (EOCS). La même question se pose entre Saint-Pierre-et-Miquelon et le Canada, avec les difficultés diplomatiques que l'on sait, et dans l'Océan indien. L'Europe et la France doivent comprendre que si nous voulons diminuer les prix, notamment des denrées alimentaires, nous devons avoir la possibilité, en imposant certaines règles, de les importer des pays voisins au lieu de rester enfermés dans ce que d'aucuns ont appelé un pacte colbertiste. Certes, nous perdrions des devises, mais en échange nous pourrions vendre notre ingénierie, notre technologie, notre savoir-faire, notre agronomie et notre culture.

Pour répondre à la question complexe des espaces maritimes, il faut appliquer le Livre bleu, stratégie nationale pour la mer et les océans, qui traduit l'ambition de la France pour les dix prochaines années et devrait influencer la rédaction du prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

En effet, M. Letchimy, la délégation aux Outre-mer est une bonne chose. Nous allons essayer de résister à la pression des lobbies. Nous sommes sur la bonne voie puisque nous dérangeons. Entre nous, me faire « virer » n'est pas un problème, car être ministre n'est pas une fin en soi…

Le constat est alarmant, c'est vrai. Nous avons la volonté de tenir la feuille de route mais la conjoncture est difficile. Il faudra trouver de 7,5 à 12 milliards d'euros en 2012, et 33 milliards si la croissance n'est que de 1 %. Les outre-mer doivent certes participer à l'effort national, mais de quelle façon ? Faut-il remettre en question la défiscalisation ?

Je sais, pour avoir été député pendant dix ans, ce que représente l'outre-mer pour mes collègues de métropole, qu'ils soient de gauche ou de droite : la défiscalisation, la dolce vita et quelques privilèges… Mais savent-ils que les revenus médians y sont deux fois inférieurs au standard national, et que beaucoup de gens ne sont pas en mesure, dès lors, de payer l'impôt, que les prix sont nettement plus élevés qu'en métropole, que beaucoup choisissent de partir à la retraite sur la base d'inaptitude au travail parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'années de cotisations ? Savent-ils qu'il y a beaucoup de misère ? Nous, élus d'outre-mer, avons du mal à convaincre que nous ne quémandons pas des crédits, que nous souhaitons simplement une adaptation en faveur d'un développement endogène.

Le ministre des Outre-mer que je suis a le plus grand mal, dans l'arbitrage budgétaire, à faire comprendre à ses collègues qu'il ne faut pas toucher à la ligne budgétaire unique (LBU) – Cécile Duflot est en charge du logement mais c'est le ministère des Outre-mer qui gère la LBU. Les crédits devaient être sanctuarisés à hauteur de 270 millions : on passerait à 244 millions, ce qui me gêne un peu. Nous devons construire 100 000 logements dans les cinq ans qui viennent. Les files d'attente sont très longues, car l'habitat informel et indigne est une réalité.

Ma demande tient en cinq points, qui correspondent aux souhaits du Président de la République.

Tout d'abord, nous avons besoin de 500 millions d'euros sur cinq ans, que ce soit en autorisations d'engagement ou en crédits de paiement, pour la mission Outre-mer ou toute autre mission. Il vous appartiendra d'en décider, mesdames et messieurs les députés.

Le logement est un impératif, non seulement économique mais moral ; c'est un gage d'égalité entre Français. Cet habitat indigne est inacceptable dans des territoires français. Oui, il faut maintenir la sanctuarisation, mais également la défiscalisation du logement social. La défiscalisation s'appliquant au logement libre et intermédiaire a été supprimée par le précédent gouvernement. Il n'est pas dans nos intentions de la remettre en place.

Comme l'a annoncé le Président de la République lorsqu'il était candidat, toutes les niches fiscales devraient être plafonnées à 10 000 euros par an. Toutefois, il a entendu notre demande et un écart attractif devrait être conservé. Aujourd'hui, le plafond est fixé à 18 000 euros plus 4 % du revenu imposable. Un plafonnement à 10 000 euros nous serait fatal, compte tenu de la façon dont fonctionnent nos économies.

Nous traversons une période difficile et les crédits d'intervention de l'État ont dramatiquement diminué, conformément à l'objectif de désengagement budgétaire.

