Intervention de Gilda Hobert

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Protection du crédit immobilier dans le cadre des négociations de Bâle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

En 2007, la crise des subprimes a secoué toute la sphère financière, engendrant une crise économique internationale dont les conséquences se font encore sentir. De manière à éviter que ce type de situation ne se reproduise, plusieurs initiatives ont été prises, parmi lesquelles l’adoption des accords de Bâle III. Ces derniers ont débouché sur un ratio de liquidité pour les banques internationales et un ratio dit « d’effet de levier », ainsi que sur une redéfinition des fonds propres, la révision de la couverture de certains risques, la mise en place de mesures contra-cycliques et l’ajustement de valeur de crédit.

Considérant la situation actuelle du marché du crédit immobilier, marquée par l’octroi d’un nombre important de prêts longs à taux fixes très bas, le Comité de Bâle a lancé de nouvelles négociations visant à modifier les conditions que les banques accordant ce type d’emprunt devront remplir. En effet, le crédit bancaire fonctionne selon un principe simple : les organismes de prêts accordent des emprunts aux particuliers, puis se refinancent en empruntant eux-mêmes sur le marché monétaire, à un taux en partie déterminé par la Banque centrale européenne – BCE. Actuellement, le taux imposé par la BCE est quasiment nul, voire négatif. Les banques peuvent ainsi se refinancer sans frais auprès de cet organisme, ce qui leur permet de proposer des offres de crédit immobilier à leurs clients à des taux d’intérêt très bas.

La conjoncture est donc particulièrement favorable aux particuliers. Profitant de la baisse des taux, certains renégocient ou font racheter leur emprunt par un autre organisme pour payer des intérêts moins élevés et aménager l’amortissement de leur crédit. Quant aux nouveaux clients, il leur est proposé des taux fixes très bas et en même temps la possibilité de bénéficier de crédits de longue durée, notamment dans le cas où leur apport personnel est faible ou inexistant. Résultat : l’encours des crédits immobiliers des banques françaises atteint désormais près de 900 milliards d’euros et 85 % de ces crédits sont à taux fixe, de même que 90 % des nouveaux prêts octroyés.

Mais c’est précisément ce qui inquiète le Comité de Bâle : en cas de remontée brutale du taux de refinancement de la BCE, les banques seront engagées dans de nombreux crédits à long terme et à taux d’intérêt très bas, et devront donc assumer seules la différence entre les intérêts qu’elles perçoivent et ceux qu’il leur faudra payer, ce qui risque d’affecter leur santé financière.

Par conséquent, le Comité de Bâle, de manière à sécuriser le bilan des établissements de crédit accordant beaucoup de prêts longs à bas taux, souhaite augmenter le ratio entre leurs fonds propres et leur encours de crédit. Autrement dit, la réforme vise à imposer aux banques un accroissement de leurs capitaux proportionnel à l’encours des crédits qu’elles accordent. Par ailleurs, la réforme préparée par le Comité de Bâle imposerait partout la méthode de prêt sur la valeur du bien au lieu de celle basée sur le revenu de l’emprunteur. Enfin, cette réforme tendrait à imposer la pratique du taux variable de préférence à celle du taux fixe.

Si cette nouvelle norme est adoptée, elle sera transposée dans le droit européen en 2017 pour une probable entrée en vigueur en 2018. Certaines banques françaises devront alors geler jusqu’à 55 % de la somme prêtée dans leurs fonds propres, contre 15 % à 20 % actuellement. Une telle solution ne convient pas du tout aux banques puisqu’elle impliquerait la réduction de leur rentabilité globale. Deux solutions dangereuses s’offrent alors à elles : soit augmenter les taux des crédits immobiliers de manière à dégager plus de ressources – mais, vu la situation extrêmement concurrentielle du marché du crédit immobilier, il y a peu de chances qu’une banque prenne l’initiative de relever ses taux avant les autres ; soit réduire le nombre de prêts immobiliers qu’elles accordent et en durcir les conditions d’accès.

La perspective d’un durcissement de la réglementation effraie à juste titre les professionnels du secteur immobilier, qui craignent une complexification de l’accès au crédit immobilier qui aurait des conséquences graves sur les possibilités d’achat d’un logement. Plus sélective, cette politique exclurait de fait les ménages les plus modestes de l’accès à la propriété.

Les positions de la BCE et du Comité de Bâle soulèvent plusieurs questions : une régulation uniforme est-elle adaptée ? Est-il logique, dans les ratios prudentiels, de traiter l’immobilier plus sévèrement que les États, eux-mêmes souvent surendettés ? Où est la logique quand, d’une main, la BCE distribue du crédit à taux négatif pour doper la machine et que, de l’autre, elle réglemente, comme pour la freiner ? Ces questions se posent d’autant plus que le système français semble fonctionner plutôt bien : un rapport du Haut Conseil de stabilité financière estimait, en 2014, que la France est le pays en Europe qui présente le taux d’impayés le plus faible. De même, la Fédération bancaire française estime que le taux de crédit douteux est inférieur à 2 %.

Les dispositions préparées par le Comité de Bâle et par la Banque centrale européenne représentent donc un véritable risque pour le marché de l’immobilier en France, surtout pour les classes les plus en difficulté. Il est indispensable que les spécificités françaises concernant le financement de l’habitat soient respectées au moment de la transposition des travaux du Comité de Bâle dans la législation européenne.

Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apporte tout son soutien à la proposition de résolution visant à protéger le système du crédit immobilier français dans le cadre des négociations de Bâle.

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