Intervention de Gilda Hobert

Séance en hémicycle du 13 juin 2016 à 16h00
Débroussaillement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilda Hobert :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, les conditions météorologiques récentes nous ont rappelé les dangers de la montée des eaux, visibles à proximité même de notre hémicycle. Nous avons tous en tête les images frappantes des berges de la Seine submergées, des habitants contraints de s’échapper dans des barques de fortune, mais aussi, dans nos régions, celles des champs inondés et la désolation des populations dans les villes comme dans les champs.

Mais l’été approche et le risque de voir des incendies dévaster forêts et garrigues est malheureusement immense. Chaque année, en moyenne, nous perdons environ 24 000 hectares de forêt et l’on observe plus de 4 000 départs de feu. C’est surtout le sud de la Loire qui est touché, les risques étant aggravés par le type d’arbres et d’arbustes qui y poussent, la sécheresse des sols, à quoi s’ajoutent le vent et la chaleur. Les trois-quarts des 6 000 communes classées à risque « feux de forêt » sont situées dans le Sud de la France. L’enjeu pour le législateur et les pouvoirs publics consiste à limiter les facteurs de risques sur lesquels nous pouvons agir et, évidemment, à améliorer sans cesse les mécanismes de prévention, de détection et d’intervention, pour limiter les pertes.

La proposition de loi examinée sur le rapport de Mme Marie-Hélène Fabre s’inscrit précisément dans le cadre de cette législation de prévention des risques d’incendie. Tout d’abord, il fallait préciser dans la loi les types de végétaux concernés par l’obligation de débroussaillement dans les zones à risque. En effet, les textes en vigueur ne sont pas clairs et le débroussaillement est souvent compris par nos concitoyens comme le fait d’enlever les broussailles. Cette interprétation est parfaitement légitime, puisque le Larousse qualifie les broussailles de « touffes de plantes ligneuses, rabougries et très rameuses ». D’ailleurs, si vous demandez un coupe-broussaille dans un magasin de bricolage, on vous donnera un petit outil servant à faucher les herbes et les petites plantes. Bref, le terme « débroussailler » méritait une définition législative plus complète.

La proposition de loi a le mérite, dans son article 1er, de dire clairement les choses, puisque l’insertion du mot « arbres » revient à étendre l’obligation de débroussaillement à l’élagage des arbres. Celui-ci ne doit pas être confondu avec un déboisement, comme cela a été précisé dans nos débats en commission, car il peut s’appliquer à des branches culminant à 15 ou 20 mètres ; on est loin des petites « herbes folles », comme dirait Alain Resnais. Avec cette nouvelle rédaction, les propriétaires qui se contentaient d’éliminer les broussailles et les strates basses de la végétation ne pourront plus exciper du manque de lisibilité de la loi. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont donc tout à fait favorables à cet article.

Ensuite, la proposition de loi ambitionne de clarifier les obligations qui incombent aux particuliers propriétaires de terrains situés dans les zones à risque, c’est-à-dire à moins de 200 mètres de bois et de forêts, quelle que soit la zone géographique ou la commune concernée. L’article 2 propose donc d’étendre l’obligation légale de débroussailler aux zones à urbaniser, afin de limiter les interventions d’un propriétaire sur la parcelle d’un voisin : le propriétaire d’un terrain non bâti dans une zone à urbaniser serait désormais tenu de le débroussailler. Il serait ainsi mis fin à un partage un peu arbitraire des responsabilités respectives selon la catégorie concernée : les zones urbaines et les zones à urbaniser seraient soumises aux mêmes règles.

Ces deux articles ont été adoptés par la commission des affaires économiques mercredi dernier, sans correction sur le fond. Pourtant, nous voulons dire ici nos craintes et préoccupations : cette proposition de loi ne va pas sans soulever un certain nombre de difficultés, qui restent à ce stade sans réponse. Tout d’abord, en commission, la rapporteure a elle-même indiqué avoir conscience de l’impact potentiel de la proposition de loi en termes d’augmentation des surfaces et du nombre de propriétaires concernés par les obligations légales de débroussaillement. Les coûts supplémentaires ne seraient pas anodins pour les petits propriétaires. Je pense d’abord aux personnes âgées disposant de revenus modestes : la végétation repousse très vite, le débroussaillement d’un hectare de forêt pourrait leur coûter 5 000 à 6 000 euros. Dans certaines régions, en un mois, l’essentiel du débroussaillement est à refaire. Certes, il aura été utile, mais les propriétaires ont de quoi se sentir découragés, qu’ils effectuent eux-mêmes ce travail ou qu’ils le délèguent à des professionnels.

Les nuances et les interrogations du groupe RRDP ne concernent d’ailleurs pas uniquement les personnes âgées : tout le monde est concerné car il s’agit, reconnaissons-le, de tâches rudes et onéreuses. Dès lors, il ne serait pas inopportun de réfléchir à une priorisation de certaines zones à débroussailler prioritaires ainsi qu’à une modulation des obligations en fonction du niveau de risque.

Le zonage du risque est en effet connu : 6 000 communes sont classées comme présentant des risques d’incendie très élevés, et c’est en leur sein qu’ont lieu l’immense majorité des incendies et départs de feu. Notre groupe considère que les exigences les plus fortes devraient d’abord s’appliquer à ces zones. Quant au reste du territoire national, les obligations devraient y être différenciées.

Par ailleurs, il ne serait pas non plus inutile que ces communes – et, au sein de ces communes, les propriétaires les plus modestes, notamment en zone rurale – bénéficient d’une aide financière supplémentaire et que la solidarité nationale joue davantage en leur faveur.

Quoi qu’il en soit, ces obligations vont à l’encontre des choix d’aménagement de ceux qui préfèrent ne pas construire sur leur terrain : ils seraient malgré tout obligés de débroussailler s’il est situé à proximité d’un terrain construit. Autant dire que nous inciterions directement à la construction, ou, à tout le moins, que cette proposition de loi ne tend pas à favoriser le maintien des zones non construites qui font la beauté de nos paysages.

En outre, dans certaines régions où abondent les petites parcelles, imposer l’obligation de débroussaillement au propriétaire du terrain, et non à celui du bâti, peut s’avérer problématique. En effet, il est parfois difficile, voire impossible, d’identifier les propriétaires de ces parcelles, certains ignorant même qu’ils en sont possesseurs. Aussi peu-on s’interroger sur l’utilité d’un certain type de débroussaillement : à trop vouloir débroussailler, ne risque-t-on pas d’aboutir à un résultat inverse de l’objectif recherché ?

Citons l’exemple des rémanents de coupe : s’il est nécessaire d’éliminer les branchages secs risquant de provoquer des incendies, ils peuvent aussi, dans d’autres cas – lorsqu’ils sont recouverts d’herbes – limiter la prolifération de plantes adventices qui, elles, précisément, favorisent la propagation du feu. Pour notre groupe, cette séance peut être l’occasion de reprendre ces débats.

Enfin, si de mauvais exemples existent, ils constituent souvent l’arbre qui cache la forêt : dans nos campagnes, en effet, le débroussaillement a longtemps fait l’objet d’arrangements entre voisins d’une parcelle. En bonne entente, ils y travaillent de façon pragmatique avec les maires de leur territoire rural, tout en dialoguant utilement avec le préfet.

En définitive, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, nous voterons la proposition de loi, tout en affirmant nos craintes et nos doutes. Nous espérons trouver, à l’issue de nos débats, les réponses adéquates et adaptées aux spécificités de cette question.

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