L'Europe, pour sa part, a choisi la voie de la concentration thématique et de l'e-marking et défini des secteurs d'intervention prioritaires comme les technologies de l'information et de la communication, l'innovation… En matière d'infrastructures, de routes, de lycées, de ports, elle ne finance plus que les grands projets européens.

Quant aux collectivités, elles n'ont plus de marges de manoeuvre en matière d'impôts.

Il nous reste deux outils. Tout d'abord, l'épargne locale, qui représente 6 milliards à la Martinique et en Guadeloupe, un peu plus à La Réunion, dont la moitié, investie dans le logement via le livret A, permet d'acheter des obligations d'État pour financer le déficit. Ne peut-on recycler sur place 10 % de cette épargne ? Ce serait un bon exemple de développement endogène. Il y a quelques années, lorsque j'étais député, le rapporteur général du budget, M. Gilles Carrez, a fait voter un FIP DOM, un fonds d'investissement de proximité qui réserve aux seuls ultramarins le droit d'investir chez eux. Voilà un moyen de capter une part de l'épargne locale.

Deuxième outil, la défiscalisation, qui est absolument vitale dans des économies sous-capitalisées comme les nôtres, et les exonérations de charges patronales de sécurité sociale. La loi organique pour le développement économique en outre-mer du 27 mai 20069 (LODEOM), présentée par M. Yves Jégo, en avait fixé le montant à 125 millions d'euros par an, après le grand mouvement social de l'automne 2008. Mes amis de Bercy veulent revenir sur ce point.

Avec un SMIC identique à celui de la métropole depuis 1996, auquel 200 euros nets ont été ajoutés à la suite des grandes grèves, puis la récente augmentation de 2 %, et du fait de la suppression de l'abattement de 30 % sur l'impôt sur les sociétés, le lissage des exonérations de charges patronales posera immanquablement quelques problèmes. Compte tenu de l'explosion du chômage, il faudra adapter cette disposition. C'est ce que je plaide devant le Premier ministre et le Président de la République.

Je l'ai dit à M. Barroso, il faut agir pour la survie de l'article 349 du traité de fonctionnement de l'Union européenne. Jusqu'à présent, nous l'avons utilisé uniquement dans le cadre du POSEI, le programme d'options spécifiques liées à l'éloignement et à l'insularité en vigueur aux Canaries, à Madère, aux Açores et dans les régions ultrapériphériques françaises (RUP) – Guyane, Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin –, et dans le cadre du régime spécifique d'approvisionnement (RSA) pour les intrants agricoles et les produits alimentaires. L'article 349 instaure pourtant un régime spécifique pour les produits de première nécessité. Je plaiderai donc pour que la France prenne une initiative en faveur d'un nouveau POSEI qui mettra en pratique l'article 349 afin d'adapter le droit européen à nos réalités. Il fut un temps où beaucoup considéraient que le droit européen était plus progressiste que le droit national. Tel n'est plus le cas. Le droit européen est en train de se fossiliser. Il faut prendre une initiative pour lui redonner vie.

Quelle croissance voulons-nous et quel type de protection ? C'est une question fondamentale. Nous avons l'ambition, en tant que territoires éloignés, de ne pas subir le dogme de la concurrence. Nous avons signé avec nos voisins des accords de partenariat économique. Pourtant, pendant une période de transition de 25 ans, ils pourront exporter leurs produits chez nous, mais nous ne pouvons pas leur exporter les nôtres. Une telle asymétrie est anormale. De la même façon, les personnes ont le droit de se déplacer librement dans les autres pays de la Caraïbe et de l'Océan indien, mais il faut un visa pour venir en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion.

Oui, la croissance doit créer des emplois. Oui, il nous faut trouver des formes de protection. L'octroi de mer est en cours de révision. Le ministère des Outre-mer présentera prochainement un rapport sur cette question.

En ce qui concerne la collectivité unique, nous n'avons pas l'intention de revenir sur ce qui a été décidé : la population s'est prononcée, des lois ont été votées, des rendez-vous sont organisés. L'instauration de la prime majoritaire a été acceptée. Cela me paraît raisonnable. La prime majoritaire est de 25 % dans la majorité des régions, mais de 33 % en Polynésie et de 20 % en Martinique. Pourtant, certains veulent la remettre en cause au motif qu'elle créerait des situations de rente. J'y suis attentif, mais pour l'instant je respecte les engagements qui ont été pris.

