Intervention de Gilda Hobert

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Conditions d'octroi de l'autorisation d'émettre de la chaîne numéro 23 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

Nous n’allons pas refaire l’historique des péripéties et multiples rebondissements qui ont jalonné le parcours de Numéro 23 : sa création ; la revente d’une partie de ses actions, quinze mois après, pour 88,3 millions d’euros, à un investisseur russe ; la décision du CSA de retirer à cette chaîne la fréquence qu’elle lui avait accordée gratuitement ; et enfin la décision du Conseil d’État qui, contre l’avis même de ses rapporteurs, a désavoué le CSA. En tout état de cause, chacune des étapes de l’affaire de la chaîne Numéro 23 et de sa société éditrice, Diversité TV France, nécessite des éclaircissements. Je le dis sans ambages, notre groupe soutiendra pleinement cette proposition de résolution que nous devons à nos collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, et qui est relative à la création d’une commission d’enquête sur les conditions d’octroi, par le CSA, de l’autorisation d’émettre à la chaîne Numéro 23 et sur les circonstances de la vente de certaines de ses actions.

Comme le souligne le rapport de Marcel Rogemont, « S’agissant d’une autorité publique indépendante, seul le Parlement est à même de recueillir des éléments d’information » sur les faits évoqués. Une commission d’enquête ne pourra se voir opposer la confidentialité de la procédure et des comptes rendus du CSA, ni celle des documents internes de la société Diversité TV France. Nous sommes d’accord sur ce point. Mais après que la lumière aura été faite sur l’affaire concernant Diversité TV France et sa chaîne Numéro 23, le groupe RRDP souhaite qu’une réflexion plus large soit engagée sur le rôle du CSA, l’étendue de ses prérogatives en matière d’attribution de fréquences, son pouvoir de contrôle, ses possibilités de sanction en cas de manquements et, in fine, sa réelle indépendance.

Créé par la loi no 89-25 du 17 janvier 1989, modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le CSA est chargé de garantir la liberté de la communication audiovisuelle en France. À ce titre, il est investi de plusieurs missions, parmi lesquelles le respect de l’expression plurielle des courants d’opinion et l’attribution impartiale des fréquences, en garantissant la pluralité des opérateurs dans le respect de l’utilité publique. En outre, cette instance doit veiller à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises sur les antennes. Or force est de constater que le pluralisme fait souvent défaut au paysage audiovisuel français et que la promotion de la culture française est plus que timorée, sinon oubliée sur la TNT.

Qui, en effet, peut distinguer l’identité propre des chaînes comme Numéro 23, Chérie 25, D17, W9 ou encore NT1 ? Toutes, indifféremment, présentent quasi exclusivement des rediffusions de séries américaines ou des programmes de téléréalité. L’uniformisation semble être la règle, pour des chaînes qui déroulent au kilomètre des contenus bien éloignés des critères qui devraient guider le CSA dans l’octroi des fréquences audiovisuelles. Celles-ci sont détenues par quatre grands groupes, TF1, Canal+, M6 et NRJ Group, qui se taillent la part du lion : quatorze chaînes gratuites de la TNT sur dix-huit, hors service public – France TV, Arte et la Chaîne parlementaire. Alors quand surgit un groupe indépendant, comme Diversité TV France, les quatre rivaux se retrouvent ensemble pour crier à l’injustice et dénoncer la fraude.

Il n’est pas question ici de remettre en cause l’éventualité d’une attitude frauduleuse de la part de Diversité TV France : il faut pour cela attendre les conclusions de la commission d’enquête parlementaire. Mais cette opportune union des adversaires illustre les raisons pour lesquelles la concentration des médias dans la presse écrite a été combattue, justement, il y a quelques décennies. Le rôle du CSA, rappelons-le, est de veiller au pluralisme du paysage audiovisuel français. Il y a eu là une défaillance manifeste. En démocratie, le rôle des médias, en particulier audiovisuels, est fondamental. Le téléspectateur ne peut être considéré comme un simple consommateur non avisé : il doit jouir d’un éventail de choix. C’est d’ailleurs cette pluralité que l’opérateur Diversité TV France promettait lors de sa candidature auprès du CSA pour obtenir une fréquence.

Le perdant de l’histoire, c’est le téléspectateur, qui se voit proposer du quantitatif au détriment du qualitatif. Le groupe des députés radicaux de gauche est attaché à la libre expression de la diversité des opinions. Le CSA a un rôle essentiel en la matière, en particulier sur le plan déontologique. Aussi faut-il lui en donner les moyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion