Intervention de Audrey Linkenheld

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Protection du crédit immobilier dans le cadre des négociations de Bâle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAudrey Linkenheld :

Le modèle du financement de l’habitat en vigueur en France dispose d’atouts spécifiques que nous voulons conserver, plus encore au moment où la construction neuve reprend, ainsi que les transactions dans l’immobilier ancien. Nous nous réjouissons à cet égard que les régulateurs mondiaux n’aient pas retenu une approche radicale, dite de « pilier 1 », qui aurait conduit à imposer une mesure standardisée du risque de taux et des exigences minimales en fonds propres.

Mais les conséquences de l’approche de « pilier 2 » nous inquiètent. Certes, cette approche donne une place plus importante aux modèles internes et à l’appréciation des superviseurs nationaux, mais elle impose aussi le respect de certains critères, ou tout du moins de certains objectifs, qui pourraient être uniformisés.

Nous continuons de craindre que les travaux du Comité de Bâle ne contraignent les établissements bancaires français à modifier radicalement leur politique d’octroi des crédits immobiliers. Une telle remise en cause du système français de financement de l’habitat aurait pour effet principal d’exclure les ménages les plus modestes de l’accès au crédit.

Avec cette proposition de résolution, le groupe socialiste, écologiste et républicain souhaite que la régulation respecte les histoires et les réussites nationales, et il entend partager cette position avec l’ensemble de la représentation nationale.

Le modèle français, qui a largement fait ses preuves, doit être préservé. Particulièrement protecteur pour l’emprunteur, il permet une distribution responsable du crédit immobilier et s’avère sûr financièrement, puisque le taux de défaut est extrêmement réduit. Il est au coeur du financement de l’habitat et les ménages le plébiscitent largement, comme le montre la progression dynamique des crédits immobiliers en 2015. Ce modèle ne doit pas être remis en cause sur l’autel d’une standardisation des systèmes bancaires.

Aussi, nous souhaitons que la gestion du risque de taux continue d’incomber aux établissements bancaires français et que ceux-ci conservent la possibilité d’attribuer des prêts immobiliers sur la base d’une analyse préalable de la solvabilité et de la situation financière des emprunteurs. Nous demandons également que le Comité de Bâle reconnaisse le cautionnement comme un mécanisme de garantie équivalent à l’hypothèque.

Formulées de façon très technique, élaborées au sein d’une instance ne disposant d’aucun espace d’échange et de dialogue avec les parlements nationaux, les propositions que le Comité de Bâle formulera prochainement pourraient emporter des conséquences importantes pour notre pays et son économie et constituer un frein à la reprise et à la production de logements, alors même que cette dernière redémarre.

C’est pourquoi nous estimons que la publication de la version définitive du nouveau mode de calcul des risques pris par les établissements bancaires devra être précédée d’une étude d’impact quantitative prenant en considération les caractéristiques de chacun des marchés. Nous estimons également que les calibrages des propositions de révision devront obligatoirement être ajustés au regard des résultats de cette étude. Nous souhaitons, par conséquent, que le Comité de Bâle réexamine le calibrage global après que l’ensemble des travaux seront achevés.

Ce sont les populations, notamment les plus modestes, qui ont été les plus durement frappées par la crise financière de 2008. Ce sont elles qu’il s’agit de protéger. Il ne serait pas acceptable pour notre pays qu’un modèle de financement de l’habitat ayant fait ses preuves puisse être sacrifié afin de satisfaire à une volonté d’uniformisation des standards bancaires.

Nous demandons donc que la France, par la voix de ses représentants au Comité de Bâle que sont la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, puisse faire état de nos préoccupations. Nous demandons aussi, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement fasse preuve de la plus grande vigilance à l’égard de ces travaux, qui devraient s’achever à la fin de l’année avant de faire l’objet d’une déclinaison au niveau européen.

À la veille de l’examen du projet de loi Égalité et citoyenneté, dont le titre II est consacré à l’habitat, nous ne pourrions accepter une telle menace contre le financement du logement dans notre pays. Aussi, je vous appelle, chers collègues, à voter le plus largement possible cette proposition de résolution, ainsi que l’ont fait nos collègues sénateurs.

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