Quant à la loi spécifique pour l'agriculture, le calendrier parlementaire étant surchargé jusqu'au marathon budgétaire, si nous voulons agir vite, il faudra peut-être joindre un volet spécifique outre-mer à la loi de modernisation agricole.

S'agissant de la loi de programmation annoncée par le Président de la République, après inventaire des retards en matière d'équipements structurants dans les domaines sanitaire, médicosocial et du logement, nous préconisons a priori deux lois distinctes : une loi de programmation sur le développement et une autre pour le logement. Vous serez associés en amont pour trouver le vecteur le plus efficace.

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Mme Marietta Karamanli vous avait interrogé à propos du cadastre à Mayotte.

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Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

C'est en effet un vrai sujet. Le 1er janvier 2014, Mayotte doit passer d'une fiscalité dérogatoire à la fiscalité de droit commun. Cela ne sera possible que s'il existe alors un cadastre. Il faudra faire vite, sauf à envisager de repousser l'échéance de la période de transition. Cette situation est rendue encore plus compliquée par les pressions sur la zone littorale des cinquante pas géométriques et la tradition d'indivision existante à Mayotte. Comme pour l'état-civil, la mise sur pied d'un cadastre respectant les traditions et la culture mahoraises prendra du temps. Par ailleurs, il n'existe actuellement qu'un seul notaire à Mayotte, ce qui explique que ces opérations prendront du temps.

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Un espoir a été créé en outre-mer par l'élection d'un nouveau président ; cependant, la confiance doit aussi être retrouvée, dans le gouvernement et plus particulièrement dans le nouveau ministre des Outre-mer, après que son prédécesseur avait fait preuve de manque d'écoute et d'absence de soutien aux voix de l'outre-mer. Votre discours de ce matin, comme celui que vous avez porté à La Réunion, me rassure sur les priorités que vous allez défendre : l'emploi, la lutte contre la vie chère, le logement et notamment le manque de logements sociaux : 80 % de la population réunionnaise est éligible à un logement social.

Avant même le logement, l'attente des ultramarins se concentre sur le problème du chômage : on ne peut dire qu'en Espagne, avec un taux de chômage de 24 ou 25 %, la société est vouée à l'échec, et espérer que nous puissions nous construire durablement avec un taux de chômage de 30 %, voire de 60 % chez les jeunes. Il convient de le réduire de manière significative par des mesures de court terme mais aussi grâce à des mesures de long terme.

Un sujet qui n'a pas été encore abordé est la nécessité de favoriser l'ouverture de notre jeunesse sur le monde : la mobilité, parfois contrainte et forcée, devrait être choisie et accompagnée. La jeunesse, envoyée en métropole ou de par le monde, devrait être accompagnée. Cette problématique se rattache à la question de la continuité territoriale : nous sommes une île, il est inadmissible qu'un billet d'avion pour se rendre en métropole coûte 1 400 euros ! L'aide à la mobilité mise en place par le conseil régional n'est malheureusement pas suffisante et cette question devra être réétudiée.

Comme le disait M. Serge Letchimy, un nouveau modèle de développement est nécessaire : la départementalisation instaurée en 1946 a désormais atteint ses limites. Nous avons obtenu l'égalité politique et sociale ; mais comment parler d'égalité quand la moitié de la population vit avec moins de 800 euros par mois, et 17 % avec moins de 450 euros ? Le problème de l'emploi est lié au problème de la vie chère avec la question de l'accès aux produits de première consommation. Plus que l'égalité sociale, il nous faudra une égalité réelle, et une vraie égalité entre les territoires.

La Réunion ne manque cependant pas d'atouts : sa jeunesse, son savoir-faire dans les énergies renouvelables, sa position géographique au sein de l'Océan indien, une « matière grise » à valoriser.

Si on nous donne les moyens de nous prendre en main, nous pourrons effacer cette fausse image de département d'outre-mer assisté. Nous voulons les moyens de nous prendre en main : « Aide toi le ciel t'aidera », c'est notre voeu, mais il nous faudra les moyens nécessaires. Cela passera aussi par la promotion d'une éducation de haute qualité : il est inadmissible que La Réunion soit l'avant-dernière académie en termes de réussite scolaire. Il faudra soutenir la politique éducative dans ce territoire.

Pour conclure, la question du recrutement local a fait l'objet d'engagement au cours de la campagne électorale. Je souhaiterais que la mesure annoncée pour la Martinique par le ministre de l'Éducation nationale à l'occasion des questions au Gouvernement de mardi dernier – à savoir de permettre que tous les contractuels ayant réussi un concours d'enseignant et ayant exercé dans ce département d'outre-mer, y soient affectés – soit également appliquée à La Réunion. Cela représenterait un premier pas dans les réflexions à venir sur le recrutement local.

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J'ai été frappé par la qualité du discours et du diagnostic de M. le ministre, lors de sa visite à Mayotte.

Mais comme j'ai eu l'occasion de lui dire, il faudrait que la diversité de nos territoires se retrouve dans les bureaux du ministère des Outre-mer.

Les problèmes déjà évoqués reflètent bien la réalité des outre-mer : la question du chômage, notamment de la jeunesse dont on ne peut laisser 60 ou 70 % sans espoir, la vie chère, le développement endogène, le « choc des civilisations » évoqué à propos de Mayotte, la démocratie politique mais aussi économique, la rénovation urbaine dont notamment la lutte contre l'insalubrité et l'insécurité. L'enclavement ne nous permet pas d'être au rendez-vous des enjeux de la mondialisation.

Il nous faut donc trouver de nouveaux schémas, permettant de sortir de l'économie de comptoir, de faire que l'intégration dans nos régions profite aux deux partenaires, d'adapter les éléments de coutume locale à la démocratie et de développer la démocratie économique.

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M. le ministre, je suis heureux que le choix du Président de la République se soit porté sur votre personne. J'y vois une lueur d'espoir pour l'outre-mer et vous souhaite bon courage dans l'accomplissement de votre tâche – difficile si l'on en juge par le nombre de questions et de demandes de mes collègues députés.

La Polynésie française n'est pas confrontée aux mêmes problématiques que les départements d'outre-mer, car elle dispose d'un statut d'autonomie, articulé autour d'un parlement local, d'un gouvernement local et d'un représentant de l'État chargé des missions régaliennes et de la bonne application des lois. En revanche, la situation de l'emploi et du logement est très difficile : la Polynésie est en effet frappée par la crise économique, en dépit même de sa proximité avec les puissances émergentes du Pacifique. Ces difficultés sont renforcées par le désengagement de l'État, qu'il s'agisse des aides à l'investissement ou de l'accompagnement financier des communes.

Vous avez récemment reçu le Président de la Polynésie française, M. Oscar Temaru, qui vous a exposé les problèmes auxquels nous sommes confrontés : un fort ralentissement économique, un taux de chômage de plus de 20 % (soit une situation inédite depuis plus de dix ans), une pauvreté qui s'accroît. Pouvez-vous nous indiquer les engagements de l'État que vous avez alors annoncés, en particulier l'enveloppe d'avances remboursables ?

J'attire par ailleurs votre attention sur les salariés du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), victimes des essais nucléaires. Le précédent Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, avait reconnu la véracité des faits et des préjudices subis. Malheureusement, en pratique, la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite « loi « Morin », ne facilite pas l'indemnisation des salariés du CEP.

S'agissant de la zone économique exclusive (ZEE), de près de 5 millions de km2, elle représente pour la Polynésie française un potentiel largement sous-exploité. Il appartient à l'État de faire preuve de vigilance en la matière, ceci d'autant plus que la Chine s'emploie à tisser des liens avec plusieurs pays du Pacifique, ce qui peut susciter l'inquiétude.

Je suis par ailleurs étonné de votre intention de modifier la loi électorale applicable à la Polynésie française et de reporter à plus tard le scrutin actuellement prévu en février 2013.

Autre sujet essentiel : la question foncière, qui représente un « verrou » économique et social. La loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française avait autorisé le Gouvernement à fixer par ordonnance les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement du tribunal foncier de Papeete. Mais du fait de l'inaction de l'exécutif, cette ordonnance n'a jamais été prise et l'habilitation n'est désormais plus valable. Le nouveau Gouvernement va-t-il s'emparer de cette question ?

Les communes polynésiennes sont, par ailleurs, en grande difficulté. On compte 48 communes, souvent de très petite taille et guère capables de se développer économiquement par leurs propres moyens. En particulier, l'article 52 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, qui définit les relations financières entre le Pays et les communes, mériterait d'être clarifié. Alors qu'il y a quelques années le Fonds intercommunal de péréquation (FIP) permettait de subventionner les communes jusqu'à 17 milliards de francs pacifiques, ce montant est aujourd'hui ramené à environ 12 milliards. Sans l'intervention financière de l'État, les communes polynésiennes ne pourront plus continuer à fonctionner.

Ces difficultés se doublent de l'insuffisante compensation financière par l'État des compétences transférées à la Polynésie (qu'il s'agisse du pays ou des communes), notamment en matière d'assainissement, de traitement des ordures ou de distribution d'eau. Les engagements mis à la charge de la Polynésie par le code général des collectivités territoriales ne peuvent être honorés, faute de moyens suffisants – ce que devrait constater la Commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC).

Un effort de l'État en faveur des communes est donc d'autant plus nécessaire qu'elles sont non seulement les bases de notre démocratie, mais aussi des acteurs essentiels du développement économique de la Polynésie française.

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Non membre de la commission des Lois, je suis très heureux de pouvoir m'exprimer en son sein. Je vous souhaite, M. le ministre, beaucoup de réussite – tout comme je l'avais fait avec votre prédécesseur. J'espère en particulier que votre expérience gouvernementale permettra de démentir ceux qui estiment que nommer une personne originaire de l'outre-mer à ce ministère la condamnerait à la partialité, faute de l'objectivité nécessaire.

Je me félicite de vos propos sur l'ouverture de votre ministère aux élus d'outre-mer, sur la vie chère, sur la nécessité de ne pas opposer investissement public et investissement privé et sur la lutte contre la fracture numérique. La création d'une délégation aux Outre-mer à l'Assemblée nationale est également une heureuse innovation, à laquelle nous contribuerons tous ensemble.

D'une manière plus générale, il nous faut sortir de l'exclusif colonial et du colbertisme et nous ouvrir vers notre environnement immédiat. De ce point de vue, l'exigence de continuité territoriale ne doit pas se résumer aux déplacements vers Paris, mais s'étendre aux échanges entre les différents départements et collectivités d'outre-mer. Je répugne d'ailleurs à parler d'« outre-mer » : vu de la Martinique c'est la France qui se situe « au-delà de la mer » ! Je me refuse encore plus catégoriquement à utiliser le terme de « métropole », dont le pendant est immanquablement celui de « colonie ». Et je n'hésite pas à parler du « peuple martiniquais », pas seulement de « population martiniquaise ». Je ne fais pas non plus de l'exigence d'égalité une obsession, préférant appeler au respect des spécificités et de l'identité de chaque territoire. Je récuse également le terme de « souffrance », trop souvent répété, au mépris de la valorisation de nos atouts et de la mise en valeur de nos ambitions.

M. le ministre, je souhaite attirer votre attention sur une série de questions, qui se posent notamment en Martinique. Que comptez-vous faire pour réduire le taux de chômage, qui atteint des niveaux considérables ? En matière de santé publique, pouvez-vous nous rappeler vos positions sur les produits alimentaires trop sucrés, sur l'épandage aérien et sur l'indemnisation des victimes du chlordécone ? Comment assurer, comme ailleurs sur le territoire français, le respect du principe de libre circulation le long du littoral martiniquais, principe aujourd'hui méconnu par les constructions réalisées sans aucune exigence d'autorisation préalable ? Quels sont vos projets pour améliorer le transport intérieur, dossier qui s'avère crucial tant pour les individus que pour les entreprises ?

Enfin, en matière institutionnelle, je tiens à vous signifier qu'avec mes trois collègues députés de la Martinique, nous sommes opposés à un report à 2015 de l'élection de l'assemblée, actuellement prévue en 2014 – étant rappelé qu'elle devait initialement avoir lieu en 2012. Nous sommes également défavorables à la prime majoritaire de 20 % des sièges, considérant qu'une prime de 5 % serait suffisante.

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La mise en oeuvre de la départementalisation de Mayotte est prévue pour le 1er janvier 2014. Quand la réforme fiscale, qui en constitue une dimension essentielle, sera-t-elle effective ? Le respect de l'échéance de 2014 est crucial. Des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l'état-civil, mais s'agissant du cadastre, rien n'a été fait s'agissant de la partie des terres appartenant à l'État, alors que la régularisation a quasiment été réalisée pour celle relevant du domaine départemental. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour débloquer la situation dans la zone des cinquante pas géométriques (ZPG) et respecter le calendrier prévu, et qu'est-ce que le Parlement peut également faire en ce sens ?

