Intervention de Daniel Goldberg

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Protection du crédit immobilier dans le cadre des négociations de Bâle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Goldberg :

Beaucoup a déjà dit par mes prédécesseurs et je me félicite d’ores et déjà du vote unanime qui sera sans doute celui de notre Assemblée quant à cette proposition de résolution.

Il a été rappelé que 90 % des prêts immobiliers signés dans notre pays sont à taux fixe, et que les taux, même variables, sont capés. Le risque est donc plutôt pris par les établissements de crédit que par les particuliers, manière de reconnaître après tout les spécificités du métier de l’activité bancaire.

On a aussi souligné que le système fonctionne correctement puisque le risque est mesuré en fonction de la capacité à rembourser de l’emprunteur et que peu de défauts de paiement sont constatés : environ 8,7 millions de ménages ont un ou plusieurs crédits immobiliers en cours, et seulement 120 000 d’entre eux entrent dans un processus de surendettement chaque année, soit à peine plus de 1 % !

En fait, le crédit immobilier à risque, dû à la fragilité financière des ménages ou à une évolution professionnelle défaillante, est moins important que dans les crédits à la consommation. C’est pourquoi il fallait mieux réguler ces derniers, ce qui a été fait au cours de cette législature.

Il a aussi été rappelé que les emprunts immobiliers sont garantis à 70 % par Crédit Logement ou des dispositifs similaires, ce qui est bien préférable à l’hypothèque : coût plus faible, moins de risques pour les particuliers de se retrouver à la rue mais aussi moins de risques pour les banques de devoir racheter et porter pendant de longs mois, voire des années, des biens dépréciés. C’est un processus gagnant-gagnant.

Surtout, il faut insister sur le fait que le candidat acquéreur à la recherche d’un prêt est jugé sur ses fonds propres, sur ses revenus, sur sa capacité à rembourser aujourd’hui et demain, et non pas sur la qualité du bien qu’il va acheter comme dans le modèle anglo-saxon…. justement à l’origine de la crise des subprimes. En effet, un tel système avait poussé des ménages à emprunter alors qu’ils étaient fragiles économiquement, et ce en fonction de la valeur du bien estimée au moment où le prêt était signé. Au premier défaut de paiement, la valeur du bien chutait. Cela a engendré un effondrement en cascade du système bancaire, lui-même assis sur une titrisation poussée. Et faut-il rappeler que cet effondrement a traversé les océans et qu’il a encore aujourd’hui des conséquences fortes sur notre activité économique ?

Mais il convient également de rappeler que logement n’est pas un bien de consommation comme un autre : la crise du logement, que nous connaissons particulièrement en France, a ainsi un coût social, un coût économique et un coût en termes de compétitivité. Nous sommes alors face à des injonctions paradoxales : ne pas proposer une offre de logements abordable est un des facteurs de stagnation de notre économie, mais construire massivement en fonction des besoins trouverait toujours des détracteurs pour pointer les risques inflationnistes sur les prix ou sur les taux de crédit à cause de la demande autrement plus importante qu’il faudrait alors couvrir. Et tant pis pour tous ceux qui n’arrivent pas à se loger dans de bonnes conditions et qui subissent de plein fouet le logement rare et cher, notamment la très grande majorité de Français qui n’ont pas la chance d’avoir un patrimoine familial au départ !

Il nous donc défendre, tout le monde l’a dit, le modèle français. Dans le concert européen et mondial, comme de nombreuses entreprises en pleine compétition, la France est confrontée à un problème de normes : beaucoup d’entreprises françaises perdent de la compétitivité parce que la norme, dans leur espace économique, est imposée par un concurrent étranger qui a réussi à s’imposer en vertu des règles d’entente internationales. C’est au fond la même problématique que nous traitons aujourd’hui, mais au niveau des États.

Il y va de la démocratie et de la transparence. Aussi poserai-je des questions simples : en vue des probables futurs accords de Bâle IV, quel a été le mandat de négociations, sur quelles bases et pour quel objectif ? À qui sera-t-il rendu compte de leur évolution ? D’autant qu’il ne s’agit pas de négociations infra-européennes, mais de négociations internationales.

Avant d’en venir à mes propositions, je souligne qu’il était naturel que le Parlement s’exprime sur ce sujet. Qu’il le fasse dans l’unanimité nous donne une force supplémentaire, à l’Assemblée nationale comme au Sénat.

En cas d’arbitrage défavorable, si nous étions obligés de changer de modèle, la vie quotidienne de nombre de nos concitoyens en serait modifiée en profondeur, et l’achat d’un bien immobilier – souvent l’achat d’une vie – comporterait un risque accru pour les classes moyennes et populaires.

Aussi, au-delà des déclarations de Michel Sapin et de Christian Eckert, des échanges que nous avons pu avoir avec Emmanuelle Cosse ou avec vous-même, monsieur le secrétaire d’État, il nous faut sans doute rechercher des alliés pour faire valoir notre point de vue au niveau européen. Si nous ne demandons à aucun pays d’adopter notre modèle, qui fonctionne, nous n’accepterons sans doute pas d’en changer sans raison.

Par ailleurs, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de transmettre les documents de la négociation au Parlement français, comme vous avez obtenu de le faire pour le Traité de commerce transatlantique – TAFTA. Je propose également qu’une délégation du Parlement français discute avec les membres français du Parlement européen ainsi qu’avec la Commission européenne. Il faut aussi demander aux négociateurs européens du Comité de Bâle de rendre compte au Parlement de notre pays de l’état des négociations. Enfin, aucune retranscription automatique dans le droit européen ou français ne doit être décidée sans une analyse sérieuse de ses conséquences probables pour chaque pays.

En l’espèce, rien, je le répète, ne justifie de changer de modèle. Nous sommes aujourd’hui dans une relation équilibrée, plutôt gagnant-gagnant, entre les consommateurs et les banques. Si nous en sortions, le risque serait fort d’une baisse des crédits, donc d’un tarissement des possibilités d’emprunt.

Si nous perdions cette partie, le Bâle serait alors vraiment tragique !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion