Intervention de Audrey Linkenheld

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Protection du crédit immobilier dans le cadre des négociations de Bâle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAudrey Linkenheld :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, chers collègues, près de huit ans après l’éclatement de la crise des subprimes aux États-Unis, les signes d’une reprise économique se dessinent enfin dans notre pays. Car si cette crise financière de 2008 trouvait son origine aux États-Unis, notamment dans les prêts immobiliers accordés aux ménages américains au début des années 2000, ses conséquences, on le sait, furent internationales. D’une crise bancaire, elle s’était muée en une crise des dettes souveraines, frappant ensuite l’Europe de plein fouet. Dans ce contexte, la France a été à l’avant-garde des initiatives entreprises pour la stabilisation puis pour la consolidation de la zone euro, et à travers elle de l’Union européenne. Une union bancaire a ainsi été instaurée en 2012, reposant sur plusieurs piliers, au premier rang desquels le mécanisme de résolution unique, qui doit permettre d’éviter que les contribuables européens n’aient à nouveau à payer pour les défaillances du secteur bancaire.

Parallèlement à l’action des États, des mesures ont été prises par les professionnels de la banque et de la finance eux-mêmes. Ainsi le Comité de Bâle, qui réunit soixante banques centrales dans le monde, a adopté un nouveau corpus de mesures prudentielles applicables aux banques, comprises dans l’accord dit de « Bâle III ». En renforçant notamment le niveau des garanties demandées aux banques en matière de capitaux propres, ces mesures ont constitué une réponse indispensable pour que ne se reproduisent pas les dérives ayant conduit à cette crise de 2008, d’une ampleur inédite.

Si je présente aujourd’hui cette proposition de résolution, au nom du groupe socialiste, écologiste et républicain, c’est parce que le Comité de Bâle réfléchit à un nouveau cortège de mesures pour consolider le système bancaire. Plus précisément, il réalise actuellement des travaux relatifs à la pondération des expositions des banques en fonction des risques. Bien sûr, l’idée d’une régulation renforcée ne peut que nous réjouir à l’heure où nous débattons, dans cette maison, de modernisation et de transparence économiques. Alors que les taux d’intérêt sont historiquement bas, il serait irresponsable de ne pas songer aux conséquences d’un mouvement haussier, surtout s’il devait être brutal. Mais cette volonté d’anticipation et de régulation n’a de sens que si elle respecte les intérêts économiques nationaux et ceux des consommateurs. Il ne saurait y avoir de régulation bancaire sur le dos des États ou des citoyens.

Or les éléments qui nous parviennent du Comité de Bâle nous font craindre des répercussions négatives pour la France et en particulier pour son secteur immobilier. En France, les crédits à l’habitat représentent plus de 80 % des crédits accordés aux particuliers et un encours total de 868 milliards d’euros. Ces crédits fonctionnent bien, comme en témoigne leur taux de défaut extrêmement réduit, moins de 1 %, qui fait de la France le pays d’Europe qui présente le taux d’impayés le plus faible, selon le Haut Conseil de stabilité financière.

Rappelons que ce système français de financement de l’habitat repose très majoritairement sur des prêts à taux fixe à long terme qui, d’une part, sont octroyés après une analyse de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs et, d’autre part, sont garantis par une caution. Ce système est efficace parce qu’il repose sur ces trois piliers.

Les prêts sont généralement à taux fixe : c’est le cas de 85 % de notre encours et de 90 % de notre flux annuel de crédit. Les ménages français qui s’engagent dans l’accession à la propriété sont ainsi protégés des variations des taux pouvant intervenir sur les marchés.

Nos crédits immobiliers sont par ailleurs basés sur une appréciation par la banque de la solvabilité directe des emprunteurs. Ce modèle diffère de la pratique en vigueur aux États-Unis, qui avait été l’un des déclencheurs de la crise des subprimes, puisque la capacité du client à rembourser y est jaugée au regard de la valeur du bien acquis. En France, la situation financière du futur emprunteur fait l’objet d’une analyse, afin de lui proposer un financement adapté à ses revenus et à ses charges. Cela permet d’ouvrir l’accession à la propriété aux catégories modestes et moyennes dès lors que le bien est à la portée de leur portefeuille mais sans les exposer fortement aux risques financiers.

Enfin, le modèle français repose principalement sur un mode de garantie fiable et peu coûteux pour le particulier, le cautionnement. Cela signifie qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le remboursement sera d’abord assuré par l’organisme de cautionnement. Seuls un tiers des prêts à l’habitat font l’objet d’une hypothèque.

Nul ne conteste que, face à un encours majoritairement à taux fixe et à des niveaux historiquement bas des taux, les banques françaises doivent se prémunir d’une brusque remontée de ces derniers. Mais l’amélioration des réglementations internationales ne doit pas signifier la standardisation des systèmes bancaires nationaux, dont les particularismes doivent être pris en compte quand ils correspondent à des réalités économiques nationales.

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