En ce qui concerne le dialogue social, je me félicite de votre volonté d'étendre à Mayotte la conférence sociale, dans le respect des partenaires sociaux. Comment ce dialogue social peut-il cependant s'engager dans un esprit républicain, alors que certains responsables syndicaux mahorais ont été sanctionnés, l'été dernier, en raison de leur engagement syndical ? Le Gouvernement va-t-il revenir sur ces sanctions abusives ? S'il ne le fait pas, le dialogue social sera difficile. Ce dialogue devrait être mené dans le respect des engagements du Président de la République, notamment sur la question des discriminations de rémunérations dans les fonctions publiques, au sujet de laquelle vos récentes déclarations ont suscité beaucoup d'inquiétude à Mayotte.

Les élus de Mayotte sont favorables à la coopération régionale et j'ai participé, en tant que conseiller général de Mayotte depuis 2008, au groupe de travail de haut niveau (GTHN) qui avait été institué. Cette coopération est cependant difficile avec l'un des États voisins de Mayotte. Dans quel état d'esprit le Gouvernement va-t-il relancer les travaux du GTHN ? Nous serons intransigeants en ce qui concerne la souveraineté de la France sur notre île, et sur les éléments qui y sont liés, tels que la libre circulation et la question des symboles et notamment du drapeau. Notre délégation aux huitièmes jeux des îles de l'Océan indien, qui se sont tenus aux Comores, n'a d'ailleurs pas défilé sous le drapeau français.

Enfin, il faut que le Gouvernement agisse pour le désenclavement aérien de Mayotte. Les élus eux-mêmes sont confrontés à des difficultés pour rejoindre Mayotte à cause de la situation d'Air Austral.

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Victorin Lurel, ministre des Outre-mer

Je souhaite saluer Mme Corinne Narassiguin, députée de la première circonscription des Français établis à l'étranger, regroupant l'Amérique de Nord et le Canada et originaire de La Réunion.

En réponse aux questions de Mme Monique Orphé, sur la mobilité, il y a un dispositif géré par l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM). En tant que président de région, je m'y étais opposé, mais ce dispositif fonctionne, certes avec retard. Je m'y étais opposé parce que la France est une République unitaire à organisation décentralisée, et je considérais que ce n'est pas à l'État d'accorder des aides à l'achat de titres de transport, mais aux centres communaux d'action sociale (CCAS) puisqu'il s'agit d'une aide sociale distribuée aux personnes. L'État a décidé de centraliser la gestion du fonds de continuité territoriale en la confiant à LADOM, à la suite des recommandations de la Cour des comptes et de faire des collectivités de simples exécutants. Avant la réforme, le système que j'avais mis en place permettait à environ 40 000 Guadeloupéens de voyager. Ce chiffre est tombé à moins de 15 000 après la réforme. J'ai demandé un rapport pour connaître les chiffres concernant les autres collectivités. De plus, le montant de l'aide accordée a diminué de 300 euros à 170 euros, et le cumul de l'aide de l'État avec celle accordée par une collectivité a été rendu incompatible par le Gouvernement précédent. La dotation de continuité territoriale prévue par l'article 60 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, dite « loi Girardin », qui était forfaitaire et fixe, est désormais versée en fonction de la consommation des crédits et sur justificatifs. Les billets à bas prix, dits « billets Karam », du nom de l'ancien délégué interministériel à l'outre-mer, n'existent quasiment plus. Enfin, l'aide à la continuité territoriale ne vaut que pour un billet dans l'année et elle est à sens unique, que vers la métropole. Il faut sans doute repenser ce système, pour les trois publics concernés : les résidents, les étudiants, les stagiaires de la formation professionnelle.

