Intervention de Christian Kert

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Protection du crédit immobilier dans le cadre des négociations de Bâle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Kert :

Il nous semble en effet important que le Parlement soutienne de façon unanime le modèle français de crédit immobilier, qui pourrait être déstabilisé à moyen terme, ce qui ne serait pas supportable.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le Comité de Bâle a établi, en réponse à la crise financière de 2008, un corpus de mesures prudentielles applicables aux banques. Je vous ferai grâce du détail des nouvelles règles de l’accord Bâle III : leur technicité, il faut bien l’avouer, les adresse à un tout petit nombre de spécialistes. Pour faire court et simple, disons que Bâle III doit permettre aux banques d’éviter une nouvelle crise et d’atteindre un niveau de sécurité optimal pour la sûreté de leurs millions de clients.

Des travaux sont actuellement menés pour modifier les dispositions de Bâle III. Les modifications envisagées pourraient avoir des conséquences très concrètes sur le modèle français du crédit immobilier.

Ce modèle repose actuellement sur quelques principes simples. Pour commencer, des taux fixes ou des taux révisables plafonnés : 85,5 % des encours de prêts à l’habitat sont à taux fixes de long terme. Les ménages peuvent ainsi envisager sereinement le remboursement de leur crédit, sur plusieurs années, sans la mauvaise surprise d’une augmentation brutale des taux. Ensuite, la garantie du cautionnement, qui est plus sûre et moins chère pour le client que l’hypothèque. Enfin, et surtout, des conditions d’emprunt pour apprécier la solvabilité de l’emprunteur et ses capacités à rembourser.

Il s’agit là de la responsabilité première des banques, qui bénéficie à chaque partie : les banques s’assurent d’être bien remboursées selon les termes de l’emprunt ; les emprunteurs savent qu’ils ont la capacité de rembourser. Il est en effet indispensable que l’emprunt immobilier soit adapté à chaque profil, afin que l’emprunteur ne coure pas le risque de ne plus pouvoir payer les factures à la fin du mois. Ces conditions fonctionnent puisque, comme nous le savons, ce n’est bien souvent pas le crédit immobilier qui est la source des difficultés financières dans les dossiers de surendettement, mais le crédit à la consommation.

Avec ses bases solides, le modèle français du crédit immobilier est au coeur du financement de l’habitat des ménages, puisque les crédits à l’habitat représentent 80 % des crédits accordés en France. En raison de taux actuellement bas, ces crédits ont connu une progression de plus de 4 % en 2015.

Les modifications envisagées de Bâle III pourraient remettre en cause les principes que je viens d’énumérer. Ainsi, les crédits à taux variables pourraient être préférés aux crédits à taux fixe sur du long terme, que le Comité de Bâle considère comme plus risqués pour les banques. Mais alors, le risque serait reporté sur les clients, ce que nous voulons bien sûr éviter. Ensuite, l’hypothèque pourrait s’imposer face au cautionnement. Enfin, de nouveaux critères concernant le taux d’endettement, et notamment la mise en place d’un ratio entre le montant du prêt et la valeur d’achat du logement, rendraient plus difficile encore l’accession à la propriété, en particulier pour les primo-accédants et ceux qui n’ont pas d’apport personnel. En imposant ces nouvelles règles, les banques devraient changer leur offre de crédit immobilier. Et ce seraient les clients qui paieraient l’addition, passez-moi l’expression ! L’accès au crédit serait alors plus difficile.

Permettez-moi de profiter de cette tribune pour ouvrir une parenthèse sur l’accès au crédit des personnes qui, en raison d’aléas de la vie, présentent un risque de santé aggravé ou un handicap. Ce sujet nous préoccupe, nous qui connaissons tous, directement ou indirectement, une personne dans cette situation. Il est important que l’État, les acteurs bancaires, les assureurs et la société soutiennent leur accès au crédit. Depuis 1991, une démarche conventionnelle a permis de faire progresser l’accès à l’assurance et au crédit pour les personnes présentant un risque aggravé de santé. La Convention AERAS, la loi du 31 janvier 2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé et, tout récemment, la consécration d’un « droit à l’oubli » sont des outils indispensables. C’est sans doute grâce à la stabilité et au sérieux du modèle français que nous pouvons développer ces initiatives. Je tenais à le souligner.

Changer de modèle, alors que celui-ci convient au plus grand nombre, n’a aucun sens, d’autant que le modèle français a traversé la crise financière de 2008 sans s’effondrer, contrairement à certains modèles anglo-saxons qui privilégient les taux variables et l’hypothèque ! Grâce à l’action du gouvernement d’alors, il a pu continuer d’assurer ses missions, évitant à de nombreux particuliers de subir une crise.

Pourquoi donc vouloir remplacer un modèle stable qui a fait ses preuves par un modèle dont on connaît par avance les fragilités et qui a failli ? Pourquoi bouleverser le modèle français de crédit immobilier au profit d’une uniformisation des systèmes bancaires sur le modèle anglo-saxon ?

Les députés du groupe Les Républicains soutiennent la proposition de résolution, non seulement pour « inviter le Gouvernement » à agir, comme le suggère le texte, mais surtout pour que le Gouvernement s’implique pleinement, et avec force, et qu’il fasse entendre sa voix face à ses homologues étrangers, afin de conserver notre modèle français de crédit immobilier pour nos concitoyens.

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