En ce qui concerne le recrutement local, je vous confirme que la réponse du ministre de l'Éducation nationale, M. Vincent Peillon, lors de la séance aux questions au Gouvernement du 17 juillet 2012, selon laquelle les lauréats de concours de l'enseignement ayant exercé leurs fonctions en tant que contractuels en Martinique avant leur réussite au concours y seront affectés, vaut pour l'ensemble des outre-mer. Le Président de la République a pris un engagement à La Réunion aux termes duquel tout Français sur l'ensemble du territoire doit pouvoir trouver du travail. Il n'est pas question de remettre cela en cause. Mais nous comprenons que lorsqu'on a les diplômes, qu'on a fait tous les efforts, se pose une question quand on ne peut accéder à l'emploi local et que les compatriotes métropolitains trouvent du travail avant vous. Des mouvements syndicaux ont critiqué cette situation. La question de la priorité à accorder au recrutement local dans les fonctions publiques de l'État et hospitalière est complexe, car il faut respecter le principe républicain d'égalité. Par ailleurs, nous allons réfléchir, avec la ministre de la Fonction publique, Mme Marylise Lebranchu, à la possibilité de mettre en place une priorité d'affectation sur place pour les lauréats de concours, pendant les cinq premières années de la carrière, par exemple.

En réponse à l'observation de M. Boinali Said sur la représentation de la diversité au sein de mon cabinet, je souligne que sur quinze collaborateurs, sept sont issus des outre-mer.

Je ne crois pas au « choc des civilisations », pour reprendre l'expression du politologue américain Samuel Huntington, à Mayotte. Il faut que la spécificité de la culture mahoraise soit prise en compte dans le processus de départementalisation, en préservant l'universalité et les valeurs républicaines. C'est un équilibre à atteindre et il faut trouver le rythme qui permette de le respecter.

En réponse aux questions de M. Édouard Fritch, je réaffirme mon respect pour l'ensemble des élus ultramarins, lesquels seront désormais associés en amont, autant que faire se peut, à l'action gouvernementale et législative.

S'agissant de la modification – souhaitée par certains élus – du mode de scrutin pour l'élection à l'assemblée de la Polynésie française, je n'ai pas de religion particulière. Cependant, je suis attaché au principe suivant lequel on ne change pas les règles électorales dans l'année précédant la tenue d'une élection, sauf s'il existe un consensus sur la question.

Concernant la situation budgétaire de la Polynésie, le Gouvernement va débloquer 16 millions d'euros qui permettront d'éviter toute cessation de paiement de la collectivité. En contrepartie, celle-ci devra s'engager à mettre en place un plan de redressement sérieux.

Sur la question foncière toujours en Polynésie française, une table ronde, avec l'ensemble des élus concernés, sera organisée sur le sujet. Elle permettra notamment de remédier aux oublis du précédent Gouvernement sur une habilitation qui est tombée.

Présidence de M. René Dosière, président d'âge

S'agissant des convictions profondes défendues par M. Jean-Philippe Nilor, je les respecte et je ne récuse pas certains concepts, que j'ai d'ailleurs défendus lors de la révision constitutionnelle de 2003. Mais le droit positif est ce qu'il est et il prévoit une distinction claire entre les départements et collectivités d'outre-mer, seules ces dernières avec la Nouvelle-Calédonie s'étant vu reconnaître à ce jour un droit à l'auto-détermination.

C'est la raison pour laquelle j'ai eu l'occasion de dire au président du gouvernement de la Polynésie française, M. Oscar Temaru, que la libre détermination des collectivités ultramarines était une « affaire franco-française », laquelle ne nécessite nullement d'être portée devant l'Organisation des nations unies pour être résolue. C'est la libre adhésion ! C'est la volonté ! Si une collectivité d'outre-mer souhaite partir, cela est aujourd'hui possible – j'en suis presque convaincu –, dès lors que la volonté des peuples s'exprime.

La vraie question est celle de savoir comment on parvient à faire vivre unité et diversité, sans sombrer dans le fédéralisme ou le multiculturalisme. C'est une question délicate que la commission des Lois pourrait d'ailleurs explorer.

En matière de santé publique, nous allons nous attaquer au problème du surdosage en sucre des produits consommés outre-mer ainsi qu'à celui de l'épandage aérien. S'agissant de ce dernier, je vous rappelle qu'en France, ce sont 100 000 hectares, 22 régions et 66 départements qui sont actuellement concernés par cette pratique de l'épandage aérien, notamment pour la culture du maïs, de la vigne, du riz – en Guyane – et de la banane – 200 000 tonnes produites à la Martinique et 60 000 à la Guadeloupe.

Parce que la toxicité des produits utilisés pour l'épandage aérien n'est pas avérée, j'ai prorogé de six mois l'autorisation de cette pratique outre-mer. Je sais que cette décision a pu déplaire aux associations de défense de l'environnement, mais je l'ai assortie d'un certain nombre de conditions, notamment sur le plan technologique – tracteurs équipés de mats télescopiques pour surplomber la canopée de la banane. Sans cette décision de prorogation, que j'assume pleinement, la banane martiniquaise et guadeloupéenne était vouée à disparaître dans les six à douze prochains mois, mettant ainsi en péril des dizaines de milliers d'emplois. Il s'agit en outre d'une douzaine de passages par an dans nos territoires ultramarins, contre plus de cinquante chaque année au Guatemala et au Costa Rica.

Concernant la question de la libre circulation sur le littoral, les élus ultramarins seront en première ligne. Certaines communes imposent d'ores et déjà aux promoteurs immobiliers un droit de passage dans leur plan d'occupation du sol. Nous allons réfléchir à la mise en place, au niveau local, d'une police chargée de veiller au respect de ce droit de passage de cinquante pas géométriques.

S'agissant ensuite des transports intérieurs, il convient de mettre en oeuvre des grands projets structurants dans le cadre de la conclusion des contrats de développement et sous réserve des crédits qui seront votés au titre de la programmation pluriannuelle.

Concernant enfin la mise en place d'une collectivité unique en Martinique, j'ai bien noté l'opposition de M. Jean-Philippe Nilor, d'une part, au report en 2015 de la tenue des élections à l'assemblée de la collectivité territoriale de Martinique et, d'autre part, à l'octroi d'une prime majoritaire de 20 % des sièges à la liste arrivée en tête. À ce jour, aucune de ces questions n'est fermée. Le Gouvernement va, sur ces différents sujets, ouvrir une large concertation avec l'ensemble des élus concernés, à la suite de quoi il tranchera.

En réponse aux questions de M. Ibrahim Aboubacar, je tiens à lui indiquer que le dialogue social progresse à Mayotte. J'ai également entendu ses arguments concernant ce que certains appellent la répression, voire la criminalisation, de l'action syndicale. Je rappellerai toutefois que, lorsqu'un délit de droit commun est commis, il est légitime que la justice intervienne et suive son cours normal. Le Gouvernement n'entend pas intervenir dans ce cas.

S'agissant de la lutte contre les discriminations en matière de rémunérations, le revenu de solidarité active sera revalorisé de manière progressive et adaptée aux équilibres économiques et sociaux de Mayotte, afin de rattraper en dix ans – contre vingt-cinq ans prévus sous le précédent Gouvernement – le niveau de ce revenu en métropole.

Par ailleurs, le Président de la République s'était engagé à indexer les salaires des fonctionnaires de Mayotte sur celui des autres départements au 1er janvier 2013. Là encore, le Gouvernement ne renonce à rien, mais cette indexation ne peut être que progressive. Si une telle mesure était appliquée immédiatement, elle coûterait entre 30 et 40 millions d'euros au conseil général de Mayotte, alors même que celui-ci fait actuellement face à un déficit, estimé par la chambre territoriale des comptes à près de 80 millions d'euros. En outre, une application trop brutale de cette mesure emporte le risque de faire naître une fonction publique à deux vitesses.

Par ailleurs, le Gouvernement respectera l'engagement qui a été pris d'une intégration, au plus tard le 31 décembre 2015, de l'ensemble des agents publics de statut local à Mayotte dans les corps et cadres de droit commun de la fonction publique.

Concernant enfin les huitièmes jeux des îles de l'Océan Indien, qui se sont tenus aux Comores, il est vrai que la délégation mahoraise n'a pas défilé avec le drapeau français et l'hymne national. La charte de ces jeux, qui date de 2007, est actuellement en cours de révision et la France n'entend pas baisser pavillon devant les Comores. Cependant, dans l'attente de cette révision, il n'était pas souhaitable de provoquer un incident diplomatique avec les Comores, où se tenaient d'ailleurs ces jeux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, Monsieur le ministre, pour la qualité et la précision de vos réponses. À ma connaissance, il est assez rare que l'audition d'un ministre dure quatre heures ! Cela témoigne de l'intérêt que vous portez à toutes ces questions. J'y vois également le signe qu'en matière de temps de parole, le ministre des Outre-mer bénéficie d'une « sur-rémunération » par rapport à ses collègues de l'Hexagone.

La séance est levée à 13 heures 30.